Poesies, 2019

comme un champ de murmures (2019)



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ragas

1 janvier 2019

je t’ai donné mes hasards sur les paumes du vent

l’entrelacs des chants graves au plus fort du monde

les eaux équarrissant les pierres qui nous fondent

creusant l’aurore sur les tablatures du temps

étions nous otages d’un jeu d’osselet

lancé au ciel

le hasard se consumant de chaque ténèbres

au petit pied ?

                                         ***

3 janvier 2019

désarmé d’amour rue Gît-le Cœur

la nuit tombe sur les jasmins

sur l’ombre bigarrée

de mes baisers par destination

                                         ***

la mort s’amarre à la mer

                                         ***

6 janvier 2019

galactique depuis que tu fus en errance

perdu sans souvenance

comme poussière de vieil azur

et de solitude

comme furent

les cœur satrapes d’amours émondés

galactique d’Orion

le nom restitué

                                         ***

revenu sur d’autres rives l’enfance traversait les blancheurs

de la naissance

les murs jaunis

le langage circonscrit des coulées de Murillo

d’ombre brûlante du sang des tempes

celle de forêts de cèdres de l’Atlas et de cerisiers

que je n’en avais jamais entendu le ciel peser tant

sur le bonnet de neige du temps qui s’ensevelissait

                                         ***

la mémoire tisonne le vieux clavier du temps

                                                                            l’enfance aux murs jaunis

                                         ***

7 janvier 2019

je voyais mes dents sourire d’un temps de clarinette

d’un mal lunaire

secret

de source scellée

d’un Brahms à l’autre

                                         ***

13 janvier 2019

l’éloquence du corps porte-t-elle déjà cette dissonance

qui nous pénètre ?

j’attends encore un peu que Dieu entre dans ma vie

                                         ***

14 janvier 2019

elle avait encore ces lèvres en sanguines de Sicile

que je moissonnais les chutes d’Icare de ses reins

que je moissonnais les marronniers de ses îles

les îles de ses yeux

où nous prenions le train du monde

nos assises sur des collines d’albâtre

et des vents austères qui nous tiendraient de laine

                                         ***

16 janvier 2019

« on s’est embrouillé avec les fleurs les vases et les roseaux »

– des déserts nous tendaient les mains

les margelles du cœur n’étaient plus dans l’octroi des étoiles

ni les yeux dans les astres

on commençait à sentir cette herbe foulée ces rizières exsangues

sous les orgues à bouches de la famine

comme dans le corral des dénudés

la ferronnerie des amours usée jusque aux dents

l’Amazonie de Pizarro sous les désespoirs de l’acier

de radeaux de la méduse et de mâtures

festonnés au clairon avec toute sorte de cuivres embouchés

de sarbacane et de poussière

jusqu’à ce que nous fussions perdus de vue –

                                         *** 

des enfants marchent dans des couloirs obscurs

la tête basse

avec l’ourson à la main qui les accompagne

                                         ***

21 janvier 2019

celle dont je t’avais parlée

celui dont tu étais perlée

il y avait comme un caillou

dans le château de ton inconscient

dont je ne fus le dogue 

le contre péteur la pâmoison

ni la morsure

                                         ***

22 janvier 2019

l’amour la mer la mort la femme et toutes ces chairs

de la lettre M

                                         ***

23 janvier 2019

j’incrimine cette part de moi celle des montagnes

sous le billot des pluies

la poitrine aux syllabes de chapelles blanches

de cette mort venue de la douleur du temps

la crudité qui s’effiloche comme le lys dans son silence bleu

                                         ***

ce numéro de la rue disparue ce 42 à la lutherie du temps

qu’après les balbutiements de la vie reviendrait inextinguible

avant l’aboli des rumeurs

avant les déshabillés de l’oubli

                                         ***

27 janvier 2019

l’enfant des Sortilèges disait « quelle joie de te retrouver,

jardin »

c’était celui de Ravel

                                  de l’écureuil blessé

des Hespérides

                        des oranges du Critias

de Babylone

                 de ceux suspendus

                                                    des délices et d’Eden

celui des grenadiers des Oudaïas

celui du front d’angoisse des Oliviers et du Crâne

jardin du bout des doigts peignant l’horizon

celui qui est toujours dans les géorgiques de l’enfance

                                         ***

28 janvier 2019

comme les étoiles clignaient ma nuit dans leur blancheur

de boules de neige

je te perdais au delà des voiles dans l’infinie douleur

étions nous dans les hallalis du vent

comme étaient la cendre des sables

les oubliés au billot de la mémoire

quand de pleins jeux d’orgue sont venus aux sources

l’enracinement

l’arrachement

aux murs enfin libres

                                         ***

pardon de t’oublier de rouler la rocaille

dans la lèpre de notre pleine nudité

de hisser la voile unique qui mène au seuil

de ce soleil froid de fièvres des boutures de la mort

                                         ***

…dans l’échancrure du temps qui pénètre loin dans la faille…

                                         ***

quelque fois ta cambrure

                                         quand le soleil bouge

                                         ***

la valise le soleil au déclin

l’hôtel

l’escalier

le prélude au mensonge

                                         ***

le jeu dans tes miroirs l’échiquier et le venin de nos amours

le brelan qui s’installe

                                         ***

la tombe d’Homère serait à Ios…Cyclades…

                                         ***

cette balançoire de nos baisers

de mort primesautière

1 Février 2019

de ces nuits de porcelaine de ces étoiles qui tanguaient

de hauts talons rouges absorbaient

une singularité de douleur

                                         ***

reste encore l’obsidienne de nos diagonales

le tranchant vertueux qui est loin de la soif

la balise de nos abandons dans une chambre vide

que nous nous sentirions proches

des égarements de la mort

                                         ***

notre temps est celui de l’effeuillage de ton ombre

où je ne suis plus rien

que la quinte perdue de nos hasards

                                         ***

le vent respirait masqué comme les nuages poreux

qui portent le passage et la finitude

                                         ***

l’âme avec ses ailes de goélands loin de nous

dans sa parure d’embrun

éclairait du sillage vague après vague

ce qu’était les amours sous le boisseau

                                         ***

je te donnais le cœur des glaïeuls le bleu des lys –

dans l’escalier aux vitres brisées la terre avait tremblé

                                         ***

3 Février 2019

elle avait les bras blancs des petites courgettes d’Italie

la pâleur des lys la cerise des lèvres

la virginité des Archimboldo mathématique

                                                               des visages

du bois médiéval

dans le poignard de la nuit elle dressait à sa guise

le souffle et la rythmique des plus pervers Cranach

                                         ***

comme dans le chant des morts les silences se rejoignent

                                         ***

j’envisageais la polychromie du martèlement des cloches

les astres ensemencés

                                         ***

6 Février 2019

ce sont de grands oiseaux à bras le corps revenant

comme d’ultimes chants dans les ports d’occident

                                         ***

7 Février 2019

tu m’avais mené dans des îles loin des sextant

vers des érections d’étoiles où il pleut des nuits blanches

dans une violence vénéneuse

et vers de nouveaux astres

dans la future désuétude de ma mémoire

                                         ***

10 Février 2019

les murs emprisonnent mais où nous perdre aujourd’hui ?

sinon vers l’aiguisé des oiseaux

le baiser oblique des amants                                                   

l’or vif et les prunelles de nouveaux ciels

le nautonier écaillant les paupières de l’oubli

                                         ***

à force d’avoir sur les lèvres le sel du vent on avait pris le goût du voyage

dans le temps éploré nous nous tenions à la distance de notre chute

                                         ***

11 Février 2019

dans les Euménides il y avait un jugement possible

que les humains laissèrent

comme conscience sous scellés

c’était aussi un pays où la lune

dévoilait des sources irruptibles

                                         ***

c’était un génie fabuleux disait Mallarmé et aussi Reverdy

était-ce celui dont les souches sont inscrites

dans des sphères reverdies ?

                                         ***

12 Février 2019

le soleil est pris au piège de tes chevelures

à l’arbre buissonnier qui nous préserve

en aurore tentaculaire

 

à celle qui lissera cette rousseur

au ruisselant de ta peau

                                         ***

je me suis souvent perdu quand c’était des horizons qui s’ouvraient

des tombeaux de naïades à l’issue des givres et des laques japonaises

qui festonnaient les tumultes de ta peau

quand tu me fus nommée

de pleins baisers

des charruages du ciel et de la chair

ce n’était alors que l’esquisse des mouvements de l’esprit

                                         *** 

13 Février 2019

dans le si bémol de la grande humoresque il y a le déploiement

de la voie lactée

la nuit

le traversin

les lunes et les pierrots pourfendeurs des faces cachées de la solitude

                                         ***

faisant des fictions de Venise de Valparaisoo

et de variations Golberg

j’entrai dans ces bleus de Delf et leurs nocturnes

avec des caresses à quai

des endormissements de faussaire

des lèvres de ces nuits absolues de nos embarcadères

                                         ***

aurions nous déshabité l’île natale ?

                                         ***

14 Février 2019

t’emprisonner dans ces fougères par la petite porte

le cœur en embrasure

parce que je n’étais qu’un second souffle qui battait

bouche contre bouche

à la profondeur triste à toi tendrement

tenant la main d’un amour caduc

                                         ***

17 Février 2019

depuis ce temps qui m’a fait naître il est une rémanence

de moi-même qui se perd en toi

                                         ***

j’ouvre les yeux sous les cendres du cri

                                         ***

l’obsolescence de l’azur est au paroxysme de nos adieux

                                         ***

j’invite à ces tournantes du cœur qui meurent

dans des parures de diamant

                                         ***

comme à l’encre qui nous dessine

l’arbre revenu des racines du chagrin

quand nous ne serions que le dernier homme

dans de blonds chants de corbeaux

je serai l’asphyxie de la pierre pour que ta demeure s’apaise

                                         ***

19 Février 2019

la mer ne pouvant contenir toute entière la musique bleue

des routes où tu n’es plus

puisqu’à vivre à fendre la mer de plein miroir

je franchissais à la masse le mur de tes yeux

                                         ***

le vent sifflait dans son fondement d’arpèges

sa forêt de cisailles longues comme des fémurs de Chili

je m’étais allongé au pied d’un sommeil qui sentait la terre

                                         ***

20 Février 2019

depuis la mer et son tutoiement

je posais une promesse

comme une avalanche de foudre

                                         ***

c’est la fin de l’olivier c’est la Durance

le départ du Dauphiné le vent qui porte les neiges

et pour vivre de toi je traversais les mers

                                         ***

21 Février 2019

le désespoir ce sont les couleurs dévorées

l’infinie salve des cobalts de la mer

le donjon solitaire

de tes yeux mangés de faim

                                         ***

22 Février 2019

dans le bruissement des sabliers qui épluchent

la vieille ortie en bordure des chemins

les voûtes de pierre les caveaux et la poussière

ce sont les jambes de la nuit qui avance

                                         ***

23 Février 2019

ULYSSE

dans les contes d’Ulysse il est dit « la vague te verra

mordre l’asphyxie du rivage

les yeux noircis par la rivalité du soleil »

et quand après bien des solitudes « tu ne seras que

l’amniotique don de la mer »

il est dit « qu’avant d’être chasseresse sur des terres

arides tu fus vengeresse pour que j’aime à tes flancs »

n’en serions-nous qu’à déboutonner les naufrages

que se dresseraient des vêspres transitoires

« les émollientes et méllifluentes géorgiques

dans la candeur des Provences »

nous avions vécu les asphaltes et les sources

les brûlures d’avant toute romanité

« avec ces voiles pour toute espérance des étoiles »

c’est quand tu as commencé à manquer

à l’ordre des atomes et ses fissures

« que les démenbrés de la mort stigmatisèrent

les chassés du paradis »

l’ordre du jour en revint à la biblicité des Ecclésiastes

et à la vanité de tout soleil- aux enfances caduques

et à la promptitude des fruits sur la bouche

dans l’orgueil des racines –

dans les comptes d’Ulysse « le passage du bleu sous la nacre

des paupières ôta toute cécité dans le cœur irradiant  de ceux

que la passion transfigure »

j’entrais dans ces tresses d’amertume comme le font

les exhumés à l’heure du vertige « où de grandes ailes

définissent le cheminement de la nuit obscure »

                             ***

dans les écritures faisandées passent souvent

les limons d’espérance des grands larges

                                         ***

26 Février 2019

nous avions tissé ce carrefour des rêves où des fins du monde

tendaient la main à ces souffles anciens de la mer

et au désastre de la chair

                                         ***

27 Février 2019

les étoiles dégringolaient leur verrerie de nuit

les glas et les beffrois cognaient

avec des mitaines de pauvreté les pognes du ciel

qu’à la fin des passions

je m’étais mis à t’attendre

                                         ***

28 Février 2019

elle disait « tu es mon amour médiéval »

moi ce désastre

au sillage du joueur de flûte de Hamelin

                                         ***

nous sommes nés dans les labours et le charruage des hérédités

le vin des plus purs sillons tutoyant les ciels

les velours à côtes larges des labeurs

les horizons finis

qui tarissent nos soifs  sous les cendres

                                         ***

elle est belle cro-magnante

à croître les croissants

les lunes et la métamorphose

les diverticules et les taureaux

la jeunesse du monde enfuie

                                         ***

l’angoisse le peau la lèpre

la gerçure des amours

le gondolier solitaire

la lagune sur les lèvres

qui dit ce qui s’en va

                                         ***

les pelures du temps se sont effeuillées

au pied de petites collines

ourlées et sanguines

d’oliviers et de paupières closes

1 mars 2019

c’est une route d’étoiles une nuit féconde

l’éperon de cristal d’un vieux film

sous titrant les extases de Hedy Lamarr

                             ***

4 mars 2019

changeant le nid et l’attraction sur le chemin des albatros

des gondoliers de l’azur

savions nous encore « nous perdre dans les nord et les magnitudes –

celles des étoiles du Chili au-dessus des nuits offertes sur les boussoles

et les marchés aux poissons ruisselants » ?

restaient les abattoirs du temps battant aux tempes comme autant

de parfums où revivaient d’obscurs dérisions de désert

                                         ***

la nuit n’avait aucun droit à l’erreur à aucune emprise

ni aucune griffe

que je n’eus su lui rendre

                                         ***

6 mars 2019

dans la houppelande des grandes mers

et les fissures des grands chênes

s’érige un orgueil capitonné

                                         ***

7 mars 2019

BŒUFS SOUS LE CIEL

ce sont les bœufs du soleil du haut des tours

ceux de Laon qui regardent la plaine

ceux des antiques carrières de pierres

des hauts de la cathédrale en volées de cloches

eux qui ne vont où vont les oiseaux

ceux qui demeurent sur les plaines dessus les labeurs du nord

              ************************

8 mars 2019

le cri au fond d’un couloir l’horloge du douzième coup

le sablier neuf aiguisant les sourires de l’avenir

c’était ce corridor de brumes –

de celles recluses

qui cognent au vent la girouette du fond des âges

                                         ***

les beffrois sous les pluies comme des ivresses diluviennes

ce sont les carillons sonnant le temps toxique des fonderies de banquise

                                         ***

9 mars 2019

l’orgue engendrait l’embrasement de la cathédrale

le ciel l’oiseau

et Icare le soleil

le vent ne reste jamais longtemps dans l’asphyxie

les étoiles rentrent à quai

l’herbe garde la mémoire de la pierre qui l’a vue naître

                                         ***

13 mars 2019

ce temps qui ne dure à s’en aller par degrés

je ne me définissais pas parce que le temps

ne pouvait parcourir le temps de mon être

je resterai indéfini

l’absence de quand tu n’étais plus que toi

cherchant ma peur sur les lèvres

ces chevelures d’horizons étreintes comme avec toi

les étoiles la nuit les bars la langueur

                                         ***

14 mars 2019

de désert

                 de cheval fou

lorsque c’était

déhanchés

de chevelures et de vent chevauché

ces silences qui dormaient en nous

                                         ***

de lune et de pierrots de faces cachées

de solitude au goût du large

                                         ***

16 mars 2019

comme le fond de poche

d’une désolation enténèbrante

un pommeau d’aplomb pour les douleurs

                                         ***

20 mars 2019

les chevelures de nuages les bisons les lions les lisons

et les femmes oubliées à l’azur

sont autant de signes d’un temps

perdu de vue

dans les pastels de Boucher

                                         ***

détour de Babel ma langue vers ta bouche

ne fleurissaient que des bouquets

balbutiant nos pluvieuses amours

                                         ***

décuire les amours comme les vins

prendre la terre la volcanité l’aridité

des îlots à la nuit sulfureuse

                                         ***

23 mars 2019

j’avais dégrafé le sommeil de ton cœur voyageur

depuis les couloirs du vent l’artisanat des nuages

les ruines orfèvres la vocation des Mars et des Avril

sur les margelles et les violettes de l’attente

qui caressait ton retour

                                         ***

26- mars 2019

je suis mort d’être né de souffles et de nuages qu’on avait dit

éphémères

qu’on avait dit proche de la mer

je naissais de cette amertume des vagues comme des orgues

qui passent dans les oreilles

comme sous les souffles de celles de Saint Maximin

sous les ricercare à six

sous les voûtes tremblantes de mysticité

                                         ***

27 mars 2019

l’attente matricielle la nuit des naufrages ma mère attentive

je suis là ma mère ma presqu’île quand tu t’en fus

                                         ***

je ne meurs qu’une fois par nuit

                                                                une fois par détresse

                                         ***

je vais bientôt vers Lisbonne vers un fleuve des collines

des carreaux de couleurs des femmes en noir

des rêves d’Atlantique

la lente pénétration mélancolique des nuits au bord des rails

                                         ***

jusqu’à l’aubépine et les larmes le temps féconde

                                         ***

laisse moi te suivre dans ces épaisseurs du vide

la scarification du désir

                                         ***

je te lisais dans la fleur du sommeil

                                         ***

Verlaine dans la nuit des alambics

Pasolini dans la cinquecento

vers les sables ligures les vieux garçons

perdus et grêles aux terrasses des cafés

dévorant des avenirs romains

                                         ***

les murs dans leur cruauté renvoyaient les haines

et les amours claquemurés

de nos anciennes pelisses

                                         ***

28 mars 2019

Cézanne connaissait le nom de ses montagnes

l’ébloui du cobalt et les fractures de la pierre

le sang mêlé des orages à la caillasse rougeâtre

les louves siennes et l’aboiement des silences

le soleil et la nuit ancienne dans le pays aixois

                                         ***

29 mars 2019

l’histoire qui fut la notre prend aujourd’hui

son visage de sable

de Kyrie sous les berceaux de la pierre

l’écho lointain d’un vieux tocsin de village

                                         ***

30 mars 2019

le mal d’amour l’enfance au cœur griffé d’encoches

de ce vague requiem qui tiendrait dans la poche

                                         ***

RAGAS II

2 avril 2019

Lisbonne de fado et de blancheur

sur des horizons de dentelles 

de faïences portuaires

de vignes

de collines

d’écailles

et de femmes au vent d’Atlantique

dans de hauts ciels comme un éboulis d’étoiles

                                         ***

l’épée noire du vin dans les faux cols hépatiques

je prendrais ta nuit dans la douleur

                                         ***

8 avril 2019

j’aimais ces rues qui glacent ce qui reverdit

où germent les ornières

et tiennent mon temps entre tes bras

                                         ***

9 avril 2019

le vent dans ses escarres prend la plénitude de notre immobilité

j’attribue à ce temps imparti de nos adieux

le risque d’une gouache sur nos lèvres

                                         ***

on se lasse d’aimer

de détruire par la même occasion

                                         ***

10 avril 2019

DIVERTICULE POUR SCHUMANN

c’était en empruntant la route des sables

la prunelle des solitudes

le glas qui s’égrenne

la première des kinderszenen

le la mineur de toutes les pluies

la rêverie du kinderszenen

le noir absolu sous les paupières

11 avril 2019

les vertueux d’aujourd’hui sont les tournesols qui penchent

vers un soleil de métal froid

                                         ***     

nuit du 11 au 12 avril 2019

plusieurs fois par nuit l’Orphée du silence

à tâtons les paupières lourdes qui avancent

loin de la ville qui dort

noir du plus noir corridor

revenu de profundis

pour que la nuit soit propice

pour que la nuit finisse

à deux doigts de l’aube sans Eurydice

a tiré sa dernière chasse

                                         ***    

15 avril 2019

Notre-Dame le cœur est ouvert

                                         ***    

1­6 avril 2019

la nuit à revivre les autres univers de notre monde

depuis les marées montantes

le sang pris à bras le corps

de rêver encore de tes rêves anciens

                                         ***

24 avril 2019

émois et amours

toutes premières

                                         ***

je croule sous l’avalanche de toits

de la ville dont je cherchais les rives et les assises

le calvaire ascendant des rues où les collines montrent la mer

                                         ***

25 avril 2019

les voûtes du ciel d’où que viennent les globes

et les mappemonde de mon regard

d’Alfama je suivais la nuit sur les rails de la pluie

ragas III

2 mai 2019

la religion est à la spiritualité ce que la salive est au désir

                                         ***

4 mai 2019

comme le réel qui n’a pas plus d’emprise sur le ciel

que sur la terre

le paquebot des nuits portait des vêtements de fantômes

la main d’œuvre du monde portait ses degrés de fièvre

jusqu’aux portes de son exil

le réel ne respirait que dans le vélin de nos ombres

                                         ***

5 mai 2019

comme on voit certaines roses et les lèvres du vent

sur ce demain des roses

que sait-on de la réponse à ce vent cinquantenaire

que n’aurait flétri d’orage le temps sur les butoirs

de ce que nous fûmes ?

                                         ***

rendrons nous quadratique la vision du cercle ?

selon que je t’aime dans ce possible néant

où l’enfer nous a sculpté

ou de ce pouvoir de cristal

et de ses bleus d’agonie

                                         ***

je restais comme un primitif sous les auvents

de la chapelle d’Eygalières

6 mai 2019

mon âme a gardé mes ors et les plus purs squelettes

de ce que nous fûmes

à mes amours je peux tout pardonner

la bouche des fantômes aura su ce que nous fûmes

l’impatience des roses a fané sur les lèvres et le ciel

qui étaient au-delà de nous-même

comme une nuit grandissante

                                         ***

crois-tu que la mort dans son orbe ait pu nous prendre propice ?

                                         ***

je dormais disions nous dans des espèces de dorures de la mort

                                         ***

n’ayant aucune crainte en désespérance

je tournais dans les parvis du temps

et les autres formes de mon nom

ces crans d’arrêt de nos vieilles douleurs

                                         ***

la nuit succède toujours à cet envers de nos étoiles

                                         ***

Martel le nom de mon petit fils comme celui de Charles

et de ses murailles

                                         ***

les pieuvres du temps irradient sur toutes ces capitales

au cœur desquelles je veux encore vivre

                                         **

c’était aux marées basses les guipures nocturnes

sur la soie froide de nos sommeils

                                         ***

14 mai 2019

reste comme une nuit dans les degrés de fièvre de nos arabesques

                                         ***

16 mai 2019

grand buveur j’ai toujours eu le goût du sacré

                                         ***

17 mai 2019

nous entrerions dans ces ventricules qui feraient la vie

sans obstacle sans murmure

dans des passions de sang pour nous mentir

le vrai visage de nos amours

                                         ***

j’ai cherché loin cette respiration qui disait non

l’enclume du vent profond

avec la force de nos solitudes

dans les cadastres du temps

                                         ***

comment mourir au-delà des tocsins

lorsque les silences chuchotaient

l’absence tectonique des clochers qui meurent

vagues après vagues vers les étoiles ?

                                         ***

l’univers a éclairé mon visage

et je me devais de vivre

témoigner de l’infini chagrin

des Cythères

des madones de cendres

des saints et de l’or de la lumière

où draine l’éternité dans ses filets

scarifiant la moitié de nous-même

                                         ***

20 mai 2019

le ciel a permis l’ivresse de toujours et le jasmin du matin

la blancheur de celles qui se marient

le parfum des caroubiers et celui des jupes

que les adolescents respirent quand leurs yeux se ferment

                                         ***

30 mai 2019

la ville maigre se dénudait de mon étrange besoin

d’une autre rive

je t’ai aimé d’un cœur qui s’afflige

déchaussant de mes pas le temps qui nous rapproche

3 juin 2019

j’avais le ventre de la mer les falaises et la nuit portuaire

dans le mal où le ciel penche

nous savions de nuit ce que savent les nuits

dans les soleils qui s’inversent

                                         ***

6 juin 2019

il en faut plus pour débourber la nuit de ses silences

que les rêves qui passent au crible les relents du jour

et l’eau morte du sommeil

c’est dans les cavités du vent et les fleurs oubliées de la parole

que se définissent les lendemains de nos désirs

                                         ***

comme des nuits d’enfer sculptées des mains de l’oubli

c’est sur l’enclume de la passion que je cisèle la désertion de mes désastres

     **************************                          

13 juin 2019

CANTE JONDO

ce n’est pas ta voix qui résonne

c’est ton âme sur l’enclume

     ***************************                 

15 juin 2019

je désapprenais les ténèbres

d’un soleil à voix basse

                                         ***

comme une mort tranchante

de suppliantes

le goût de l’aurore

et les lèvres de la pluie

je te prenais dans l’étroitesse de l’ombre

                             ***

                                                                                                               nuit

moi qui demeure comme une peur dans la bergerie

                                         ***

20 juin 2019

la mort viendra déjà de notre goût pour les étoiles

faiseuse d’artifice

elle habite ces chemins qui creusaient le temps

et ses sillons

à la lame blanche de nos labours

                                         ***

j’ai vieilli et les montagnes n’en ont rien su

je dormirai demain

sans jamais définir les mains d’œuvre du couchant

                                  ***

24 juin 2019

je rôdais jusque dans les fonds de notre sang

sur les palissades de notre souffle

nos crépuscules donnaient le dépoli de tes larmes

dans des nuits patientes où ton désespoir m’appartient

si près de ma mémoire dans ses tréfonds

si près des remous de notre mort

qui donnent la main à de longs corbillards de l’esprit

                                  ***

ce n’était que ces quelques morsures du silence

cette bouche qui venait dans le poids des paroles

ma vie passée d’avant toi

le cœur durci partait dans des filatures obscures

au démâté des étoiles

                                         ***

comprenons bien ce sang qui coule dans les rubis de notre orgueil

                                  ***

25 juin 2019

je restais muet dans ma vie sans voie

n’ayant cru que j’avais été si loin de nous

mon cœur m’avait déposé avec les marbres nouveaux

de paroles neuves

d’où tu fus plus belle que la ville à renaître

dans les désastres des grandes avenues de l’aurore

                                         ***

c’était le grand filet de la nuit capturant ce froid glacial

à l’épaule de tous nos chagrins

                                         ***

j’avais ce parfum de toi plus clair que tout le cristal de ton poids de ciel

                                         ***

mais pourquoi vivre déjà de cette mort qui nous attend ?

                                         ***

l’éblouissement de chaque jour avait l’épaisseur solaire d’un miroir

                                         ***

dans la nuit tueuse dans notre terre gercée la barbarie montait

dans ses crans

à l’arme blanche de nos ornières

                                         ***

nos amours n’étaient que des figures délayées de ces carcasses sans automnes

loin des navires

comme ces pastels de porcelaine après des ciels rosis de pluie à la Boucher

                                         ***

les paysages crantaient tes chevelures nuit après nuit

jusque dans ces frémissements qu’enclenchaient les paradoxes du sommeil

                                         ***

27 juin 2019

qu’est devenu ce temps où l’amour nous faisait bouleverser la neige

et les lèvres se hérisser à l’encolure d’un temps fugitif ?

qu’est devenue la neige même de notre passage

ces forces lourdes et éphémères comme la rigidité d’un destin ?

1er juillet 2019

pour prendre le ciel il aurait fallu être mandarin

prêtre ou bourlingueur

parce qu’elle a les clés d’une citadelle

parce qu’elle a le porphyre des chemins du ciel

lorsque les ors inclinent du côté des ombres

à songer aux envers des enfers

n’élevant pas la voix au-dessus de mon cœur

celle qui veillait à mon lent mûrissement

à prendre le ciel en otage mon carré de ciel sous les mansardes

celle que j’avais enlacé comme j’avais parcouru le monde

celle qui posait mes mensonges comme des diadèmes sur les vents

celle qui posait de l’éternité dans ma chair

celle que la nuit rendait de main naufragée à porter nos deuils

                                         ***

2 juillet 2019

tout brûle tout ne purifie pas

sauvons bacchus de la terre brûlée

de douze à quatorze degrés méditons

la suite à donner à la rotation du verre

sauvons bacchus que d’aucun génie de la terre

en latitude tempérée et fi de tempérance

ne vienne à prendre place

les fruits frais des sueurs lointaines

                                         ***

8-18 juillet 2019

« tout lieu à écho est un temple » disait Lucrèce, les coquillages donc, qui creusent profondément au fond de l’oreille le fond des sons, les cachettes de l’enfance qui joue à se faire peur, les cavernes des hommes évidemment qui peignaient sur les parois de leur nuit, les matins de pirates du haut de la vigie qui claquent les voiles à venir, les vagues et le goût du clinamen, Ségeste en Avril, les sirènes et les nuits de Nausicaa, les ténèbres bleues de la grotte de Pélléas et Mélisande, regardez de l’autre côté vous aurez la clarté de la mer toute vagues déployées, les sursis de Circé, la peau des tambours, la faille bleue des montagnes d’où montent des voix disparues, la cache des amours de Polyphème et Galatée, le vent des collines de Sicile, la nef des prières de Cefalù, les Saint-Pères sous Vézelay depuis la colline de là-haut, les Bossuet de l’histoire universelle, les terroirs aux éboulis de ciel, les lavandières dans leur long fleuve oratoire les galets dans la bouche, démosthéènnes, comme minuit dans ses cratères de lune a la blancheur dans ses glas, le jour crépusculaire et la chambre nue où nous n’avons pas vécu.

                                         ***

18 juillet 2019

Marie des douleurs des angoisses et des quais de Lisbonne

Marie des faïences des halos de nuit blanches et portuaires

de la faim charnelle

des collines à gorges déployées

des gisants qui m’approchaient de toi et des récifs

des vagues libres sans plus de mort et de muselières de l’âme

                                         ***  

24 juillet 2019

mon faucon mes venelles de dessus la beauté des ruines

val des nymphes où je reste à boire

quand tu venais du bout du soir

de l’enlacement d’avant la nuit et des serpents sous la pierre

je renaîtrais d’un cyprès pour attester le bleu de nos orages

de paysages franciscains des toscanes et du plus loin de Giotto

cette main dans la mienne au ciel de nos nuits d’errance

                                         ***

mes nuits sont naines puisque je ne dors plus

mes nuits m’effilochent puisque je me perds

les yeux ouverts sur les nuits noires où nous ne seront plus

                                         ***

Buis les Baronnies tes tilleuls sont le parrainage des jours

qui nous ouvraient les portes de Sainte Jalle et de la pierre de mes aïeuls

                                         ***

comment aimer encore ce pain sec de ce qui reste de temps

                                         ***

je restais dans tes crépuscules de grillons

de nos dernières abeilles

jusqu’au miel de tes baisers de lavande

et puis ce sera la nuit qui ensevelit de linges

                                         ***

Char disait « trois coups sous l’orage » quand viendrait la fièvre de la terre

                                         ***

dans le ventre de Jonas pareillement et gargouillant

d’un enfermement de la mer

venait le long rôt de sous les grottes

                                         ***

pourquoi dire « subir » la mort ?

                                         ***

les hommes vivraient dans leur chant terrestre

comme s’aiguisent les sangs

comme la sève a la sobriété du tronc de l’arbre

                                         ***

depuis la voix des vitriers c’était l’alto des femmes d’où s’engorgeait

la pilosité de nos désirs

                                         ***

25 juillet 2019

MONTAGNE

depuis l’accès d’Arvieux on entre dans les nuages

dans l’Izoard

la Casse Déserte un peu comme dans Mars

comme il est clair qu’on pénètre

le temps diaphane de la lumière et les pelures de la lune

l’humain décline

les montagnes demeurent

il y a comme un passage de milans

un gouffre et une faille

où nous ne pouvions espérer du néant

                                         ***

29 juillet 2019

c’était le sang sous un azur palpitant

c’était le rouge sur des aiguilles de pierre

                                         ***

30 juillet 2019

j’ai clos l’horizon les balafres du jour les cyprès noirs

et la pluie qui jaillit de son arme blanche

l’asphalte sous mes pas avec la verroterie de la nuit

les rêves m’ont abandonné à la solitude mûrie

et à la chamade des jeux d’orgue

je revenais de Triana

des errances de plein cœur

et tu m’avais suivi sur les grands chants de Guadalquivir

4 août 2019

l’écriture la main à l’aveugle l’ombre de notre âme

                                         ***

elle parlait d’une bouche d’or

elle figurait le partage des eaux

d’un cœur de fièvre

elle levait le voile des passions tristes

loin des sillages de l’homme

loin des serrures de la peur

dans des rêves de cristal

                                         ***

le néant ce sont deux miroirs qui se rendent l’un à l’autre

deux miroirs se faisant face

                                         ***

j’étais nu aux enchères comme un panier sur le Nil

                                         ***

tant que Corcovado…

                                         ***

le vent et la misère aux creux de nos poches

                                         ***

6 août 2019

Guadalquivir sonne comme un glaive comme un glas

une armure médiévale la pleine cuirasse de son seul nom

comme une armoirie aux portiques de la ville

aux rives de Triana

aux seins brodés d’azur

aux madones dans la main d’œuvre des étoiles

et de leur pleine extase votive

Guadalquivir c’est l’eau des déserts comme une épée

qui traverse en la nommant la bouche qui dit

« mon amour serait-il désaccordé ? »

Guadalquivir des balcons qui viennent frapper de soleil

la poitrine des vieilles goyesques à l’errance

dans les extrémités du voyage

les pleins fruits de ses rivages

les taurines manières quelles qu’elles fussent

sous les soufres les ocres de crépuscule

et les terres bénies

Guadalquivir de l’épée approfondie des sables

des poudrées de la misère et de l’orgueil jauni des vieux cantaores

                                         ***

nos amours sont aux échelles aux espaces et aux ciels

qui le désirent

aux aortes qui cèdent à la fin de notre temps

à la lumière blanchie venue d’une étoile morte

à la caresse d’une main sur le front

                                         ***

mon amour ma pauvresse mes lambeaux

mes baisers derniers du fond de nous

                                         ***

11 août 2019

je sais des trésors dans l’encre d’une fin de nuit qui penche

des ballons de pensées qui entrent dans les étoiles

l’araignée dans les soies de l’ombre et les affres du désir

                                         ***

13 août 2019

ne plus encore souffrir ne plus vouloir rompre le fil de l’angoisse

dévider les archipels de l’azur

archiver les membranes mauves du temps

mes clairières dans l’ombre au bleu du bout du monde

les emphatiques récifs

la supplique des amants dans les chambres fauves

                                         ***

l’horloge qui somnole prouve-t-elle la moquerie des aiguilles du temps ?

                                         ***

je ferme les paupières sur ces grands secrets des abysses

j’habiterais bientôt dans le corpus des poussières

                                         ***

comment ne pas aller sur ces larges indolences marbrées

de Piero della Francesca ?

                                         ***

jusque dans les sillons du fleuve ce sont des routes faméliques

qui irisaient

l’amont des sources dévidant les relents de la soif

la volcanité des ombres est là dans le débourbé des murs blancs

au plus près de la chambre où nous n’avons su vivre

le cœur avait tourné

les valves du temps opéraient à l’ombre des anges

                                         ***

elle avait hurlé l’immondice du temps

elle avait respiré

« que ferons nous de tout cet or qui nous balafre ? »

elle respirait le monde nouveau des grandes marées

                                         ***

22 août 2019

l’enfer pouvait avoir de mes pas sur les pavés

la lente musique du cœur

le mal acéré d’un avenir qui nous lie

                                         ***    

23 août 2019

mes pinceaux sont d’or 

et buveurs d’horizon

dans les traques

et les battues de la mort

gibier de haute nuit

                                         ***

entre deux clochers les bonheurs ouvraient les mains

sur les nuages qui nous prenaient dans les bras

                                         ***

j’ai perdu la foudre et l’incarnat de mes amours

les navires en partance

les narcotiques des ciels perdus

j’ai inventé de grands vaisseaux d’orgue

et les ruines mauves d’un ciel troué sur la mer d’Egée

                                         ***

24 août 2019

j’aime les fougères de tes nuits les bambous qui cassent

au revers de la nuit

les pierres qui nous oublient

les hauts vents des cités antiques

                                         ***

et si de Délos les pierres ourlaient le sel et l’ankylose des portiques ?

d’une main qui sculpte le sillage du ciel

la pierre exsangue au soleil de sa bouche

la porteuse d’ivresse et d’azur

                                         ***

Lucienne Boyer disait mon cœur est un violon

comme j’entrais dans des double croches

de papillon qui n’ont pas d’amarre sur la Seine

                                         ***

ce sont les délimitations des cœurs orfèvres

à portée de main des rhizomes

à la fenêtre des exils sur les chemins de solitude

dans des temps aux poches trouées

après le temps des langues de bœuf

                                         ***

mes plages s ‘endormaient-elles sur les sangs mêlés

de l’histoire des mondes

la mort est aveugle

le sang refluant

le charruage a l’acier des scalpels

                                         ***

26 août 2019

les vignes noires les rides qui creusent

Dionysos des blanches écumes

la terre jaunie qui tresse des nœuds d’azur

la pierraille sous mes paupières

                                         ***

ce qui vient sur l’écume les noms que je sculptais à l’horizon

les fantômes qui ont enfoui les perditions loin de leurs abysses

la neige traversant des prisons

à suivre ton ombre

dans la nuit

aux genoux du temps

à m’obscurcir

                                         ***

le soleil a-t-il des chaînes

des nuits noires

met-il ses lèvres sur ses vagues ?

                                         ***

27 août 2019

dans le bleu qui caressait le vivant des cités antiques

restaient des ciels à sculpter

des hommes à la langue de bronze

des paroles qui colorent le temps des fins dernières

                                         ***

29 août 2019

tristesse des fenêtres congédiées

ma sœur limpide

mon miroir de tous les jours

pluie refermée sur les tombereaux

du vent qui restait

comme l’estampe que j’avais dans les landes

qui te traversaient

les marbres qui disaient la nuit

                                         ***

tu m’avais porté à la gravité d’un destin

au dessus des vents et des ossuaires

tu m’avais porté vers les ultimes gravités de la lumière

                                         ***

30 août 2019

est-ce une sagesse d’appartenir aux boutures des temps de Délos ?

les visages de la chair

le port de cygne de l’étoile

dans des frisottis de cœur

avec le front blanc où poser le temps des décombres

je m’en allais dans l’incertitude de désespoirs surannés

                                         ***

31 août 2019

comme c’est à boire dans le pays de France

boire et reboire ce vin de pays de Fayence

guadalquivir

1 septembre 2019

excruciante beauté

la plage et les châteaux

qui languissent

la rue et les parcs

de toujours

est-ce bien la déraison des sables ?    

                             ***

elle avait la liberté de ses ailes

                                         ***

3 septembre 2019

le ciel était en place la sculpture

faisait face à la mer

jour après jour

les murs qui tombaient

savaient tous les verseaux

et les temps d’une vague nouvelle

                                         ***

7-8 septembre 2019

fa dièse à l’étoile d’une nuit d’été

dans le rouge des claviers

…                                                                                   

dans les dièses à l’étoile d’une nuit d’été…

des chromatismes du bleu des claviers …

mes agonies de Tristan

mes harmoniques en archipel

la voix polaire dans les volières de la douleur

Titelouze

debout

le credo de l’orgue dans la lumière vertébrale

                                         ***

l’absurde absolu

le temps qui tombe

l’herbe des tombes

la voilure sur les ciels

le monde achevé

l’oubli la pierre

le sable des naufrages

les abysses

le non monde

                                         ***

12 septembre 2019

déjà demain qui n’est plus aujourd’hui

                                         ***

18 septembre 2019

depuis ce pont Mirabeau les lèvres de l’amour

baisaient les lierres et les nuits dans leurs vases

sur l’encre des jours

c’était le pont des reclus des mal accordés

de ceux qui attendent des écluses que la ville ferme ses chagrins

                                         ***

21 septembre 2019

je m’étais révélé sur une mer inopportune

le bleu du ciel portait d’une main fébrile

des magmas de temps sur les clés de la ville

                                         ***

VERTIGO 1         

je vivais de mes abysses

d’un livre d’or inachevé

l’inexplorable plein jeu

de mes yeux sur l’abîme

VERTIGO  2

c’était Paris la lointaine étoile

de rue Edgar Poë

ta pesanteur sur ma peau

à attendre la rue désertée

les oiseaux pris aux racines

de notre toujours nouvelle nuit

VERTIGO  3

elle étoilait la placidité de la nuit

quand tu rendais ce rien de bonheur

à l’éphémère du mourir

l’éclat de la misère sur les bleus venant vers les quais

                                         ***

24 septembre 2019

l’automne s’était endormi dans sa rouille

le vent portait les verves de l’or

et mon cœur vêtu des lambris d’une œuvre au rouge

                                         ***

26 septembre 2019

depuis le pont Sully

Notre Dame se drape

dans l’or des incendies

depuis les fagots de l’été

le vent nous avait dispersés

revenu d’un passé comme on court à la mer

le nautonier affûtait l’haleine d’une vie brève

                                         ***

ce sont les vieux jours qui ont rendu l’âme

les lambris et l’acier dans le chant des femmes

qui vivraient dans mes bras comme une mort sauvage

                                         ***

celui qui disait je suis la Justice sous le poids des vents amers

touchait l’âme et la chair de l’ombre

discordantes sous peine d’en mourir

                                         ***

pour qui le glas

la blancheur des jours ?

                                         ***

de toute la chape de lumière dans les versants du temps

qui se déchiffre

dispendieuse d’émeraude

de larmes concassées

à flanc de ceux qui ont mûri de plèvres

le temps dissonant rouvre sa plaie pour les morts

                                        ***

la première fois est toujours un miracle

                                         ***

le temps implose aujourd’hui

hier il se répandait

l’entonnoir de Dieu

                                         ***

la fleur disparaît sous le talon

le soleil aussi derrière ses étendues

– mais lui revient

                                         ***

la naissance dévaste

                                        ***

lorsque l’on meurt on dit souvent qu’on est enfin beau

                                         ***

28 septembre 2019

c’était encore Elseneur l’eau morte

la chevelure et les eaux filandreuses

la dague d’Hamlet qui disait

« j’affirme l’Etre le charroi et les pelletés du temps »

que l’on meure toujours dans des nuit

qui vous prennent à la gorge

                                         ***

1 octobre 2019

que serons nous à la pesée du monde ?

                                         ***

c’est d’un tranchoir que venait l’éblouissant requiem

la main sur le monde dans des cocagnes

où notre sang s’assemble

dans des rituels de psaumes de masques et de cendres

                                         ***

c’était un souffle depuis les tréfonds où les voix n’avaient pas d’âge

le temps frappaient comme aux mors des plus battantes poitrines

c’est sur les chemins de dessus les collines que les ombres d’avant

nous avaient parlé de ces murmures qui nous donnaient un nom

                                         ***

3 octobre 2019

je ne suis pas même sûr de la pérrenité de la pierre

ni du sable

de la poussière

de la cendre

du néant

                                         ***

6 octobre 2019

à la proue des navires vers quelque Cyclade

la poitrine battait de cette vie

qui fait oublier ses sillages

vers Délos vers la pierre mille fois lépreuse

avec la mer eschylienne d’une vie concassant

                                         ***

8 octobre 2019

elle vient vers moi la mesure de mon désordre

aux lisières des chaos

des laques du plus noir des encres de l’enfance

des famines et des maquisards crépusculaires

à la mystique revivifiant

cette barque obscure où roule doucement la mer

                                         ***

la mort m’a fondé comme l’écorce qui éclate

dans le jour des blés

la main de ma mère avait quitté la mienne

le temps m’était compté

                                         ***

10 octobre 2019

la longueur du temps n’avait que l’espace scellé

des lèvres contre les lèvres

                                         ***

dans la chair du matin le temps façonne

les nuits attestent des angoisses

portant les glas du fond des clochers

les murs cognaient aux plèvres de la glaise

ce que l’âme posait des mains de Dieu

façonnant le visage du premier homme

                                         ***

15 octobre 2019

les nuits patientent

                                les heures ont lâché le temps

les claquemures osent les chevelures le long de la jetée

le ciel rompt ses propres veines

d’une enclume de jours sur le visage des vignes où passent les collines

                                         ***

le couteau dans le ciel

avec le visage mûri

et accidentel

de ton nom sur la balafre

tu emportais les semences

et les herbes vives d’un ciel quitté

dans les brouettes de l’éternité

                                         ***

c’est le voyageur oublié le front contre la vitre qui tremble

le temps de chaque retour chaque jour

vers le côté sombre dans le cœur qui ne s’aiguise plus

ce feuilleté du jour où s’oublie le ciel

                                         ***

j’étais en partance avec le cœur meurtri

le bleu de l’Egée

les pavés vers les visages du matin

                                         ***

la nuit descendait dans des apnées de tristesses vociférant

                                         ***

les horoscopes maquillaient les tournures du manège

étant venu dans le remblais des tombes

et les allégresses des terrasses

                                         ***

16 octobre 2019

la nuit s’affranchit de soleils qui s’ébrèchent

de roses de coin de rues

dans des années anciennes de vieilles lumières d’octobre

                                         ***

notre vie a toujours son tablier tâché d’encre

ce nuage que porte le regard de l’enfance

parce que nous avions fendu la mer

parce que tu adoucissais le temps au-delà de mes épaules

                                         ***

18 octobre 2019

je caresse ton avenir dans les granges de mon automne à maturité

viendras tu comme Icare précéder le vent mauvais

le miel des sources et ce que les désirs portaient de vieux horizons

sur l’abîme ?

                                         ***

c’est vrai qu’à  Lisbonne la tristesse est en pente

les femmes au vent et les navires qui reviennent

portent des collines et des détresses de fado

                                         ***

l’automne est oblongue comme le visage du temps

et la courbure des jours qui se déchirent pas à pas

                                         ***

nous n’avions pour notre gouverne que l’empire de la nuit

les salves incendiaires

les murs aveugles

et l’ivresse des tourments

                                         ***

c’était de petits chevaux de Mongolie dans les espaces

aux lisières des quintuples azurs

avec ces vols de milans acérés sur notre faim

                                         ***

19 octobre 2019

je chemine et l’aube n’avance pas

                                               ***

regarde moi disions nous avant que les pluies n’échouent

depuis les paupières dans les sphères de la tristesse

que celle-ci ne dévastent l’infini gris qui nous laissait à nos solitudes

                                               ***

nous les sans pouvoir dans la brouette des sables

à déterrer la mer

                                               ***

la plénitude pouvait-elle tenir dans un poing fermé ?

                                               ***

21 octobre 2019

il n’était pas mort il n’était simplement plus là depuis longtemps

pour ceux qui l’avaient bien aimé

sa trace s’était perdue sur le flanc des failles

comme un couteau qui nous ouvre les écorces de la terre

et nous n’imaginions pas la nuit qui serait la sienne

on l’avait toujours aimé pour ce sourire qui nous renvoyait de l’azur

aujourd’hui il était dans les entrailles de quelque montagne

quelque part vers une brèche

et son vieux côté bistro

faisait que maintenant à défaut de revenir trinquer

il devait se faire une raison de ses larmes bleues

en une sorte de recyclage dans l’animation des gouffres

NOUVELLE CRUELLE

                                         ***

22 octobre 2019

c’était un serpent comme un poumon d’accordéon

dans l’ivresse de l’été

un cri d’oiseau aux solives de notre permanence

nos lèvres dans le murmure des lèvres

la gerçure de nous-même au cumul des montagnes

                                         ***

on ira vers les rois on ira vers la lumière

le vitrail qui travaille

                                         ***

23 octobre 2019

dans les rivières vieillies venaient mourir

en amont de soleils froids

les serments nocturnes

qu’entendit l’écho de grands bornages

                                         ***

27 octobre 2019

lorsque les hirondelles remontent à l’heure du couchant

vers les arbres en criant dans leur langage qu’il est temps

et qu’elles s’éparpillent dans le ciel

nous donnant l’impression qu’on a une maladie de la cornée

toutes ces trouées de noirs dans l’azur !

les humains se résignent à l’angoisse du jour qui tombe

au visage des statues qui s’animent en secret

rejoindre leur fantôme dans les parcs où les parfums

de foins coupés enivrent plus encore qu’à l’estaminet

que les réverbères se parlent enfin à distance de cette solitude

qu’ils éclairent dans les pas lents de ceux qui rentrent enfin

par l’escalier chancelant faisant sourdre

de leur mémoire de porcelaine la fragilité du visage incomplet

de leur avenir blotti dans la nouvelle nuit qui commence

                                         ***

de quel rouge cerise mordue

de quel rouge pour lèvres

le dernier baiser de Bérénice pour Titus ?

                                         ***

28 octobre 2019

chanson

« à Magnan on attirait le ver à soie

à Magnan on attirait les verres à soi »

à l’enclume de l’ivresse sur le marteau du zinc

le siècle finissait là où tous s’en sont allés

à Magnan l’ocre du temps avait la clarté

des idéologues buissonniers

les universités nous avaient fait des hommes d’avenir

1 novembre 2019

pourquoi ne pas vivre dans ces infinis espaces

où vivre en chantant Boris Godounov

le monde ne serait qu’une plaine qu’on aurait charruée

du plus profond de l’acier

et d’un plafond d’opéra

Boris chantait la nostalgie d’un vieux pays

le monde ne dormirait que sur la paille de la pauvreté

                                         ***

2 novembre 2019

c’est ma vie disait la chanson aux vents d’orties

les ruisseaux ruisselants parlaient la langue de l’hallali

                                         ***

5 novembre 2019

j’avais vécu des villes dans l’étoffe de nos désirs

frappées au poinçon d’une morsure de soleil

                                         ***

les visages de l’horizon avaient la radicalité des pierres

les jugements du temps tournaient dans la lumière

d’un futur galactique

                                         ***

sur le manteau d’une nuit je posais la main sur moi-même

-de ce froid qui rentrait-

                                         ***

la terre est lourde dans la neige venue

délavant ces pailles et ces meules

qui brûlent le devenir de la nuit

                                         ***

je retourne à la nuit sur les craies du vent

dans la momie de mon sommeil

dans la distance de notre clarté

nous ne mourons pas

                                         ***

revivre l’encolure du temps

les papillons de foudre

de silence de ciel

et de guipures schumanniennes

                                         ***

c’était en amont de nos amours

les ferrures

le charruage des eaux vives

                                         ***

6 novembre 2019

la fenêtre s’ouvre sur un monde inventé

l’ivresse était parvenue aux lisières

là où la route se perd

c’était un âge de fer

d’un livre de sable

                                         ***

8 novembre 2019

c’était une tremblote comme au jeu

comme à la dérouille du temps qui avance

                                         ***

j’avais compris les perles celles qui remontaient

du fond des clartés

la rotondité et les cendres de mes illusions

celles des femmes sur la hauteur de leurs talons

                                         ***

l’infamie de nos ombres sur le temps

                                         ***

elle avait la voix perlée des bords de la mer

voulant vivre dans la toute liberté des vagues

                                         ***

ce qui s’achève comme un champ de fleurs

ce qui s’égrène comme au vent des glas

                                  ***

9 novembre 2019

nous avions bu le rouge du couchant

les blessures meurent aussi

dans les ornières

dans le sommeil livide

de ceux qui se lèvent à la fin de la nuit

                                         ***

10 novembre 2019

… et abandonné au seuil attendu de la clarté

j’avais fermé la main sur la lumière…

                                         ***

il y avait quelque chose dans le tutoiement des montagnes

comme l’abandon des cuivres et des fanfares

aux pelures de la solitude

des diadèmes de neige

quand on s’affranchit des callosités du monde

                                         ***

l’ombre n’est vivante que dans l’absolu jour

au cadastre des attentes à la pesée

de l’angoisse

ce que je retiens des jours dépecés

                                         ***

la terre tremble de tant d’avenirs fauves

                                         ***

je ne retiendrai de la mort organique

que le dévasté d’un vent vivifiant

                                  ***

11 novembre 2019

le vent seul

                  dans l’engouffre de nous

esquissé

          demeure dans la maison désertée

                                         ***

12 novembre 2019

les masques de l’avenir avaient la couleur d’un ciel qui se perd

la brûlure disparue

un conclave de respiration comme coulé des torrents

                                         ***

la longue blessure

les galets de la plage

les voiliers de Juin

devenus

je restais sur les façades nues du temps décoloré

des murs

où fanaient les châteaux et les saisons

                                         ***

14 novembre 2019

la danse sur les tombeaux la nuit de fer et de corbeaux

habille le temps de la hanche de nos amours

et la rose sous les ciels est éternelle

dans ce flétri de velours que d’un seul aujourd’hui

                                         ***

elle avait vécu  Myrto la jeune Tarentine

dans ce Chénier des années d’avant

d’où vinrent aujourd’hui des Juin de Parc Impérial

                                         ***

17 novembre 2019

ce n’était que le flanc de la pierre et le vouloir

des lèvres sur l’écorce

la nuit quand descendent les anges

le chuchotement et les doigts sur les lèvres

la peur endormie dans la plèvre des orages

dissimulant la vraie craie de la mort

d’un sang de framboise et des écorces de soleil

le couteau qui venait bien en dedans

où je continuais de vivre

                                         ***

18 novembre 2019

la mort comme exégèse

celle qui cogne

à hauteur d’homme

là où la terre se hisse

                                         ***

22 novembre 2019

POEME DU BLEU

l’or froid pour revenir à Charleville

les vitres au givre des guinguettes

c’est le souffle à l’or fin de la parole

c’est notre cœur désuni

en une double respiration

                                         ***

j’ai laissé derrière moi des déserts de surdité

                                         ***

comment irions-nous augurer de la force des glaciers

qui crient de magmas bleus le verbe de Xénakis ?

                                         ***

près de l’herbe

l’eau cogne en silence contre la pierre

la nuit demeure

la nuit croasse

                                         ***

l’aubépine vient à la rosée fragile

comme arabesque de la pierre romane

la pierre de touche aimée

de cette ombre de nous en dedans

                                         ***

la porte des montagnes n’était pas close

les paupières se fermaient

sous les bleus labourés

du temps

je suis resté seul dans l’encoignure des torrents

                                         ***

c’est un temps que nous ne connaîtrons pas

ce poids d’herbe qui respire les yeux dans les étoiles

                                         ***

j’avance dans le bleu noir d’où tu m’attends

                                         ***

j’entendais la dureté des murs qui nous séparait

la cravache de l’attente

le bleu de nos ciels enfouis

                                         ***

est-ce que l’étant de Heidegger rend l’absence de l’être

sans nom de nos amours perdus de vue ?

                                  ***

j’ai franchi le pas                        dans l’aujourd’hui des montagnes

la crudité d’un temps qui se dérobe

notre demeure traversant cet angle du soleil a le bleu qui s’éraille

                                         ***

le vent a des gerçures

le mors aux dents qui crisse

dans le bleu semblable à nous

(fin du poème du bleu)

                                  ***

23 novembre 2019

les joues étaient en feu

du sel des gerçures

roussies et libres

la mer nous aimait

et tu étais à moi

nue

les galets balançaient les reflux

et puis sur tout cela rien que le vent

                                         ***

le vent buvait ces quartiers de temps

des petits matins

sur l’asphalte libre

                                         ***

une nuit sur l’étoile immuable

de ce souffle qui manque

de ce vent qui me ramène à un froid intarissable

                                         ***

large comme peut être large cet angle d’horizon

après lequel

                                         ***

25 novembre 2019

dans ces nocturnes rêvés

    et conquis avec des matériaux de lune

c’était comme sculpter des vagues antérieures

les volutes millénaires de la nuit qui s’oublie

des raccourcis de neige

des amoncellements de paupières closes

                                         ***

je sentis en moi un deuxième cœur qui battait

dans les gangue de l’eau nocturne

dans les dorsales et le fond du ventre

c’était dans la femme le fruit déjà dormant

                                       ***

27 novembre 2019

je reste à la mesure de notre soif

à ces longues jambes de Chili

longues comme les fuseaux de gaine

de nos désirs

je reste ce qui brûle dans le déshabillé de nos errements

                                         ***

l’épée et le manteau de saint martin

le froissement et la ruine

le flanc de la mort

la douleur de la pauvreté

la poussière errante quand les éperons sont passés

                                         ***

paradis disaient-ils le long et lent fléau

dans la clarté lumineuse des larmes

                                         ***

les ossements blêmes dans la clarté

la vérité nue

la valse qui nous avait donné jour

                                         ***

les voyages avaient fait de nous de riants marcheurs

de nords et de suds

pour de vieux cordonniers

paradis disaient-ils les lèvres mordues

les roses écloses

de tonneaux de danaïdes et d’azur

les dieux savaient le tranchant

et l’aboli des nuits

pour la grâce et le désaccord

l’ombre fraîche comme les oublis

la porte de Dieu dans les abîmes du monde

                                         ***

seuls les glas

refermant les abysses

les vents solidaires

les temps lapidés

                                         ***

la pluie vient comme une bénédiction où que la robe de nos épousailles

fléchisse sur les ornières et la boue qui demeure de toi à moi dans l’oubli

de ces temps où nous nous prenions sur les lèvres

                                         ***

2 décembre 2019

les talons hauts viennent de la haute Perse

pour que les femmes rivalisent

avec la sauvagerie et la grâce soyeuse

des antilopes

le monde s’élève là dans des nuits de panthères

                                         ***

immoler les pages des livres

venir vers le vide

                                         ***

profil du milan

crépusculaire

quand l’air

vient à manquer

d’une voilure dans le temps

comme une écorce de Dieu

                                         ***

les Tahumaras mendient toujours de profil

                                         ***

4 décembre 2019

comment ouïr les vents de l’Histoire ?

                                         ***

5 décembre 2019

ELOIGNEZ VOUS DE GRACE
ECARTEZ DE MOI CE MUR

nos voi(es)x ne sont-elles que des chemins de mémoires

qui nous précèdent ?

un déjà vu de la parole

une foudre diluée à la naissance de la lumière ?

la parole devrait-elle rendre silencieuse la violence

du feu qui nous tient d’origine ?

nos voies ne sont-elles que des voix de mémoires antérieures ?

………

je vis toujours avec la mort dans ma main

un acier que ma mère m’a donné il y a si longtemps

                                         ***

6 décembre 2019

du fond des pluies la solitude donnait ses reliefs

la nuit étoilait

le temps venait impatiemment

                                         ***

dans la houle des Antilles sont des fleurs cueillies

rondes comme des parasols

d’un paradis bleu

sur des chevelures

près de la nuque

                                         ***

ça dansotte au creux du champagne

ça danse de vieux relents de plage

et de bouleversements de galets

sur la nuit griffue

                                         ***

« veritatis splendor » c’est la houppelande des nuits

quand est venu à chavirer

le cœur du temps qui nous engrange

                                         ***

la nuit

une jupe fendue

      blafarde

une rose épineuse

au débourbé des nos désordres

                                         ***

ma vie est à rêver

                                         ***

j’étais venu du fond des abysses

d’abord chien rendu à la mer

poisson de gouffre

loin dans la nuit

de branchies sans mémoire

                                         ***

7 décembre 2019

que le temps s’éloigne

que les abysses se résorbent

que les astres tombent du haut de nos ciels

                                         ***

8 décembre 2019

les morts sont encore moins que l’air que nous respirons

moins encombrant que les paroles disparues

plus lisses que les souvenirs reclus

                                         ***

10 décembre 2019

…et la mer enfin

sur les craquelures du passage des heures     …

vivre sera-t-il par delà les abîmes

ce qu’Héraclite distillait

sur le cours sans retour

des attributs de notre singularité ?

                                         ***

15 décembre 2019

et que sont devenus les organums de la nuit

dans l’ivresse jusqu’au bleu du nocturne

les bolées de Chanturgue et les guipures du désir ?

                                         ***

Naxos le bleu tout autour

et la pierre corrodée

mangée de sel

les vagues auriculaires d’un temps

devenu fragile

Naxos la solaire

                 endormie d’écailles

et de lèpres d’aujourd’hui

j’ai vu l’oubli

                                         ***

16 décembre 2019

la chair de l’occident avait donné ses défroques

la pierre retrouvait la douleur de vivre

à hauteur d’hommes désemmurés

je portais comme une faim dans ses craquelures

tracée par l’éclair

la nuit qui corrode

                                         ***

18 décembre 2019

que vaut la pensée de Spinoza

                 à la lumière des anonymes de Notre dame ?

                                         ***

23 décembre 2019

l’eau dormante

l’inlassable ciel

                             les pelures de l’âme

ont-ils encore des moignons d’avenir

des gouffres dans leurs puits d’abîme ?

les bâtisseurs des démesures

disaient les écluses

les pluies portuaires

comme s’en vont les salves d’embrun

la peau blanche des femmes

riveraines au portulan des naufrages

                                         ***

je suis le sans visage où se reflète l’acier

dans le corruptible de la nuit

je vivrais au cœur des villes

mes paupières ouvertes

à la lisière de tout ce temps qui décrypte

                                         ***

les châteaux sont sans saisons

leurs vers anciens

avec les arbres debout

le monde vivant

                                        

crissant sur l’écorce et la doublure du vent

disant d’une même question :

                                                    où ont-il caché les fleurs ?

                                         ***

24 décembre 2019

il pleuvait sur les tristesses de ceux qui creusent

avec des ciels qui tournaient les pages

dans leur grammaire de nuages

                                         ***

et les roses sont les roses sous la pauvreté des poussières

les ruines de ces roses par neuf

de par l’impair

     des cœurs

                         dans leur avenir de décombres

                                         ***

27 décembre 2019

mais où est donc cette zibeline sur le féroce de la neige

le temps compté des flocons

les pas antiques au bord des lèvres de nos pierres de lèpres

le vent qui traverse

et le ventre et l’oubli et nos amours oublieuses

à suçoter des ivresses

dans le périphérique des pavés et des orties qui fanent

                                         ***

29 décembre 2019

dans l’éclosion dans la rémission

le faune est à la fontaine

à la statue froide

le navire est à quai

l’illusion est dans sa foudre

                                         ***

29 décembre 2019

j’ai le sommeil en fractures aux portes de l’automne qui finit

le temps tyrannise

le sang qui coule de couloirs obscurs

 

celui des veines

et des tempes que sarclent le temps

                             ***

tu restais d’une chair inhabitable et puis je vins

et puis d’autres cimes 

sur les guipures de la nuit

c’était enfin comme un soupçon sur la vie jetée

avec mes lèvres qui restaient dans l’immobilité de tes souffles de givre

                                         ***

on ne pense jamais arriver

on pense à toujours partir

                                         ***

31 décembre 2019

 la nuque de celle que j’aimais

comme une enfant proche du baiser

dans le trépidant des rames

parallèles à ces rails de mes déroutes

                                         ***

je finissais le tracé de mes chemins languissants

et le voluptueux de ces plaies qui menaient

dans des silences austères

                                         ***

combien sont-ils chinois à épeler la lagune

des syllabes qu’on ne saura jamais dire ?

                                         ***

c’était une viole de gambe qui cognait aux fenêtres

dans le givre de la polyphonie de qui sait prendre le vent

                                         ***

mon amour avait l’envergure du milan qui faisait ombre

sur toute la surface de lacs

dans la droiture du cœur  le silence des beffrois

qui sonnent un monde où je ne viens plus

                                         ***

partir avant l’aube partir vers la mer

y plonger le reste des désertions

le nid qui n’en finit de rendre le chaud du monde

partir avant que n’éclose la chair

dans le chimérique des orages

                                         ***

il n’y avait pas que le vent

la tournure du Nord sur le pavé

mais aussi cette angoisse de gorge

lorsque tu passais sans me voir

sauf le fantôme de nous à nous revoir

sur d’autres beffrois où mes poings carillonnent