couleur de l’aube (1984 – 1986)
COULEUR
L’azur comme la mer nous mène vers ses naufrages
En larges avenues de colonnes océanes
Et coule dans l’aigu timide d’un serpent
D’aube un vitrail de genèse.
De mauves langueurs attiques versent
De pâles parfums fauves aux nudités
Et aux bras nus des brunes
Beaux bleus cyprès d’Alyscamps
Dans les parcs antiques où viennent boire
A l’aurore jaune
Le souffle froid et l’ombre d’un faune
En l’émail bleu de plus pur sourire byzantin
Résonne au temple roman la promesse du corail
Pelure bleue de nuit fendue
En nues pailletées d’astres
Et d’oiseaux limpides
L’aube trace des crayons
De pourpre blêmes en bouquets
D’une Hellade neuve une apothéose
Vers l’arceau de ciel signifiant
La naissance tissée aux lauzes
Qu’éblouissent de vastes paquets d’azur
Mars 1984
Bleus et vastes les printemps prennent la mémoire
Que festonne au cymbalum d’harmonique sphère
Le bel azur crucial où la mer seule entière
Susurre l’embellie masquée de plein miroir.
L’ingénue ourlée d’aise le rubis nubile
Et rose la chair lente au désir à venir
Même tangible au beau mélisme volubile
Reposant la spectrale tutelle à sertir.
Du suçon ambigu marial et véniel
Tellurique et lucide perlent les émaux
D’amazone affublée et orphique qui elle,
Vient trop belle et glacée d’énigme sans un mot
Qu’ : « Eurydice »en un long vertige mémoriel
Les bras souples et las tendus dans ce tombeau.
2 mai – 1 juin 1984
PEINTURES
De tes yeux d’émeraude, plus que le diamant
Dur d’un secret mystique aux cryptes idéales,
Viennent les mers impénétrables et cruciales,
Les profonds lacs purs d’énigmes si doucement
Cillés, qu’au divan d’aurore nue tous les ors
Y versent les luxes d’un caprice, l’oblique
D’un rayon jaune au couchant avec le décor
Si spécieux qu’inaccessible et angélique
D’un Claude Lorrain comme soleil rose au soir
Des roses. Pâleur presque nippone si lisse
Et lunaire odalisque qui tend le miroir
Des Canopes anciennes venues de loin boire
L’imperfectible éclat où y languir qui glissent
Pour plus bleu d’Orient les blonds bonheurs d’un Matisse
juin 1984 – janvier 1986
D’UN SOLEIL DE JONCHAIES
L’arc tendu par lequel j’aborde la tragédie
Sereine sous des passions diaphanes
Courbe les saisons de raisons neuves
De fureur jalouse
Du turquoise unique
Saisons de toutes les soifs connues
Au raisin lourd de sources nubiles
D’anneaux et joncs aux bras de brunes vespérales
De brunes claires et fines élevant
L’anse de leur bras en fuseau
Goûtant les yeux du vent l’horizon
De rose et de chair – d’où
Le clavicorde subtil et les parures
Glaciales du baiser – sous le cristal
La stature du verbe vierge encore
De parole.
Bleu sombre la nef des collines soulève
Les rubans lazzulis et les robes d’azur
De si souples romanités au
Fronton de ma haute Provence
nuptiale.
3 – 4 mars 1984
D’UN SOLEIL DENOUE
L’océan, la mer ses sources ses arpèges
Profonds et diurnes dénudent
L’incarnat féminin de son poids
De mystère
Et viennent des vagues de tombeaux les
Momies aux secrets des vérandas végétales :
« D’une veinule empourprée au beau lac
Très profond de tes yeux il n’est guère
Qu’une perle bleue pour signifier le
Naufrage »
Des palais sibyllins libèrent les volières odorantes de l’embrun
Pour t’offrir le glas des oiseaux de grand
Large : « nous fûmes deux en ce futur
Ancien les joues roussies au sable d’exil »
Et toute la mer auriculaire ses berceaux
Ses noces et déserts de soleil vineux
Elaborent un grenat pour Iliade méridienne –
Dans l’eau morte et l’entrelacs
D’une vanité de pétales et de masques
ouïr l’atonal et large poumon
Quand s’élève orgueilleuse sa voix
Son cœur glorieux
De magicienne
6 – 11 mars 1984
LAMBEAU
Du sein de citron auréolé mais non eu
Que rien ne manque sous mes pinceaux ni le zeste
De musique fauve. Imprévue douceur d’où reste
La vague alarme d’une promesse de Nu
Mars 1984
PEINTURES
Rose baiser bu si Van Gogh
L’eût peint tout en bleu et de blanc
Moucheté, hausserait au rang
De larmes, les charmes égaux
D’amandiers et mûrs cerisiers
Dont la sève d’azur noyée
Soufflait de Saint Rémy à l’âme
Le mol et lourd parfum de femme.
5 avril 1984
L’oblongue Vénus tant aimée
Mais d’éducation mal armée
Ne pus ouïr le pur quintette
Rien qu’entrevue dans cette ariette
Où hier déesse pâle et blanche
Nous jouions dans ces herbes folles
Tous les soupirs issus de l’anche
Du temps où l’on me disait : « Paul »…
mi avril 1984
Du plateau pur de Valensole
Lové au creux repli d’un songe
Nonchaloir nimbé où je plonge
Rosit d’un sourire du sol –
De sillons d’ocre en longs guyots –
Le si doux murmure de l’âme
Qu’un berger fictif au flûtiau
D’instinct vient fleurir une dame.
fin avril 1984
CINQ DESERTS LYRIQUES
Provence notre demeure où nous fûmes la gerçure de la passion
A sa source
Les bras de l’aube la ciselure pourpre
A l’estuaire tranchant de notre amour
Tu es ainsi la parure d’aujourd’hui vulnérable
Aux confluences des métamorphoses
Que je n’entre dans le granit limpide du lazzuli
De tes robes que frappant au neume sonore des lourdes
Portes d’azur
Bien à la lisière diamantée de l’air et des clartés
Convulsives
L’eau rare sur la bouche peuplée d’oiseaux ton nom
A peine murmuré.
L’orage des noces vives ordonne à distance
Le glaive âpre des guérisons
Des rosées solennelles je délie un doigté lucide
Pour les éclats d’été
Et deviens dans l’octave ascendante de ce qui vient
M’unir à ta chevelure
Mangée de soleil brut.
Rivière des sables
Pourvoyeuse des voyages statiques nous serons le baiser
Des momies jumelles au sable de ce souffle à naître
Et chaque bouquet de toi veut que les marges
Propices des déserts
Fussent le fossile des violettes sur tes lèvres
Grenade éclose en son milieu du moindre baiser
Tes hautes pommettes toujours à rosir
Mes renaissances de Sud.
L’azur de lèpre nous rend de feu le sommeil
Des mosaïques
Sous chaque paupière de la mer
L’embrun des jours qui fait mon visage empli
Du bleu respirable :
Touchant au havre notre âge était de fer
Et sur la paume lisible des portes
De la mer
Vague après vagues
L’haleine de nos paroles demeurait océane.
Nuage qui contient l’espace affranchi
De nos buées sur le carreau et qui sait
De nos promesses
Mûrir l’étendue de notre fidélité
Nuage effilé à la laine même de notre permanence.
Nuit fracture tissée de mémoire antérieure
Femme absente pénétrable visage de l’ombre
Rejointe
Mes mains qui tiennent dans ton cœur sont les lauzes dérobées
A l’or des couchants
Notre solitude n’irrigue que jusqu’à l’ossement
De ta présence
Enserre l’énigme où n’aborde que l’équateur lisse
De ta gravité
Les yeux affidés se suffisant en nous-mêmes
Nuit native dont chaque astre devint mimosa.
Blancs oiseaux des ports qui déposez vos ténèbres cassantes
Elles si blanches sur le môle de nos songes
Cloches qui gouvernez la droiture des glas
D’un dard sur notre sommeil
Nous, élus de la mort vivant vrai Janus
L’homme allégeant la femme éclose
De votre blé fut mon sable univoque.