Carnet, 2024

1 et 2 Janvier

 

C’est sous le gris d’un ciel magnifique que je retrouve Nice. Des nuages effilochés sur le bord de mer avec des goélands criards. La perspective est meilleure tout au bout de la Promenade, à l’angle de Rauba Capeu.

Y vient dans l’après-midi. Avec Cécilia, il entame l’énorme puzzle représentant l’Ecosse et ses contours, ses particularités culturelles, ses châteaux et ses fantômes qui attirent à eux les petits enfants.

Du côté de chez Sauveur, de nouveaux visages apparaissent. Comme toujours, de petits riens font que les bandes se forment et se défont dans des mouvements imperceptibles de la vie. Claude ne vient plus à cause de son cancer, Fabrice est mort il y a juste un an, Stephan retourné en Allemagne, d’autres ont aussi changé d’horizon.

A partir d’un lieu fixe et bien déterminé comme un bistro, il est plus facile encore de mesurer ces mouvements imperceptibles des déterminations humaines.

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3 Janvier

 

Lecture d’Elena Ferrante, « L’Amie Prodigieuse ».

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4 Janvier

 

Ce matin les tablées se font nombreuses chez Sauveur, les tables se resserrent. La température plus clémente et un soleil radieux expliquent peut-être cela.

J’ai rendez-vous sur la Place Masséna avec Cécilia et les enfants. Le soleil ne monte pas haut dans le ciel, et à contre-jour, la lumière est aveuglante et semble irradier d’une féérie que seule l’hiver peut produire. Ils montent tous les trois dans la grande roue, la vue doit être magnifique sur la Place. Je me contente de suivre leur nacelle depuis le bas. Puis j’accompagne Y au trampoline, puis les deux enfants vont au manège dans un traineau tiré par des rennes. Puis c’est le moment des crêpes.

Les « Etudes » de Debussy par Steven Osborne sont arrivées vers cinq heures.

 Ce soir, je continue cette drôle de saga de « l’amie prodigieuse » dans Naples, dont pas un instant on ne décrit encore les quartiers où se déroule réellement ce conte. Seule la « montagne Vésuve » est nommée à un moment.

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à Bernard :

 

Les fêtes sont passées. Les dates du carnet ont changé. La poésie en est déjà à sa première page, écrite dans un peu d’ivresse de champagne. Cet après-midi les enfants vont grimper dans la nacelle de la grande roue de la place Masséna et tout va continuer à tourner… 
Je crains toujours et même un peu plus qu’avant ce pressentiment de l’inéluctable. 
Je viens d’entamer avec plaisir "l’amie prodigieuse" d’E. Ferrante.. C’est fascinant.

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5 Janvier

 

A Monique Ariello :

 

J’ai reçu hier ton gentil courrier de fin d’année et de nouvelle année !
J’ai vu que les soucis se sont abattus avec acharnement l’an passé . C’est souvent en rafale que ça arrive. J’espère en tous cas que ton opération délicate s’est bien passée.

J’espère aussi que ton expo d’octobre en appellera d’autres et que tu auras pu trouver quelques nouveaux amateurs d’art sacré. Il y en a qui s’ignore parfois. Il suffit de les réveiller.

Tu me dis être dans Péguy jusqu’au cou ? j’avoue qu’il y a pire. Je me souviens de lectures enthousiastes des Tapisseries de Notre-Dame. Et de description de Chartres et de Jeanne d’Arc.
Je crois qu’il revient à la mode et c’est tant mieux.
Il a dit aussi : "Il faut dire ce que l’on voit", et mieux encore "Il faut voir ce que l’on voit"… Je crois que ça s’adressait à des idéologues peu soucieux du réel.

Je te renouvelle mes meilleurs vœux pour cette année, pour toi, ton époux et tes enfants. Ce sera pour moi une année commémorative, je suis arrivé en France en provenance de Rabat un certain jour de 1964…

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8 Janvier


à Bernard :

Je vois que tu lis toujours aussi attentivement, comme un bon éditeur que tu n’as cessé d’être. Les différents voyages de 2023 pourraient en effet former un tome de quasiment 200 pages.
Ils iront bien sûr rejoindre le site aux rubriques voyage et aussi fugue tant qu’on y est : autant tout proposer. Mais j’avoue que de ce côté-là je n’ai plus beaucoup d’enthousiasme. Lorsque j’aurai plus de moral sur ce plan, je referais des envois à d’autres éditeurs. L’idéal serait en fait de connaître, ou de rencontrer un éditeur dans son entourage. Il y a une vingtaine d’année j’en connaissais un qui fréquentait la banquette du même bistro que moi du côté des universités. Il travaillait toute la journée, le bistro était devenu son QG et en même temps son bureau. Je lui avais donné en main propre un exemplaire de Colombia et une cinquantaine de pages de poésie. Il a surtout apprécié le récit mais trouvé qu’il ne pouvait en faire un livre (10 pages !). Je pense qu’aujourd’hui il aurait le choix. Il m’a dit de revenir avec le récit colombien une fois étoffé. Le manuscrit est resté sans prendre de volume jusqu’à ce que je me mette systématiquement à noter mes voyages. Et puis j’ai changé de crèmerie. Je crois aussi qu’il était sincère lorsqu’il m’a dit que j’avais le sens des transitions. Je ne sais s’il est toujours là, le bistro ayant changé quatre fois de proprio depuis. Et puis plus de vingt ans ça mène loin dans le passé. Il est peut-être à la retraite. 

Comme je te le disais dans le précédent courrier, j’ai beaucoup aimé le premier volume de Ferrante, malgré ma prévenance de départ. Je suis étonné que tu n’aies pas accroché. C’est haletant du début à la fin. Je crois que je vais tenter la suite… Et d’un autre côté j’appréhende de retrouver les personnages, la suite peut être décevante etc. Bien sûr j’ai laissé en suspens d’autres lectures d’essais et le nouveau numéro de Front Populaire. C’est très bien fait, les éditoriaux tenus par des journalistes, écrivains ou spécialistes venant d’horizons divers. Parfois de belles plumes.

Moi aussi je suis entré dans la phase de turbulence de la décennie terrible qui est la nôtre. Je me dis que je n’en verrais peut-être pas le bout. C’est devenu un souci quotidien qui vire parfois à l’angoisse. Quand je regarde en arrière, dix ans nous ramènent à 2014. C’était hier. La durée de ma petite Citroën rouge. D’autant qu’avec le carnet, je mesure réellement la distance des évènements. Certains sont encore à portée de main, derrière moi… Et puis je m’obsède avec le passé. Ce n’est pas que je me lamente ou que je nostalgise mon passé, mais c’est une manière de vivre intérieurement le coup du sablier. Et c’est devenu insupportable. 

J’ai reçu un gentil courrier de Monique Ariello. Tu verras mon retour de courrier dans le carnet 2024. Elle travaille en ce moment sur Péguy.
J’ai aussi eu des vœux de Boni. Avec un collage en pièce jointe. Toujours Dylan en fond d’inspiration, et des réminiscences de plus en plus marquées d’Italie, de villes du sud, de lambeaux de monuments ocre etc. Comment peut-on, une vie entière, rester fidèle à une unique source d’inspiration. Peut-être un désir de ne plus quitter son âge d’or des années 60. Sa manière à elle de se retrouver belle, jeune avec l’avenir devant elle. Sunset Boulevard. En sommes-nous tous là ?

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9 Janvier


à Patrick Scrocco :

Tu comprends pourquoi les mascarades de lois contre (ou pour !) l’immigration ne sont que des jeux d’enfumage ?
Si on ne passe pas sur ce sommet des priorités qu’est le "bloc constitutionnel", nous serons toujours dépendant du cadre légal des traités européens (pro immigration).
Avec ce tableau en pièce jointe, tu as clairement l’ordre prioritaire permettant d’agir en fonction d’une souveraineté qui fait bien défaut dans tous les domaines dans notre pays..
Conclusion : le référendum s’impose sur le sujet migratoire qui est le premier souci des français et le marqueur de notre souveraineté.
En dehors de ce référendum, pas d’action. Et puis : depuis quand ne demande –t-on plus l’avis du peuple ?

On comprend pourquoi Macron le refuse et pourquoi il affirme que tout problème ne peut être réglé que par "son" Europe.

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10 Janvier


à Bernard :

Encore un mot si tu permets, ensuite je n’en parlerai plus. Mon enthousiasme est à la mesure de la dimension de la saga que j’ai sous les yeux. Ce qui pourrait nuire aussi dans l’esprit des critiques, c’est que le Ferrante a donné naissance à une série filmée, voire télévisée, que même certains de chez Sauveur connaissent. Mais n’a-t-on pas fait des adaptations de Pagnol, de Dickens voire des Splendeurs et Misères des courtisanes (Balzac a beaucoup servi le cinéma et la tv. Le Curé de Tours (avec Michel Bouquet quand même…Birotteau, très bien fait d’ailleurs) ?

Je maintiens que l’analyse des caractères des personnages, la manière de créer des plan/séquence longs en alternance avec des retours qui font des ponts dynamisant l’action est exceptionnel. Le relief des personnages est dessiné avec tout le poids social des différentes appartenances, soit à la camorra, soit à la Naples miséreuse dont l’héroïne, Lila, va s’employer à trouver des échappatoires. La multiplicité des personnages baignant dans leur jus ajoute à ce sentiment de fourmillement social et ces micro hiérarchisations sur la durée. Au bout de deux cent pages les traits sont devenus compacts, les caractères magnifiquement dessinés. La narratrice tient les commandes de tout ce petit monde comme avec l’œil à la fois distancié, et impliqué du metteur en scène qui joue, en plus, le rôle du double complémentaire du personnage de pointe. C’est, si tu préfères, une image qui me convient plutôt, un long concerto pour orchestre… Pour la petite histoire, on dit que ce ne serait pas celle qui signe le livre qui serait l’auteure. On laisse ça aux critiques (ou aux publicistes). 
Pour ce qui concerne Murakami, puisque tu en as parlé, il est tombé en discrédit du jour où il a commis (à quatre mains avec Ozawa) son ouvrage "musique" (si c’est bien le titre). Présenté sous forme d’entretiens. Il n’y a que lui qui parle. Ayant en face de lui le plus célèbre des chef d’orchestre japonais, il arrive à vouloir lui en remontrer. L’autre ponctuant par des "certes… en effet…" quand il ne le remet pas carrément à sa place discrètement. Ça m’est tombé des mains à mi-parcours. Murakami est plus brillant dans « 1969 » où notre génération s’est repue d’un temps qu’on a vraiment vécu du dedans. Mais ça m’a paru s’adresser à une élite d’adolescent. Et moi j’ai trouvé ça un peu léger. Pamuk dont j’ai lu l’Istanbul est le seul Nobel que je respecte encore. Les autres passent comme "autant en emporte le vent" auquel m’a fait aussi penser « l’amie prodigieuse ».

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11 Janvier

 

à Bernard :

 

Puisqu’on est dans la fiction, ce n’est effectivement pas souvent le cas d’y échanger nos sensibilités, autre succès populaire et adaptation cinématographique (assez réussie également", "le parfum" de Süskind. Qui demeure un très beau roman et qui a aussi eu le World Fantasy. Il y a très longtemps. Mais qui reste irrésistible. Paradoxalement la littérature japonaise contemporaine m’a souvent un peu déçu (pour des raisons inverses de ce qui me plait en musique -Yunko Ueda- je ne pourrais m’en passer, depuis que vue et entendue en concert, mais aussi toutes les autres formes de musique japonaise) et les haïkus dont je pense que les traductions leur font perdre 99,9% de leur force. J’ai bien aimé, mais ce n’est déjà plus du roman, l"Eloge de l’ombre bleue" de Tanizaki. Reste leur cinéma que j’adore, de Mizoguchi à Kitano ("Dolls"-je ne m’en suis jamais remis- ainsi que "De l’eau tiède sous un pont rouge" (Imamura) qui réapparaît jusque dans le "nocturne à l’arche de Noë" (nouvelle 6). Allusion dont tu n’as jamais relevé la source , ou peut-être allait-elle de soi dans le récit qui en était truffé comme l’arche en question…

J’ai donc continué hier soir avec le tome 2 faisant l’impasse sur les "Cheyennes", dernier western de J. Ford et premier film que je voyais en Juillet 64 arrivant à Nice. Et puis tant pis, il y a tant de vidéos que je n’ai pas même encore descellées…

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12 Janvier

 

Le paradigme de la gauche progressiste est très largement ouvert sur un monde passé : une grille de lecture et un prisme étroit et définitif qui sont le paradoxe d’une certaine gauche qui se veut aller de l’avant. Elle porte en fait les lunettes de vue noir et blanc de l’avant-guerre ou du régime de Vichy. Elle voit ses adversaires politique aux prises, quels que soient les données et les contextes d’un conflit entre gauche et droite, avec les mêmes enjeux historiques que ceux des années trente quarante.

Devant les problèmes posés par le monde de 2024, et ce ne sont pas ceux-ci qui manquent, ce sont les risques des années trente (du siècle dernier) qui leur semble être le danger imminent à l’horizon de chaque consultation électorale voire à chaque évènement de la vie politique.  Cette gauche qui avance dans la plus belle des frilosités… Une peur maladive que l’Histoire refile les plats. Comment pourrait-on nommer cette sorte de monomanie, cette frilosité des dangers d’un autre temps pendant qu’en même temps elle s’aveugle et s’exonère devant le réel qui avance ? Elle crie aux loups devant des loups empaillés depuis longtemps.

Et s’effarouche comme une aveugle qui ne veut voir les dangers qui se dressent aujourd’hui. Et se trompe toujours d’une guerre mais ne doute pas des nouvelles lignes Maginot.

C’est bien connu, tout ce qui a caractère d’avenir ne peut se développer que dans le progrès, même si le pas de trop mène au précipice.

Je parierai, et c’est ce non-dit qui les gonfle de fatuité, que leur comportement, en regard de l’Histoire passée, se mire dans le miroir de l’héroïque et du vertueux qu’ils eussent rêvé d’incarner en écho des mises en garde tonitruantes qu’ils adressent à tous leurs adversaires d’aujourd’hui.

J’hésite entre le don quichotisme abstrait, l’hypocrisie manœuvrière et la bêtise bêlante.

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Littérature

 

Je m’étais enthousiasmé quand j’ai appris qu’il y avait un volume dans la collection le « dictionnaire amoureux » consacré au Maroc. C’est Tahar ben Jelloun qui en était l’auteur. Je l’ai donc acheté pour le Maroc, sans hésiter. Quelle ne fut ma surprise ! Je pense que c’est le plus mauvais volume consacré à une thématique de la collection. J’avais auparavant feuilleté le Montaigne, le volume consacré au Théâtre ou à l’Italie. Les auteurs les avaient conçus comme la collection le laisse supposer, avec l’amour porté à leur sujet. Ici je ne donnerai qu’un exemple : Rabat est traitée en quatre lignes (où l’auteur a le temps de dire qu’il y a tout de même fait ses études) et le racisme que les marocains subissent en France, une page et demie !

Et ainsi de quasiment chaque rubrique.

J’enrage… il ne me reste plus qu’à m’en séparer le plus vite possible, ma bibliothèque n’étant plus extensible.

Ce qui fait passer, entre hier et aujourd’hui, la valeur du volume de trente euros à quinze centimes. Ça ne vaudra malheureusement pas plus.

14 Janvier

 

Beigbeder, sentencieux sur France Inter, jugeant le dernier essai d’Elena Ferrante : « Entre les marches » d’Elena Ferrante… on comprend pourquoi elle refuse les interviews. Ce sont trois conférences d’une élève studieuse qui veut avoir une bonne note à l’université d’Umberto Eco. C’est le problème avec la gloire, on passe son temps à s’auto-congratuler. Ici, on dirait qu’elle prépare son discours pour le prix Nobel qu’elle n’aura pas". Beigberder, c’est sûr, ne s’apprête pas à recevoir le Prix Nobel. Qu’aura-t-il lui, littérateur de supermarché ? A sa grande surprise, une fessée des féministes.

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15 Janvier

 

DAVOS LE MONDE

 

Je me réveille … aujourd’hui c’est l’ouverture du forum de Davos. On parle des G7 des G20 à grands renforts d’images et de commentaires, mais jamais nous ne pénétrons dans le feutré des réunions des quarante plus grandes fortunes du monde. C’est pourtant là que se font et se défont les perspectives du monde occidental.

On peut résumer le paradigme de la globalisation en quatre points s’enchaînant ainsi :

    Le primat de l’économique et du financier comme seul objet essentiel du marché international et finalité de l’idée européenne.

Les relais médiatiques indispensables comme pouvoir de conviction auprès des masses mondiales

Le pouvoir au sein des états actuels doit tendre à devenir celui de l’entreprise privée ou du moins de l’entreprise gérant les difficultés du monde aux mains d’une poignée d’oligarques (Macron avait déjà imprudemment évoqué, devant une France ne saisissant pas la réalité de la chose, le concept de « start up nation » -le saint simonisme adapté aux besoins actuels-)

    La notion de nation devenant affaiblie jusqu’à devoir être engloutie et disparaître à mesure que les frontières disparaissent. Toute notion de souveraineté devenant progressivement caduque au profit d’une organisation au sommet d’une pyramide économique et sociale mondiale.

Cela fait froid dans le dos. Mais c’est le désir frénétique des gens de Davos appelant à l’effacement de l’organisation séculaire des pouvoirs actuels.

Parenthèse : les grands décideurs de cette assemblée ne sont jamais au pouvoir. Ils se contentent de la discrétion. Georges Soros, pour ne prendre que la figure la plus en vue, ne fait qu’orienter la politique économique mondiale. Orienter et installer les politiques qui œuvrent dans le sens de ce marché toujours plus puissant.

En 2016, cela ne s’invente pas, Emmanuel Macron a été l’élu de l’année par ses parrains de Davos qui, chaque année, encourage une sorte de poulain ou de modèle représentant la voie à suivre. Cette année 2024 ce sera Gabriel Attal. François Fillon avait reçu, en tant que Premier Ministre en 2016, des représentants de ce pouvoir occulte. Il n’avait pas présenté les garanties suffisantes. C’est Macron qui s’est vu affiché en Une de soixante-quatre magazines favorables durant la campagne présidentielle (pas un seul média négatif). L’homme de la start up nation…

Mais c’est là la vision occidentale du monde. C’est la vision intempestive d’un monde économique et seulement économique que les Etats-Unis veulent imposer en un premier temps à l’Europe et ensuite au monde. Mais on en est encore loin.

Les BRICS sont l’autre face du monde. Ils regroupent les géants démographiques que sont la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil. Mais contrairement à l’influence occidentale qui n’a plus à attendre d’autres forces que celles d’Occident, ils exercent un pouvoir d’attraction qui fait que de nombreux pays d’Afrique se joignent à ce nouvel élan (la France est aujourd’hui chassée d’Afrique) mais aussi l’Argentine et de nombreux pays musulmans (Egypte déjà) comme le Maroc et l’Algérie patientent pour élargir encore le groupe.

La vision mondialiste est donc une vision qui ne concerne que les idéologues occidentaux rêvant d’une gouvernance qui leur serait favorable. En fait, le monde n’est plus sous l’emprise exclusive de l’empire occidental. Et Huntington a bien montré que ce modèle se voyait parfois rejeté au profit de valeurs culturelles, religieuses et justement souverainistes dans le concert des peuples et des nations séculaires et parfois millénaires. Un peu comme des adolescences parvenant à maturité. Avec comme arrière-plan, de démanteler les valeurs occidentales anciennes trop longtemps dominantes.

Ces résistances à Davos et à son camp de retranchement, la géopolitique internationale montre que le mondialisme, dont aucun européen ne doute, est en fait une vision qui n’est pas fatale et qui n’est pas partagée par ces nouveaux émergeants.

D’une part l’économique, d’autre part, l’occupation du terrain. Dans de nombreux pays sensibles aux accords du BRICS, de nombreux pays musulmans. Ceux-ci, comme la nature, ont horreur du vide.

 Huntington : « Le problème pour l’Occident n’est pas le fondamentalisme islamique, c’est l’Islam. C’est l’Islam, civilisation différente dont les représentants sont convaincus de la supériorité de leur culture et obsédés par l’infériorité de leur puissance.

C’est l’Occident, civilisation dont les représentants sont convaincus de l’universalité de leur culture et croient que leur puissance supérieure, bien que déclinante, leur confère le devoir d’étendre cette culture à travers le monde. ».

Mais constatant qu’un vide spirituel de nos pays d’occident, une béance de plus en plus flagrante, un affaissement de nos mœurs, du moins tel que perçu par les autres cultures du monde, ce vide est aujourd’hui convoité par l’Islam sur la fragilité des territoires occidentaux. Il est accompagné par les mouvements complaisamment encouragés de populations du sud vers le nord, d’un islam conquérant et confiant vers un nord déchristianisé, sans repère que celui de remplir les caddies de supermarché. Celui de penser que le ciel est vide et que l’homme n’est que poussière. Il y a dans ce tragique une opportunité qui se présente pour combler ce sentiment d’infériorité de puissance en terre d’islam.

Et la France, prise entre le mondialisme et sa tête de proue européenne, et l’émergence sur notre propre sol d’une culture que, en son temps, le roi Hassan avait déjà résumé comme incompatible, ne reflètera plus bientôt qu’un lambeau d’une Histoire et d’un pays qui se recomposera sans la volonté de ceux qui le composent.

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16 Janvier

 

Pour l’idéologue, le réel n’est que l’expérience du monde qui a échoué. Jean-Jacques Rousseau disait « surtout ne vous fiez pas au réel ».  Il s’agit alors de faire entrer un réel échoué dans le goulot de bouteille de la pensée conditionnelle.

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Dans un pays comme le nôtre, où parler de préférence nationale est devenu un crime, on admet paradoxalement, sur notre sol administratif, la préférence algérienne (en regard des accords de 1968) concernant les demandeurs d’emploi. Qu’en pensent les travailleurs Marocains ? Qu’en pense la gauche européiste ? Qu’en pensent surtout les Français ?

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Paradoxe : les progressistes, à force de progresser découvrent les vertus du vélo. C’est ce que les maoïstes d’antan aurait dû découvrir et trouver matière à orgueil du temps où la Chine pédalait en peloton serré et qu’il n’était pas criminel de faire vrombir un V8 à Paris.

A force d’aller de l’avant, les progressistes lorgnent vers les courbes de décroissance.

Mais comment alors impliquer dans l’équation, avec un taux de croissance inférieur à celui de l’inflation, une volonté d’intégrer dans les processus de solidarités sociales, une toujours plus forte immigration ?

Nous n’avons pas quatre heures mais quelques années pour ne pas y répondre.

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FRONTON

 

Liberté, égalité, fraternité. Passons sur le troisième terme de la devise. Hors de l’acceptation maçonnique, elle semble incongrue lorsqu’on a un peu pénétré les tréfonds de la nature humaine.

Des trois termes de la devise nationale, c’est l’Egalité qui s’est développée comme l’herbe sauvage dans un champ solitaire. Rien ne résiste moins à l’esprit français que de couper tout ce qui dépasse d’inégal ne serait-ce que d’un brin. Le syndrome du coupeur de tête. Tant on va à la tonte qu’on en ressort rafraîchi. Parfois un peu démuni. On a le sentiment de faire corps avec ceux qui sont nos semblables. On fait masse. Rien qui dépasse. Lisse, l’orgueil panurgesque. (Pour qui donc te prendrais-tu ? imparable)

Je pense sincèrement que même la liberté se verrait bien un peu écornée, sacrifiée, si l’égalité se voyait mise en cause dans n’importe quel domaine. L’éducation nationale, à force d’égalité (des chances, des normes, des élans communs, etc.), en est l’exemple sacrificateur le plus visible.

La jalousie étant le moteur imposant aux mouvements ascensionnels de rentrer le plus vite possible dans un main dans la main avec la médiocrité plutôt que de reconnaître un échelonnement naturel de différents mérites qui demanderaient à se hisser vers plus de hauteur.

D’où cette toujours interminable affection pour le communisme et pour un totalitarisme à peine larvé en France. (Gorbatchev avait raison de dire que la France était le seul pays au monde où le communisme avait réussi… (à s’imposer dans les esprits et de façon encore durable).

Parce que le moteur de l’égalité procède de la culpabilité de la différence.

Que l’on se sent coupable depuis les origines.

Que l’égalité est la justification de la justice avant la jurisprudence du Jugement de Salomon.

Paradoxe : comment concilier le progressisme des différences et des minorités prises aux rets d’une égalité de fait avec ceux qui n’en sont pas.

D’où cet héritage plus lointain encore, du christianisme : nous sommes tous pécheurs, tous égaux devant la finitude, égaux devant la mort, retour de tout le monde à la poussière, égaux devant Dieu.

Plus fort que les chaînes, une fois qu’on s’en serait libéré, l’égalité devient ce vers quoi tendent tous nos déterminismes.

Souvent pour une mer tranquille et médiocre, souvent pour le pire.

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A Bernard :

 

Je n’attendais pas un reportage de ta part. Je connais un peu Rothko. Et je l’aime bien pour des raisons qui sont sans raison. C’est comme ça qu’on aime le mieux. 
Je pense toujours qu’il serait préférable d’associer sa peinture à la musique de Feldman. Il a même composé une œuvre inspirée par la Rothko Chapel, aussi minimaliste, aussi dépouillée, sauf que si on écoute l’œuvre en son entier on reste une demie heure sans répit. Avec le regard, on peut fuir le silence ou la nudité quand bon nous semble. Il suffit de porter le regard plus loin.

Je suis un peu en désaccord avec toi quand tu dis que tu n’as jamais vu rien de plus "a-sensique". Il y a un sens de la proportion et de la séparation des masses accompagnée de complémentarité chromatique. On cherche toujours la ligne d’horizon. C’est sommaire mais parfaitement pensé. En étant méchant je dirais que ça ne dérangerait pas dans n’importe quelle déco de bureau ou de chambre ascétique, et encore, les couleurs seraient trop franches et pas assez dépouillées de toute velléité d’enchantement. Mais les marges dans la création contemporaine ne sont-elles pas aujourd’hui proches d’atteindre l’os de toute signification ?

J’ai pris un pot avec Brigitte qui travaillait avec moi au Conservatoire. Au soleil de la Libé. C’est magnifique le matin. Elle s’est remise à peindre. Elle a un grain de folie, ce qui explique que je ne la perds pas de vue. Son copain a monté une salle de tango près de Grosso, toute aménagée et décorée avec des lustres et des objets achetés à Marrakech. C’est lui qui danse, qui enseigne et qui organise Il a fait des concours à Londres et à Buenos-Aires tout en bossant dans une agence immobilière (on a tous des vies parallèles). La salle en question est ensoleillée dans la journée avec un plafond vitré qui donne sur le ciel (un vrai Riad !). Il compte exploiter le lieu, en plus de la danse, pour des conférences ou des ateliers en tous genres. Je m’immiscerais peut-être pour quelques séances d’histoire de l’art ou de la musique. Je vais les laisser prendre une vitesse de croisière. On m’a proposé d’entrer dans le cercle de l’université du troisième âge, idem, pour donner des séances. J’ai un peu peur de me retrouver quelques années en arrière à répéter que 
Schumann contrairement à ce qu’on dit est un néo-classique comme son compère Brahms etc etc. je n’ai pas vraiment envie de m’y coller. Cécilia, qui a du bon sens, me répète que ce serait bien de faire quelques sous tout en continuant à m’entretenir dans ce que j’ai toujours fait. Et puis, argument imparable, il faut transmettre…
Les journées rallongent à tel point que je pensais qu’on n’était encore qu’au milieu de l’après-midi.

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19 Janvier

 

Qui l’eut cru ? dans les couloirs de Davos l’esprit punk est de retour. L’avenir est mort. No futur. Quarante-cinq ans après, la finance internationale dresse une crête de coq sur les courbes négatives de l’économie du monde. La danse du scalp. Ne faites plus d’enfants. Les écueils sont évidemment nombreux. Ils respirent et dégagent bien sûr du gaz carbonique. Les vaches pètent aussi et lâchent du méthylène. L’agriculture doit mourir aussi. Les femmes n’ont plus besoin de personne pour gérer leur utérus nous dit-on. Enfanter ça déforme la courbe des hanches (« Notre corps, nous-mêmes », slogan 1975.). Madame Sandrine Rousseau affirme d’ailleurs que la natalité en France ne doit en aucune manière être une cause nationale. Sauvons donc la planète en toute urgence. Demain c’est la fin du monde. Les pandas d’abord…

Et puis une épidémie a pointé lors de ces réunions élitaires. En conclusion d’un discours ferme, Madame van der Leyen a affirmé que le danger viendrait de la désinformation (il faut comprendre par-là, non pas que la presse internationale influence fortement dans le sens d’un vote favorable à l’Europe et demain à un monde enchanteur) mais que le gros risque viendrait que ces influenceurs-là ne fonctionneraient plus avec le gros tas d’ignorance des peuples européens.

Soit les médias sont décidemment peu convaincant, soit la démocratie n’est plus tenue en laisse.

 Et donc, Berthold Brecht a raison :  

1) salaud de peuple…

2) si le peuple est récalcitrant, changeons-le.

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21 janvier

 

A Bernard :

 

Amalia Rodriguez toujours dans le cœur du quartier d’En Graça. Comme Callas dans le cœur de la Scala et Hendrix au cœur de 1969. Mais le fado me lasse assez vite. J’ai rapporté pourtant de beaux enregistrements des chanteuses avec lesquelles j’ai pu échangé à Lisbonne. De belles femmes à fort caractère, dont une maigrelette dont je me demande où elle prenait l’énergie. Il y a une taverne pas plus grande que mon salon au cœur même d’Alfama où les puristes viennent chanter et viennent écouter le chagrin des autres. Nuit et jour.

Tu m’as dressé une liste d’écrivains, mais pas de romans…
Je suis aussi dans l’étonnement : pas de Beckett.
On n’a pas la même approche littéraire. Quoique je n’ai jamais pensé à faire moi-même cette liste. Je me suis arrêté à 3 : Mort à crédit, Salammbô et cent ans de solitude. Dans l’ordre, dans le désordre…


Le temps s’est remis au très beau. On va songer bientôt à refaire quelques virées de proximité (Cinque terre ?). Peut-être la Bretagne aux beaux jours, comme toi la Pologne : le sud, puis le nord
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Anniversaire de la mort de Louis XVI.

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23 Janvier

 

A Bernard :


Les lettres de Céline je ne les ai jamais lues dans l’ordre, mais un peu au hasard comme lorsqu’on ouvre une boite et qu’elles jaillissent dans le désordre le plus complet. C’est ma manière. C’est vrai que le style (avec Céline je dirais plutôt le ton, puisqu’il dit avoir « sa petite musique à lui ») va évoluer jusqu’à la fin. J’ai bien aimé certaines lettres de quelques conseils à l’allemande Erika (oublié le nom) lorsqu’il était encore médecin. Je lis ces lettres comme on regarde de vieilles photos. Comme les coulisses de sa création. C’est ce que sont généralement les courriers.

J’achève ce soir ou demain, au plus tard, la saga le Lila et Léna. (l"Amie prodigieuse"). Je n’ai pas vu passer les 2000 pages des 4 volumes. Moins de 3 semaines de lectures, ce qui est exceptionnel pour moi. Et c’est aussi le long fleuve d’une narration exceptionnelle. Je pense que pour une fois le verdict populaire et l’ingéniosité littéraire sont en adéquation. D’autant que j’ai senti passer le ciel et la poussière de Naples tout au long du récit. Le Vésuve et le golfe, « le quartier » qui n’est jamais nommé…
Je ne sais pas si je peux te conseiller cette lecture. Tu lis plus de fictions que moi, dans des domaines si divers, que nos impressions pourraient ne pas correspondre. Mais sans aller jusqu’à cette critique de Fabienne Pascaud (Télérama qui n’est plus ma lecture depuis les années 70) qui parle d’une écriture volcanique et d’un élan shakespearien. Mais on connait les critiques…  
Un cinquième volume pourtant, s’il avait été possible … 

Je te parlerai (on verra ça sérieusement) de « l’air du catalogue » laissé en plan. Tu imagines qu’en janvier je n’ai pas eu la tête à ça. Mais le plan est tout tracé. Il faut simplement que je me remette dans le bain. Je fais tout de mémoire. Attali en serait vert de rage.

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24 Janvier

 

A Bernard :

 

C’est après 2088 (?) pages peut-être que j’ai refermé le quatrième tome de la saga de Ferrante. Je ne risque pas d’attendre la suite. La boucle a été bouclé de l’enfance à la fin. Comme on pouvait s’y attendre. Cette œuvre est amenée à devenir un classique du genre pour la génération contemporaine. Un peu comme Dumas père avec les trois mousquetaires ou Monte Cristo. Pas moins. J’ai rêvé cette nuit que j’écrivais des chapitres à la manière de… Rêve entêtant et fatigant sûrement le cerveau. Dévorer autant de pages d’un coup, forcément il y a bousculade dans les neurones…
J’avais commencé un roman du temps que je lisais Butor et son "emploi du temps". En 72 peut-être. J’aurais dû poursuivre. Mais je n’ai jamais eu la fibre romanesque pour ce "Lucrèce échevelée" dont je n’ai accouché que de trente pages dans le triste style du nouveau roman. Peut-être que m’en apercevant, je laissais ça s’effeuiller des années durant. Sur du papier vert, écrit à la main. Je me souviens pourtant que ma grand-mère (la Nonina) me disait, petit, que j’avais une grande imagination. Vers huit ou neuf ans, retour de cinéma, je racontais le film, avec des parenthèses qui n’en finissaient pas. Ce qui l’impressionnait, elle qui n’avait jamais ouvert un livre, c’est que je retrouvais toujours le fil de l’histoire. Lorsque j’ai vu "l’homme qui tua Liberty Valance", elle eut droit à la version longue. Entre deux séquences je faisais le commentaire de mes sentiments à tel ou tel moment de l’action. Puis elle avait droit à la suite. Fallait-il qu’elle m’aime !
J’aimerais écrire un vrai roman. Une histoire fictive, avec personnages, sentiments, action située dans un lieu d’élection, une Naples à moi, un Rabat idéal que tout le monde reconnaisse. Mais je n’ai jamais trouvé le thème, la trame majeure où déployer tout ce que je pourrais y inclure. Et puis j’ai une disposition d’esprit encline à plus d’abstraction. Et puis c’est sans compter sur la paresse de mener à bien un thème qui sans doute ne me serait pas essentiel. A moins de raconter sa vie. Et ça, ça ne se fait qu’une fois. Par contre, ma poésie s’offre une part d’énigme et de distanciation avec le réel. Tout en étant la chair même de la vie qui est la mienne. D’une part renouvelable, fragmentée comme par jets successifs. Où je me sens plus libre, comme avançant pas à pas jour après jour. 
 Ce mois-ci justement, est-ce l’effet d’un nouveau départ annuel, j’ai été (un peu) plus prolixe ?
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L’Angleterre qui a retrouvé, en sortant de l’Europe, une indépendance de décision, a innové en matière d’immigration. Devant le problème aigu du phénomène extensif du flux continu de navires et de populations venant sur son sol, elle aurait trouvé la solution. Du moins une esquisse de solution : Payer le Rwanda pour contenir tous les réfugiés indésirés et renvoyés depuis le territoire britannique. Une sorte de parcage dans un pays collaborant avec le pays qui ne veut plus recevoir d’indésirables.

L’Italie envisage un accord avec l’Albanie. La Turquie jouait, il y a peu encore, ce rôle de garde-fou. Mais on sait maintenant ce qu’il en est en matière de chantage et de corruption.

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La liberté est indissociable de la souveraineté. On assiste aujourd’hui à une impuissance de nombreux pays, dont la France qui s’en remet aux différentes commissions de Bruxelles concernant les myriades de normes imposées, enfreignant toute décisions et toutes indépendances nationales. Sans souveraineté il n’est pas jusqu’aux décisions judiciaires qui ne soient remises en cause par la CEDH. Sans souveraineté, la France est dépendante de l’industrie internationale depuis quarante ans. Son agriculture est vouée à moyen terme à disparaître. Laissant notre avenir alimentaire dépendant du reste du monde. Il n’est pas jusqu’à notre dépendance énergétique qui ne dépendent de cette Europe allemande. Le plan Marshall des années quarante voyait bien au-delà de la reconstruction matérielle de l’Allemagne. Il envisageait de donner les clés au plus discipliné et au plus fragile de cette époque, la gestion du futur sous-continent, supplétif de la suzeraineté américaine. Les américains ne sont pas venus au secours du monde libre en 45 pour rien, prévoyant même le nom du débarquement normand : « Overlord. »

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27 Janvier

 

La saga d’Helena Ferrante est maintenant rangée dans la bibliothèque. La fin de cette œuvre est une coda mélancolique et suspensive de l’histoire qui vient de se dérouler depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse des deux amies en question. Un prodigieux retour dans le présent, sans certitude, mais comme une mélopée qu’il eut été dommage de manquer, proposé comme la fin de l’histoire. L’héroïne « prodigieuse » ayant mystérieusement disparue.

J’ai pensé à cette accélération du temps qu’on retrouve dans les dernières pages de Cent ans de Solitude.

On voit qu’il s’agit là d’une pure autobiographie. On ne peut inventer avec une telle véracité les caractères et les évolutions des personnages, une telle longue histoire qui a tous les traits du charnel et qui a pour cadre scénique Naples, et en particulier, un certain « quartier » dont jamais le nom n’est prononcé. J’ai pensé aux populaires quartiers spagnolis, mais ils sont cités parfois comme étant étranger au leur. J’ai pensé à Sanità, mais rien ne vient prouver que ce soit celui-là. Il s’agirait plutôt d’un tout petit quartier dans la ville tentaculaire, une micro citée au nord ou proche du Vésuve. Aucun indice n’a jamais permis d’élucider le profil géographique du quartier. Sauf peut-être le fameux tunnel, théâtre de l’enfantine tentative de découverte de la mer dont le narratif de l’épisode révèle que celle-ci semble bien loin. Ce seul indice devrait aider ceux qui connaissent Naples plus que moi.

En achevant cette longue histoire lue comme foudroyé, en trois semaines, j’ai eu réellement le sentiment d’avoir accompagné l’évolution sociale et personnelle de chacun des personnages dans leurs complexes entrecroisements, et de n’avoir pas non plus quitté cette ville que j’ai traversé avec bonheur en Août dernier.

La force de l’écriture fera de cette histoire un probable classique de la littérature mondiale comme parfois une histoire hors du commun peut toucher d’instinct les fibres populaires, plus peut-être que celles de professionnels désabusés. Depuis le temps qu’on donne des Nobel à n’importe qui, il est parfois préférable de posséder un véritable lectorat à la manière de Dumas qui n’a d’autre titre de noblesse que les millions et millions de lecteurs dans tous les coins du monde depuis ces premiers trois mousquetaires.

Et à défaut de Nobel, elle, d’entrer comme lui dans la Pléiade.

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Exposition « Tintin et Monsieur Chang » au Musée des Arts Asiatiques. Depuis quinze ou peut-être vingt ans qu’on ne venait ici. Du temps des concerts nocturnes, c’était presque tous les vendredi soir durant la saison qu’on assistait à ce que l’Asie donnait de meilleur. Des danses birmanes à l’opéra chinois dans les jardins donnant sur le parc Phoenix, avec une percussionniste qui aurait affolé les plus virtuoses africains ou brésiliens. Des ensembles japonais avec la sublime Junko Ueda, aux théâtres d’ombres javanais, ces concerts étaient ce qui se faisait de plus élevé à Nice. Et puis, un beau jour, plus rien.

Nous y sommes allés avec les enfants, mais j’ai l’impression que l’expo était plutôt destinée aujourd’hui aux 77 ans qu’à ceux de 7 ans.

On a pu voir entre autres, des murs tapissés des différentes éditions dans toutes les langues qui ont traduit Hergé. L’après-midi est passé comme un tourbillon. Un paon faisait la roue à l’entrée du parc, comme le goéland de Saint Andrews en d’octobre dernier…

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28 Janvier

 

MUSIQUES

 

Les Messes de Bruckner ne craignent aucune autre. Pas même celles de Mozart et la Missa Solemnis de Beethoven.

Il est seul à comparaître devant les polyphonistes du XVI° siècle. Et devant Bach. Même si la Messe en si, pyramide polyphonique définitive, ne fait pas entièrement partie de mon univers. Je serai plutôt vénitien d’ambiance.

 

… Messiaen, quoique jamais pris en défaut, serait-il un peu jaloux (?!) lorsqu’il répond « non, les Passions de Bach ne sont pas un absolu : chœur, récitatif, aria et ainsi de suite » …

Je comprends les tempis très lents de Celibidache. Mon cœur battant autour de cinquante pulsations…

« La Mer » de Debussy mets trente-trois minutes avec lui, vingt-trois avec Karel Ancerl et beaucoup d’autres.

Avec la pianiste Grete Scherzer, on arrive même à comprendre certains sans issus dans l’écriture de Schumann, tellement elle le met à nu dans la fantaisie en ut. Et on y entend les maladresses ou les paradoxes d’écritures. Mais Schumann c’est une longue coulée ininterrompue et une longue cascade de blessures aux genoux.

Des fantaisies en ut, j’en ai entendu des tonnes. Quelle est la meilleure ? Je reste, comme au bon dépucelage, à la version première que j’en entendue, celle de Clifford Curzon au festival de Salzbourg en Août 74. Mais comment ignorer Brendel, Arrau, Yves Nat, Richter et Gilels.

Scherzer attaque le deuxième mouvement de la fantaisie comme on attaque la Marseillaise. D’un geste insurrectionnel. On ne connaît d’elle que très peu d’enregistrement. Se retirant pour cause de mariage et de reconversion en anthropophilies. Restent cette magnifique Fantaisie en ut, un Gaspard de la Nuit et des Impromptus de Schubert

Schubert a connu la solitude. Il a dû marcher dans la neige. Il a vu le ciel aussi. Schumann a pleuré son amour des lacs allemands et son amour pour Clara. Il est mort sans quitter la terre. On ne sent pas plus la mer et le grand large dans sa musique. Seulement les échos lointains des auberges, seulement les rives du Rhin.

J’écris toujours sur Schumann alors que je n’aime pas tout de lui. Il fait parler comme tous les déréglés du temps de Nietzsche qui ne l’aimaient pas plus que ça.

La troisième sonate pour piano de Boulez se dilate en constellations de faux hasard. D’irruptivité captive et d’une toujours hauteur d’intelligence belliqueuse, qu’elle en fait le tour inattendu de sa propre incertitude. Le temps s’y égrène et tarde à plonger dans le cœur. Par contre les étoiles augmentent dans les galaxies.

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« L’Intranquilité » de Pessoa m’ennuie finalement. Il n’aime pas Lear et lui trouve des défauts à corriger. Soit.

Pessoa, je n’aime déjà pas ta poésie de brebis, je ne reconnais en toi que ton bistro de la Place Chiado et la statue où l’on peut s’assoir à côté d’un Pessoa de bronze à la terrasse. J’aime aussi ton appétence au porto. Et tu n’es qu’un faux Montaigne, mais maintenant tes cendres sont transférées depuis 1985 au monastère des Hiéronymites. Un retour à la terre, aux caveaux où pourront venir les insomniaques qui te vénèrent.

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30/31 Janvier

 

Du petit ouvrage de Corinne Samama « Utrillo, mon fils, mon désastre selon Suzanne Valadon », un portrait du peintre vu par la mère, je retiendrais que celle-ci fut étonnamment moderne au sens contemporain, mais dans les milieux populaires et ouvriers, les femmes n’ont pas attendu les cortèges féministes pour débrider leur sexualité, ni attendu la seconde vague des MeToo#, qui plaident pour un retour puritain à l’autosuffisance ou à la haine à visage découvert du mâle blanc de plus de cinquante ans.

Suzanne Valadon a eu, quant à elle, des amants jusqu’au-delà de soixante-dix ans et cela devient peut-être accessoire dans le portrait d’Utrillo.

Par contre son besoin de se libérer du poids de la maternité de façon quasiment frénétique à la naissance du petit Maurice, a eu sûrement des conséquences criminelles sur l’enfant. Valadon fermait les yeux, si ce n’est qu’elle l’encourageait, quand la grand-mère Madeleine mettait de la gnole dans le biberon et augmentait les doses à mesure que l’enfant exprimait son plaisir. En fait il dormait des journées entières, laissant les deux inconscientes libres de toutes fantaisies.

Le bébé était alcoolique avant même d’avoir pénétré dans le moindre bistro de Montmartre. Il eut sa première tentative de désintoxication à dix-huit ans. On ne sait s’il faut plaindre la mère d’Utrillo d’avoir fini dans la misère.

Suzanne Valadon se prénommait en fait, Clémentine Valadon. Suzanne est celui que lui attribua un de ses amants (Satie ? Toulouse Lautrec ?) en référence à la quantité de vieux messieurs libidineux auxquels elle aurait succombé.

Ce qui fait que j’aime de plus en plus ce peintre.

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A Bernard :

 

…Vient de paraître chez atelier Dougier, dans la série "le roman d’un chef d’œuvre", le volume sur Utrillo. "Utrillo mon fils, mon désastre selon Suzanne Valadon". On y parle de sa détestation de l’épouse du peintre, Lucie-Valore, et de la longue descente aux enfers de son fils. Je verrais s’il y a des liens avec les lettres que j’ai dans ma valise à trésors, je verrais si je peux joindre l’auteur, Corinne Samama, si je peux l’intéresser à la copie de ces lettres.  Voilà donc ma prochaine lecture. Je ressors un peu du roman, tout en y restant aussi. Ensuite j’ai une bio sur Maria Callas par René de Ceccaty.  Que tu ne liras pas. Mais c’est un peu la continuation de mon univers naturel. Et puis sa vie n’est-elle pas un roman ?

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20 h 30

On envoie les images des jets de soupe sur la Joconde devant des invités d’une émission littéraire où chaque participant se doit de dire que « …cet acte militant est un message envoyé à des gouvernants restés depuis trop longtemps insensibles aux problèmes de transitions climatiques et que, oui, le geste est généreux, que l’art c’est la vie et que justement, s’il s’en sont pris à ce symbole universel de l’art, c’est pour clamer une juste révolte et montre la voie à suivre avant qu’il ne soit trop tard etc. Jusqu’à la nausée »

C’est sur une chaîne publique. Une unanimité d’analyse fine. Des sourires entendus. Une conscience claire, vertueuse et débarrassée de toute ambiguïté déplacée.

C’est à ce prix que se négocie une invitation à une émission littéraire.

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1 Février

 

A Bernard :

 

1 février, le mois sera court. Demain les crêpes. Il fut un temps, la première crêpe était retournée avec une pièce d’or sous le manche de la poêle pour attirer la chance et la fortune. Je ne me suis jamais demandé l’origine de cette tradition. La connaissais-tu ? Peut-être qu’elle appartient à la culture de mes grands-parents siciliens.

Ce matin Parc Phoenix avec Y. (grève des enseignants, jaloux des agriculteurs). Une fois par mois on fait une virée ensemble vers Nice. Il veut revoir le cygne noir entrevu dans le bassin des jardins depuis le musée asiatique. Il y a aussi la serre mexicaine. Ensuite on ira manger du poisson. C’est devenu une tradition.

Il ne me reste que quelques pages du Callas à finir (rien que je ne sache déjà, mais voir défiler la vie de ce météore est toujours échevelant), et le dernier Onfray. Qui écrit aussi vite que Lucky Luke : on le lit l’après-midi, lui en profite pour commencer (et terminer) un nouveau livre. J’avoue que depuis son crépuscule d’une idole, je ne rate aucun de ses écrits. 

La poésie et le carnet en date d’hier sont dans la box

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Michel Jazy est mort ! … Tokyo 64. Les images affluent immédiatement. En noir et blanc. Le dernier tour du 5000 mètre sur la cendrée lourde d’une nuit de pluie d’octobre, la fulgurance d’une foulée souple et aérienne, élégante et sans pareille. Puis le bel édifice, la superbe mécanique qui se grippe, avalée dans la dernière ligne droite. Quatrième. Il est demeuré même dans la défaite, le héros de mes douze ans, le modèle qui me faisait courir dans les rues comme un dératé, me prenant pour lui, allongeant ma foulée tout le long du boulevard Victor Hugo. Ou ailleurs. Je gagnais les médailles d’or qu’il n’a jamais eues. L’été soixante-quatre fut inoubliable pour mille raisons. Il a y juste soixante ans.

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Ce matin avec Y nous sommes venus à l’ouverture du Parc Phoenix. Le ciel est légèrement voilé, puis il tournera progressivement jusqu’au gris bien franc. Ce qui ne nous empêche d’admirer, sous l’immense serre, de magnifiques flamands roses dans leur bassin d’eau noir reflétant en mille stries leurs zébrures roses parmi les joncs et les fougères. Y les trouve plus petits qu’il les eut imaginés jusqu’à ce que certains d’entre eux hissent leur col vers le haut. Alors c’est l’émerveillement…

On a fait une halte pour le panini. Il n’y avait que nous. Jusqu’à l’arrivée du paon à l’entrée du snack, toute séduction déployée d’un soleil de soieries de bleues et de verts mouchetés de noir ! Il a entrepris, en plus de faire la roue, une danse de l’arrière train, assez laide en fait, agitant une paire d’ailes comme pour une danse peau-rouge sur le sentier de la guerre. Le verso de la danse de parade ressemblant plutôt à une gesticulation de poulet déplumé. Puis il disparut comme il était arrivé.

Plus loin ce sont les kangourous, les petites pattes devant leur ventre. Des kangourous très jeunes surement. On ne voit pas leur poche ventrale. Ce qui déçoit Y. Puis les autruches au col démesuré qui paraissent totalement idiotes. Les lémuriens bruyants et agressifs, et depuis les jets d’eau et le plan d’un bassin circulaire, la perspective sereine et dépouillée du magnifique Musée des Arts asiatiques.

On file jusqu’au Sauveur où Geneviève/Gavroche me donne deux petits fascicule sur Titien et Memling. De petits échanges entre nous…

Y a passé cette journée de grève des enseignants sans perdre trop de ces curiosités du monde.

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4 Février

 

A Bernard :

 

Je sens que tu n’aimes pas le Carnet. Son contenu. C’est un peu normal. j’ai aussi l’impression qu’on voit défiler les mêmes réalités avec des lunettes différentes.
Mais voit-on d’ailleurs les mêmes réalités ?
je cite deux trois exemples : 1) 
Je te laisse traiter du sujet de l’immigration … Je me demande où on pourrait trouver des chiffres honnêtes qui décrivent la situation et donnent une vision au moins au niveau de l’Europe. Franchement ne nous défaussons pas derrière des chiffres (honnêtes ou pas), il suffit d’ouvrir (honnêtement) les yeux dans la rue. 
2) Davos :
 je suis à fond pour le commerce et le capitalisme international : hé oui, c’est toujours Huntington ou Fukuyama. Je crois que le second s’est lourdement trompé : la fin de l’Histoire, la fin des guerres, la fin des nations par la dilution des nations européennes dans le libre échange n’a pas empêché ce qui arrive aujourd’hui (Ukraine, Israël, risque sur tous les fronts, déséquilibre en Afrique d’où nous sommes chassés etc.). L’Europe de Bruxelles n’est qu’un marché. Rien d’autre. Et nous soumet à des commissions non élues qui dictent dans TOUS les domaines ce qui est bon ou non pour les états "souverains". Le sont-ils encore ?
Ce que je crois : après la chute du mur, on a pas attendu trois ans pour faire Maastricht. On n’a donc plus un Polit Buro à Moscou (qui dirigeait la Géorgie, le Kazakhstan, l’Ukraine, etc), mais un Polit Buro à Bruxelles qui a utilisé la même méthode centralisatrice en fédérant les nations européennes. Pour réguler des marchés. Des marchés sauvages comme on le voit et on le verra encore plus avec l’affranchissement des droits de douane d’où que viennent les produits importés. Pour les conséquences que tu sais : immigration sauvage (puisque désirée par Bruxelles -les fameux besoins en main d’œuvre et faire baisser le coût des marchandises-) et disparition progressive de nos agriculteurs au nom des lois du marché -toujours à la baisse- après la disparition de notre industrie. Et que viennent faire des organismes comme la CEDH -intervenant jusque dans notre justice- dans ce qui ne devrait être qu’un marché ?
 
Je ne suis pas d’accord non plus quand tu dis que les BRICS se posent en simple concurrent. Il y a une grande différence : tous les membres du brics restent des nations souveraines et n’ont opéré aucun transfert de souveraineté, ni à la Chine, ni à la Russie, ni à personne. Chacun des membres partage sinon une vision commune en demeurant indépendants et libres d’en sortir, du moins une capacité à s’unir sans cesser d’être ce qu’ils sont en tant que nations souveraines. Huntington parle d’ailleurs, contrairement à nous, de la fierté retrouvée, culturelle et historique des pays émergeants : l’Occident n’est plus un modèle. Le contraire de cette Europe technocratique, saint-simonienne et sans âme.

Quant à la devise de la république , je suis surpris d’apprendre que c’est là aussi un produit marketing, (décidemment). Ce qui est certain c’est que ce que tu as lu de mon article ne doit pas être loin du vrai.
Dernier doute :
Couloir de Davos, bien sûr, Brecht a raison. Dans quel sens ? Dans le sens que les élites outrepasse le droit des peuples à choisir leur avenir ou dans le sens qu’il faut les réformer malgré eux ?

Tu as dû mal me lire, je n’aime pas la peinture de Suzanne Valadon. Je parlais du génie d’Utrillo qui lui est encore sous-estimé. Le livre de Corinne Samama est une narration sur la vie du peintre au travers de ce qu’en dit sa mère Suzanne Valadon.
 

Le titre de janvier est dans un courrier qui a dû t’échapper : GRAVEES (avec l’accent aigu que je n’arrive pas à faire).

Je commence les souvenirs d’Ernest Renan qui semble avoir un parcours tourmenté. Le style rappelle Chateaubriand. Est-ce le voisinage du bon pays de Bretagne ?

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Ce matin c’est « la Création » de Haydn, puis le prélude à « l’Or du Rhin » : le chaos avant le commencement des commencements.

C’est avec ce Wagner-là qu’on inaugure ce qui inspirera la musique des sphères et l’électroacoustique. Je comprends maintenant ce magnifique bloc sonore d’Ivo Malec, compact et évolutif comme une coulée de lave, « A Wagner ».

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5 Février

 

A Bernard :


… Il m’est venu l’idée d’envoyer les Fugues aux éditions Philippe Rey (je ne l’ai pas encore fait). Celui qui publie tous les Dominique Fernandez sur l’Italie :"le piéton de Florence", celui de Naples, celui de Venise et de Rome… Et même la Gorgone de Sicile. Très beaux livres brochés.
Je sais, il est de l’académie française, mais cette littérature sur ses voyages en Italie est vraiment dans le profil de mes récits de voyage. Et puis je suppose que cet éditeur n’édite pas que les académiciens…

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6 Février

 

MARIA CALLAS

 

En achevant la biographie de Maria Callas de René de Ceccatty, j’ai, comme souvent, ce sentiment de malaise au bout de l’aventure d’une vie si fragile, faite de fureur, de violences, de goût de la perfection et de trop de vanités.

On rêve encore de l’entendre dans les salles d’opéra dans les années cinquante. Ce seul petit couloir de temps où elle a construit la légende d’un siècle. La vanité l’aura perdue en même temps que sa voix s’est détricotée par abus de pouvoir et d’emprise sur elle-même. Sur elle-même et sur ce monde qui l’a faite briller et qui l’aura broyée. Morte comme par inachèvement.

A la Scala, son souvenir se perd volontairement au milieu d’autres gloires. J’ai été étonné au printemps dernier, de voir que ses portraits étaient plutôt distraitement disposés parmi ceux de la Pasta ou d’Adelina Patti et du souvenir de la Malibran. La Scala ne lui a pas encore pardonné ses rivalités et ses frasques, et comme dans toute relation amoureuse, lorsqu’on côtoie le sublime, on ne peut ensuite que tomber de là où l’on est monté.

Je me souviens encore de l’annonce de sa mort, dans la quasi indifférence, à la Conservation du Musée Chagall du temps de Pierre Provoyeur. A la fois dans l’incrédulité, et dans le maelström des activités du jour. On ne mesurait pas encore le moment historique. C’était pourtant un fier musée où l’on organisait pour les concerts nocturnes, les prestations de Victoria de Los Angeles, Christa Ludwig, Elly Ameling et de tant d’autres gloires contemporaines de Callas. J’en écrivais les dithyrambes pour les programmes du soir destinés au public

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« Inside, l’homme de l’intérieur », de Spike Lee. Anodin. Un film pour soirée du dimanche. Peut-être bien fait, c’est selon. Ce que j’en ai retenu, c’est qu’aujourd’hui on ressort un film qui date de 2006 et qui ose traiter de collaboration et de compromission entre un banquier juif et les nazis. Généralement la propagande télévisuelle s’est toujours attachée de faire jouer aux juifs le rôle de la victime. Il faut croire que les médias illustrent la distribution des bons et des mauvais rôles en fonction de leur penchant idéologique du moment. Le vent a tourné.

Le cinéma n’est-il pas aujourd’hui autre chose que ce miroir illustratif des penchants dominants ?

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7 Février

 

Comme Pasolini j’aurai pu dire « je suis né dans une ville pleine d’arcades en 1952 … »

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« Stravinsky est un prédateur. Même le solo de basson qui inaugure le Sacre est une mélodie traditionnelle lituanienne » (Pierre Boulez)

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Le grand-père de Jean d’Ormesson n’avait pas l’oreille musicale. Lorsqu’il entendait la Marseillaise, il se levait automatiquement, sauf que c’était souvent l’air du toréador qu’il entendait.

Mais c’est aussi une famille où l’on parle du phrasé dans la musique et de la musicalité de la phrase.

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C’est aussi René de Ceccatty qui préface et traduit le petit récit de Pasolini « L‘odeur de l’Inde » qui relate le séjour qu’il a partagé avec Moravia.

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9 Février

 

Après Jacques Delors, c’est un autre grand qui disparaît aujourd’hui, Badinter. La mitterandie s’amenuise. On lui devait ce qui restera la part la plus inévitablement humaine d’un règne de faussaires. L’abolition de la peine de mort institutionnelle dès 1981. Quelle emphase à l’Assemblée, quel humanisme ! On se serait cru dans une démonstration de Cayatte.

Depuis, la peine de mort et la barbarie en question sont dans la rue. Plus de guillotine. Plus de peine de substitution. La mort est au quotidien, au coin de la rue, sans procès, sans « petits matins blafards » dont parle le grand homme. C’est souvent au couteau que la peine de mort est donnée… sans retour du rasoir institutionnel pour celui qui tranche à l’arme blanche.

Sans avoir troublé les dernières années du cher grand homme. Parcheminé dans la gloire de son vivant. La caution morale d’une génération. Loin des lieux d’aujourd’hui, où l’on tranche à vif, et sans crainte.

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Seiji Ozawa est décédé aussi à l’âge de quatre-vingt-huit ans. En faisant moins de bruit dans les médias.

Il avait tout de même dirigé la première du Saint François d’Assise de Messiaen.

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A Bernard :

 

Je crois que l’éditeur exige une version papier parce que ça élimine pas mal de monde (frais d’envoi, poids du dossier : dans mon cas ça fait bien deux kilos). J’ai retrouvé un exemplaire (qui fait 900 pages -on avait dû faire selon un désir d’éditeur…). Il arrivera chez Philipe Rey éditions sur une brouette…
Orage, pluies, camion renversé sur l’autoroute coupée. Bref, journée maison.

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14 Février

 

CARAVAGE

Je m’entoure de plus en plus de Caravage, de ses livres, de ces images qui préfigurent tous les réalismes. Jusqu’à Courbet. Il est tout de même assez incroyable que la vie de ce peintre dresse le portrait d’un homme traqué s’achevant, jusqu’à marcher tout le long de la plage, regardant la mer dans les lointains, espérant revoir la goélette où se trouvaient ses derniers trésors oubliés. Jusqu’à l’essoufflement et la mort sur une grève dans les environs de Porte Ercole.

– Jour des amoureux. Y a préparé un petit bijou en plastique pour son amoureuse Maya, blonde comme il est brun, et de huit ans d’âge comme lui –

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Je remarque la grande économie de moyens dans les Caravage de ses deux dernières années. La composition de « l’Enterrement de sainte Lucie », merveille de Syracuse, trace une diagonale invisible descendant de droite à gauche à la manière des cartes à jouer, dont la partie supérieure est dépouillée, se noyant dans les tonalités chaudes d’ocre et de vert marbrés et la partie inférieure peuplée des personnages éplorés penchés sur le corps de la sainte, dans les mêmes marbrures d’ocre et de vert.

La seconde merveille parmi les chefs d’œuvre de la fin de Caravage, « La résurrection de Lazare » est également parcourue d’une diagonale partageant l’œuvre en deux. Cette fois, elle descend de gauche à droite avec quasiment la même inclinaison, partageant en part égale le tableau, dont la partie supérieure est noyée dans une intense obscurité et la partie inférieure, pareillement chargée d’ombre, d’un Lazare aux membres étirés, à la blancheur faisant un effet tranchant, presque douloureux dans sa nudité dramatique, et en contrepoint, un Christ sur sa gauche qui pointe le bras et le doigt dirigés vers le ressuscité qui rappelle étrangement « la vocation de Saint Matthieu ».

Un enterrement et une résurrection pareillement disposés dans un même partage d’espace.

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15 Février

 

A Patrick Scrocco :

 

Geoffroy de la Gasnerie, je le connais depuis bien longtemps. Un coupeur de têtes sans scrupules et sans complexes: exclure l’opposition, l’anéantir intellectuellement, voire physiquement selon les circonstances …
Cela ne choque pas les médias de la doxa dominante. Au contraire, Geoffroy dit ce qu’ils ne peuvent encore dire que de façon voilé (si je peux me permettre). Cet épisode de l’ARCOM n’est pas fruit du hasard, mais une tentative d’avancer sur l’échiquier de la parole maîtresse des esprits. C’est dans le programme des décideurs de Davos qui se sont réunis il y a un mois. Les conséquences sur la liberté d’exercer la parole publique ne se sont pas faites attendre : moins d’un mois. Ils vont malgré tout perdre la manche parce que dans un premier temps, il faudrait condamner aussi et surtout les médias de service publique (Inter, Info, F2 etc.), mais ils reviendront à la charge quitte à créer des lois interdisant la parole sous prétexte qu’elle n’est pas conforme au Ministère de la Vérité dans tel cas plutôt que dans tel autre. Ça s’approche de plus en plus de la fiction (?) d’Orwell.
 …
Une remarque concernant le sinistre Geoffroy de la Gasnerie. Un nom comme celui-là, on n’en trouve que dans les arbres généalogiques aristocratiques. Un malaise que le gaillard doit traîner depuis sa malheureuse enfance, trop proprette et trop bien éduquée. Il faut donc se déconstruire, se déstructurer.  Il fait donc perdurer une adolescence attardée de révolutionnaire au malaise œdipien pas encore surmonté. Un idiot utile sur le front, protégé par la doxa d’Etat.

Et puis, n’oublions jamais Gorbatchev : "
la France est le seul pays au monde où le communisme a réussi." Paroles d’expert.

Il est dit dans Wikipédia :

Geoffroy Daniel de Lagasnerie, né le 12 avril 1981, est le troisième enfant issu du mariage de Jean-François Daniel de Lagasnerie, ingénieur diplômé de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace, et d’Agnès de Goÿs de Meyzerac,(à l’oreille c’est presque de la musique de chambre) issue d’une ancienne famille de la noblesse du Vivarais.

La famille Daniel de Lagasnerie appartient à la bourgeoisie du Limousin.

Il y manque peut-être un frère parachutiste…

Encore des rescapés de la guillotine.

Il a écrit lui aussi un « Famille je vous hais », comme l’autre en son temps. Tout est dit.

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20 Février

 

Au soleil de la Libération avec Brigitte. Le temps est splendide. Nous allons voir son ami photographe sur le Boulevard Borriglione. Il est question que je matérialise quelques photos en versions papier.

Au marché, le prix du cabillaud est aujourd’hui supérieur à celui de la dorade sauvage.

Il y a un air de printemps qui arrive.

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Dans l’enquête « Œdipe n’est pas coupable » de Pierre Bayard, Œdipe laisse en effet ce rôle d’assassin de Laïos à Jocaste qui a tout prévu depuis le début. La propre mort de son fils envisagé pour contrevenir aux foudres de Jupiter, et promis comme Moïse à l’abandon le long du Nil, et comme le même Moïse, sauvé par pitié par le berger chargé des basses œuvres. Qui fut probablement l’amant de Jocaste, puisqu’elle lui donne une seconde chance en assassinant Laïos à la croisée des chemins qui mènent à Delphes. Jocaste serait la seule, depuis le début, à savoir quelle est la situation réelle de cette tragédie de l’inceste. 

Ella avait décidé de la mort d’Œdipe, mais aussi du meurtre de Laïos le violeur de Chrysippe. Car c’est cette origine meurtrière de Laïos, le père, qui est à l’origine de la colère des dieux et de la malédiction rejaillie sur le fils.

Pour Bayard, la pièce de Sophocle ne relève pas tant du mythe freudien du parricide que celui qui hantera dans la mythologie des kyrielles d’infanticides.

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22/23 Février

 

A Bernard :

 

 

J’irai voir dans la semaine "Bonnard, Pierre et Marthe" qui passe dans l’ancienne salle Mercury, rebaptisée (je l’ignorais) salle J.P. Belmondo.
Il y aussi un Hong sang soo ("waklk up") comme je les aime. Le problème c’est que la plupart des films passent tard. Il y a aussi "Munch" d’un réalisateur norvégien.

Je suis passé devant le cinéma en question et j’ai pris le programme du mois. Le "Jean-Paul Belmondo" est devenu ce qu’était feu la cinémathèque d’antan disparue maintenant dans les gravas du Théâtre de Nice et autres constructions qui n’ont vu le jour qu’une trentaine d’année. Pour rallonger la coulée verte qui s’en va rejoindre la nature naturée (comme disait Spinoza) le plus loin possible le long du Paillon. Estrosi espère trouver, à proportion, les électeurs sauveurs de planète au-delà de ses espérances. Ou la ville à la campagne et vice versa.
Le boulevard Gambetta va bientôt voir passer les sangliers en familles (sur le couloir des 2 roues ?)

Je m’en vais continuer l’air du catalogue : la deuxième moitié du XX°.

Cécilia a trouvé de quoi réduire, à son bureau, mes récits à 400 pages (les 900 m’avaient été demandées par un éditeur -audacieux- qui tenait à ce qu’on saute une ligne sur deux …)

sur le guéridon : 

                                   – Moravia est fini (les nouvelles romaines ont à peu près le volume que les miennes (7/8 pages, mais s’apparenteraient plutôt à des fables sociales )
                                    –  Le livre de l’économiste Charles Gave est fini
                                    –  le livre sur les amitiés privées de Mitterrand est fini
                                    –  Le naufrage des civilisations (Amin Maalouf) : j’attends encore un peu
                                    –  Le tour de la prison de Yourcenar ( je tourne autour depuis longtemps)
                                    –  Le Bergeaud-Blacker, « l’enquête sur le frérisme » est si dense et écrit si petit que je n’avance que lentement. Et puis ça peut se résumer à de grandes lignes que tout un chacun peut savoir, à savoir que ces frères-là mènent la danse en Europe et on en entend d’ailleurs parler ces jours-ci.

A 9 h 30 le matin sur France-Musique, une rubrique sur les femmes compositeurs, compositrices qui n’ont souvent de mérites que parce que femmes. Ça fait pourtant longtemps que je connais et que j’ai dans mon panthéon privé les œuvres de Lili Boulanger, de Kaija Saariaho (qui a travaillé à l’IRCAM), de Elisabeth Canat de Chizy, de Gubaïdulina, Camille Pépin et de beaucoup d’autres (sans remonter jusqu’à Hildegarde von Bingen) que je n’ai eu à m’occuper de leur appartenance sexuelle. Par contre certaines qu’on nous propose aujourd’hui n’ont d’intérêt que parce que labellisées femme. Triste mode.

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26 Février

 

A Bernard :

 

Oui, je me suis souvenu que tu avais préparé une version "classique" des fugues. Mais il fallait faire la version papier (presqu’une rame entière). Finalement ça fait presque 400 pages. C’est plus raisonnable.
Que je n’ai pas encore envoyées. On dirait que je recule pour moins être déçu, me disant que c’est encore une chance supplémentaire. Sinon, je tenterais un nouveau livre de poésie, on a l’embarras du choix…

Et puis mars arrive avec la nouvelle livraison poétique de février, assez abondante.
Avec mon nouveau portable, la vie a changé, je n’ai plus ce flou sur les côté qui est venu perturber tous mes clichés depuis deux ans. Pour les ciels du matin, c’est le rêve. Je me suis fait chasseur de nuages…


Malgré tout, je reste persuadé que le choix des ingénieurs Samsung privilégie les tonalités de températures de couleurs froides, alors que sur mon précédent je pouvais obtenir une palette de couleurs chaudes qui n’existe plus sur le nouveau. On ajoute, on retranche…

Je maintiens tout de même que le puzzle sur l’Ecosse est drôlement compliqué.
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27 Février

 

C’est sur les rayonnages de la FNAC qu’on a organisé tout un espace spécialement aménagé autour du « mois du ramadan », de livres de collections d’éditions inconnues, sur le thème du Coran d’amour et évidemment de lumière, avec des maximes soigneusement mises en exergues, sur la paix et les délices, la suavité et la douceur qu’on y trouverait.

A la FNAC on n’est jamais à court de « bon plan ». Une sorte de collaboration du moment comme il en fut jadis et naguère et toujours, dont la boutique aujourd’hui, aux soldats couleur moutarde, est coutumière.

Toujours fidèle à la vieille ligne capitalo-trotskiste.

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MACRON VA-T-EN GUERRE

 

La construction européenne fait de plus en plus penser, depuis le temps qu’on la construit, à la Sagrada Familia…

Emmanuel Macron, au lendemain du camouflet du salon de l’agriculture n’a « pas exclu » la possibilité d’envoyer des troupes sur le territoire ukrainien. Immédiatement désavoué par l’ensemble des capitales d’Europe, il semble   simplement prendre une posture et faire diversion devant l’impasse agricole, la fureur des agriculteurs, et les décisions remises entre les seules mains des commissions européennes.

Les accords très avancés de celles-ci avec Mercosur et autres contrats agricoles déjà signés avec la Nouvelle-Zélande nécessiteront pas mal de contorsions présidentielles face à la légitimé revendicative des agriculteurs.

Donc, pense-t-il réellement, pour donner le change, dans un exercice d’illusionniste, à un engagement territorial menant fatalement à une escalade avec la Russie ?

Nous sommes incapables de faire respecter les frontières de l’Europe, (et      celles de la France évidemment, comme on le constate tous les jours), mais nous serions prêts à combattre pour les frontières et l’intégrité de l’Ukraine ?

Mourir encore pour Dantzig ?

Pour un grand gestionnaire, le même président Macron a mis la barre très haut : trois mille milliards de dette publique (110% du PIB) et nous donnons sans consultation de nos impôts, trois milliards supplémentaires à l’Ukraine.

Son ministre de l’agriculture à qui on posait la question il y a déjà quelques années, de savoir en quelle saison se dégustaient les poires, n’a su répondre. On l’a promu ministre des finances. Tel est notre pays méritocrate.

…  

Pour preuve d’incompétence sinon de frivolité politique : se priver stratégiquement de la société EXXELIA, secteur de pointe en matière de composantes électroniques équipant avions de chasse et sous-marins nucléaires, vecteur d’indépendance, cédée aux Etats-Unis l’an passé pour de l’argent liquide, ne nous aura rapporté que 500 millions d’euros…

Et on s’est privé de ce fleuron technologique ! Le bradant pour en rendre immédiatement le produit de la vente à la veuve et l’orphelin.

Si l’Europe fédérale fait penser à la Sagrada Familia, la France quant à elle, fait cruellement penser au « Salon de musique » de Satyajit Ray.

….

Faire la guerre ? Concrètement, dans le cas d’un simple conflit traditionnel, nous disposons de l’équivalent d’une division terrestre (vingt-cinq mille hommes), pouvant défendre un front d’environ quatre-vingt kilomètres.

Le front ukrainien présente un flanc de près de mille kilomètres à défendre. Il faudrait, à l’échelle de l’affrontement d’il y a deux siècles, disposer contre la Russie d’une armée napoléonienne…

Fukuyama prédisait la fin de l’Histoire, la fin des conflits entre nations par le libre échange mondial et la régulation des marchés. Sa vision était plus courte que celle d’Huntington et relevait d’une nouvelle utopie purement et simplement économique.

Mais la violence est toujours là, et n’a jamais été plus menaçante que depuis que les souverainetés sont diluées, contradictoires et fragilisées. Et qu’il ne peut y avoir de souveraineté européenne sans l’aval d’un peuple. Et nous savons qu’il n’y a pas de peuple européen, pas plus que de souveraineté européenne. Puisqu’il n’y a pas (entre autres) d’armée européenne (la France seule s’est structurée autour de l’arme nucléaire), mais que l’Allemagne (elle le répète sans cesse si ce ne sont les Etats-Unis qui le lui rappellent aussi sans cesse) ne reconnait pour ce qui la concerne, encourageant les européens avec elle, que les forces de l’OTAN.

Reconnaissance de vassalité…

Dessin animé :

Le petit coq solitaire est monté sur ses ergots. Il parle fort avec son petit gourdin et se donne des airs de passage du pont d’Arcole. Il est sûr de lui, sur ce qui n’est que la morne plaine bruxelloise. Il n’a pas croisé encore le regard dédaigneux de l’ours des forêts. Celui-ci ne fait guère attention au vacarme, un gros gourdin à ses côtés. Par contre il surveille quand même d’un œil, le grizzli qui s’en retourne aujourd’hui dans sa tanière.

Le coq solitaire. Ainsi la grenouille … comme un bœuf.  

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6 Mars


NUAGES


Le printemps, pas encore à terme, crisse déjà dans sa coque, entre deux violents orages et ses immanquables traînées de nuages du lendemain. Ce sont les levers du jour sur le bord de mer. La vision panoramique tout le long du rivage à Nice est particulièrement théâtrale et dramatique. Les vagues, encore secouées par le mouvement des violences de la veille, viennent lécher irrégulièrement les galets qui roulent, bouleversant l’ordonnancement de ceux-ci. Les nuages dessinent, suivant ce qui reste des désordres formels, des silhouettes surprenantes de moutonnements spectaculaires de hasards, saisissant sur un profond fond bleu allant du plus sombre au plus diaphane, entremêlé de failles jaunies à l’endroit du disque aveuglant et comme par un suraigu du soleil. Des zones d’ombre absolues se dressent sur le coin gauche de la panoramique, indiquant la position en pointe de Roba Capeu et du port qui se dressent sur la bande de terre. Le soleil n’éclaire à ce moment-là que la vaste horizontale de ciel qui s’offre aux promeneurs un tant soit peu curieux de ce phénomène silencieux et qui vaut tous les spectacles. Emmanuel Kant, s’il n’était resté figé dans son périmètre de Königsberg comme un prisonnier tournant en rond, eut considéré ces levers du jour à Nice, les lendemains d’orage, dans la catégorie du sublime échappant à toutes normes de la raison. Une sorte de beauté augmentée dont le désordre des formes que prennent les paysages, (Bernard parle du sfumato de ces informels nuages) confirment que les mouvements les plus débridés de cette même nature relèvent, en se hissant à notre conscience, irrationnellement, de la condition d’œuvre d’art.

Certains ont dit, comme Bohuslav Martinu, que jamais les couchers de soleil, vus depuis la villa des sœurs Tessier sur les flancs du Mont Boron, ne pouvaient être comparés nulle part ailleurs. Ce dont je doute. Il existe des lieux de par le monde, où comme dans des fins de films hollywoodiens, les crépuscules prennent des allures de fin de monde avec cette certitude d’avoir vécu l’équivalence émotionnelle du plus beau spectacle éphémère qui se puisse proposer dans le ciel.

Par contre, ces matins suivant les journées d’orage, la limpidité et la beauté intemporelle de ces quelques moments de bleus mêlés de traînées anarchiques et divines de crevasses nuageuses, sont réellement uniques que l’on parle aisément de couchers de soleil, mais jamais de ces levers qui rassemblent toute une dramaturgie supplémentaire d’un monde qui continue de vivre chaque fois comme « premier matin du monde ».

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Y m’a fait une belle surprise hier soir avec cette « Education sentimentale », en vert cartonné et comme neuf, qu’il a trouvé dans une « boîte à livres » de Cagnes.

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7 Mars


… « j’ai refusé la Légion d’Honneur par ce que l’accepter c’est accepter que l’Etat puisse avoir un droit de juger un artiste » Maurice Ravel.

Autre temps, autre mœurs.

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8 Mars


J’avoue, jusqu’à ce jour ne pas avoir connu la peinture de Frits Thaulow. Il n’y a pas que moi d’ailleurs. C’est la première fois que je vois ses paysages (d’un album d’anthologie de peintures strictement nordiques) qui mériteraient des commentaires d’éloge auprès de ses pairs de Barbizon et des meilleurs impressionnistes.

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A Bernard :


Je ne suis toujours pas allé voir le Ravel. Mais je me forcerai ne serait-ce que pour savoir vraiment quoi en dire. Un film, sur l’un des plus secrets des compositeurs. Hier encore, sur France-Musique je tombais vers la fin de Daphnis et Chloé, ému à en avoir la vision troublée (je conduisais), me demandant qui pouvait bien porter au paroxysme cette bacchanale finale. J’avais mon idée puisque ce n’était pas la première fois que cette houle ascendante envahissait l’espace : j’avais justement reconnu Boulez avec Berlin. 
Donc, le film restera secondaire. 
J’entretiens, j’en suis conscient, un rapport instinctif à la musique dans ma poésie. C’est vrai que certains mots, certaines considérations musicales peuvent prendre valeur symbolique et phonémique sans ajouter quoi que ce soit aux mots et aux expressions à prendre en soi quel que soit le degré de connaissance qu’en aurait le lecteur. J’ai pensé à ce livre de Mazubayashi, « la reine de Cœur », qui parle du silence et qui est truffé de références musicales. Là je pense quand même que ça peut être gênant pour le profane, quand surgissent des considérations philosophiques ou contextuelles et que sont cités la Huitième de Bruckner ou le quatuor avec piano de Mendelssohn. Le romancier est tout de même tenu à une adhésion de sens. 
Je ne vais pas me contenter de tourner autour de ce roman, je m’en vais le lire … !

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11 Mars


Quatrième volume de la Nef des Fous d’Onfray. Le journal se lit en quelques deux ou trois heures. C’est très soigneusement observé.

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A Bernard :


Je ne trouve jamais le temps de finir ce satané catalogue (je pense que j’ai déjà envie de passer à autre chose) et je vais bientôt faire une sélection des nuages de janvier/février. Il y a beaucoup de clichés… Ça fera un superbe malerei.

Le Théâtre des Champs Elysée pour exprimer au travers d’un comédien les états d’âme d’un immigré algérien ? Mais il n’y a qu’à demander dans un bistro/PMU/FDJ… Ce serait plus vraisemblable.


 – sur le guéridon : le dernier Onfray (4° volume de la Nef des Fous). La suite du journal des folles nouvelles au jour le jour de notre décennie formidable.

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12 Mars


A Bernard :


Onfray tu ne risques rien d’essayer : le vol 1 de la nef des fous surtout, l’année la plus délirante. C’est un journal facile et mordant aux rubriques assez brèves. 

Modiano, c’est comme toi. Je trouve timide derrière ces jeux de cache-cache les personnages qui apparaissent progressivement. Mais le ton est assez direct, sans enflures. J’ai bien aimé les "Dimanches d’août" parce que pour une fois ça se passe à Nice. L’hôtel, rue Caffarelli (qui en remontant jusqu’à la Place St Philippe rejoint Jeannot). Puis on marche entre le square Alsace-Lorraine, le Queenie sur la Prom et puis quelques déambulations vers Coco Beach. L’histoire est bien structurée. Une histoire de bijoux qui navigue et qui termine mal. Mais souvent, dans d’autres romans, on s’y ennuie un peu, je ne sais pourquoi. Je crois aussi que Stef aimait y retrouver des rues et autres lieux de Paris.

J’ai retrouvé, telle quelle, une reproduction d’un port de Naples (même dimensions) d’Albert Marquet que j’adore, que j’ai eue sous les yeux durant toute mon enfance dans la cuisine de mes grands-parents. Elle avait fini par jaunir sans que je m’en aperçoive. Je vais pouvoir ré encadrer ma nouvelle surprise !

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13 Mars


SLAVA UKRAINIA …


L’escalade vers le conflit. La France décide que ce ne serait pas « Munich ». Ce qu’elle oublie, c’est que souvent comparaison n’est pas raison, s’il fallait le préciser dans ce cas plus particulièrement encore. La Russie d’aujourd’hui n’empiète pas sur les territoires de l’Europe et encore moins sur ceux de l’OTAN. De plus, la belle unanimité des « Alliés » de 39, n’est plus aujourd’hui qu’une division d’intérêts, et pour cause, il s’agit d’une Europe économique qui fait fi de toute défense des anciennes souverainetés.

Quel intérêt a la France dans cette défense sans réserve de l’Ukraine ?

Et puis du haut superbe et vertueux de l’Olympe présidentielle, le challenger sur le nouveau ring, à combattre, c’est la Russie atomique…

Je le répète. Nos principes nous mènent à penser que nous sommes éternellement et naturellement du côté de la vertu. Nous voulons donc défendre le droit de la veuve et de l’orphelin, vieille manie hexagonale. Nous voulons affronter la Russie, et malheureusement, cette escalade nous y mène.  Pour défendre la souveraineté de l’Ukraine et de ses frontières, nous avons paradoxalement renoncé depuis longtemps à nous considérer nous-même comme nation souveraine depuis Maastricht. Nous n’avons eu jusqu’à présent à opposer qu’un espace commercial. Dépendant de décisions prises par des commissions non élues, dont le pouvoir est à Bruxelles.

Et qu’à aucun moment on a entendu que le budget de la Défense Nationale a augmenté. Tout occupé que nous sommes par notre Europe ouverte aux frontières, mercantile et mondiale. Pour un temps de paix perpétuelle avait-on dit…

Au moment où je pose ces réflexions, la France n’est plus même capable de défendre ses propres territoires perdus de la république (et des amitiés africaines d’autres part), qui se perdent et s’éloignent encore de plus en plus de leur attache d’origine. Marseille est à feu et à sang, Rennes est gangrenée au cœur de nos narcovilles qui opèrent à visages découverts.

Hier encore, presque banalement, des heures de tir à l’arme lourde entre bandes rivales dans la nuit hors la loi… Les habitants des quartiers sensibles, cloitrés derrière leurs volets fermés. Et la France reste muette. Et la France appelle à une croisade contre la Russie. Une chose est certaine dans la comparaison avec 1938 : nous n’avons toujours pas préparé la guerre. En 39, l’Allemagne était en économie de guerre quand nous partions en congé payé. Etait-ce le bon moment ?

Par contre, nous sommes perpétuellement sourcilleux quant à l’esprit d’égalité dans le respect des droits de l’homme dans le monde (!), tout en ayant les mains vides de l’impuissance. La France se veut la voix universelle du bon huilage et du bon tuilage des droits, de l’équité et de la Justice. Le gendarme moral du monde. Le Badinter en vitrine. La queue de comète éternelle des Lumières. Qui ne sait plus même balayer devant sa porte. Marseille, Rennes, Paris aussi, et tant d’autres villes moyennes, maintenant gangrenées et proies des narcotrafiquants. Et devant son impuissance à régler ce qui relève de la souveraineté et du pouvoir régalien, le petit bras de notre gouvernement tourne son regard, le sourcil froncé vers l’Ukraine. Mais plus hypocritement vers les élections européennes du mois de Juin. Il s’agit en fait de mettre son opposition parlementaire devant le choix d’être pour la défense tout azimut de l’Ukraine, ou contre : la seule façon tartuffement moralisatrice, en diabolisant cette opposition, de rattraper son terrible retard dans l’opinion. A qui on ne demande plus rien d’ailleurs, pas même par voie parlementaire, puisque la décision de mettre en œuvre ce qui est de notre compétence dans la défense de l’Ukraine est prise par le seul bon vouloir du Président Macron. Le vote du parlement ne se faisant qu’après (!) qu’a été entériné la décision d’aller vers l’escalade. Ce qui est un comble. Et une tartufferie si ce n’était aussi un geste dictatorial à trois milliards d’euros à chaque envoi d’enveloppes.

Pour trois mille milliards de dette publique … 111% du budget de l’Etat. Et dire qu’on prête au Président une aptitude à la finance et au « savoir compter… »

Et puis la question qui tue : au-delà de la mobilisation armée de notre poignée de professionnels, qui ira affronter les canons russes ? La jeunesse des banlieues ? La France hallal de la dernière génération ? Celle des Mc drive/Mc Do ? Celle des caddies remplis à ras bord sur les parkings de Leclerc ? Ceux qui justifient le commerce le plus juteux d’Europe en matière de fumette ? Ceux qui hurlent à l’amour de l’Autre et qui sont formatés par l’époque la plus individualiste qui ait jamais existé ? Ceux qui préconisent une société aux instincts de mort et à la perte de l’élan vital (dénatalité programmée et droit absolu des femmes sur la question, décroissance et volonté de déclassent de l’homme par apport à l’animal) ? Ceux dont le sexe ne se veut pas identifié ou autoproclamé sans genre ? Ceux-là même seraient prêts à mourir pour l’Ukraine (!?) tout en honnissant tous drapeaux d’appartenance à notre nation ?

Qui veut donc mourir pour l’Europe ? Pour l’Ukraine ?

Sont-ce ceux-là qu’on va envoyer en rangs ordonnés devant la Russie aux dents aiguisées ?

… 

Les mêmes qui disaient mieux rouges que morts, iront-ils au front en trottinette ?

Leur restera-t-il même encore des dents pour mordre ?

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Mais derrière tout ça, on entend déjà les généraux et les économistes dire : « Il faut se positionner au premier rang pour la reconstruction de l’Ukraine… ». On fait le Plan Marshall français, sûr de notre fait, comme si 1945 venait déjà avant 1940…

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A Bernard :


Dieu est un concept compliqué certes …

Notre espace géographique est indissociable de la religion qui lui est consubstantielle. Question d’Histoire, de temps long. Notre chrétienté (qu’on soit aujourd’hui croyant ou non) est légitime dans tous les pays de culture occidentale.

Et je suis d’autant plus surpris de tant de mansuétude de ta part (et comme de bienveillante fatalité) devant une France hallal qui se profile à très très grand pas. 

De plus cette France nouvelle n’est pas prête de devenir athée. Et l’Islam n’est pas en Occident pour demander la charité.


Tu imagines : le front de l’Est, d’un côté, la Méditerranée grimpant toujours plus du sud vers chez nous… Du boulot ils ont…

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14 Mars


A Alain Jacquot :


Non, je ne tiens justement pas à ouvrir ce qu’on appelle un forum d’idées ou d’échanges.

Les textes que je te fais parvenir sont des extraits de ce que je consigne dans mon "carnet", qui est tout à la fois un espace personnel de réflexions, un journal, et une accumulation de "mémoire".

C’est un fabuleux exercice que de travailler et de faire travailler sa mémoire et le passé qui l’accompagne. La finalité de tout ça est évidemment de rester dans le cadre d’un ensemble d’écrits visibles sur mon site et seulement ouvert à la curiosité de ceux qui le désirent. Il y a trop de blogs ouvert aux quatre vents qui demandent une attention permanente (un peu comme les contraintes des "influenceurs sur les réseaux) avec tous les conflits et les vulgarités que tu imagines, que je ne me positionne pas du tout dans cette optique.

Que faire de l’accumulation de tous ces textes ?  Peut-être une publication un jour. J’ai encore essayé de faire éditer mes récits de voyages chez plusieurs éditeurs qui présentent de belles collections. Ils m’ont pour la plupart répondu favorablement mais m’ont toujours proposé d’une manière ou d’une autre un "contrat d’édition participative". Nous vivons hélas à l’ère du numérique et de l’informatique et les éditeurs ne prennent plus de risques. Je refuse chaque fois les frais en question qui vont de 1500 à 2500 e, sans garantie de suivi en librairie et surtout sans les réseaux d’influences qui accompagnent les auteurs déjà installés.

Ma première publication (en 2016) avait été un recueil de poésies c’est-à-dire le genre le plus ingrat au regard des ventes auprès du public. J’en ai vendu par voie de Fnac ou d’Amazon … à 28 curieux courageux. Sinon j’ai fait plaisir en le dédicaçant aux amis et à quelques jeunes curieux. J’ai donc décidé de prendre un pseudonyme, ce sera Michel Drucker. Je compte sur ta discrétion.

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Temps gris ce matin. Je vois Isa au « Veillon » tout près de la Libé. C’est vraiment un quartier les plus attractifs de la ville. La rue est d’ailleurs une rue piétonne qui donne directement sur le marché de Malaussena.

Y m’appelle vers dix-sept heures de sa petite voix de bonhomme. Il n’a fait que deux fautes sur trente au questionnaire. Son papy est fier.

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15 Mars


Petit ouvrage sur Federico Mompou de Jérôme Bastianelli chez Actes Sud. Pourquoi donc Mompou n’est-il pas reconsidéré à sa vraie place dans le gotha des corpus pianistiques majeurs du XX° siècle ? C’est le seul compositeur qui eut pu revendiquer une succession directe de l’héritage de Debussy sans être un simple épigone.

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16 Mars


Aribert Reimann est décédé.  Qui se souviendra de Lear, pourtant défendu par Fischer-Diskau et Julia Varady ? De Medea et du Château d’après Kafka ? Peut-être une génération à venir.

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18 Mars


A Bernard :


Donc un anniversaire et une St Patrick fêtés dans l’intimité nous avait-on dit. On s’est retrouvé 26 ou 27 avec les enfants et petits-enfants…. Juana adore recevoir. C’est un peu de l’esprit sud-américain qu’elle a gardé. Les tiendas, les grandes fermes dans les campagnes avec souvent des chevaux et des terres à perte de vue… C’est drôle, ses enfants sont vraiment de la ville. J’étais, comme ça arrive souvent maintenant, le doyen de cette partie champêtre. 

Je lis un petit essai sur Federico Mompou (que tu verras apparaître dans le catalogue) chez Actes/Sud. Un compositeur rare et précieux (au sens d’important) peu connu des grandes salles de concert.

On s’attend à une semaine grise.

On honore le resto étoilé vendredi. Je me prépare.

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19 Mars


A Bernard :


Doyen peut-être, mais si je suis encore invité ça veut dire que ma compagnie ne désagrée pas encore aux générations montantes. Et puis on a failli avoir le vieux beau qui chante toujours "don’t let me be misanderstood" fraîchement arrivé de New-York (LeRoy Gomez) mais qui, ayant attrapé un virus, n’a pu chanter en l’honneur de Patrick et faire son petit compliment vocal. (On a eu droit à une petite vidéo où on le voit alité donnant à peine un filet de voix). C’était mieux l’année où il y avait Florence Guérin (Les prédateurs de la nuit). Juana et Patrick aiment beaucoup s’entourer et quand ils font dans l’intimité, c’est pas moins de 25 personnes. Je ne raffole pas trop de ce genre d’invitation. C’est plus calme dans leur maison des Alpes.

Tu m’as bien amusé avec walkisme. Pourtant, dans le carnet, depuis le temps… Wokisme, woke : éveillé (disent-ils). Mais tu as raison, on n’arrête pas ces épidémies américaines. Sauf qu’il ne faut pas s’en moquer, ça a déjà infesté les universités françaises, pour ne pas dire que c’est LE courant influent majeur (et obligatoire).

J’ai regardé la quatrième de couverture de Tokarczuk. En principe c’est pour donner envie de rentrer dans l’ouvrage en question. Mais d’y voir pour la énième fois qu’on aura du Thomas Mann versus féministe, ce n’est justement pas l’argumentaire pour me plaire.

Thaulow, au Petit Palais ? Ça ne m’étonne pas. Mais j’avoue l’avoir découvert au hasard d’un ouvrage sur les peintres et les lumières du Nord. 

Et puis "Naples à Paris" ? Je parie que tu n’iras pas…

Mars arrive à sa fin et contrairement aux autres années pas la moindre percée de rose et de blanc aux feuillages. On va basculer d’un coup.

Pas de projet précis encore. Cécilia est très affairée. Un projet toutefois du côté des côtes atlantiques et aussi une réservation pour ces fameuses Cinque Terre en Mai (4 jours).

Sur le guéridon :  – le numéro 16 de Front Populaire

          &nbsp ;                    – le naufrage des civilisations (A. Maalouf)

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21 Mars


A Bernard :



Pour Leonard on a tout eu à Milan. Même les magnifiques jardins de sa maison avec les vignes qui donnent encore du vin. Ce jour-là il y avait une extraordinaire lumière grise sur le vert mouillé des végétaux. On a vu aussi à la Bibliothèque ambrosienne le fameux portrait de musicien. Et pas n’importe lequel. Pour un œil avisé, si on regarde dans le coin droit du tableau, le musicien tient un bout de partition qui indique le début d’une messe de Josquin ! J’ai pu approcher jusqu’à presque toucher le tableau. Sous l’œil une peu contrarié du gardien. J’ai appris que certains de ses tableaux étaient en fait réalisés par son élève préféré (et amant ?) Jacques Caprotti dit Salaï (notamment le Saint Jean Baptiste avec le mouvement du bras qui indique mystérieusement à regarder quelque chose derrière lui (un ensemble de montagnes au fameux sfumato). Tableau qui se trouve dans la même pièce en sous-sol aux côté du Josquin. Voilà pour mes souvenirs de Léonard. Puis les machines, les ailes volantes et les livres sur lesquels on a une idée de son écriture. Ce qui serait plutôt une salle d’expo qui te conviendrait. L’année d’avant on était au clos Lucé où il y a, outre la maison que François I lui avait attribué, mais également des tas de dessins préparatoires et anticipateurs d’objets réalisés au XX° siècle. La maisonnette dans le jardin est minuscule et débouche sur un parc féérique de rocailles, de reflets lumineux et de végétaux genre forêt vierge. Mais tu peux retrouver mes souvenirs dans Milan et Ciels en val de Loire…


Je traine un peu les pieds pour le catalogue, mais je sais que tout va venir d’un coup. Il suffit que je me concentre une heure ou deux.

C’est en effet le printemps aujourd’hui, à moins que ce n’ai été hier. 

On va honorer à midi ce fameux coupon d’un restaurant de chef à Valbonne. En général ce sont de petites portions denses comme tout le savoir que possèdent ces chefs, et on a comme ça cinq ou six plats qui se succèdent sans compter les amuses bouches, les fromages et le dessert. Et dire qu’il y en a qui disent que dans ce genre d’endroit il n’y a rien dans l’assiette. Ils sont plutôt coutumiers des relais de chasseurs (que j’adore par ailleurs).

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24 Mars


A Bernard :


J’ai reçu tes 2 derniers courriers sur free d’où je peux recevoir mais plus répondre, donc je passe mon temps à effacer les courriers publicitaires et toutes sortes de messages qui remplissent vite les colonnes de la messagerie. Je te réponds donc depuis gmail qui sera à l’avenir ma messagerie courante.

Léonard est source d’émerveillement constant et dans des domaines tellement variés Tu devrais faire un saut à Milan. Il n’y a pas la Joconde mais le Josquin est isolé dans une salle non photographiable et me semble plus émouvant que Mona Lisa qui a émoussé notre regard depuis bien longtemps.

Le catalogue est quasiment fini. Il reste 15 noms de compositeurs. Je ne m’étais pas aperçu que j’avais avancé bien vite en deux ou trois séances seulement. Depuis je traîne. Parce qu’en fait j’ai noté dans mes brouillons bien plus de 100 noms. Donc tous vont figurer et il n’y aura pas de délimitations vraiment strictes. 100/110/112, peu importe. On gravera quand même l’idée de la centaine.

Tu vas te moquer, c’est sûr, mais tu comprendras bientôt : j’e me suis mis en tête (on peux pas dire mieux) d’apprendre par cœur, au moins une centaine de chiffre après, 3,14. Le professeur Jacquemart faisait ça de temps à autre (c’est notre seul point commun). Je retiens déjà, les doigts dans le nez, les 20 premiers… Ce n’est surtout pas un exercice de mémoire à conseiller avant de s’endormir. Je sais, c’est ridicule, mais j’aime bien les exercices de mémoire. Je peux (dans des domaines qui ne sont pas toujours les miens) réciter sans hésiter les noms des vainqueurs du Tour depuis la fin de la guerre. Sans hésiter plus de trois secondes par intervalle. En sens inverse c’est aussi possible. Idem pour les champions du monde de F1, idem pour les différentes nations qui ont gagné la coupe du monde de foot. Et dieu sait, si chez Sauveur j’aurais du mal à parler avec les habitués du dernier match de l’OGCN… J’ai la mémoire photographique des listes. Il y a un déclenchement mémoriel (à entretenir bien sûr) qui est un mélange global de couleurs, de traversée du temps comme si j’avais moi-même parcouru des époques que je n’ai souvent pourtant pas connues. Je ne sais d’où ni comment se déclenchent mes procédés mnémotechniques. L’observation des tableaux, leur dessin et leur composition est aussi un bon exercice mémoriel. Bref tu vas commencer à croire que ça ne s’arrange pas. Mais tu verras 3,14 et la suite c’est fascinant.


Le puzzle arrive bientôt à terme. Je n’y serais pour rien. Cecilia et Y auront eu la patience. Et il est beau. Il ne reste plus que le centre de l’Ecosse. Tu verras la photo.

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Le froid disparaît insensiblement avec ce troisième jour de printemps. Ce qui m’étonne, c’est l’absence d’arbres roses et blancs cette année, de même qu’on ne voit poindre les bourgeons précurseurs, ni sur l’arbre de notre jardin, ni sur les grands qui font face à la fenêtre, côté nord.

Nous sortons d’un hiver sans neige, mais qui a été propice à beaucoup de lectures contre les froids d’après-midi. C’est toujours le meilleur moment pour moi. Avec les soirées lorsque le silence est sans partage dans la maison. Je me suis plongé dans quelques Modiano. Ça se lit comme on pose une virgule entre deux lectures de longue haleine.

Tous ces Modiano comprennent un vol et une fuite. La perte d’un personnage dans le temps du roman et des retrouvailles déçues plusieurs années après, ou des disparitions corollaires au vol sous-jacent. Les fins de romans sont évidemment d’un désenchantement calme et quasi adagio. Automnales.

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ILS S’EN VONT


12 h 30

Je venais de revoir Fatiha, mon amie d’Ifrane, chez Sauveur. On avait parlé d’Essaouira, du Maroc… En partant j’ai laissé ma place à Parizette, tout contre le mur où elle a l’habitude de s’installer à cette heure. J’apprends par un message de Thomas qu’elle est décédée subitement à cet endroit, moins d’une heure après que je sois parti. Quatre-vingt-un ans.

Quelques jours auparavant elle avait demandé à lire mon récit de voyage en Ecosse…

Après le décès de Seiji Ozawa, c’est aujourd’hui Maurizio Pollini et Peter Eötvös qui s’en vont…

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26 Mars


A Bernard :


Tu as certainement raison, on peut être polytechnicien sans avoir de mémoire. Nous nageons dans un océan d’outils. De plus, notre temps pourrait se caractériser par une pléthore de totems (les cultes, l’esprit vintage, collector revival, les nouvelles croyances etc.) avec de moins en moins de tabous, le tout dans le paradoxe d’un monde ayant renoué avec le puritanisme et le retour des dogmes (les diabolisations politiques, les doxas majoritairement morales et bien pensantes aussi). Des certitudes dans un univers de plaques tectoniques se superposant parfois. Je donne cet exemple qui résume notre monde générationnellement étranger l’un à l’autre : un lycéen à l’oral de géographie du bac : "quel est le plus grand navigateur? Réponse : "Google". Et il n’y avait aucune ironie … 

Mais rassure-toi je ne mémorise pas (une partie) de PI pour défier le totem mastodonte, ni lui, ni aucun autre. Je fais simplement fraîchir ma mémoire. Une manière de la mettre en température, comme un cru à respecter. Les enfants d’aujourd’hui n’apprennent plus les tables de multiplication. Il y a les ordis de sauvetage (encore faut-il avoir toujours cette béquille avec soi-et qu’elle fonctionne). Tout de même, une partie de notre savoir, de tout ce que nous avons emmagasiné qui se trouve en miroir dans nos bibliothèques et nos enregistrements sonores, sont mémorisés. 


J’ai pratiquement achevé le catalogue. Mais il va dépasser les cent représentations prévues initialement. Tant pis, je ne peux séparer les cent premiers élus de ceux qui suivront. A titre d’information. En plus il y aura une liste "off". C’est le cas de le dire. Et puis la poésie de mars et puis…

Pluie pour la fin de semaine.

Pas encore vu Bolero, peut-être l’occasion…

                                      Sur le guéridon : Hildegarde (Leo Henry)


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Après l’attentat de Moscou, c’est peut-être l’aubaine pour Macron de baisser le ton concernant l’envoi de soldats français dans le conflit. Surtout qu’il n’est pas sans savoir que voulant augmenter la production d’obus à trois mille par mois, il sait également que chaque jour qui passe, l’Ukraine balance à peu près cinq mille obus du côté russe en deux ou trois heures…

Petit poucet qui viendrait au secours de mastodonte.

Il serait plus sérieux de savoir nommer le vrai ennemi commun.

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31 Mars


A Bernard :


…On a ici un temps de breton, un temps têtu chaque fin de semaine. Pluie monotone. Mieux vaudrait se jeter à l’eau d’une piscine.

Vendredi on a honoré le second coupon gastronomique au Cannet. Une salle en forme de fer à cheval (genre table de réunion directoriale) avec une capacité de quinze couvert. Nous étions dix. Le chef officiait devant nous, commentant l’accord des vins et des mets. Les temps de cuisson et l’origine des produits. On nous a servi successivement six plats d’une extrême finesse. On a fini par connaître nos voisins de dégustation de droite et de gauche. Expérience insolite, qu’on aimerait renouveler si la formule se pratiquait hors ce genre d’invitation…


Le catalogue n’accompagnera pas la poésie et le carnet. Je n’ai vraiment pas eu le temps (l’envie surtout) d’achever les commentaires accompagnant les compositeurs sélectionnés.


On a réservé un long week-end aux Cinque Terre pour le mois de Mai. Peut-être que Y sera de la partie.


« Hildegarde » de Leo Henry est une longue saga médiévale du temps de la moniale Hildegarde von Bigen bien connue pour ses travaux d’astronomie, de mystique et de compositions musicales. Une écriture saillante et une tonalité très personnelle de l’auteur.

Pi est photographiquement installé dans ma mémoire (50 premiers chiffres). Je ne sais déjà quoi en faire.

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3 Avril


A Bernard :


Je ne retrancherais pas un mot de ce que j’ai écrit le mois dernier. Mais je pensais, notamment, que Slava Ukrainia méritait une lecture moins distraite. En gros j’ai opposé la France de l’intérieur que je juge catastrophique dans sa gestion (et pas que financière), et la France, qui pour le coup, s’offre des effets marketing permanents en politique extérieure. Que même les pays de l’OTAN ont tenté de calmer le désarroi que la macronie tente d’éponger avant les prochaines obsédantes élections. Tu n’en as pas parlé. Et pas senti peut-être la logique globale du texte. Ce qui fait penser à une lecture soit sélective de ce Slava, soit que je pose des considérations sidérantes et hystériques. Ce que je ne crois pas. Enfin, la réalité viendra qui dira dans moins de temps qu’on imagine si je me trompe ou si j’ai raison de ne rien vouloir retrancher de tout ce texte.


Le catalogue m’indispose pour tout dire. Il est fini (sauf les référence que je me dois d’achever comme je l’ai fait pour les 50 ou 80 premiers nommés, et c’est pour ça qu’il n’a pas été envoyé). Je suis souvent sollicité par de vieux copains ou par les enfants qui sont toujours entre deux périodes de vacances ou par le travail scolaire qu’on fait avec le grand. Mais patiente encore un peu…


Si tous les milliardaires du monde pouvaient se donner la main, l’espérance de vie au XXII° siècle serait de plus de cent ans. En attendant mieux. Franchement, je crois qu’ils ont mieux à faire qu’à se préoccuper de l’espérance et de l’humanité réunie. Mais c’est sûr ils mettront tout en œuvre pour se servir les premiers. Espérance hors de prix garantie ! Les autres mourront encore de mort anonyme brutale ou fatale pendant un bon bout de temps. Et puis "stop la mort", outre que c’est pas joli comme le dit Cavanna que je n’aime pas, est le symptôme récurrent du péché originel, ou dit autrement, de l’orgueil humain qui se mire dans le miroir illusoire de son propre désir d’immortalité. Même les pharaons n’y ont pas pensé pour leur existence terrestre. Ils ne l’envisageaient qu’après le passage… Et quand je vois certains humains de maintenant, je ne vois pas poindre d’immortalité potentielle.

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5 Avril


14 h 30

Cérémonie en l’église du Gésu pour Parisette décédée il y a quelques jours. Un monde fou. La petite place a du mal à contenir tous ceux qu’elle connaissait. On voit les habitués de ces dernières années, puis des visages oubliés depuis l’époque de la Dégus. Les commerçants sont là, des jeunes, des vieux. Elle était née à cinquante mètre de là…


La plaie que la CEDH ! … La France est condamnée (à quoi ? mais condamnée tout de même) pour ne pas avoir reçu dans des normes suffisamment décentes les harkis après la guerre d’Algérie. Dans les années soixante (!). D’une part, celle-là s’est bien rattrapée envers les petits algériens d’aujourd’hui, d’autre part, de quoi j’me mêle a-t-on envie de dire ?

En quoi la morale et la politique de la France des années soixante, pays souverain, se trouveraient-elle, même prises à défaut, jugées (sanctionnées) par une assemblée de guignols en robe, auto proclamée juges des morales universelles, payée avec les impôts des nations contribuant, soixante années plus tard ?

Ne cherchons pas bien longtemps. S’agissant de l’Europe, la France signe n’importe quoi au bas de n’importe quel papier, du moment qu’il s’agit de la « construction des valeurs de l’Europe ».

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Le féminisme pousse le bouchon assez loin. Outre que les femmes dans leur élan vers le toujours « plus libres, plus autonomes contre l’affreux patriarcaca occidental », outre leur mutisme devant un patriarcat nouveau issu de diversités importées, se posent la question de savoir si l’accouchement ne déforme pas les hanches ou si les nuits ne seraient pas cruellement perturbées, exhortent, avec les mouvements amis intersectionnels, les petites filles à devenir des garçons et les garçons à devenir des petites filles. Lesquel (le) s pourraient, dans la joie de la future maternité (paternité), devenir enceint(e)s. Avec remboursement pour les petites transformations, et bénédiction du Planning « Familial ».

Evidemment le concept ne court pas les rues.

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 La tyrannie de l’idéologie minoritaire tend à faire en sorte que le particulier devienne la norme.

En détruisant les normes et les structures majoritaires élaborées sur un temps long. Qu’on nomme civilisation.

– Révolutionnaire –


Les toujours optimistes répondent qu’il ne s’agit que d’une « minorité » et que les normes suivent leur chemin. Même justement lorsque l’idéologie minoritaire devient la norme bien que minoritaire dans un monde où la majorité n’est plus respectée et que les minorités deviennent idéologie majoritaire ? Suive qui peut.

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Jankélévitch est un philosophe augmenté. Il a écrit un livre sur la mort. Inutile. Que peut-on attendre d’un livre intitulé La mort ? Je l’avais lu après le décès de mon père, comme une sorte de veillée post mortem. Un livre de circonstance en quelque sorte. : cinq cent pages pour ne rien apprendre sur la mort, mais seulement sur ses périphéries. On s’en doutait. Il se fait autrement intéressant quand il parle moins de philosophie. J’ai cédé à son « Albéniz, Séverac, Mompou, la présence lointaine ».

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8 Avril


A Bernard :


Je crois que dans la brève intro il est expliqué la différence kantienne entre musique qui fait plaisir et musique qui élève l’esprit. C’est écrit. Et puis je crois que je ne crois plus au même feeling, au boom-boom du cœur (pourquoi n’y aurait-il pas de cœur dans Sibelius). Dans un article antérieur je me souviens avoir dit que nous avions été (toute notre génération et aussi celle juste après 1945, et pour cause) soumis à la musique des vainqueurs de la seconde guerre). En douceur, et sans qu’on s’en aperçoive une seconde. La diffusion des ondes radio universelles et l’industrialisation maximale de la musique rock ont fait le job.

Et la définition que tu dis de F.M. (faire plaisir à l’oreille) est aux antipodes de ce que tu imagines. Ecoute Kurtag, Xenakis et même Boulez qui a écrit il y a déjà plus de 70 ans "le marteau sans maître", je ne pense pas que ce soit particulièrement destiné à "faire agréable à l’oreille". Le blues ? Mais pourquoi la curiosité de nos 20 ans, la spontanéité de notre génération ne nous a fait connaître QUE la musique américaine ? (Et pas la suédoise ou la japonaise, ni la chansonnette monégasque ?). Je ne renie pas ce que j’ai aimé à 18 ans. Les mêmes choses que toi à peu près. Et puis j’ai élagué. Et aujourd’hui, j’avoue que je ne mettrais pas de blues dans un catalogue. Je sais qu’il y a beaucoup d’auditeurs (et surtout sur F.M.) qui aime afficher à côté de leurs goûts pour Bach ou Vivaldi, un Nina Simone ou un Johnny Clegg. Mais je pense que c’est une posture. Les univers étant antipodiques. Bien sûr si on se fie uniquement à un "feeling" du moment, c’est possible, mais pas à inscrire dans un catalogue des trésors pour l’île déserte. D’ailleurs, le blues, sur l’île déserte n’a aucun sens.

J’ai discuté ou plutôt entendu une discussion à laquelle je ne me suis pas senti de participer à la terrasse du Sauveur où j’entendais (je résume) qu’il n’y avait rien eu de plus génial depuis toujours que ACDC (déjà ce n’était plus ma génération), et GUN’s AND ROSES (!!! oui, oui) et "Anti Social…". Ils étaient persuadés que leur univers était la seule galaxie possible. Je suis resté muet. Et on m’a évidemment regardé du coin de l’œil sachant que j’avais des approches un peu datées . Avec gentillesse, mais tout de même.

Il faut relire le mythe de la caverne…

Je peux malgré tout, ajouter un additif sur ces musiques de mes 18 ans. Avec les explications ci-avant exposées.

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9 Avril


DEFAITES


Un proviseur de lycée, quelque part en province, démissionne quelques mois avant de faire valoir ses droits à la retraite. Une sorte de fuite. Une manière de renoncement. Comme un aveu d’impuissance et une défaite. Abandonné par la veulerie de ses hiérarchies. Comme une échine qui s’est courbée sous trop de pression et de peurs accumulées.

Menacé de mort.


Montpellier. Une jeune fille de quinze ans, Shamara, est lynchée à la sortie d’un établissement scolaire parce que la communauté à laquelle elle appartient ne tolère pas qu’elle s’habille à l’occidentale et ne porte pas le voile. Kouffar… Mécréante aux yeux de sa communauté.

Quatre garçons plus âgés qu’elle la laisse inanimée devant les portes du collège. Pronostic engagé durant quarante-huit heures.


Viry-Châtillon. Un gamin de quinze ans, Shemmedine, est lynché. A mort cette fois, par une fratrie qui s’est arrogée le droit d’infléchir l’avenir de leur sœur qui entretenait des rapports inconvenants avec lui. Il est décédé après lynchage et enfoncement de la boîte crânienne. Ils sont tous âgés de quinze à vingt ans.


Ce sont trois faits de société, puisque récurrents, et pour des causes identiques, qui se sont produit entre la fin de la semaine dernière et le milieu de celle-ci. Pour les amateurs de statistiques qui ne croiraient qu’à des évènements hasardeux, accidentels et étrangers les uns aux autres, on dénombre environ quarante et une agression par heure de ce type dans notre pays (pour ceux qui penseraient qu’il ne s’agit que de fait divers).


Les bons médias n’en parlent pas. Ou d’un entrefilet de voix. Pourquoi ?


Les féministes luttent aujourd’hui contre le patriarcat occidental et se taisent avec fracas devant un nouveau patriarcat d’importation ouvertement décomplexé. Pourquoi ?


Déjà mature, Mila est sous protection policière depuis quatre ans. (Aujourd’hui des représentant de l’Etat se félicitent d’avoir mis sous protection policière des adolescents qui pensent mal).

– Comment nomment-on un pays où il devient nécessaire de mettre un flic derrière chaque personne qui pense librement ? –

Elle n’a aujourd’hui que vingt ans : « La laïcité on en parle tout le temps. Elle est morte ».


… Encore faut-il, comme pour la ligne Maginot, croire à la résistance de certains principes contre les forces obscures.


L’Etat dit lutter contre l’islamisme, le voile en milieu scolaire.  « L’ajustement » aux valeurs de l’Islam à la sortie des « sanctuaires » de la République, est-il le fait de terroristes ? Ce sont de simples adolescents scolarisés de la troisième génération qui ne partagent tout simplement pas les valeurs culturelles proposées, notamment dans ces « sanctuaires » de la République. Ni aucune part d’ailleurs, sur le territoire…


Après une décapitation d’enseignant et le meurtre d’un autre en deux ans.


Dans une autre « République », Platon écrit : « Lorsque les maîtres tremblent devant les élèves, nous sommes aux portes de la tyrannie ».


Défaites…

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Notre époque fait étrangement penser à cet épisode biblique de Joseph et la femme de Putiphar :

Joseph, en captivité chez un officier de pharaon, Putiphar, se voit objet des séductions de la femme de celui-ci. Devant les refus de Joseph, celle-ci accuse celui-ci de l’avoir violée et le fait condamner.


Richard Strauss en a tiré un magnifique ballet, jamais donné, pas même en version de concert.


Salomé relève aussi du même genre. Le syndrome de l’éconduite.

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10 Avril


A Bernard :


Tu as raison. J’ai été formé à l’ancienne manière, lorsque les femmes n’existaient pas. Eve n’était pas née.

Ma sensibilité s’est pervertie. Ce catalogue en est le miroir.

Il est le miroir de ces compositeurs, les plus ancrés dans les siècles que j’ai finalement fait miens et qui resteront toujours hors saisons, hors passages des modes.

Je fais mea culpa et un clin d’oeil à Lili Boulanger que j’adore et qui devra entrer dans ce catalogue. Impardonnable je suis… (J’en ai tellement parlé dans le Carnet début 23 !).

Il y a effectivement une femme, Kaija Saariaho, mais a-t-elle un genre ? Elle vient de mourir, c’est une sœur pour moi, elle est de 52. Je n’avais jamais fait attention à son genre. Une femme, c’est vrai, qui a fait sa place dans le sillage majoritairement masculin. Une tellement grande que personne ne se préoccupe de son genre. Enfin, elle est universelle. Certains le savent heureusement.

Il devra y avoir aussi Hildegarde von Bingen dont je parle parfois (et dont je lis le roman de Leo Henry). Puis la bienheureuse Sofia Gubaïdoulina, Elisabeth Canat de Chizy (qui, paradoxalement fait le "tombeau de Gilles" (de Rais…). Il y a aussi Betsy Jolas, Jeanne Leleu et Rita Stroll. Puis du temps baroque, Elisabeth Jacquet de la Guerre, musicienne de Louis XV.

Et Patti Smith ? Elle aime Rimbaud, elle a acheté sa maison natale dans le Nord… Je l’avais vue en concert aux arènes de Cimiez en 2004… Je n’irais pas jusque-là.


Ce catalogue n’est pas fini, comme les conquêtes de Don Juan.

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11 Avril


A Bernard :


Le catalogue serait-il un work in progress ircamien ? Je pensais jusqu’à présent en terme de CENT, puis est venu le temps du soupesage et du doute, et les 100 volent en éclats comme a volé en éclat la verticale en sens de valeur décroissante (tiens !) du classement attalien. Et puis est venu le temps des femmes en musique. Tu fais bien de soulever ironiquement la chose. Ironique, mais soulevée ! Il y a effectivement des femmes, tellement importantes que l’on avait oublié qu’elles étaient "femmes en musique". Je pense notamment à Lili Boulanger et à Kaja Saariaho, décédée l’an passé. Elisabeth Jacquet de la Guerre que j’ai connue par des musicologues du conservatoire, spécialistes du baroque, seuls à connaître l’existence de celle qui, dès Louis XV, composait un ouvrage lyrique, qu’on ne disait pas encore "opéra". Et ce, dès les années 80. On ne parlait pas de musique au féminin. En l’occurrence elle existait par son importance. Elle, comme d’autres. Par contre aujourd’hui, il y a sur FM, comme dans la pub, un quota à respecter pour les minorités et les laissés sur le chemin, qu’on a droit à n’importe quelle femme compositeur, chef d’orchestre ou figure contemporaine, pourvu qu’elles relèvent du genre … C’est pour cette raison qu’on ne verra pas (et cette fois c’est sciemment), les noms d’Augusta Holmes, Louise Farrenc ou Mel Bonis qui envahissent les ondes et les programmes de concert par leur seule féminité, et parce qu’elles ont existé du temps des salons bourgeois dans l’ombre du grand Fauré. Sans son génie. Il t’a échappé tout de même que ne figurent pas Clara Schumann ni Fanny Mendelssohn. Honnêtes compositrices mais dans l’orbe respective de leur mari et frère. Certains penseront que je ne suis pas juste.

Mais tu as bien fait de me rappeler (tu ne peux imaginer comme il a été difficile, une fois abordé le XX° siècle, l’information et l’enregistrement de valeurs nouvelles étant, de fixer un cap de 100) l’existence de grandes figures féminines. Donc ce cap a échappé à sa logique des grands "Commandeurs". Heureusement il reste le déroulé du catalogue de Léporello, tout effaré de ces Mille e tre

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Qui aurait imaginé en Parsifal, et son thème inaugural, un vieil air luthérien ? Cet ultime ouvrage de Wagner que Nietzsche fustige comme un relent faisandé de catholicisme trouve ses racines dans un vieux choral que le gentil Mendelssohn reprend à son compte dans sa symphonie justement nommée « Réformation ».

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Aujourd’hui c’est au sens propre qu’on tire sur les ambulances. Les camions de pompiers et le personnel dans l’enceinte des hôpitaux.

Hier, un brancardier a été roué de coups par des sauvages qui n’avaient pas été pris en charge « immédiatement » aux urgences. Pronostic vital engagé durant quarante-huit heures.

Parfois, à l’inverse, ce sont les médecins qui sont interdits d’entrée dans certains quartiers.

Pourquoi ?

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12 Avril


A Bernard :


C’est à Naples que j’ai vu sur toute la largeur d’un premier étage l’enseigne "Accordeur de piano". Comme c’est une ville tellement vocale, je ne sais pourquoi, à l’entrée du quartier spagnolis, délabré et lyrique, j’ai spontanément imaginé une voix venant dont ne sait où, dans toute la rigueur du chant dont on ne sait si c’est la voix du piano ou celle de l’artisan…

D’autre part j’ai bien connu l’accordeur de piano du Conservatoire, je déjeunais avec lui quand il était de passage à Nice.

Tout ça se bouscule un peu.

Brumel est dans le catalogue.

Pi gratifie beaucoup les décimales 50. Mais je suis sûr qu’à la fin du « compte » tous les chiffres sont en quantité égale et tombent dans un trou.

……..

Saint Eustache ? J’espère que tu as été ému. Lully y a célébré ses noces, Rameau y fit ses adieux à l’orgue, et Mozart qui vint rarement à Paris, assista aux obsèques de sa mère, décédée subitement.

Je me souviens qu’on y était allé ensemble en 2016. Il y a aussi de très beaux vitraux. C’est à côté des anciennes Halles. J’ai en mémoire un grand vaisseau qu’on voyait de loin…

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15 Avril


A Bernard :


La musique de Hermann et Morricone sont des exceptions auxquelles on peut accorder une importance aussi grande qu’aux compositeurs de musique pure. Dans leur meilleur. Et les "Hauts de Hurlevent", œuvre rare devrait faire partie du répertoire de l’opéra.


Le printemps est arrivée d’un coup mais maintenant les flambées de couleurs et les parfums dans les jardins et des bords de routes sont éclatantes. Il fera très chaud dans pas longtemps et on se plaindra. Les nuages sur les rivages ont laissé place à une lumière uniforme et lisse comme une toile d’arrière-fond. Sans plus d’intérêt photographique. A moins qu’il y est un dernier orage en forme de feu d’artifice le lendemain…


J’achève le Leo henry. On n’apprend rien sur Hildegarde mais on pénètre dans un Moyen Age rugueux du côté du Rhin.

Sur le guéridon, pour suivre, j’ai les "holocaustes" de l’arabisant Giles Kepel qui m’attendent, à moins que la priorité aille vers "la présence lointaine" de Jankélévitch, essai sur Albéniz, Déodat de Séverac et Mompou. 1 Andalou, 2 catalans. Il va y avoir de la lumière…

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Je terminais le 9 Avril, disant : « cette jeune génération de nouveaux français d’origine musulmane, comme on dit habituellement, la troisième génération depuis les débuts de la crise pétrolière de 73, refuse les valeurs culturelles, morales et politique de notre occident… refuse même toute les valeurs qui firent ce que nous sommes. De l’autre côté, un certain féminisme veut briser l’ordre ancien et son patriarcat » …

Et pendant ce temps, en Iran…

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16 Avril


A Bernard :


Le vent, les grandes plages, et tout plat à l’horizon… Je me souviens avoir photographié Hélène et Céci avec le cerf-volant sur de grandes étendues de blé en Autriche.

Il y avait en arrière-plan une église au clocher à bulbe. Nous devions être bien à l’intérieur de la Basse -Autriche. Mais j’avoue que c’était du travail de novice et l’expression des visages sur les clichés montre bien l’emberlificotement dans les caprices du vent. Mais les photos restent émouvantes…



Les nations ont toujours eu un rapport à la mémoire des grands hommes qu’elle statufie. Du moins, jusqu’à présent, nos totems parlaient des navigateurs, des écrivains et des scientifiques dignes d’exemplarité. Aujourd’hui, l’époque serait plutôt au déboulonnement après avoir balancé tout un mépris de pots de peintures sur lesdits héros. Flaubert aurait été mal pensant, faisant d’une romantique héroïne démarrant mal dans l’enfance, mal mariée, le jouet d’un galant profiteur. Voltaire était carrément esclavagiste. Les dix petits nègres réécrits et retitrés, les sept nains n’en sont plus et la Belle au bois dormant n’est plus réveillée par l’amour.

Gide, parmi ceux que tu cites, est à sauver, pour les mœurs de sa minorité persécutée, mais beaucoup trop sont à honnir. Montherlant à sauver peut-être, mais le lit-on encore. Les anciens modèles sont à proscrire, colonisateurs des esprits, et ignorants des causes affligées. Je crains que tu ne te t’attendrisses sur de bourgeoises manifestations d’un monde à déconstruire. Colbert en a fait les frais, Magellan au Portugal, Christophe Colomb ailleurs. Des âmes errantes aujourd’hui comme hier… Le seul navigateur toléré à l’avenir sera google.


Erik Satie, par coquetterie s’écrit avec un k pour justifier sûrement une excentricité martelée sur son piano, et un e à la fin sans qu’on sache pourquoi, à moins qu’une certaine féminité ou une transversalité de genre attestant, lesquelles l’aurait à coup sûr fait tomber de haut malgré sa taille…


Les éditions Philippe Rey ont refusé « Fugues à plusieurs voies » sans explications. Si tu veux récupérer le manuscrit, c’est 7 Rue Rougemont, 75009 Paris 01 40 20 03 58

Rien n’y oblige. C’est pour voir où se situent les éditions. Tu pourrais discrètement siffler sous les fenêtres en criant quelques injures ou menaces. Je t’en serais évidemment reconnaissant.

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17 Avril


Ne dites pas à ma mère que je suis au bistro, ça ferait le jeu de …


Les élections européennes approchent à grands pas. A chaque fois c’est la même chose, les progressistes, la gauche et l’extrême centre, convient , prennent à témoin et mettent en scène, Pétain dans les débats.

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18 Avril


A Bernard :


…Je plaisantais bien sûr. Mais j’avoue avoir été décontenancé en recevant cette réponse à peine correcte. D’autant qu’il demandait un envoi papier lourd et volumineux… Ce qui m’a affecté, c’est que c’est une vraie maison d’édition de voyage, récits de voyage etc. qui a édité les différentes "promenades " de D. Fernandez. Bien sûr, il est académicien… J’avoue que phrase à phrase, observation par observation, mon style et le contenu de mon propos n’ont pas à rougir en comparaison. Donc le pseudo sera Michel Drucker. Je n’en ai pas trouvé de plus convaincant. Il me faut me mettre dans la peau d’une valeur incontestable, c’est ça qui me fait de l’ombre. Bien sûr j’aurais un procès, bien sûr je subirais les foudres de quantité de moralistes ! Mais alors ? Gary l’a fait en se jouant de lui-même, chapeau ! Mais c’est là que mes actions vont grimper ! Le buzz il faut ! secouer la routine éditoriale ! Trouver un coupable en même temps qu’un intrus dans la grande librairie.


Le chagrin et la pitié ? Et oui, un peu avant les européennes. Les programmations d’Arte ne sont jamais innocentes. Parlera-t-on de Beauvoir travaillant à radio Vichy ? J’aimerais voir et entendre ça un jour sur Arte. Sartre suppliant Drieu d’intervenir pour le faire libérer d’Allemagne en 40 ? Non.

C’est quand même l’intelligence française et ses perspectives intellectuelles d’après-guerre qui se jouent…


Je te conseille le dernier Kepel sur les évènements du Moyen Orient (je pense qu’il est hors de toute polémique – il est un des rares (seul !) géopoliticien arabisant Français depuis Jacques Berque). Vision et écriture sans passion et d’une analyse froide des évènements. Mais ses perspectives sont évidemment pointues et son travail de recoupement explique parfaitement les causes et les effets sur le long terme d’une situation qui n’est pas neuve. Avec de belles cartes couleurs qui valent plus que de vagues explications (Mathilde Panot n’a pas su situer le Jourdain -à l’Est ou l’Ouest de la Cisjordanie- lors d’un entretien avec le journaliste qui ne lui était pourtant pas défavorable).


J’ai fini le Hidegarde. J’avoue avoir été convaincu par un vrai styliste. Je te le conseillerais presque si ce n’était que tu n’es peut-être pas très "moyen-âge" ?

Tu as bien fait de ne rien éditer encore du catalogue. Il y a des choix impossibles à faire. Donc, les "cent" n’existent plus. Seulement pour le titre comme pour les 3 mousquetaires qui sont 4. J’achève quand même avant de grimper dans la Ferrari (ça approche…)

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19 Avril


A Bernard :


Ce que je reproche à Sartre et Beauvoir, c’est d’avoir été, par la suite, des professeurs de morale. Des néfastes. Enfin, lui surtout. Et finalement d’avoir eu tort aux yeux de l’Histoire, ce qui est un comble pour un penseur et un moraliste … Je me souviens de m’être révolté contre mon père et d’en avoir voulu, avant l’heure, à la terre entière, après "la nausée". J’avais quinze ans… Bien sûr, les écrivains ne sont pas responsables des conséquences sur les générations qui suivent.

Camus est resté. Je suis allé à Lourmarin. Une simple pierre avec le nom et les dates du passage sur terre.


Les enfants sont partis en croisière. Tarragone pour la première escale. Là où j’ai eu ce vertige prodigieux sur la tour médiévale…


Les nuages et les rivages, j’ai de quoi faire des tonnes de malerei…

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22 Avril


A Bernard :


Je me souviens d’avoir discuté sur la Croisette avec Gus Van Sant, en 2003 je crois bien. Il était seul ou presque, accompagné d’un caméraman sous un palmier. Ça pourra te paraître lunaire, mais on était seuls, on a parlé 5 minutes. Il disait n’avoir pas pu filmer son film comme il le voulait (mystère) alors que quelques jours plus tard il avait la palme d’or (en regardant les palmarès on trouverait bien si c’est 2003…). J’étais allé un peu consciemment ou non pour voir Kidman qui présentait "Dogvillle" de Lars von Trier.

Elle était à son apogée.


Céline se serait plutôt les danseuses que les championnes olympiques, mais Baudelaire….venant d’un autre que lui, on critiquerait. J’ai bien considéré Jazy à douze ans comme une sorte d’Hermès et de dieu vivant, même terrassé à Tokyo. J’ai été ému de sa mort 60 ans plus tard. Peut-être parce que ces chiffres ronds pèsent de plus de conscience et rendent plus la force du temps.


Encore de parfaits nuages ce soir avant le ciel qui nous est encore tombé méchamment dessus…

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(cette nuit)

La Turquie est à cheval entre les zones sensibles du conflit nord (Russie/Ukraine) et pays musulman pro palestinien côté sud. Le problème reste entier : c’est l’occident qui est menacé, n’étant plus le pôle attractif universel dont parlait déjà Huntington. Et l’occident sans les E.U. (j’entends militairement) a fait son temps. Ce n’est pas la soviétisation administrative des nations européennes qui le rendra plus fort (suivant le principe plus grand , plus fort. Le Japon n’a jamais eu à être bien grand pour exister, même après avoir pris deux bombes "démocratiques" sur la tête: vers 70, 15 ans après, il devenait second pays économique au monde. On aurait rêvé d’une indépendance algérienne aussi vertueuse…)


Pamuk, j’en suis resté à son Istanbul qui m’avait bien plus. Mais que je n’ai jamais fini. Il reste un écrivain très occidentalisé


Finalement j’ai pu avoir mon rendez-vous sur le circuit du Var. On ne peut effectuer la chose que par un labyrinthe incroyable sur internet. Aucun correspondant au n° indiqué. La vraie vie robotisée… Et puis, plus de Ferrari, ce sera une Aston-Martin V8. La plus puissante de la marque. C’est dommage pour la Ferrari. Ce sera le 22 Juin, qu’on se le dise.


On va du printemps précoce au retour de l’hiver en moins de 48 h. Drôle d’année. Reste de beaux nuages dans des ciels froids et bleus comme des traînées d’hiver qui ne veut pas finir.


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23 Avril


PRIERE EXOTIQUE POUR UKRAINIA ET AUTRES     


« Donnons nos chemises, faisons une collecte de caleçons et de chaussures pour l’Ukraine, d’armes lourdes et de munitions, donnons les nôtres si possibles, soyons encore plus généreux que les américains, montrons l’exemple. Payons leur ces si grosses et belles voitures toujours immatriculées en Ukraine que je vois sur nos avenues et qui ont du mal à se garer dans les espaces de nos parkings, (leur pays étant à une échelle si grande), faisons-leur une place dans le concert de nos nations, protégeons enfin ce pays des tentations de corruption léguée en exemple par leur voisin belliqueux, faites que nous ayons la force, la puissance de donner plus encore de milliards que nous n’avons plus, même si fermant les paupières, le vertige de mes dettes me prend à l’estomac qui famine au coin de ma rue, faites que je partage ce que je n’ai plus avec tous les malheureux africains qui frappent à nos portes et nos services publics, donnons et renouvelons si possible ce prix Nobel de la paix chaque année qui passe à ce bon pasteur de Zelenski, donnons, nous qui ne croyons plus en nous, ni en Dieu comme les ukrainien, qu’ils aient la force encore de rire de la fable de la Fontaine, celle de la grenouille et du bœuf, cette espèce de foi en l’étable nouvelle de la charité constructive, rendons à ce pays cette dignité que nous avons en réserve toujours agrandie par la grâce d’être la France, pays d’intelligence de savoir et de générosité pour ceux qui la réclame aux quatre coin du monde, et pour finir prions pour ne plus avoir à balayer à nos portes mais au-delà des frontières heureusement disparues par la clairvoyance de nos administrations qui savent voir avec des yeux neufs l’avenir, comme nos comptables et notre président voient toujours plus loin le milliard que nous avons du mal à peloter mais qui sera toujours disponible pour le malheureux d’où qu’il vienne. Quitte à enlever le pantalon, la chemise et tout ce que je ne possède plus. C’est ainsi que l’universalité du pavillon « hôtel de France » sera grande. »

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Et qui croira encore à la voix de la France, quand bien même elle userait de portevoix amplificateur, disant ce jour ce qu’elle démentira le lendemain. Menacée de submersion par la rue et l’université acquises à la cause palestinienne, la voix gouvernementale hésite entre la voix de la raison et celle du repli stratégique. Sans compter qu’au fond d’elle-même elle n’a pas d’avis définissable.


La voix de la France c’est celle qui est mise à genoux par la crainte de la submersion colérique de la banlieue et la sud américanisation prochaine du domaine de la drogue.


La voix de la France c’est celle, éraillée, qui se fait prendre à la gorge, d’impuissance et d’abandon de la raison, laissant croire que le cœur…


Le président de la République ne s’est pas même joint au cortège contre l’antisémitisme pour des raisons qu’il n’a pas voulu énoncer clairement. Pourquoi ?


Je regardais des images du Medellin d’aujourd’hui, avec son quartier « comuna 13 », anciennement colline encaissée et tout à la fois empire de Pablo Escobar. Colline réhabilitée, tout en terrasses, colorée et envahie par le street art le plus virtuose et un tourisme en plein essor. On y raconte que ce furent depuis les perspectives plongeantes sur les anciens repaires, les zones les plus infernales du domaine des stupéfiants et de la criminalité. Aujourd’hui Medellin paraît radieuse sous le soleil.

Regardant les banlieues marseillaises, et certaines autres en France, c’est le chemin inverse qui nous attend. Pourquoi ?

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Il a neigé sur le col de Vence. D’un 22 avril. Le col était enneigé jusqu’à mi-hauteur et pas seulement à son sommet. C’est bien la première fois que l’hiver nous poursuit si longtemps. Avec toujours de magnifiques trainées de nuages sur la Promenade des Anglais et sur les reliefs derrière le Baou.


Hélène et les enfants sont en croisière sur la Méditerranée. On a reçu une photo de Y essayant, comme le veut la tradition, de retenir la Tour de Pise en mettant sa main sur le côté qui penche…

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24 Avril


A Bernard :


Madame Hidalgo a annoncé qu’on se baignerait bientôt dans la Seine. Et que ce serait un évènement" culturel". Culturel, pourquoi ?

Ça me fait penser à ces installations olympiques colossales qu’on utilise le temps des Jeux et qui rouillent ou restent comme des mammouths oubliés quelque part dans le paysage local (le tremplin de Innsbruck, à chaque fois qu’on va vers Salzbourg est bien morne au-dessus de la ville). J’ai donc bien peur que la Seine, une fois passées les joyeusetés officielles ne redeviennent ce qu’elle était hier et encore aujourd’hui.


Le froid n’est pas qu’un ressenti de sudiste frileux. Depuis Cagnes et les perspectives sur les reliefs, le col de Vence s’est enneigé dans la nuit du 22 au 23 (Avril !). Et pas qu’au sommet, mais sur les flancs jusqu’à mi pente descendant sur la ville… Avec une volée de grêle en préambule (d’un bon quart d’heure). C’est bien simple, j’ai les mêmes vêtements qu’en décembre et janvier.


J’achève les "cent" du catalogue (qui seront bien plus) avec un sentiment d’inachevé. Bien que les choix fussent passés au crible avec une vraie rigueur. Seuls les commentaires restent ouverts à une découverte pour les novices et les curieux.

Et puis les nuages et les rivages seront bientôt dans l’ordi et on aura les "CENT NUAGES" et les "CENT RIVAGES" (même si là, il n’y aura pas le nombre exact non plus…)

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25 Avril


A Bernard :


Tu découvrirais la nocivité des russes des temps soviétiques ? Les turcs s’européaniser ? Je crois plutôt qu’ils s’installent chez nous via les mosquées qu’ils font construire par le biais des Frères Musulmans. Strasbourg (mairie écolo) a failli voir construire la plus grande qui se puisse trouver en Europe. Financée par la Turquie qui, paradoxalement jouerait le rôle de tampon (que nous finançons) sur le front migratoire de l’Est… (d’où certains chantages)

Quant au sentiment d’infériorité c’est vrai : les pays de charia sont persuadés d’une supériorité spirituelle qu’exaspère une infériorité économique. D’où un esprit de revanche si ce n’est de cette vengeance qu’encouragent l’idéologie décoloniale et la pensée woke (c’est une des raisons pour ne pas considérer cette idéologie, qui domine dans les universités, à la légère).

Et puis il y a bien longtemps qu’Erdogan a troqué le kémalisme turc pour un islamisme bien plus conquérant.


Tu pars donc en Albanie au printemps. C’est donc notre dernier courrier, ou un des derniers avant ton départ. J’avoue ne pas trop savoir grand-chose de l’Albanie. Cécilia y a accosté lors d’une mini croisière qu’elle avait faite avec une copine il y a quatre ou cinq ans, autour de Venise et des côtes grecques. On en a quelques photos. Mais tu m’en diras bien des choses.


Je vais te surprendre, mais j’étais, malgré ma petite taille, le meilleur en activité sportive durant tout le cycle passé au Parc impérial. Bien sûr les activités officielles durant les heures de sport étaient minimalistes. Je m’arrangeais pourtant à sauter et à courir plus haut et plus vite que les autres. (Mon côté Jazy à ne jamais oublier : mon côté caméléon aussi. Je regardais et je reproduisais les gestes vus chez les sportifs sur les écrans de télé. Qui devenaient de bons gestes et donc plus efficaces. J’étais motivé). Les copains que je raillais un peu n’en revenaient pas toujours. Je dis ça avec le sourire, mais sans forfanterie. D’ailleurs, le prof de gym me sélectionnait toujours pour représenter le Parc dans les compétitions hors lycée (championnat départementaux, compétition inter-lycée etc.). J’ai cessé d’être bon d’un coup quand j’ai commencé à croiser le regard des filles et aller pour la première fois dans un bar, pour une grenadine à l’eau, tout tremblant de l’expérience.


On aura le temps d’échanger si tu reviens avant le 8 mai où nous serons pour quelques jours à Cinque Terre.

On parlera du catalogue. Je vois là pour toi un bel espace de créativité formelle. Avec ce beau Botero, tu pourrais trouver matière à construire la nouvelle rubrique de façon originale. En tous cas le catalogue est à jour.

Viendront les nuages, les rivages et les bleus qui l’accompagnent, entre le printemps et l’été. Les écrits d’Avril seront à l’heure. Toujours en lice pour les lions d’or.

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Nous dirons dorénavant « idéologie victimaire » ou victimocratie s’agissant de cette gangrène « woke », qui, énoncée en anglais, masque derrière la notion usurpée d’« éveil », le véritable sens de ce courant ravageur dans l’idéologie « contre occidentale ».

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26 Avril


RELIGION


Le commentateur énumère les chiffres et les statistiques des multiples persécutions religieuses dans le monde.

Concernant notre pays, je remarque, après la liste des différents attentats pour appartenance à telle ou telle religion dans le monde, la distanciation sémantique pratiquée lorsqu’il s’agit de minorer un chiffre ou un évènement qui, par ailleurs aurait été présenté avec gravité s’il ne concernait la persécution des chrétiens en France.

Le chiffre brut d’abord, ahurissant, de neuf cent quatre-vingt-douze attentats, violations ou menaces psychologiques, voire physiques, occasionnelles ou récurrentes, dans l’année, contre des chrétiens ou des lieux de cultes chrétiens. Quand il ne s’agit pas hélas, parfois de meurtres. Le chiffre le plus élevé, toutes religions confondues.

Dans la présentation du journaliste, cela devient : « un peu moins de mille agressions ». Dans ces six simples mots utilisés, peu et moins sont les marqueurs d’évidence, sinon d’une atténuation psychologique du fait lui-même en le relativisant avant même de le soumettre à la conscience, que de désamorcer une réaction d’effarement devant un chiffre qui pourrait passer pour effrayant.

D’autant qu’au même moment passent sur l’écran, sans commentaires effusifs, un défilé de dégradations, de tags aux traits forcés sur des tombes profanées, aux slogans éloquents de Allah est déjà chez lui en France, mort aux couffars, mécréants à mort (ce qui revient à peu près à l’identique qu’on arrive à bien saisir l’idée exposée) et autres bouleversements d’écriture bien éloquents et décomplexés.

Le défilé silencieux des images et le ton minorant du commentateur dans la voix posé et l’énoncé des chiffres, laissant une impression d’impuissance et tout compte fait (c’est le cas de le dire), de fatalité. Sans autres commentaires analytiques que ce glaçant constat sur fond velouté et distancié de simple « information ».

Il est loin le temps des grandes fièvres des années quatre-vingt-dix, où les sanglots dans la voix, le ministre de l’Intérieur, dépêché sur place, dénonçait, avant même enquête, les coupables du cimetière de Carpentras, pointant du doigt l’ennemi politique responsable de déchaînements aveugles et racistes. Ce qui était loin de la vérité.

Mais comme dit Voltaire, « calomniez, calomniez, il en restera bien quelque chose »

Il est vrai que depuis, la sensibilité évoluant, les mêmes tombes ont perdu de leur valeur compassionnelle quand d’autres émeuvent bien plus sur le champ d’évolution des appartenances religieuses, des antagonismes et des guerres de religions au sein même de notre pays.

A des fins bien évidemment de récupération politique toujours renouvelée.

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30 Avril


A Bernard :


Je ne connais pas le NUSCHU japonais, mais je sais qu’il y a un village des Indes, Mitila (au centre du pays), où une caste d’artiste est seule autorisée de reproduire des décorations et des peintures. Seules les femmes ont ce statut d’artiste. L’Inde est compliquée. J’avais reçu au Musée d’art naïf une représentante de cette communauté (à Strasbourg) et on avait convenu d’une exposition de papiers peints d’une grande beauté. Pour des raisons basses et obscures, je n’avais pas pu mettre en place cette expo.

Je connais mal l’œuvre de Brancusi. J’ai en mémoire immédiatement les sculptures lisses et d’une abstraction presque fondante de la forme. Il est exposé à Paris, donc on est très vite informé sur les présentoirs de la Fnac avec les différents périodiques en évidence.


A l’heure qu’il est tu es en Albanie. J’espère que le printemps y est arrivé. Ici, à part les oiseaux, on est à cheval entre une saison qui accouche douloureusement et une chaleur qu’on attend aussi avec peu d’impatience.

Nous, c’est le 8 qu’on prend la route.

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Je sens que le 1 Mai de demain va prendre plus d’importance que les Noëls ou les fêtes de Paques de manière générale. Noël est un moment d’effervescence parce qu’il y a matière à commerce et l’agitation est sans frein dès le début décembre. Les dimanches eux-mêmes ont succombé à la fascination du rentable. La fascination ancienne pour la fête du travail demeure un marqueur qualitatif toujours présent relativement à l’importance des partis communistes qui se sont avérés les véritables religions à l ’International, en Europe du moins. Il y a certes les arbres de Noël qui sont le milieu entre la fête religieuse et la fête profane, mais les signes affichés lors de la fête du premier mai sont plus ostensiblement et plus nettement ancrés dans une réalité partagée. J’entends une même réalité. Noël est à considérer comme chacun veut bien le prendre.

Demain les bus et les monuments administratifs seront en liesse, le travail sera chômé dans les temples de la consommation, et dans les petits commerces également. Et bien qu’il n’y ait plus les longs et interminables défilés de syndicats et de travailleurs au coude à coude, les médias en parleront des sanglots dans la voix comme lorsqu’on parle du bon vieux temps. Mais il faut bien comprendre que le travail aujourd’hui n’est plus considéré comme une valeur quasi mystique dans notre bon vieux pays. Et que les mensonges affichés par les partis de gauche depuis bien longtemps ont fait de la classe ouvrière, non plus un phare de l’humanité mais un magma populiste qui s’est mis, disent-il, à mal voter.

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ENCORE  

Depuis deux jours on parle maintenant de Matisse (c’est le nom de ce jeune homme de quinze ans ? de Châteauroux) qui a été tué lui aussi, selon le même mode expiatoire des vengeances actuelles, à l’arme blanche. Laissé à terre agonisant, c’est la mère du jeune afghan auteur des coups mortels qui vient à son tour infliger un certain nombre de gifles à l’adolescent qui mourra avant même l’arrivée des secours. En un premier temps la mère fut mise en examen, puis relâchée le jour même. Elle n’avait fait qu’accompagner son fils sur les lieux des sévices, sachant l’issue qui en résulterait, et achever de laver l’honneur d’un probable code afghan. Relâchée sous contrôle judiciaire, c’est- à dire libre de rentrer dormir chez elle.

Fait divers ? Silence radio.

Dans un pays qui aurait encore un instinct vital ou quelques anticorps, c’est à Kaboul qu’on renverrait par le premier avion, en classe touriste, cette famille accueillie pour la seule raison qu’elle serait maltraitée par le régime taliban. Mais la fierté de la France est de recueillir tous les demandeurs qui se sentiraient en danger dans leur pays. Et qu’on ne peut renvoyer si on ne s’assure que leur vie n’y serait en danger. Fantaisie humanitaire imposée pour notre plus grand bonheur.

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2 Mai


Comme les syndicats de travailleurs étant aujourd’hui au point de rendre l’âme, les défilés du premier Mai, du moins à Paris, ont été cette année, un long cortège informel de masques, de rangs désordonnés et de casses de mobiliers publics, de drapeaux palestiniens et de feux mis aux poubelles au son des tambours africains. Avec la bienveillance extrême confinant à la désormais impuissance des pouvoirs publics qui savent pourtant d’où viennent ceux qui attisent la violence. On nous parle de ces jeunes personnes sveltes et souples vêtus de noir intégralement, venus des beaux quartiers et retournant chez papa et maman une fois la fête finie. Pourquoi ne vient-on pas les chercher où ils se trouvent ? Pourquoi tant de mansuétudes, et pourquoi les force de l’ordre ne montrent-elles dans ces occasions qu’une belle parade casquée et outillée de leur savoir-faire tactique en matière de repli stratégique et de dispersion des foules une fois le passage des hordes sauvages ? Pourquoi ?

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3 Mai


Journée radieuse. Je descends par le sentier de notre forêt jusqu’à cet arbre presque isolé qui donne ce matin sur un tapis de nuages lourds en fond d’horizon. La lumière ne descend ainsi que deux à trois fois l’an. Un cadeau du ciel

….

Cécilia me rejoint sur l’une de ces terrasses surfaites de la Place Masséna. Nous accueillons Herminie qui fait escale à Nice le temps d’une pause durant une escapade sur la Côte et un peu en Ligurie.

Nous avons juste le temps de passer voir Hélène aux Hameaux. Herminie n’était pas venue depuis la naissance de Y. Nous avons la chance d’avoir eu cette lumière miraculeuse tout le long du jour. On se sépare aux trois brasseurs le temps d’un verre de blanc.

Je retourne voir mon arbre secret au moment du couchant.

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4 Mai

 

Les étudiants occupent Science Po. Ils font de même un peu partout. L’effervescence du printemps. Un petit air de mai 68. La France se découvre palestinienne dans sa jeunesse comme toujours les moutons suivent le berger qui bêle.


Le travail a-t-il encore un sens ? Un slogan d’un groupe d’étudiant durant les manifs sur la retraite en 2022 annonçait : « le travail on n’en veut pas ». Pas même à cinquante ans comme les bienheureux de la SNCF ?


Et si la SNCF demandait la retraite pour les siens à quarante ans ? Que serait la réponse de ceux qui sont responsables de la réponse ?

Qui aurait gain de cause ? Poser la question…

Le fer est au rouge

Le rouge n’est pas ferré.


Le chef de l’état : « il faut mutualiser l’arme nucléaire pour une défense européenne ».

Il y a de quoi faire sursauter.


Le baiser du nucléaire ne saurait fonder un sillon moins pourpre en Ukraine.


« Histoires et avenirs de la consolation » , dernier ouvrage prémonitoire sur les futurs lendemains de la gauche française ? De l’homme de « la France est un hôtel… »

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7 Mai


Longtemps on a ignoré les perles vocales, comme celles que j’entendais il y a peu, celle de Andrée Esposito, de Suzanne Sarroca ou de Martha Angelici. D’Esposito, je ne sais si c’est la diction, le timbre de voix ou le naturel de son récit à une journaliste de France Musique, que j’admire le plus. C’est le lot de presque toutes ces artistes lyriques des années soixante totalement méprisées par les directeurs de salle de théâtres en France, et non des moindres. Jane Rhodes, de même, qui fut certainement la plus belle des Carmen du siècle précédent.

Andrée Esposito fut la première Marguerite que je dus voir vers 1975. Le Méphisto était Van Dam à ces débuts, encore en diablotin à queue rouge et justaucorps. C’est dire la provincialité des mises en scènes et des costumes. Dans une France qui n’aurait pas été ce qu’elle commençait à devenir, même dans sa culture et dans ceux qui la représentaient, ces artistes auraient été au firmament des plus grandes maisons lyriques du monde. Par contagion, Salzbourg les aura aussi longtemps ignorés.

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Mercredi 8 Mai

   

CINQUE TERRE    


Ce sont des bains de foule avant tout, dans des espaces réduits de villages encaissés. Du moins c’est la première douloureuse constatation, une fois atteint le premier de ces villages. Depuis La Spezia, le train local remonte la côte déchiquetée, suspendu sur le bleu profond de la mer. Il s’arrête à chacun de ces villages et l’on a tout loisir de choisir celui ou ceux qui successivement vous conviendront de découvrir. Par hasard ou par instinct, nous choisissons de remonter la côte au plus loin vers le nord et sautons intentionnellement Riomaggiore, Manarola et Corniglia au sud qu’on verra plus tard, ainsi que Monterosso tout en haut de ce collier de perles, au nord.

Monterosso, ne semble attirer, dans cet écrin de pittoresque, que par l’immense écran de parasols alignés le long de ses plages. Le reste présentant un ensemble épars de maisons basses sur une étendue plane et sans grand charme particulier.

C’est donc l’avant dernier village, Vernazza, qui sera notre première curiosité. Dès la sortie du quai, c’est la densité des visiteurs qui s’apparentent à s’y m’éprendre, à une bouche de métro parisien aux heures les plus chaudes. Nous sommes maintenant entre mer et montagne, dans un dédale de ruelles, sombres ou aveuglantes d’un soleil de début d’après-midi, s’apparentant à des goulets étroits ou de boyaux fuyant et tortillonnant de marches qui montent ou descendent vers quelque point aveugle dans le village.

Puis c’est la rue principale qui mène, des tortueuses saillies creusées dans la montagne, à la marina et sa jetée au pied d’une petite plage parsemée de barques écaillées.

Avant d’atteindre ce petit havre, il a fallu, comme à Bellagio, l’an passé, traverser la longue litanie de restaurants, la succession de commerces de colifichets, de commerces de bouches dégageant les plus suspectes odeurs, tout à la fois, de poissons frits dans des huiles saturées, et de grillades toutes encore fumantes s’il nous arrivait de passer trop près des entassements de terrasses près de l’implosion.

Je pense inévitablement à ce qu’aurait dû être ces petites merveilles d’harmonie naturelle, en un temps où n’existait pas ce nomadisme de hordes envahissantes d’inculture, de curiosités de surface et d’ignorance, n’ayant d’autres préoccupation que de se restaurer en masse dans les lieux les plus saturés et les plus entassés qui soient.  

De penser donc à ce temps qui a basculé d’une image possible de petit paradis s’inversant en sa caricature.

Il n’en reste pas moins cette insolente disposition naturelle de petits cubes de couleur, parfois écaillés, parfois saturés de leurs ocres rouges ou jaune, de bleus ou de vert enserrant leurs petites fenêtres comme des meurtrières donnant sur le rivage.

Depuis le milieu de la jetée l’air est redevenu plus respirable, les barques tanguent légèrement contre le bord du quai et les goélands semblent particulièrement voraces faisant de grands cercles dans le ciel avant de plonger vers quelques proies invisibles.

Une jeune fille abandonnée dans ses pensées dut nous observer, admirant le décor, l’harmonie des proportions de couleurs, du mouvement naturel de l’anse qui enserre le port, de ses barques et de ses filets couchés sur les sables, qu’elle se proposa de nous photographier dans le décor. Elle avait évidemment deviné en nous les amateurs de paysages.

Il y a tant d’escaliers pour atteindre la tour qui domine le petit port et l’ensemble du village que les genoux de Cécilia renoncent à l’escalade.

C’est par un effroyable boyau pentu que se croisent ceux qui descendent et ceux qui grimpent, sacs à dos et enthousiasme en berne, obligeant les uns à attendre le passage des autres, jusqu’à un palier donnant sur une rue fuyante et sombre avant de reprendre une portion de grimpette, menant ainsi par paliers, à la plateforme dominant l’ensemble du village.

Celle-ci, depuis le pied de la tour, ne permet pas d’embrasser le creux de celui-ci, masqué par de larges terrasses, de jardinets, de promontoires et de balcons ouverts, eux, sur la vue d’ensemble. Déception.

Ma phobie des escalades d’architecture à la verticale étant ce qu’elle est, je ne prends pas non plus le risque de monter à la tour.


Quelques minutes après la gare de Vernazza, c’est Manarola. La densité de va et vient à cette heure de l’après-midi est à peine moins insistante. Mais par bonheur, la rue principale, par un large bras montant, permet de quitter les plus immédiates attractions d’odeurs saturées qui happent le promeneur comme la mouche va au vinaigre, et de trouver refuge sur une terrasse dégagée et protégée de la chaussée d’où l’on peut apercevoir plus haut des marcheurs qui surplombent le village.

L’intérêt que présente Manarola, sont ces sentiers, à flancs de coteaux de vignes et de terres cultivées de potagers, qui dominent, en les enserrant d’une perspective inouïe, les petits cubes disjoints et blottis les uns contre les autres, d’ocres et de vert, de bleus et de mauves, dont certains se jettent à la verticale sur la mer. Le sentier mène loin au-delà du village, mais sans prolonger si loin, quelques beaux points de vue au sortir de certaines courbes, permettent de choisir des premiers plans aux coquelicots, d’autres aux boutons d’or ou à de larges bouquets de fleurs fuschias accompagnant en vue plongeante la perspective sur les maisons tout en bas.

Le soleil, déclinant déjà vers son couchant, irise d’une lumière qui sature le bouquet de maisons aux mille teintes.

Par un autre sentier opposé, c’est de façon plus frontale que se présente la marina au sortir de la bouche principale du village. En grimpant on y a une perspective complémentaire au sentier précédent. Ici le village est accroché à la falaise et se love dans son vallon jusqu’à plonger lentement jusqu’aux plages de rochers. Depuis celui-ci on peut apercevoir, en bas des marches, les barques prêtes à descendre, et se jetant dans la mer, les baigneurs clapotant dans une eau immobile et sombre. Et s’aventurant parfois près du rivage, quelques bateaux à moteur laissant des sillages saillants en boucles blanches.

Des voiliers impénétrables et majestueux poursuivent au loin.


Riomaggiore enfin. C’est dans un écrin sur fond de marina que se situe l’autre  perle photographique des Cinque Terre.

Dès la sortie du quai de gare, un long couloir mène immédiatement au cœur du village. C’est le plus encaissé des cinq. Il semble s’être inséré dans une faille géologique où le soleil ne pénètrerait pas sauf à le regarder de face au pied de la marina où les barques partent pour le large.

Pour mieux encore mesurer la beauté et la luxuriance des harmonies de ces maisons d’ocre vif, il est un chemin montant, face à la mer, sur le flanc gauche, qui grimpe par de très hautes marches où se découpe en perspective la zone baignant dans la lumière du soir. Depuis des points de vue successifs, on mesure bien à quel degré d’encastrement se situe le village. On a l’impression qu’il s’est jalousement blotti entre ces parois de pierre et ne respire que par ce débouché discret de la marina. A l’heure où nous passons, le creux du village est dans l’ombre. Seul le flamboiement des façades faisant face à la mer resplendit de ses mille feux. Depuis le bord du parapet en vue plongeante, de longues branches de figuiers de barbarie, de coquelicots et de fleurs sauvages, de jaune et de rouge, habillent du plus grandiose effet la perspective sur ce discret petit port marin.

Des pêcheurs (mais ne sont-ils pas des professionnels de la promenade en bateau !?) proposent un tour de barque pour soixante-dix euros (!) pour longer en mer la vue d’ensemble de cette merveille d’épousailles entre la pierre de couleur, la mer et la rocaille qui enserrent l’harmonie la plus aigüe de cette fin du jour.


C’est avec des couleurs sous les paupières closes malgré soi qu’on s’en retourne à la lumière déclinante. Comme après un film à l’intensité trop colorée, les traces de ces ocres, de ces bleus et verts de ces panoramiques généreuses, restent de longues minutes inscrites physiquement dans les rétines.


Riomaggiore étant le village le plus proche de La Spezia, nous sommes rendus en moins de quinze minutes. C’est l’heure de flâner à l’heure où les restaurants de la zone piétonne se remplissent. Il n’a suffi de délaisser que de quelques crans les trop nombreuses propositions de restaurations touristiques pour dénicher à l’angle d’une rue le parfait endroit qui suffira à notre bonheur durant le séjour. Pour des produits de la mer évidemment.


Jeudi 9 Mai


PISE


Je suis intrigué : au travers de la fenêtre du train, je vois défiler des campagnes peu riantes. On a l’impression permanente d’être dans l’envers d’un décor. C’est probablement là que se doivent de passer les trains. Défilent donc des communes dont on n’aperçoit que l’arrière, la banlieue rurale si on peut dire, les champs éventrés, les silos plantés dans le décor, et de vieilles éoliennes. Je pense à tous ces dépôts que la ville a rejetés. Un peu comme si on avait mis au débarras ce qui ne devait se montrer. Puis arrive la commune d’Arcole. Comme tout un chacun, j’ai pensé à Bonaparte, à ces images du héros, cheveux dans le vent, drapeau brandi bien haut, comme l’ont peint tant d’artistes hagiographiques.

J’aurais été déçu que l’Arcole en question se situât dans ces mornes plaines. Encore fallut-il que je rentre à Nice pour en avoir confirmation. Les mouvements militaires de Bonaparte se situant effectivement bien plus au nord durant sa campagne d’Italie.

J’aperçois le panneau Massa Maritima et je pense à ma mère qui y été allé avec son ami, Monsieur Boddi, vers la fin de sa vie.

Je sors de ma rêverie lorsque nous parvenons à la gare de Pise. Depuis les fenêtres du train on aperçoit durant la décélération, quelques toits, des clochers, quelques murs antiques et l’espace d’un instant, le fleuve qui traverse la ville.

Dès la sortie donnant sur une vaste place, je demande à un militaire le chemin le plus court, et avant même que je finisse ma phrase, il m’indiquait tout bonnement que « la tour » c’était tout droit.

Sur la grande place donc, préludant à la rue principale menant là où tous les chemins mènent à la « tour », il est une tonitruante statue de bronze de Victor Emmanuel II campé sur un cheval avec un bien étrange volatile sur la tête.  Probablement un chapeau de plume d’oiseau accompagnant le casque guerrier, d’un comique surprenant, que j’ai immédiatement pensé que l’artiste ne devait pas aimer le modèle.

La ville fait très provincial, même venant de La Spezia. Le mouvement bon enfant dans les rues et sur la grande place, semble plongé dans une douce torpeur printanière. Il fait bientôt presque chaud. Tout ce monde se dirige bien sûr vers la « tour ». On traverse bientôt le fleuve qui coupe largement la ville. C’est l’Arno, comme à Florence. Sauf que l’alignement des maisons est assez uniforme sur une boucle molle et ne présente aucun caractère architectural saillant. On a le sentiment d’un paysage lisse qui déroule au rythme de l’Arno, du même ocre et d’une lenteur monotone et triste.

La vieille ville ne semble pas si vieille que ça. Ses maisons d’habitations, en cherchant les plus anciennes, ont deux siècles tout au plus. Du moins elles paraissent imiter l’ancien.  Les ruelles adjacentes à cette rue principale semblent se perdre très vite vers quelques insignifiantes arrière-cour. Même les ocres et les quelques clochers disséminés, comme l’Arno ont un aspect lisse et insignifiant. Peut-être est-ce le Victor Emmanuel qui donne le ton dès la grande place. Puis c’est au détour de cette longue rue parsemée de vendeurs de magnets et de colifichets qu’apparaît au loin la « tour ». Du côté où elle penche, vers la gauche. Et par un délicat effet d’optique, elle apparait, en approchant de plus près, entre deux cyprès, comme escortée et amortie dans sa si singulière position. Dès l’abord de la vaste esplanade, le grouillement des visiteurs est d’une telle densité qu’il est difficile d’imaginer que la tour, le baptistère et la basilique se situent dans le même espace urbain que cette ville calme et nonchalante que nous venions de laisser à quelques pas derrière nous.

Et puis c’est la valse des gestes. Les contorsions de certains allant jusqu’à des bras jetés vers le ciel, d’autres semblant vouloir empêcher le ciel de tomber sur eux, le temps d’un cliché. Cela fait penser à ces chinois des Buttes-Chaumont qui entament des gymnastiques matinales d’une spiritualité dont nous ignorons le sens. Le but de toutes ces gesticulations un peu puériles étant de mimer, par illusion optique, que la tour ne tombe de sa position délicate. Il y a là des visiteurs des quatre coins du monde, et ce sont des mains qui se dressent, des corps qui s’allongent la jambe levée. D’autre offrent leur dos comme les atlantes portent le monde sur leurs épaules. On rapportera au moins de Pise l’illusion d’avoir participé au sauvetage éternel du monument probablement le plus emblématique de l’Italie.

Plus sérieusement, dès l’entrée de la basilique, un léger air oriental, une tonalité d’or et de bleu, avec aux voûtes des arcs brisés gothiques à la manière de ceux de Monreale. C’est un vaisseau très vaste au toit en caisson d’or sur tout le long de la nef, qu’on n’en aperçoit pas immédiatement les foules qui s’y pressent en grande densité sur ses dalles. Puis viennent les merveilles du chœur chargés de mosaïques d’or, de fresques en anamorphoses de part et d’autre de la demie sphère, englobant en mandorle un Christ très austère à la manière byzantine.

La déambulation est difficile et l’on se prend à penser qu’il n’est pas besoin d’attendre la sécularisation de tels édifices qu’à l’évidence les faits les auront déjà considérés comme curiosités culturelles universelles. Ainsi à Séville et ses audio phones pour chinois pressés, à la Sagrada Familia où l’on doit se munir de billets d’accès, ainsi qu’à Saint Pierre de Rome, oubliant le monde d’avant aux cathédrales insignes de Chartres ou de Notre-Dame que j’ai connues de ce temps où il suffisait de pousser la porte pour entrer.


Et puis l’air de rien, Pise est la ville du vertige. Si Milan fait valoir les jardins et les vignes de Léonard, si Florence s’enorgueillit des tombeaux de Michel-Ange, de Rossini, d’Alberti, de Dante (bien que celui-ci se partage entre Ravenne et les bords de l’Arno) et de quelques autres gloires réunies à Santa Crocce, Pise a vu naître Galilée. Donc, non seulement la tour penche, mais la terre s’est mise à tourner. C’est au milieu de cette rue principale, calme et sans histoire , qu’un buste rappelle l’existence du phénomène.


On a beau être à Pise, trouver un bar est un exercice redoutable. J’entends, un vrai bar, un bistro. Généralement boire un coup s’accompagne aussi de passer par la case restaurante . Et qu’il soit trois heures de l’après-midi, cinq heures ou onze heures du matin, c’est la règle. C’est presque toujours ainsi dans toutes les villes d’Italie. Je fus encore plus étonné de me voir répondre qu’on pouvait simplement boire un verre à la terrasse de la Pasticeria sous les arcades d’une petite placette qui venait de remballer sa foire aux vêtements. Les bistros sont souvent invisibles et rares. Et puis surtout, l’Italie n’a pas la même conception ni le goût du bistro comme on l’a dans n’importe quel endroit de France.

Nous finissons la balade pisane après avoir déambulé dans ces ruelles calmes, étroites et sans grands charmes non loin de la Grande Place face à l’entrée de la gare. Puis c’est le petit blanc sous l’ombrage d’une vaste tonnelle très fin XIX° siècle, et à nouveau la statue équestre de Victor Emmanuel, son chapeau à plumes d’oiseau nous donnant le dos, dans une attitude prêtant encore plus à sourire.

Les nuages compacts alternent maintenant avec un ciel pale dans un début de printemps indolent qui commence à se dégrafer.


La Spezia est une ville étrange. C’est tout à la fois un port qui pourrait intimider, avec ses containers visibles depuis les lointains, et ses hautes grues. Mais une fois la nuit descendue, le visage de la ville dans ses traverses, ses parallèles à la piétonne principale, son marché couvert, incite à plus de flâneries. L’église Santa Maria Assunta est quelconque. Il reste d’elle le souvenir de ce style pisan qu’on retrouve dans le joyau de la petite église de Murato à l’Ouest de Bastia. Noire et blanche la petite corse a le caractère que devait avoir toutes les églises toscanes de type siennois ou pisan. Cette Santa Maria présente malheureusement des joints et des pierres lisses et sans caractère dans ses teintes bicolores alternées déjà délavées comme si elle avait été vitrifiée une fois pour toute, et édifiée de la veille.

C’est au Col’ Esterol , comme hier soir, que Altagracia, la charmante serveuse Dominicaine nous attend maintenant pour le lapin aux olives.


Vendredi 10 Mai


CINQUE TERRE


9 h

La place du marché est riante. Les fruits et légumes couvrent une surface extraordinaire où tout est très peu cher. On adopte en lisière du marché, sous un soleil ras et encore peu agressif, le Café « Bonjour », à la foccacia au jambon cru, fondante et grasse à souhait.

Puis c’est le train pour Corniglia. C’est le village qu’on a détaché des autres dans notre séjour. Parce qu’il est à flanc de montagne, différent de ceux de mercredi, ne débouchant pas sur une marina, mais une promesse de la plus belle authenticité, et le mérite donc d’une attention des plus curieuses. La journée sera assurément belle. Le train suit la ligne de crête entre ciel et mer.


Maintenant c’est soit entreprendre l’escalade de trente-trois volées de marches de trois cent quatre-vingt-quatre marches, soit attendre le microbus communal.


C’est le genou de Cécilia qui aura bien sûr déterminé le trajet en bus. Et comme on pouvait le craindre, le chauffeur ne s’étant pas positionné à l’endroit prévu depuis toujours, au grand dam des villageois, ce sont les derniers touristes arrivés qui se précipitèrent pour entrer les premiers. Comme à Ravello, et certainement comme de partout en Italie en ces circonstances, foires d’empoigne, hauts cris, et menaces. On pourrait comparer ces scènes qu’on n’imagine pas en des lieux si radieux à la fureur qui s’emparerait dans le cas d’un humanitaire n’ayant que trois pains à proposer à quinze affamés.

D’autant que les plus hystériques furent les femmes du village qui éructèrent d’imprécations tout le temps que dura la montée.

Au sommet, une petite place, parfaitement dégagée, avec une épicerie, et quelques boutiques colorées contrastant avec les ruelles saturées, odorantes et bondées des villages de bord de mer. Corniglia a immédiatement le charme aéré et empreint d’une légèreté qu’ont les villages de moyenne montagne. Le paysage s’y déploie parfaitement en harmonie avec le clocher. Puis des rues s’enfoncent à divers endroits et depuis la place de l’église, entre plusieurs terrasses où pend le linge, nous avons la mer cobalt tout en contrebas. Corniglia est une sorte de nid d’aigle avec la via Fieschi qui coupe en un long couloir de petits commerces, de minuscules bistros ne recevant pas le soleil, et des maisons possédant une façade donnant sur la mer, et l’autre sur cette rue.  

Depuis un dégagement surplombé d’un pin géant, on aperçoit tout au loin, sur la côte déchiquetée, le village de Manarola. Derrière encore, fantomatique, Riomaggiore. De même, d’un autre point de vue, plus au nord, la commune de Vernazza qui se déploie par un interminable chemin qui relie les deux villages. J’improvise un brin de marche à l’heure où le soleil est au plus haut. Après quelques courbes sous des arbres géants et des flambées de coquelicots, de fleurs sauvages, le paysage s’habille plus bas, entourant le clocher maintenant en vue plongeante, de cactus et de figuiers si lourds que les branches viennent à toucher le sol. Ce sont là, à l’heure d’une telle quiétude, des lieux tout virgiliens.

Par la via Fieschi, débouche une petite place extrêmement animée où deux rangées de marches grimpent à une autre église minuscule qui domine le paysage de platanes et de terrasses où s’agglutinent les touristes.

Par un autre chemin suivant la route qui grimpe à Vernazza, le village s’offre au regard dans toute sa perspective, avec à ses pieds les carrés plus ou moins réguliers de ses cultures alternant avec des prairies mouchetées du jaune des boutons d’or par myriades. Avec, vertigineusement perçu, un flanc du village au bord d’un aplomb tombant sur une mer d’huile.

Bien à l’écart des autres bistros, « Er posu Caffé » nous accueille sur une minuscule terrasse donnant sur une place au carrefour de plusieurs chemins, offrant le spectacle des montagnes alentours, pour une longue pause de midi. De larges nuages drus et compacts paressent dans le ciel sans menace dans un silence que ne troublent que les éclats de quelques clients aux tables voisines. Le temps pourrait durer indéfiniment.

Partis de ce minuscule café, nous empruntons un chemin qui devrait mener jusqu’au hameau de San Bernardino qu’on aperçoit tout là-haut au sommet d’un col entièrement enserré dans sa forêt. Nous ne ferons qu’un bout de ce chemin balisé de murets de pierres sèches plates et tranchantes, d’un pont enfoui dans sa végétation où l’on perçoit dans le tréfonds du vallon le grondement sourd d’une rivière. Les murets continus ouvrant sur des parcelles de vignes et des coteaux en pentes douces, parsemés de fleurs comme autant de taches rehaussant de touches vives la magie des lieux. La balade que les plus courageux mèneront jusqu’au village du dessus prendra plus de trois heures. Plus sages, nous nous contenterons de saisir Corniglia au détour d’une courbe ou nous enfonçant vers quelque improbable sillon dans les vignes et les oliviers. Depuis ces quelques échappées hors de notre chemin de pierre, on peut admirer le village dans son intégralité d’ocre et de nuances vives, jalousement offert au regard entre oliviers, vignes et herbes sauvages, solidement accroché au sommet de sa montagne, avec un regard, et une échappée vertigineuse sur l’un de ses flancs, sur la mer.


Je remarque une chose qui paraîtra anodine, mais à aucun moment je ne surpris de palmiers dans le paysage. Comme en Provence, avant que la mode de cette plante ne se répande, c’est le platane et l’olivier qui règnent.


Curieusement, à l’heure du bus, jusqu’au chemin de fer, l’allégresse des savoyards qui nous accompagnent et de tous ceux qui purent grimper parmi les trente places disponibles, contraste étonnamment avec la furie du trajet de ce matin.  Peut-être est-ce une certaine sérénité retrouvée au contact d’une harmonie de la pierre, des vignes et d’un cadre exceptionnel qui ont redonné patience à l’heure du retour. Et puis même à pieds, le chemin eut été agréable. En pente douce.


La Spezia à l’heure du couchant.

Par le S ou le L, nous parvenons au port au moment du crépuscule. Les couleurs sont saturées en cette saison et tranchantes au travers d’un air encore vif. Dire que le coucher se produit à telle ou telle heure peut être une vérité relative. La montagne, à l’heure où nous parvenons sur l’un des quais de plaisance, coupe déjà le soleil dans sa course alors que celui-ci est encore haut dans le ciel, mettant une partie du port de plaisance dans une ombre pré crépusculaire.

Nous avons tout de même le temps de traverser celui qu’on nommera spontanément le « pont de Millau de La Spezia », tant le profil de ce modeste pont est redevable à son illustre modèle.

C’est un magnifique voilier qui attire notre attention depuis les quais. Toutes voiles pliées, laissant flotter comme par négligence une partie de ses voilures supérieures comme une robe d’apparat négligemment défaite. Fin comme un oiseau fragile, dessiné probablement pour fendre en silence les eaux les plus lointaines, il paraît comme l’albatros de Baudelaire, légèrement singulier de figurer presqu’en intrus parmi tant d’autres navires insignifiants.

D’autant que le port de La Spezia combine tout à la fois le port de plaisance et le port de commerce, avec dans les lointains des superpositions de containers rouges jaunes et bleus qu’enserrent de très hautes grues dans le ciel.

Remontant par les multiples artères piétonnes, extrêmement animées à cette heure, nous passons en revue tous ces lieux qui commencent à devenir familier, le marché découvert, Santa Maria Assunta et le gigantesque immeuble de quinze étages qui m’impressionnera chaque fois, en plein cœur de la ville et au pied du restaurant auquel nous restons fidèle, tant la cuisine y est comme à la maison .

Nous apprenons qu’à la faveur de tempêtes solaires exceptionnelles, la France et une partie de l’Europe ont connu d’impressionnantes aurores boréales. Notre fille Hélène nous fait parvenir des vues de Saint Jeannet sous des lueurs mauves et jaunes au-dessus de l’immense masse pierreuse du grand Baou.


Samedi 11 Mai


PORTO VENERE


L’arrêt de bus est à côté du café « Bonjour », sur une avenue bordée d’arbres dans le prolongement de la Place Garibaldi. Porto Venere n’est qu’à douze kilomètres au sud de La Spezia qui ont paru interminables tant la côte est sinueuse.

Douze kilomètres pour se poser sur la Baie des Poètes. On ne pouvait manquer l’appel d’une telle attractivité. Le soleil du matin enveloppe l’ensemble du village qui s’étire comme un écran tout au pied du port. Ce qui lui donne un petit côté Villefranche-sur-Mer plus affranchi sur le large, plus prompt à afficher de tout son long sa position de front de mer. Comme pour les précédents villages, ce sont des alignements de maisons d’ocre rouges et jaunes, verts et bleus, serrées et comme dépendantes les unes des autres en une belle unité flamboyante. Une digue, sur le milieu du port, permet de prendre un recul suffisant qui fait embrasser l’ensemble de cette féérie colorée. Les terrasses de bistros se succèdent et longent jusqu’au bout du quai, vers un chemin rétréci qui mène au pied de l’église San Pietro visible de bien loin. C’est par deux volées d’escaliers qu’on accède à ce qui n’est qu’une minuscule chapelle de type gothique tout en nervures blanches et noires sur un plan carré. Elle semble s’être désolidarisée de son village ou répondre à l’appel du large. Après un petit moment d’adaptation l’intérieur laisse percevoir la beauté austère de son architecture.

Dans le prolongement, y accédant par quelques marches, une courte galerie de quelque quatre ou cinq arcades plonge de toute sa verticalité sur la mer et la grotte de Byron qu’on aperçoit tout en bas, au pied d’un massif rocheux inhospitalier. Evidemment les visiteurs se font nombreux, et on a du mal à imaginer la quiétude d’un tel lieu aujourd’hui. Depuis cette galerie on peut voir du côté de la grotte, à son sommet, la citadelle dominant de toute son austérité le paysage jusque loin vers les montagnes.

Redescendus vers le même chemin, l’entrée des éboulis rocheux comme passés à la dynamite, est surmontée d’une plaque indiquant que c’est à cet endroit que vint Lord Byron, au lieudit de la grotte , pour y revoir son aimée. Il aurait franchi à la nage toute la largeur de la baie.

Pour les plus curieux la promenade en barque sur des eaux bleues de la grotte est possible.

C’est par paliers successifs que l’on atteint la citadelle Doria. A chaque esplanade, des rangées d’arbres, des bancs offrent une halte et un point de vue à chaque fois différents à mesure que le bas du village s’éloigne. Puis les escaliers se font plus sévère après l’église San Lorenzo et c’est la citadelle elle-même qui s’offre à la visite. Il n’est plus grand monde qui se soit risqué sur les hauteurs. Peut-être aussi parce qu’il est treize heures.

Depuis la plus haute plateforme au cœur même de la citadelle à ciel ouvert, c’est l’enchantement sur l’ensemble de la baie qui va jusqu’aux montagnes dont on voit sur l’autre rive les sommets en dents de scie dilués dans les brumes. Puis les villages de Lerici et Tellaro noyés eux-aussi dans les lointains. Depuis ce nid d’aigle, ce sont des parterres de bouton d’or, de coquelicots par massif, par pleine flambées, comme si l’escalade avait eu pour but de chanter son printemps sur un périmètre jalousement préservé.

Depuis une des tours d’angle, la vue plongeante est prodigieuse sur le promontoire où l’on aperçoit la chapelle minuscule se détachant de la terre ferme sur son étroit cordon de rochers.

Redescendus sur le port, c’est au pied de la jetée, sur les quais animés que l’on fait une longue pause à l’ombre, à voir passer d’incessants voiliers et les bateaux bondés de touristes qui font la traversée pour Lerici.

Le soleil basculant derrière le rideau coloré des maisons au pied du port, la lumière change d’orientation quand je m’en vais revoir la grotte de Byron. Au-dessus de celle-ci apparaît dans la plus grande discrétion, presque en creux, dominant le dessus de l’anse où se situe la grotte, la statue d’une Vénus en métal vert minéral que j’ai imaginé être la source d’inspiration de Byron sur ces rives italiennes. Depuis la gauche de cette Vénus, démesurée de proportion comme un Botero, on a un angle permettant de voir tout à la fois la baie encaissée, l’entrée de la grotte tout en bas, et la source probable de l’inspiration du poète.


Le bus du retour nous perd dans les banlieues opposées à notre lieu de destination. Nous aurons omis de descendre à Garibaldi. Et sans le vouloir, nous voilà traversant des quartiers modestes, d’habitations basses, de vastes plaines et de collines alentour, mais ne quittant jamais la route côtière. Lorsque nous parviendrons à revenir par un bus en sens inverse, le soleil aura déjà passé derrière la montagne qui plonge La Spezia assez tôt dans le crépuscule.


Dimanche 12 Mai


GENOVA


C’est la première fois que nous pénétrons dans Gênes. Et probablement pour une petite matinée.

On se contente habituellement de la traverser, de voir, longtemps avant les grands viaducs, les grues immenses qui parsèment le paysage urbain, et ça et là, des grappes immenses de quartiers s’allongeant des kilomètres durant, avec encore des ponts interminables toujours un peu effrayants.

Le magnifique galion est visible de loin, abandonné comme pour un décor de cinéma. Devenu une attraction, il mouille dans les eaux mortes et ludique d’une partie du port, que longe la longue galerie sous arcades, aux commerces ébouriffés et douteux de bimbeloteries et de restaurations improbables. C’est aussi un peu de cette Afrique qui débarque en masse comme un peu de partout et vivote au cœur agité des métropoles. Plongeant dans les ruelles de la vieille ville, le négligé et le suintant des maisons anciennes font un peu penser aux désordres de certains quartiers de Naples. Et c’est au détour d’une de celles-ci qu’apparaît, toujours dans ces pierres noires et blanches, la cathédrale, de belles proportions, avec un seul clocher exposé au sud. Dans la pénombre, comme il arrive souvent lorsque les œuvres d’art ne sont pas balisées, sur l’un des murs latéraux, quasiment négligé par les visiteurs, apparaissent de magnifiques panneaux de peintures sur bois représentant la dernière Cène, aux harmonies de drapés de jaunes et de vert, d’ocres et de bleus qui mériteraient plus qu’un abandon soigné à l’ombre du vaisseau.

Un peu plus loin, une église au style inidentifiable mais tout de même d’époque baroque, avec sa façade d’ocre criard du plus bel effet, et sa double volée d’escaliers menant à l’entrée. C’est l’église protectrice des Sri Lankais.     

Non loin de là, une grande place, extrêmement dégagée, la Piazza della Borsa ou Piazza Rafaele Ferrari. C’est là que se dresse une sculpture représentant « l’homme qui voyage » avec un socle qui dresse au-dessus de lui un homme, une valise à la main, dont la moitié du corps semble flotter en apesanteur. Par une belle illusion d’optique en approchant suivant certains angles, on a l’impression que l’homme traverse les architectures de la Piazza comme l’homme passe-muraille.

Généralement, devant l’arrondi du bâtiment cossu, une fontaine, jaillissante par mille bouches, habille l’ensemble et en fait une vue de carte postale. Par souci probablement d’économie d’eau, cette fontaine reste aujourd’hui muette.

Et puis remontant une de ses ruelles noires, apparaissent deux tours médiévales entourées d’un ensemble d’oliviers parmi lesquels se dresse en contrebas les fines colonnettes du délicieux cloitre de San Andrea perdu et enserré comme la dernière résistance à un monde d’immeubles qui s’est érigé autour de lui.

De type gothique, élégant et de plan carré. Nimbé de soleil encore bas, il semble éternellement dressé autour d’un monde qui l’a oublié.

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13 Mai


A Bernard :


On est presque rentré en même temps. Nous sommes là depuis hier soir avec des coups de soleil sur le crâne (moi en tous cas). Cécilia est noire.

On a eu la chance de partir avec un ciel blanc comme chien de faïence, et une fois en Ligurie le plein soleil ne nous a pas quitté. Les photos envoyées en témoignent. Un super séjour, même si les Cinque Terre elles-mêmes ne nécessitent pas cinq jours enclavés dans des villages où la folie touristique tourne à l’hystérie. Nous avons consacré le premier jour à Vernazza, puis dans l’ordre descendant vers La Spezia où on était logé, Manarolo et Riomaggiore au moment du crépuscule que tu as pu voir. Le lendemain, ce fut Pise pour la journée entière, puis pour finir avec Cinque Terre, Corniglia un jour entier dans ce village perché où les visiteurs étaient plus dispersés, l’endroit ayant gardé plus d’authenticité avec de petites épiceries, de vrais bars et de minuscules terrasses tout en haut de falaises abruptes, la végétation sur les chemins environnant d’une grande beauté. La surprise c’est la visite au village et à la baie des poètes à Porto Venere et sa grotte de Byron, sa citadelle et sa chapelle au pied de l’eau. On a gardé une matinée de dimanche pour improviser un peu à Gênes.

Les autoroutes italiennes sont toujours infernalement ralenties par des travaux.

Voilà, tu sais à peu près tout, sinon un récit suivra d’ici la fin du mois. Récit probablement court. Italo Calvino écrivant sur la Ligurie a laissé un petit opuscule de quelques cinquante pages… Je n’irai pas jusque-là.

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14 Mai

Les juges ont eu la peau de la Monarchie, ils auront celle de la République.

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Le Président M se félicite de la création de dix mille emplois en France. Il s’agit de la société Mc Cain. Tout un symbole : on a même besoin de sociétés américaines ou canadiennes pour faire des frites (qui transitent par la Belgique pour le calibrage –on ne nous fait pas complètement confiance). La France ne fait que prêter ses bras et sa main d’œuvre.

En désindustrialisant il y a peu encore, on faisait du profit en délocalisant au Indes ou au Brésil nos chaînes d’assemblage pour raison de coût du travail. Créant ainsi du travail à l’étranger. Nous sommes devenus aussi et maintenant un pays de sous-traitance même pour tailler des pommes de terre.

Et le Président M se félicite de ce qu’il appelle la réindustrialisation du pays.


Le Président M a beaucoup investi dans « Choose France ». Symptôme encore. C’est presque une requête dans la langue qui donne les clés de la réussite.

La France attire les investisseurs (ce qu’on appelle la France « attractive »). Ce qu’on ne dit pas, c’est qu’elle détient moins d’investissement sur les marchés extérieurs qu’elle n’est détenue si on peut dire par des capitaux étrangers.

Et on appelle « attractif » ce qui n’est qu’un déficit récurrent de balance commerciale.

Nous n’avons plus d’industries depuis déjà plus de trente ans. Nous avons choisi les services , les structures d’accueil touristiques et la semaine de trente-cinq heures. Et avons opté pour la seule consommation.  (En mille neuf cent trente-six déjà, on partait en congé payé et l’Allemagne s’armait lourdement). Aujourd’hui notre industrie est nue pendant que l’Allemagne accompagnera et amortira, dans les défis de demain, l’économie des deux géants américains et chinois. Il ne nous restera plus, comme les grecs, qu’à vendre des souvenirs de notre riche passé culturel. Des Tour Eiffel avec la neige qui tombe quand on la met la tête en bas.

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16 Mai


Bernard :


J’ai vu le dernier Godard : Film annonce du film qui n’existera jamais : Drôles de Guerres , je peux mourir en paix.

J’ai par ailleurs calculé la date de ma mort. Je sais, ça peut paraître étrange, voire, mais j’ai des données précises pour faire ce calcul. Ce sera le 4 mars 2029, j’ai encore un peu de temps.



A Bernard :


Je ne sais si j’aimerais savoir la date de ma mort. J’espère que tu prépares le parachute. Qu’il n’y a pas de trous dans les tissus…Et puis, tu es trop scientifique, la mort comme la vie peut surprendre. Aussi, comme tu dis savoir, je pense qu’il va y avoir jalousie entre les deux mouvements et que chacune voulant montrer sa puissance à l’autre, soit l’une d’elle anticipera la chose, soit elles débattront tellement vexées que la date ait fuitée, que celle-ci sera ajournée et remise à plus tard. Fais-moi confiance.

Et puis la fratrie ne partira pas toute au mois de mars. La mort a bien plus d’imagination !

En tous cas il faudrait que je remette en scène Lucas Trévise. Lui faire traverser l’épreuve de savoir la date de sa condamnation. Il nous en apprendrait. Le pauvre, je me demande où il en est en ce moment. Si le big bang n’existait pas, tu te rends compte, il l’aurait mauvaise. Taper sur le mur de Planck et rebondir, voilà ce qu’il lui reste. C’est comme taper à une porte qui ne répond pas.

Bref, je ne sais ma date de départ. J’espère que ce sera comme pour l’armée, et qu’ils m’ont oublié !!!

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17 Mai


METTRE UN PEUPLE EN MINORITE SUR SA PROPRE TERRE ? C’EST SELON


La Nouvelle-Calédonie est à feu et à sang. J’ai tout de même bien ri devant les contradictions de la gauche française qui s’inquiète et dénonce de voir ce territoire lointain devenir majoritairement « blanc » sur une terre ancestralement kanak. En poussant un peu (mais je crois que l’expression a même été prononcé par certains), il y a un risque de « grand remplacement » dans cette île du bout du monde. Expression honnie lorsqu’il s’agit, comme Renaud Camus l’annonce depuis longtemps, de voir, dans un délai d’une génération, la population de culture, de religion et de mœurs françaises minoritaire sur son propre sol métropolitain.

Pour la gauche, ce qui est vérité dans le Pacifique n’est plus vérité en métropole.

D’autant que leur émoi s’accompagne de la revendication des racines îliennes des kanaks. Mais il ne leur vient pas à l’esprit de penser que les Français métropolitains pourrait de même faire valoir quelques racines ancestrales, des us et coutumes remontant à notre bon vieux fond Astérix ?


Leur paradoxe mènerait, si on a bien compris, au droit du sol en métropole et au droit du sang dans le Pacifique.

La gauche n’a peur de rien.

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18 mai


A Bernard :


Je ne suis pas mort. Et je n’ai rien compris aux calculs que tu fais. Peut-être qu’en récitant Pi en chapelet, en moulin à prière, mantra, on va m’absoudre et échapper au mal. Tu me fais penser à celui qui veux manger de l’arbre de la connaissance. Dans le cas présent, il faudra faire vite.

Je pensais justement ce matin à ce que je faisais. A cette poésie qui coule toujours. Je ne suis plus capable de savoir si c’est à conserver ou à jeter ; je suis plus que jamais dans l’incertitude. La vie à plus de 70 ans n’étant renouvelée, les énergies et les chocs émotionnelles plus ténus et intériorisés, le verbe a peut-être moins d’impact qu’avant. Comme disait Rameau à la fin de sa vie " maintenant j’ai plus de talent mais moins de génie ".

Le concernant, c’est à voir…


C’est vrai il n’y a pas de titre dans poésie ces deux derniers mois. Peut-être vaudrait-il mieux aussi de ne plus mettre les dates des jours où ont été fait les poèmes. Je suis le seul, à ma connaissance qu’on pourra retrouver les yeux fermés, sachant ce qu’il a y eu d’écrit le lundi, puis le mercredi etc. Est-ce important ?

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A Bernard :


Oui, ton côté « en même temps »… Mais tu as aussi un côté « à quoi bon » et un autre "rien ne change", tout avance et tout a toujours été ainsi.

N’est-ce pas ?


Je me suis décidé à acheter le Dumas : « Création et rédemption ». Drôle de titre. Presqu’un titre d’essai littéraire. Pour l’instant je le défie du regard : 1000 pages. Danton est dans le casting.

Et puis je me retrouve avec deux petits Jankélévitch (denses tout de même) : "la présence lointaine" (essai sur Albéniz, Séverac et Mompou), et "la Musique et l’ineffable" (parmi les thèmes aimés de l’auteur avec le « je ne sais quoi et le presque rien », le silence et l’éphémère). Ça me rappellera mes études de philo. Je m’étais colleté "la Mort "pour le plaisir (ce n’était pas au programme), mais c’était après le décès de mon père.

Il a écrit un Debussy, sur son géotropisme. Vieilli. Mais un philosophe qui parle autant de musique ça a son mérite.

J’achève le Malaparte sur Lénine. Un grand styliste (Malaparte, pas Vladimir Illich, quoique …).

Sur le guéridon sont passés exactement 21 livres depuis janvier : 21 lus !

Ce matin chez les bouquinistes, je fais deux pas vers le premier étalage, et j’aperçois, comme les voiles d’un navire hissées hautes, un volume sur Utrillo de chez Hachette/Fabbri (collection qu’on trouvait dans les kiosques à journaux dans les années 70). Il m’attendait. Trouver des Utrillo (monographies, essais,) ça relève de l’enquête policière. C’est presque un sport d’endurance. Il n’y a rien. C’est là aussi peut-être une question de poésie ? …

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25 Mai


A Bernard :


La maison des enfants avance. Il faut dire qu’avec les pluies, c’est toujours autant de retard pris. Il faut dégager les zones inondées, extraire des masses plus lourdes etc. Tu as vu comme Y. prend sa future maison à cœur ! Il faut dire qu’il aime bien tout ce qu’il découvre physiquement et qu’il pige vite les bons gestes.

Je suis dans la rédaction du récit qui me prend peu de temps le matin. Je ne me suis pas angoissé comme pour Naples ou Edinbra. Je pense qu’il n’y aura que peu de retard.

Je finis les Holocaustes de Kepel (géopolitologue essentiel pour comprendre le monde arabe) et lis le dernier Onfray. Nouveau Journal hédoniste qui semble un fond de tiroir de thèmes épars déjà entrevus ailleurs. Mais un bon rappel quand même. Sinon bientôt le V13 d’Emmanuel Carrère sur le procès du bataclan. On n’a pas trop le temps de lire les après-midis avec le soleil vraiment revenu.

Je suis content que tu apparaisses en Juin. Même une seule fois. Et puis une deuxième, si tu n’es pas trop sollicité, fera l’affaire.

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29 Mai


A Bernard :


Je termine ce matin le récit italien. Il est bien court comparé aux précédents. Mais j’ai le sentiment que nous avons plutôt traversé la Ligurie et Pise sans avoir approfondi… Un séjour éclair, mais la lecture rendra assez le vécu de ce début Mai. On n’a toujours pas de projet arrêté pour l’été. Cécilia a un marché d’offres d’emploi pour 70 salariés supplémentaires. Ça ne se règle pas facilement.

J’ai pas mal de lecture en train, mais n’est pas réussi à trouver sur les présentoirs d’aucune librairie le fameux "Transmania". J’ai dû mal chercher.

Peut-être les éditeurs sont-ils les mêmes que ceux que j’ai contactés. Mais quelque chose me dit que c’est surement autre chose.

Donc, à partir du 7, je t’attends de pied ferme.

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PRIORITE DES PRIORITES


En effet, « Transmania » l’ouvrage de Dora Moutot et Dominique Stern reste introuvable, comme au bon vieux temps de la censure. Du moins les librairies font semblant de ne pas connaître l’existence de l’ouvrage. La caste des grands médias ayant jeté un voile d’opprobre définitif et indigné. La première autrice nommée ayant pourtant longtemps été une féministe active. Courageusement et peut-être naïvement jusqu’au jour où 2 + 2 = 5 lui sembla douteux.


La théorie du genre en 2019 ne se répandait pas encore ouvertement. Pourtant déjà, Vincent Peillon préconisait que la théorie en question devenait prioritaire dès l’école primaire (!), de même que la lutte contre l’homophobie (l’une allant avec l’autre) – prioritaire à l’école, pas moins –

Depuis la théorie en question est sortie des marges, et s’est installée dans les universités et dans le droit "des valeurs actuelles de la république" comme un état de fait dans la pensée du Bien orwellien (du Ministère de la Vérité).


Il faut savoir que les soins dentaires et les lunettes d’un citoyen lambda sont pris en charge en traînant largement les pieds (la contribution d’un assuré social peut monter autour de mille euros de sa poche) alors que les opérations transgenres sont remboursées intégralement par la Sécurité sociale. C’est dire la force idéologique de ces minorités militantes.

Coût moyen en début d’une "transformation" avant suivi sur le long de l’évolution (!) : 150 000 euros (notifié par le Planning Familial et la Cour des Comptes). Les candidat(e)s progressistes sont de plus en plus nombreux(ses)…

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Le véritable tournant de la gauche s’est produit le jour justement où elle a abandonné le citoyen à payer ses lunettes et ses soins dentaires. Le progressisme social des socialistes sociaux-démocrates s’est arrêté en chemin sans regret et sans remord (Terra Nova).

Pour une Europe libre échangiste et de progrès sociétal (« L’Europe , l’Europe, l’Europe » de Mitterrand) comme capitaine donnant ordre brutal de changement de cap.


L’urgence et la justice sociale la plus évidente, les avancées de la protection et les caisses de la sécurité sociale etc. ne se préoccupant plus du citoyen trahi dans ses espoirs, mais de l’ homme universel minoritaire , les classes moyennes, les employés, les agriculteurs et de plus en plus de jeunes inquiets de leur avenir, les nouveaux déclassés donc, ont choisi depuis longtemps de voter ailleurs après le tournant « mitterrandien ».

La gauche et ses élites n’ont plus donc d’autre souci que de soutenir un électorat nouveau composé d’une infinité de nouveaux damnés de la terre (un prolétariat neuf et universel incarné en LGBTQ+++, racisés, migrants de plus en plus grossissants, communautarismes etc. avec la litanie des bobos compagnons de toutes les causes sensibles), qui, dans leur comptabilité aléatoire à voie étroite, devraient rendre à nouveaux des lendemains chantant.


L’Union européenne est la poursuite de l’URSS par d’autres moyens.


La schizophrénie de LFI se repait à chaque cadavre de Gaza. C’est son carburant pour la prochaine élection européenne. Ils ont eu indignation et lever furieux du drapeau palestinien à l’Assemblée et ont dansé ce 29 Mai en nocturne, 77 quai de Valmy.

Sur de la musique arabe dont ils singeaient la lascivité orientale. Que ne ferait-on pour de nouveaux électeurs ?

La danse du ventre.


Des députés ont pénétré en keffieh à l’Assemblée. Les écharpes tricolores ne leur servant plus que d’immunité dans les cortèges de la colère.

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1 Juin


« la paix est la tranquillité de l’ordre » Thomas d’Aquin

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a Bernard :


Bravo pour le puzzle. Je me demande combien d’énergie se love dans tant de patience. Ce qui n’empêche chez toi une frénésie de spectacles, d’expositions et de participation au tourbillon parisien. Sais-tu que Grock fut un des plus grands clowns musiciens ? John Cage est petit à côté.


Je viens d’envoyer dans la box le mois de Mai et le carnet en cours.


C’est décidé en Juillet ce sera l’Alsace. L’appart-hôtel est déjà réservé. J’avais prévu la Bretagne, mais elle est si grande. Même le Michelin la divise en Bretagne nord et Bretagne sud. Les îles, à elles seules, pourraient être l’objet d’un séjour complet. Belle Isle, Bréhat et Ouessant. Les calvaires et Dinan. Et tant d’autres choses. Et nous n’avons que 10 jours.

J’ai le projet de refaire Monet (pas que Giverny). D’aller me poster devant la façade de la cathédrale de Rouen et de déclencher aux heures correspondant aux différents moment de la série (6 ?). Ce sera donc pour une prochaine fois. Je crois que c’est un magasin qui lui fait face. Avec un étage… Si j’habitais Ville d’Avray j’aurais déjà fait plusieurs tentatives. Essaie de te mettre bien avec le magasin…


Donc l’Alsace avec une excursion vers Baden-Baden (maison de Boulez -il n’y aura pas- foule-) et Heidelberg, où il y en aura. Et traverser la Forêt-Noire…


Je pars fêter mon anniversaire au supermarché. Les enfants seront là ce soir.

a bientôt.

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  Grande fête ce soir avec les enfants. Gâteaux, petits plats dans les grands, et puis surtout les photos de Y et L avec le patriarche que je suis devenu. Je reste assis maintenant lorsque les autres se lèvent. On reste jusqu’à la nuit bien tombée. Les enfants dorment chez nous.

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J’ai commencé cet étrange et bien documenté livre sur les trans, me demandant en quoi la censure a bien pu se mettre en émoi. Tout est taillé dans le réel, les témoignages, les analyses et les statistiques. Courageusement et sans fausse pruderie. Présentant également bien des contradictions internes à ce genre de situation (identitaire, sociale, économique).

L’affirmation, peut-être, « qu’un homme reste un homme et une femme une femme » semble- t- elle insupportable ? « Qu’une femme à pénis n’est pas une femme » ?

Le cœur de l’enquête se résume ainsi : la réalité biologique est niée par l’idéologie transgenriste. Le sexe est supplanté, avec un arsenal juridique qui lui sert de cuirasse de plus en plus étanche, par l’identité de genre. a la carte. LGBT : CQFD…

Préparant l’indistinction que sera le transhumanisme qui n’aura plus besoin de sexe et moins encore d’hommes et de femmes comme sexes radicalement différents, mais des humains programmés et robotisés par greffons successifs de souche bio et duplicables. Immortels après leur décès biologique. C’est la raison pour laquelle ce qui ne devrait être qu’un phénomène ne touchant que des individus minoritaires souffrant de dysphorie de genre, intéressent les grandes fortunes et les associations qui se déclinent massivement et idéologiquement en faveur de cette cause, et dépensent annuellement des milliards.

Donc, à l’avenir, si un barbu me demande de me lever dans le tram parce qu’il dit être enceint, je n’aurais plus comme recours que de lui répondre que moi je suis sur le point d’accoucher.

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2 Juin


Belle matinée. Je vois Gilles Kepel au Festival du Livre. Je lui tends l’« Enfant de Bohême » où il retrace son enfance et celle de son père. Je le lui fais dédicacer. Puis nous parlons de musique tchèque, de Martinu qu’il semble aimer comme je l’ai toujours aimé, du passage de celui-ci à Nice chez les sœurs Tissier au Mont Boron depuis lequel il disait avoir vu les plus beaux couchers de soleil.

Le visage de Kepel est celui qui a servi de même à façonner dans le même moule le visage de Kundera, celui de Janacek, tant il serait impossible que tous ceux-là ne fussent bâtis dans cette hérédité des rivières, des forêts de Bohème et de ses sangliers farouches. Dans la dédicace il dit « … à Louis le slavophile et lecteur attentif du « bohémien » … »

Il me dit aussi que son grand-père Rodolphe fut le premier traducteur d’Apollinaire en langue tchèque et qu’il contribua à l’avènement de la première identité politique de la Nation tchèque avec le concours de la France. Mais tout le détail de cela je le lirai bientôt.

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6 Juin


Du temps de la guerre froide certains disaient « mieux rouges que morts ». Mais depuis quatre-vingt ans, on murmure doucement et fièrement « mieux américains que vaincus ». Et toutes ces pompes sur Omaha Beach, aujourd’hui, pour ça.

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La colocation c’est un peu comme du temps de l’URSS, le partage camarade de la cuisine, des parties communes et des moments « à chacun son tour ». C’est l’involution économique de la France de maintenant.

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9 Juin


Election européenne : la droite nationale fait un score historique. Le président M décide de dissoudre l’Assemblée nationale.

C’est le début de tractations, d’alliances et de mésalliances. Les centres droits et les centres gauche s’effondrant. Restent face à face les extrêmes de l’hémicycle : la gauche islamo-gauchiste (et ses alliés contre-nature) et la droite nationale.

Depuis trois ans la France est ingouvernable.

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10 Juin


Déjeuner avec Bernard au Panama, Place Garibaldi. Pour le rosé des garrigues et un magnifique Saint Joseph sous le regard enjoué des serveuses.

Jusqu’à ce que le soleil décline bien après-midi. On a eu le temps de refaire le monde. Les mimosas roses sont en pleines floraison.

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13 Juin


Déjeuner avec Bernard au Panama. Sous les mimosas roses plus beaux encore que tous les paysages de Panama. Le rosé corse à la santé de Françoise Hardy décédée la veille.

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15 Juin


Si la Droite Nationale venait à gagner les législatives anticipées, c’est au prochain 14 Juillet, une possibilité de représailles sanglantes et une première idée de ce que serait l’amorce d’une nouvelle révolution française. Révolution (appelée par euphémisme sixième république) aux mains du Nouveau Front Populaire.

Et demain, devant les poussées de la Droite Nationale, la finance de Davos, pourrait demander le remboursement de la dette française (mille milliards dus au seul M ! en sept ans) dans des délais insupportables. Déjà à l’annonce des résultats de dimanche, les valeurs françaises spéculées perdaient vingt-cinq pour cent. La Banque de France pourrait se trouver devant une impossibilité de paiement.

C’est une des possibilités et une des exigences vengeresses devant des résultats défavorables au vent mondialiste.

Le peuple vote décidemment mal. Que faire disait Vladimir Illich ?

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18 Juin


a Bernard :


J’espère que tu es bien rentré. A moins d’avoir musardé plus longtemps que prévu.

Et je vois bien que ton dernier courrier date du mois de Mai !


Le temps s’est enfin mis au beau. Comme sous les mimosas du "Panama". Mais ma fille et Y. ont aussi des allergies et ça arrive en général quand la chaleur se mêle aux senteurs fortes.


Je reçois un courrier de Monique Ariello, un faire-part de son expo estivale " dans les bois et jardins disparus". Le titre est beau et un détail d’une de ses gravures montrent des biches sur fond vert tout à fait dans le style de Lascaux, mais avec le temps qui aurait pensé la chose entre-temps. D’une belle spontanéité tout de même. Avec la discrétion propre à cette artiste.


Je finis à regret, tant sa vie est passionnante, l"Enfant de bohême" de Kepel, dont je t’entretiendrai plus tard à propos de cette période (entre autres), entre Belle Epoque et Années Folles.


Le mois en est à son mitan et si j’ai bien compris tu auras du Deydier à lire, accumulé d’ici peu.

Je souhaite de tes prochaines nouvelles en espérant que tout va bien.

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19 Juin


a Bernard :


Le carnet est donc à jour et "peintures noires" réparé. Bravo. D’autant que de toutes les peintures, ce sont celles que je préfère avec Bosch, Josquin et Maroc. (Et aussi la petite renarde).

J’aurais aimé par contre que tous les titres (successivement cinque terre, Pise, cinque terre, Porto Venere et Genova) soient inscrit dans les mêmes caractères de bleu et de taille que ceux de tous les voyages à des fins de lisibilités.

Gênes, comme tu as pu voir n’a été qu’effleurée le temps d’une petite matinée. La ville étant à 200 km, elle mériterait un week-end, tranquillement. Nous avons dû rentrer dans l’après-midi pour des raisons logistiques.


Altagracia nous a eu à la bonne. C’est une Dominicaine de 40, 45 ans qui vit à La Spezia depuis quelques années pour élever sa fille. On a pu échanger avec elle comme des équilibristes entre deux tables à servir. Charmante vraiment. J’ai toujours un faible pour les serveuses charmantes, même avec des allergies. Et puis sais-tu que le lapin était à 10 euros. A Nice, pour le prix, tu as une socca pour 2. Voilà qui complètera la perspective non écrite de mon récit.


J’achève la bio de Gilles Kepel. Un récit écrit à la seconde personne du singulier (il s’adresse à son père) qui suit au travers de centaines de lettres le destin de son aïeul depuis son arrivée en France à la Belle Epoque. Pas une fois il ne parle de son ascension personnelle et des raisons qui font de lui un géo politologue du Moyen Orient de renom. L’impression qui en ressort est cette fascination que la France exerçait au début du XX°. L’auteur est conscient que les deux guerres ont changé la perspective. Aujourd’hui on n’attire plus l’aristocratie intellectuelle mais les demandeurs d’asiles. (Ce n’est pas Kepel qui souligne…). Ce qui a changé aussi c’est cet amour qu’avaient ces nouveaux venus pour la culture qui passait par l’apprentissage parfait de la langue. On suit tout le long du récit comment tous les protagonistes historiques du lignage de l’auteur parlaient un français qui se voulait fondu dans celui des français eux-mêmes. C’était évidemment possible avec des peuples européens et de culture voisine. Aujourd’hui on a lamentablement échoué sur un terrain que les nouveaux venus (d’horizons et de cultures différents) refusent de pratiquer.

J’ai donc lu cette bio comme on lit un témoignage du temps de Proust finissant après Mai 68. Passionnant. Et il est dédicacé. Je vais donc le ranger soigneusement. Les renseignements sur la création de la Tchécoslovaquie politique contemporaine menée de concert avec la diplomatie française donnent une perspective de l’influence de celle-ci en ces temps-là. La déception fut grande après 1945. Vécue par les tchèques comme une faiblesse, une trahison et une fatalité. Mais les Kepel sont restés… A la Foire du Livre, l’auteur est vraiment charmant. Mais on n’a guère eu que quelques minutes pour échanger.


« Transmania » est un livre tout à fait honnête et ce que j’en dis dans la livraison de Mai n’est que le reflet de l’enquête menée par les 2 protagonistes. J’y apprends que la "transformation" menée à ses plus extrêmes peut être remboursée intégralement (par graduation d’opération). Evidemment certains n’allant pas jusqu’à l’ablation du pénis. C’est un peu un manège à la carte. Mais intransigeamment remboursé. Les hommes de loi y tiennent. Le Planning Familial aussi.

Pour les dents et les lunettes on attendra. Après tout pour les dents et les yeux, il n’y a pas trauma…

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« Ils attendaient Jupiter on a eu Néron ». Une vérité amère prononcée par un déçu, anciennement vivement enthousiaste.

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Mes lectures me portent vers « L’Histoire de la V° République » de Franz-Olivier Giesbert. Ce n’est plus Peyrefitte, c’en est peut-être le complément.

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20 Juin


a Bernard :


C’est pour demain. Y. nous accompagne. Depuis le temps que je lui raconte l’histoire et la légende de Bugatti, père et fils.

J’avais visité le musée de l’auto à Mulhouse, (toi qui est un pro des expos, il est à portée de fusil !) … Des merveilles que les frères Schlumpf avaient accumulées, parfois dans des conditions discutables qu’ils en avaient poussé au scandale dans les années 70/80. Et aujourd’hui ce musée est le plus extraordinaire au monde. Des centaines de modèles d’exception. Il y a même plusieurs exemplaires de la Bugatti Royale, commande du roi Karol de Roumanie, qui voyant le chef d’œuvre achevé renonça à l’adopter officiellement tant elle lui paraissait intimidante et belle. C’est une sorte de carrosse contemporain, bien plus original que les britanniques tirés par des chevaux. Les dimensions étant aussi superlatives (6 ou 7 mètres d’envergure). Bref, j’en est un exemplaire à l’échelle 1/43…

Ettore Bugatti en a fait sortir 7 de ses usines. Aux E.U, dans un bled, la légende dit qu’une huitième a été retrouvée. Réellement. Donc huit… J’endormais Y. il y a quelques années en faisant des variantes sur le thème.

Donc samedi il va voir son papy au volant d’une grosse cylindrée (500 cv, de 0 à cent en 4 secondes départ arrêté). Je n’irais pas à ces extrémités, je n’en aurais pas la possibilité, ni la capacité, bien sûr. On en reparlera bientôt.

J’avais fait laver la voiture. Le sable du Sahara est retombé sur la ville. Le ciel est jaune.

14 heures


Il faut bien séparer Valadon de son fils Utrillo. Celui-ci n’est pas QUE Montmartrois. Ce qui le relèguerais péjorativement au rang de rapin. Je le considère autant que Van Gogh. Je sais, ça ne se fait pas. Il n’empêche que c’est un des plus grands poètes de la peinture. La poésie, qui, comme tu sais, ne s’explique pas.


Kepel n’écrit pas sur l’immigration ! C’est un spécialiste de la géo politique du Moyen Orient. Il l’est d’autant plus que contrairement à d’autres il parle l’arabe et plusieurs dialectes. Il a enseigné à Sciences Po et dans la plupart des institutions. Une référence dans le domaine.

N’empêche que sa bio (je devrais dire la bio de son grand-père traducteur entre autres d’Apollinaire) est écrite comme on pouvait le faire au début du siècle dernier. Sépia et teintes délavées. Volontairement.


Kadaré ? Si j’ai bien compris l’allégorie des cadavres, il serait aussi absurde de compter les morts de quelque côté que ce soit, qu’on ferait mieux de s’occuper des vivants quel que soit l’uniforme et la position géographique sur cette terre. C’est un peu la position des sans frontières.


300 à l’heure, j’aimerais bien. Mais bien peu probable. Et puis en 10 minutes je n’aurais le temps de faire que deux ou trois tours. On aura un récit qui sera aussi rapide que le vent.

a ce propos je pense que les russes nous envoient des nuages de sables bien opaques. On ne voit pratiquement pas les baous depuis ma fenêtre. Les voitures semblent venir directement de Paris Dakar.

Les pouvoirs publics sur l’autoroute indiquent "ralentir, pollution », ce qui renforcera la conviction des écolos, mais je pense que ces nuages viennent soit du Sahara, soit sont produit en représailles de déclarations intempestives de M.

Tu peux faire suivre mon intuition.

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22 Juin

A Bernard :

Tu as encore la force d’aller aux "fêtes de la musique" ?! Je suppose que c’est en tant que témoin. Les dernières fois que j’ai souvenir de ces nuits débranchées, c’était au début de ma fréquentation de la Dégus. Mes nouvelles connaissances étaient déjà au moins d’une génération après moi. C’était plutôt la nuit des décibels. Des évènements souvent organisés et encadrés par la mairie, et tous les cinquante mètres, des podiums et encore des décibels. Avec le festival du jazz, les riverains ont résolu le problème, ils ont fait délocaliser la chose depuis Cimiez à la Place Masséna. Pour ces 21 juin nocturnes le cancer est généralisé. Bref, j’ai la chance d’habiter loin.

Alors, hier ce n’était pas une quelconque Lotus, mais la plus belles des Aston Martin que j’ai pu piloter. Le circuit est au sud du village varois du Luc, sur une plaine totalement ouverte entre le massif des Maures et le Haut Var. On était des centaines à profiter de cette aubaine, mais l’organisation est telle qu’il n’y eut aucune bousculade, chacun ayant choisi l’heure et la voiture. On nous appelait à l’heure en question devant tous les autres qui attendaient casque sur la tête. La surprise vint des filles en très grand nombre. Puis des jeunes évidemment, et des moins jeunes qui l’avait été…

Il y avait des Ferrari, des Lamborghini Gallardo, des Mustangs, Corvette, Alpine et cette Aston Vantage, grise métallisée, la plus belle de la gamme.

Pas de levier de vitesse ni d’embrayage, mais comme sur les F1, des palettes au volant pour les changements de régime. La position est très basse dans l’habitacle. Après un premier tour de mémorisation, on est lancé… 230 dans la ligne droite avant le terrible freinage, point de corde puis ré accélération, etc. Comme dans un fauteuil. A l’intérieur on entend un vrombissement sourd qui laisse penser que ça peut monter plus dans les aigus. Magnifique. Les dix minutes passent très vite. Céci m’a dit qu’à mes passages lancés la voiture faisait un bruit d’enfer à peine perceptible à l’intérieur. On aura la vidéo mercredi. Puis un diplôme sur papier glacé, comme pour les enfants.

Comme c’était hier une journée très contrastée, nous étions le matin à l’abbaye du Thoronet à l’acoustique unique et au cadre des plus dépouillé qui soit. Cela faisait bien vingt ans qu’on y était allé.

Et ce matin nous avons eu droit à l’expérience unique de cette révélation à chaque fois renouvelée de ce mystère acoustique d’une voix solitaire et libre lançant dans la nudité des pierres des sons psalmodiés rendant leurs harmoniques riches et infinies comme un secret de pierre qui mettrait en vibrations la perfection spirituelle et participative de cette pierre jointe à la prière des humains.

Juliana dans une réponse de courrier : « … cette belle femme réveillant les voix endormies dans la pierre… »

Sublime Thoronet.

Dans la plus belle des journées de fleurs jaunes et d’arbres foisonnant au soleil.

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24 Juin

A Bernard :

Je ne décris pas trop les sensations parce que ça va très vite. Dix minutes dans l’habitacle du véhicule, autant dire le temps d’échapper à toute réflexion raisonnable. Sinon qu’une fois embarqué au volant, on n’entend que la voix du moniteur, le feulement progressif du V8, et puis l’émergence comme des soldats vigilants et des repères indispensables, les plots sur le bord de la piste correspondant aux zone de freinage, aux points de corde, à l’élargissement vers l’extérieur pour ne pas perdre la bonne trajectoire, la ré accélération dès la sortie du virage jusqu’à la prochaine zone de freinage etc. Pas de paysages, une dominante jaune estivale quasi abstraite, que des trajectoires, de la géométrie, des vibreurs rouges et blancs, parfois un véhicule au loin et toujours la sensibilité du moteur qui traduit les différents degrés de sollicitation. L’expérience la plus forte est l’entrée dans la ligne droite principale où le moniteur demande d’y aller à fond. Là, le champ de vision semble soudain rétrécir progressivement et surprise, la ligne qui paraissait très longue durant le tour de repérage a mangé l’espace, l’a annulé pour un énorme freinage qui arrive. Entre temps la vitesse s’est affiché à 230, l’espace d’un instant avant que j’active la palette à main gauche, (correspondant à une décélération de levier de vitesse) et de voir le virage à droite qu’il va falloir négocier.

Ces vitesses manuelles au volant sont une merveille. Je ne comprends pas pourquoi on ne les adopte pas sur les voitures de série. On a l’impression de faire corps avec tout à la fois le volant et la volonté du moteur dans les montées ou descente de régime. Et le tout sans faire de gestes inutiles.

On a tout le temps ce sentiment que le véhicule est super discipliné, qu’il se pliera à la moindre sollicitation, (et le frein sur lequel peser comme sur la tête de son meilleur ennemi -et sans remord) avec toujours le son qui dégage une noble sérénité rassurante.

Je comprends mieux (je ne sais plus qui) qui disait que le rock n’était que la transposition inconsciente chez l’adepte, de ce sentiment de puissance placide que dégageait l’électrification des guitares à l’instar des moteurs vrombissant, donnant par là-même cette ivresse de puissance mécanique.

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LE POUVOIR DES FEMMES A VENIR


Les collectifs féministes ne savent plus où donner de la pancarte. Le premier tour des législatives est pour dimanche prochain. Elles battent le pavé, elles affichent le plus ostensiblement leur adhérence au Nouveau Front Populaire.

Il faut dire qu’il y avait matière à dénoncer ces insupportables supplices infligées à cette enfant de douze ans, violée, torturée et rackettée par des enfants à peine plus âgés qu’elle, pour la simple raison qu’elle était juive. Et qu’ils se sentaient des droits sur certaines « choses ».

Ces collectifs n’en avaient cure ce dimanche de beau soleil sur Paris.

Comme ils n’ont que faire de l’excision rituelle pratiquée sur les jeunes femmes sur notre territoire, des mariages forcés, du viol symbolique de soumission de la femme, de la contrainte de celle-ci à la volonté toute puissante de leur mari du fait même qu’elle ne pèserait aux yeux du Coran que la moitié d’un homme, du voile de plus en plus visible pour leurs yeux qui ne veulent plus voir l’affichage de plus en plus envahissant de ces femmes enchiffonnées de domestication.

Non, nos troupeaux de femmes « libérées » militent contre le patriarcat occidental en général et contre le mâle blanc de plus de cinquante ans en particulier.

Il n’y a, en effet, pas de mal à être courageuses…

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25 Juin


a Bernard :


C’est drôle, je n’ai aucune espèce d’idée sur l’impact ou l’impression que peuvent laisser certains poèmes par rapport à d’autres. C’est toi qui en dresse le relief ou plutôt qui en révèle certains plutôt que d’autres. Il me semble que beaucoup ne perdent pas leur sens immédiat, d’autres rendent un peu plus d’obscurité. S’AFFALA FOLIE comprend tous les textes qui suivent et pas seulement le tout premier de la série. Celui dont tu cites certains mots clé est assez auto biographique. J’ai vu, en effet, lors d’un séjour en Corse (au Cap), quantité de mausolées funéraires qui laissent à penser que des familles nobles et anciennes y vivaient depuis très longtemps, et les "génois" en question dans le poème font référence à cette dernière étape à Cinque Terre et tout autant aux tours d’observation en ruines qui jalonnent les côtes tout le long du Cap. Le texte se termine par la réminiscence de mon nom gravée ainsi que celui d’une mystérieuse amoureuse sur l’écorce d’une souche d’arbre dans un lieu perdu de ce cap. Je ne sais si, en le relisant (le premier poème) cela apporte une lumière différente.

C’est la première fois (la dernière certainement) que je donne quelques clés de compréhension (?) d’un de mes poèmes. Il se suffisent à eux-mêmes. J’allais dire "ils se doivent" suffisamment à eux-mêmes.


On n’arrive pas à stabiliser la météo de ce début d’été. J’ai eu de la chance d’avoir eu cette journée bénie du Thoronet et du circuit du var. Le Var est si beau sous le soleil.


Je dois m’atteler à ces NUAGES RIVAGES (malerei) avant de partir en Alsace. Il y en a beaucoup. Je vais commencer, du moins avant le départ.


Une question que je me pose souvent : lorsque tu publies le carnet, en relisant, lis-tu de nouveau les courriers que nous échangeons et dont je consigne mes observations dans ledit carnet !? C’est important parce que parfois je change certaines phrases, j’ajoute certaines nuances.

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Le réel serait « fasciste » …

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Luigi Nono disait du « Martyre de Saint Sébastien » que c’était la musique absolue.

Lorsque quelqu’un décline le prénom de Sébastien, je ne peux m’empêcher de voir en la personne, une flèche en lui, un corps transpercé.

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27 Juin


Eric Ciotti a osé ce que la chiraquie n’a jamais osé en quarante ans. Au grand dam des barons de ce parti qui n’en finit plus de mourir.

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Lorsque nous sommes allés à Rabat en 22, je n’avais pas eu immédiatement conscience que j’allais avoir soixante-dix ans et que mon père en aurait eu cent. Y-a-t-il un hasard à ces éboulis temporels ?

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28 Juin


a Bernard :


Ce samedi, invitation à l’anniversaire (60) d’une copine de Céci dans sa campagne du Var. Il y aura une centaine d’invités. C’est une ancienne hôtesse de l’air qui a épousé un gars qui faisait le tour du monde, d’aventures et de navigations. Ils se sont fixés sur une terre rouge du Var, et élèvent des chèvres. Je déteste le lieu. Je resterai donc ce week-end à la maison.

Le dernier numéro de Front Populaire (celui d’Onfray) parle de civilisation et de gastronomie.

Question expo : Berthe Morisot au Musée Chéret.

On sera absent du 16 juillet au 26. Alsace, Allemagne, Forêt Noire.

Peut-être rencontreras-tu la musique de Penderecki ?

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29 Juin


a Bernard :


Alors non, tu auras mal compris, ce samedi je n’irai pas dans le Var. J’aime bien Charlotte, je lui ferai la bise de loin, mais je déteste aller dans leur ferme. Ça sent le purin, la bassecour et toutes sortes d’odeur que je détestais déjà dans la ferme Paul Deydier à Ain El Aouda. En plus leur terre est rouge de bauxite et on revient toujours maculé quel que soit le soin pris pour ne pas s’enfoncer dans la gadoue. De plus il devrait y avoir une centaine d’invités. Notamment ses parents qui vivent en Allemagne (belle propriété où on a passé une nuit sur la route de Salzbourg). Charlotte a vécu plusieurs vies contradictoires. Clocharde, hôtesse de l’air et maintenant fermière tendance éleveuse de chèvres. Et épousé un marin tous azimuts converti comme elle dans la terre profonde. Je laisserai Cécilia y aller seule. Elle se sont connues du temps que Céci travaillait pour une société de sécurité aéroportuaire et que l’autre était hôtesse. Voilà. J’avais fêté mes 60 et plus tard mes 70 ans plus tranquillement. J’avoue refuser les soirées maousses et ce n’est que chez Juana qui habite tout près que je cède aux invitations. Mais chez elle on y boit peu…


Merci pour le bleu des titres. C’est vrai que c’est la première fois que je nomme en gros titre tous les lieux traversés du côté de Cinque terre. Mais comme il s’agit plus d’une morcellisation de destinations, j’ai voulu mettre chaque épisode en relief.


Cette année c’est l’année Fauré (1845-1924). De belles rééditions réunissant l’essentiel sont sur les présentoirs : l’œuvre complet pour piano par Lucas Debargue est plus que bien. Et la musique de chambre autour d’Eric Lesage indispensable. Tu pourrais aimer. Par contre on a encore des réticences pour Luigi Nono qui aurait cette année 100 ans… Pas même un seul rhabillage d’œuvres essentielles. Un maillon important pour la génération de compositeurs de la seconde moitié du siècle. (cf carnet et l’air du catalogue).


Le temps tourne toujours de grisaille et de ciels capricieux qui refusent le plein été. On attend donc directement la canicule, le réchauffement, le manque d’eau etc. Mais ça c’est l’info pour bientôt.

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30 Juin


DE COUTEAU DE CHAIR ET DE REALITE


Nier le réel est une forme de refus idéologique de voir ce que voient les yeux. Rousseau disait « méfiez-vous du réel », comme un aveu que ce même réel serait plutôt un obstacle à la pensée qu’un fait inébranlable sur lequel construire notre pensée et échafauder un raisonnement. Déjà Descartes, en préambule à son Discours de la Méthode, inaugure le champ du réel dans la plus claire des évidences du cogito. Je pense donc je suis comme inscrit dans le marbre d’une vérité par le réel. Est vrai ce qui est réel. Le champ d’investigation de la pensée cartésienne est donc le domaine revendiquée avant tout comme la pensée du réel. Chez lui il n’y aura de place pour l’imaginaire. Je dis bien l’imaginaire et non l’imagination, laquelle peut étayer, par des clartés échappant à la pure logique, à un éclairage secondant la pensée du réel. L’objectif de Descartes, comme de tous les penseurs classiques de la raison, pense à partir de ce réel à des fins de réalisations scientifiques. La science a pour support ce qui s’offre à la réalisation. L’inconnu où se mouvoir pour Descartes n’est que du connaissable en puissance, à condition de suivre et de persévérer dans la vérité du réel et des objets du réel.

Dans le domaine de la mauvaise foi, parce qu’il s’agit bien en fait d’une déviance de la raison que de nier ce que les yeux et le bon sens soumettent à notre réflexion, le réel échappe volontairement à l’idéologue autant qu’il échappera à la poésie, qui, elle, peut s’octroyer l’entorse faite à celui-là. Ce qui est difficilement admissible pour un penseur, un homme politique responsable ou à ces rapporteurs de faits que sont les organes médiatiques et la presse dont la vocation serait de présenter, de décrire et d’expliquer le réel.

Le risque encouru par les négateurs volontaires du réel est de stagner dans la stupeur ou l’émotion lorsque les faits présentent un hiatus entre la brutalité de ces faits et ce qui contrarie leur vœu de réalité conditionnelle.

Par exemple, si les faits disent dans ce que le réel à de plus brut : « il a planté un couteau dans le corps d’autrui », deux éclairages s’exposent au grand jour. Un premier décrira le fait du couteau qui s’est bien fiché dans le corps d’autrui tout en cherchant et expliquant les raisons plausibles de l’acte, si toutefois l’auteur de l’acte ne les avoue pas lui-même. Le second, sans nier pour autant le fait, le minimisera intentionnellement dans le sens où il lui en ôtera, et le sens et la gravité. a des fins qui déjà dépassent la reconnaissance de l’acte comme contraire à l’interprétation que voudrait l’idéologue que fussent les faits. Si toujours, poursuivant les raisons « du couteau planté dans autrui », il s’avère que le délictueux a agi au nom d’une cause intéressée, l’idéologue qui voit toujours au-delà du réel, mettra en lumière des soubassements qui minimiseront l’acte, en invoquant une contrariété d’ordre sociale, un manque d’empathie de l’entourage du délictueux, la folie souvent est invoquée faute de mieux, victimisant le coupable, ou tout simplement parce que ce fait irait à l’encontre d’une cause défendue par le négateur du geste délictueux.

On voit bien qu’il s’agit dans les deux cas de perspectives radicalement différentes. D’un côté une description de fait (le couteau planté dans autrui, ses raisons, ses intentions réelles), de l’autre, une considération idéologique de ce même fait, passé au prisme d’une interprétation de désamorçage du fait, par une canalisation amortissante à des fins d’ordre morale et politique parfois indéfendables.

Faisant parfois passer l’acte en question comme secondaire par rapport à la conditionnalité des intentions que le média, le politique récupéreront à des fins de poursuite idéologique.

Les cas de « couteau planté dans la chair d’autrui » présentés par ces mêmes rapporteurs, sont autant de faits, insignifiants et divers, qui s’accumulent aujourd’hui sans que la réalité qui les a vu s’étendre ne trouve à leurs yeux d’explication autre que le hasard mauvais…

Et puis d’ailleurs, le réel n’est-il pas fasciste ?

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a Bernard :


Montaigne, outre qu’il est le premier essayiste de l’histoire occidentale, parlait et écrivait parfaitement l’italien. Il y a en effet un chapitre où il s’adresse si je ne me trompe, à son valet en cette langue.

Son Voyage en Italie est passionnant et mieux vaut effectivement, à moins de rapidement désespérer, le lire en français actuel. Je crois avoir compris que Goethe, bien des années après lui, s’est retrouvé dans le même hôtel que lui à Rome. Ça fait tout de même pas mal d’écrivains qui ont fait ce fameux voyage : Montaigne, Goethe, Chateaubriand, Stendhal, pour ne parler que du plus beau présentoir.

Le mois est fini à l’heure où je t’écris et les feuillets électroniques seront dans la box dès cette nuit. On a passé la première mi-temps de 2024. Est-ce possible ?

Je ne suis pas allé dans le Var comme tu sais et j’ai bien fait. Sur la centaine de personnes qui s’y trouvait on ne parlait qu’allemand ou américain. Certains sont venus directement du Texas. En plus de cette terre rouge qui m’a laissé un si mauvais souvenir. Et pourtant j’aime beaucoup ce département.

Ce qui fait que pour une fois nous n’irons pas voter aux premières heures mais quand Céci sera là, probablement en début d’après-midi.

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