En arêtes vives (1970 – 1974)
L’enfant habité par un autre
Comme la nuit sous son manteau de géante
Les oiseaux qui venaient de loin
Je touche ma main qui saigne à cause d’une rose
Pâlie
Je touche le front de mon désir
Le matin avec des yeux de sommeil
Un chapeau pour allonger les caprices pour saluer
La grâce du corps
Je touche j’effleure la plume légère d’une pensée
Je touche mon nom du bout d’un doigt
Je le reconnais
Le souffle d’une bouche sur la vitre
La pâleur rose et tendre
Le vrai dessous wagnérien
Sous le visage
De mon visage
Derrière le miroir
Célia avec les cloches dans le vent le train qui s’en va
Célia je te vêtirai de colombes blanchies
De tes petites dents je jouerai sur les pianos
Nerveux de l’automne
Dans le matin ma main sur tes hanches pointues
De quatorze années
Célia allongée sur un château de mannequins
Et de fantômes
Avec des yeux plus beaux que des mains tendues
Riant de Shakespeare
Mon ange n’a pas d’âge il berce doucement le ciel
Et touche la beauté avec un seul doigt
L’Ophélie que j’ai en moi la chevelure d’Adam
Brûlant à l’heure du silence et de la fièvre
Femme au printemps de chair
Femme comme une cathédrale inondant le bleu des yeux
Mon ange à la douleur d’une aile caressante aux sourires
D’angoisse aux bleus d’horizons
Mon ange les cernes cachés d’Antinéa le sourire
Fatigué de la Joconde aux matins de mai avec les chevelures
La naissance éternelle
Mon ange aux besoins d’arc-en-ciel la violence du silence
Dans un bleu de la conscience qui ne se mesure plus en espace
Mon chagrin sous chaque paupière de vagues éternelles
Mourir à soi avec des oiseaux perdus
Dans le sourire d’une jeune fille
Donnée aux chiens
Dans le déshabillé d’une fontaine le silence du ciel
A l’heure des vertiges à perte de vue
Dans la bouche à l’éveil d’une solitude
Dans la courbe infinie des chevelures la main
Se pose sur le temps
Les nuages ne descendent plus jusqu’à la tristesse
Comme la terre qui tremble l’aube qui ne revient pas
Les voiles vers le ciel dans de grandes plaines
Comme les terres basses d’Ecosse
Avec un château
Et avec nous sous un ciel de craie la fidélité d’une femme
Comme une tombe inconnue le train qui s’en va avec le
Tremblement
à travers l’aube la perfection pour s’endormir
Touchant mon cœur avec un grand manteau
De grandes blessures d’amour égrenées une jalousie d’enfant
Dans d’autres bras
Avec des caprices cachés comme les fleurs à la mer
La fierté des pieds nus il n’y a plus la parure du corps
Dans la beauté que je te donne
L’orgueil avec ses talons rouges sa dignité
Comme un masque
C’est la femme à la fenêtre que j’aime
L’ange qui descend sur les cathédrales de Debussy
C’est l’après-midi avant la fin du jour
C’est le bord de l’abîme la femme vêtue de ciel
C’est le ciel qui se ferme derrière les paupières
La colère d’un baiser retenu
C’est le clocher imaginaire l’écho pour jouer
A avoir peur
Les yeux vagabonds qui donnent la perfection
C’est la pluie que je prends dans mes mains
Ce n’est pas moi
Et les yeux de Paris les yeux de Célia
L’enfant éternel que je suis avec les rues inconnues
Un matin près d’un soleil caché pour rire
D’un bonheur unique
Dans une solitude que la beauté peut toucher
Dans la solitude endormie qui renaît avec le sourire
Du bout d’un cœur de griffes et de perles froides
Dans tous les gestes réfléchis pour tendre un couteau
Et des promesses
Je te donne toutes les effusions les visions de l’Amen
Les prières de chaque homme et de chaque femme
Avec une blessure de jalousie de longues rues sans fin
Des mains vides et une écharpe noire
Une vérité pour rire de moi
ISSUE D’UN TABLEAU DE RENOIR
Baigneuse d’aquarelle petite fille
Touchée du sourire de Renoir
Qui meurt comme le silence avec le cœur
Comme un coup de revolver sur la poitrine
Un rire essoufflé jusqu’au langage de mon désir
L’Oedipe angélique avec un goût d’anxiété
Sur le bord des lèvres
Qui meurt en silence dans l’ombre vivante
Au dernier son des cloches
La chevelure de solitude entre la tentation
De la nudité le prince à qui tu ne peux rien
Refuser
Qui te donne sa main fragile comme un mensonge
Comme une douleur
L’aube est malade et j’ai besoin des oiseaux
Mi caressant petit faune dans ma main
Trop fragile
Mi comme un oisillon et la peur du vertige
La clarté des doigts entrecroisés
Brune l’éclat au lever du jour
Mi caressante encore avec mon désir ombré
Bleu terrible
Ma brune toujours brune avec un doigt
De désespoir et de petit garçon
Donnes moi des lèvres d’autres saisons
Pour les embruns d’exil que j’ai dans la poitrine
Mi échevelée et les désirs sans silence
Désirs claquant sous le palais aux paupières
De sommeil
Ma brune à ma naissance de toujours
Mort d’un après-midi de feu mon faune délicat
Avec toutes les tendresses d’un oubli
Brune vers l’immobile nudité je n’ai plus que des
Brumes blanches et des fantômes de château à offrir
Plus que des rivières d’ombre et d’oubli
Ma brune et la blancheur volée à de cruels refus
L’autosculpture d’un ange cherchant
Le soleil tout seul avec son complexe
D’Œdipe tombé de haut
Ma mère ton strabisme léger de porcelaine
Ma mère le sein oublié
Ma mère j’oublis tes mains de magnolia
Ma mère ma sainte les larmes que je te donne
Ma chevelure d’Adam usée par les poings fermés
NICE 06-27-08-70 STOP DANI STOP N° TELEPHONE
INCONNU DECONNECTE 86-74-04—86-74-04 ALLO
BIP BIP BIP OCCUPE
BARBOUILLE LSD DANS L’ESTOMAC STOP
LSD PARTOUT CORPS ELECTRIQUES FUSEES FLECHES
EMPLIS DE VIE STOP ATTENDS LEVRES DE SAVON
LEVRES DE SEL EN ROSE NOIRE STOP
BEBE DECOUSU MORT AVANT TERME
NE ECLATE DANS LE SOLEIL
DANS TES BRAS INFINIMENTS NUS AVEC MES LEVRES REELLES SUR TES CRINIERES
BOUILLANTES
DEESSE DE FEU
BOUCHES SECHES CHEVEUX FOUS STOP
BEBE SORTI DU VENTRE STOP
CARESSES D’EXTASE SUR LE LIT FIN DE TRIP ATTENDUE
DANS TES YEUX FATIGUES
DOIGT DANS L’ANNEAU DE METAL STOP POUR TOUJOURS STOP STOP
DISREALI SANG MACHINE GUN CLOUEE AU VENTRE
DERNIER FEU D’ARTIFICE D’ETE EXPLOSE TES BRAS AUTOUR DE MOI STOP
CHALEUR BLANCHE AU CŒUR DANS UN RESTAURANT CALME
NEPTUNE CLUB LES ETOILES ETAIENT TOUTES CREVEES
GRACE INFINIE DESCENDUE MERCI
N’AVONS PLUS DE MOUCHOIRS POUR PLEURER
DOULEUR TOUJOURS LA MEME JE T’AIME
POINT DE SUSPENSION
POINT DE SUSPENSION
George Sand florentine est sûrement née sous le signe
Du scorpion
Nos statues de Florence doivent être mouillées
Car nous avons pleuré énormément pour elles dans nos cœurs
Danielle Belmonte est ma poétesse sacrée des étoiles d’Italie
Mon petit poète du jazz que je rencontre
Des fois au passage clouté entre deux feux verts…
L’élan de poétiser les astres de creuser les océans
De trouver ma Vénus de Lingen dans le fond de mes verres
D’ivresse
Dam des yeux bleus d’Amsterdam bleu comme le nu
D’une beauté sans ombre et ses seins de sable cheveux dénoués
Qui coule de nos corps en silence âme suprême
O les nuits de hyacinthes mes doigts plongés à tes crinières
Eparpillées à la lune des galets dans tes mains fermées
Titubant de désirs du creux de ton entre sein il y avait
De doux sanglots intérieurs
Et des milliers d’étoiles effleurent doucement tes épaules de
Nageuse d’ange bleu descendu sur ma bouche
Et ces sables qui disent la lumière l’équilibre aveugle
Dans le rire magnifique du temps
Et Morrisson martelant l’espace du second été
Dans un lit je voudrais mourir en voyant couler les larmes
Des étés fanés
Sur les thèmes d’infinités
Couleur brune de ma femme sans voile
De ma femme habillée de matin pâle
L’hiver de satin blanc
Mon cœur avec
Tes seins cachés au soleil
D’un jazz aux yeux profonds avec un amour sous chaque paupière
C’est un piano du haut des nuages en moutons
C’est un silence frissonnant sur la pointe des pieds
Pour bercer tous tes rêves bleus
J’ai enfermé un lion blessé au creux de ma tête
Pour garder la puissance de l’innocence le jour où j’irai
M’agenouiller sur le corps des vraies cathédrales
J’ai enfermé une danseuse de minuit au creux
D’une vague au creux du mouvement perpétuel
Au creux du vertige
Du dedans de chaque instant
J’ai pleuré un poète en silence
Incapable
De trouver dans son cœur
Des nuages sans voile
Des millions de lendemains véridiques
Sur le corps échevelé d’une dame nue
J’ai caché mon œil dans l’espace invisible
Pour prendre en flagrant délit
La naissance du soleil
Dans un saxophone qui souffle des amours amers
Novembre décembre 1971
L’anneau à un doigt de la main droite pour toujours
Il pleuvra sur mes multiples amours
Et j’irai tendre des pièges sur les cratères cachés de la lune
Garcia Lorca et moi sauverons la lune des naufrages avec un
Chapeau de torero pour les grands soleils de minuit
D’un coup de téléphone on m’apprit que j’étais amoureux
De toutes les filles aimées …
Que les ailes des papillons renaissaient au mois d’Août la nuit venue
Portant le corps des anges dansant d’ivresse
Rêvant d’une valse de Wien aux douleurs vivantes
Au fond
D’un verre oublié
Que les bars d’Amsterdam prolongent les eaux sacrées
De Bénarès où les chiens et les sages cherchent l’obscurité éternelle
Que les jets d’eau projettent encore des langues de feu une fois la stupeur
Descendue sur New Delhi
Près de tes seins muris de béatitude
Entre deux oublis au ventre des vagues endormies pour nous
Que les paupières du vent murmurent des jazz artistiques
Que les temples hindous sont devenus des endroits où
J’ai pu chatouiller doucement les monts de Venus
Des prêtresses échevelées
De toutes les homosexualités accumulées dans le bleu de chaque œil
D’Apollon solitaire le long de septembre la tristesse frissonnante
Des vierges espagnoles
Que l’ombre timide du clair de tendresse est la même
Descendue en marche du train à l’appel du poète obscène avec sa
Barbe de juif sur la route des vrais amours aveuglants
Que notre drapeau flottait au vent de lune
bien avant
La migration technologique
D’un coup de téléphone venu de très loin j’appris
Que le cœur des partis communistes a cessé de battre vraiment
Que les fontaines romaines perpétuent l’aube des amants aux corps absents
Ginsberg inspiré se rendant au Kremlin en troïka
Fusillé
Par les yeux des matins rouges de sang
Que des millions de lendemains avec nous le
Pain des prisons évanoui dans Bombay les bras au ciel
Devenu un cri à la naissance du jour
Que les aiguilles silencieuses au rebord des veines chaudes
Dilatent les yeux de christ à la recherche d’une bouche divine
D’un escalier en forme de hanche pour entendre
Respirer l’immobilité
Que je regarderai les photographies de la petite fille nue chaque soir
Endormi sur un rêve mouillé de Krishna
Comblé de frissons et de baisers fous
Que je vous aime avec vos rires de poupées
ayant attendu vos cartes postales
d’adieu jusqu’à ce que je me crois perdu …
aimé de toutes les filles aimées ….
Novembre 1971