Poesies, 2020

femmes en portrait d’Utamaro (2020)



↪ MIROIRS POUR PELLEAS ET MELISANDE
↪ C’EST UN TEMPS AU DELA DUQUEL…
↪ METAPHYSIQUE DE LA PIERRE



MIROIRS POUR PELLEAS ET MELISANDE

3 janvier 2020

l’entrelacs des glas et des morts

des lucidités de nuages

des collines de l’enfance

la neige meurtrie de pas inconnus

incarnée de cette peste depuis le bas du monde

de quel ciel la vie promise décousue d’ombre

peut-elle brûler d’un inaltérable parfum

et d’un désir de mourir

de s’affranchir du souffle d’anges

descendus sur la terre ?

                                         ***

le pouvoir du mensonge faisait-il figure d’obstacle à la nuit limpide ?

                                         ***

la clarté des bassins où se noyait de désir les chevelures de Mélisande

portait le monde dans les traverses de ce qui meure

                                         ***

le sang lancinant d’un temps obsolescent

                                         ***

les milles papillons de ce matin battaient de l’aile

leur temps éphémère d’enfers périssables

de notre nuit aveugle

                                         ***

faut-il chanter Avril et Mars les femmes qui penchent

vers la nudité du crépuscule

la neige des solitudes et les absides criardes

d’une chapelle romane sur nos routes aveugles ?

                                         ***

l’eau des voleurs dans la pierre du Contadour

                                         ***

7 janvier 2020

ces amours qui brûlent ces déserts au travers

                                                                            des chiffrent oubliés

la poitrine qui cogne au cœur de chaque nuit qui rempaille

c’est le seuil incendiaire

d’où que vienne la clarté du monde

la scarification sur le nom de Dieu

les noces où s’ouvre la forêt qui est en moi

                                         ***

9 janvier 2020

le cœur s’est toujours serré comme un poing

un vers de Ronsard

un désespoir venu de loin

et comme au hasard

ces calanques près des plages

d’où ma main sur tes épaules

rendait d’acier comme après les grands larges

ce nom murmuré de Paul

                                         ***

10 janvier 2020

les matins ont jauni comme les vieilles photographies

le soir est tombé sous les ruisseaux en fin de course

les soleils nous attendaient à l’aveugle

au rythme de la rotondité de nos jours

où j’errais dans les déserts blancs de la clarté

et les filigranes de notre pertinence

                                         ***

d’un temps où le silence changeait de texture

                                         ***

elle adorait les étoiles les sourcils au balcon

dans les roues du ciel

                                         ***

14 janvier 2020

Pline l’Ancien a les yeux dans la mer avec les foudres de Naples

la mort qui vient de loin qu’il avance vers ses cendres

déjà près d’autres rivages

Pline l’Ancien connaissait-il la mort l’érosion vacante de soleils

qui s’ébrèchent avec les ombres futures qui disaient

des torsions de pierres durcies l’âme qui s’en fut

                                         ***

la foudre venait de la pleine clarté à l’approche de ton visage

la terre avait donné des sillons

dans l’ébauche de la mort à mains nues

                                         ***

17 janvier 2020

j’aurais mangé tes lèvres jusqu’au souvenir de ces orties

qui étaient au cachot de l’enfance

ces petits bouts d’enfer sur les genoux tombés dans l’ombre

                                         ***

il fut un temps où la nuit enorgueillait un archipel de silence

venu des plus beaux lilas

                                         ***

j’avais la soif du puisatier

de celui qui brise la pierre

de ce temps qui frappe aux tempes

et rend le monde dans ses carillons d’incertitude

                                         ***

c’était dans les abords du désert

les éoliennes frappant au cœur la poussière du temps

de celles qui portent les granges et les incendies

des meules de la nuit

                                         ***

je t’avais aimé jusque dans les chœurs du caillot

                                         ***

19 janvier 2020

dans la terreur des humbles la nuit prélude au silence des âmes

                                         ***

la terre donnait ses oraisons

                                  et la blondeur aux sillons

                      dans les caresses de sa mémoire

                         l’aiguisé étoilé de la pluie infinie

ce silence de tombe qui nous tenait le long des labours

de vols de milans aux aspérités de gouffre

                                         ***

des harmonies virgiliennes des paysages dévorant

des solitudes sur des ciels caducs

d’un monde vieux comme un soleil ayant perdu

d’insolentes poignées de chevelures

                                         ***

… d’un silence comme clairière de l’âme

                                         ***

ceux qui parlent perforent le silence qui nous fait grandir

                                         ***

20 janvier 2020

de toutes polyphonies et sonnets en X

Boulez et Mallarmé à battre le tambour

les arcanes affranchissaient de vieilles ombres

leurs larges houppelandes nocturnes d’étoiles

                                         ***

les églises ont la fraîcheur ineffable du silence

que les lèvres d’attente des pénombres ne désavouent jamais

                                         ***

26 janvier 2020

elle se devait de survivre à la nuit comme à toutes les nuits

de talons hauts et d’imperméable de faux cuir

rouge

dans des gîtes fagottant de solitudes rituelles

l’amant improbable

comme la mort en laisse

qui se fait attendre aux crocs du désir

que ferons nous dans l’enfer froid de nos os de sable

que ferons nous dans ces sables froids d’enfer

 

même aboli d’un passé de fantômes

d’une nouvelle éternité sans visage ?

nous aussi avons pleuré les morts à défaut de défier la mort

avons laissé comme petit poucet ces cailloux pour le ciel qui

jusqu’au dernier os de leur ancien passage

nous feront revoir ce cordon au ventre de nos origines

                                         ***

29 janvier 2020

portuaires dans le ciel

sans étoiles

les cuisses affermies

de femmes de lisières et d’adieu

du fond des pierres qui cassent

de la loi du désir

de cette porphyre qui respire

l’embellie des chevelures

dans la souplesse des serpents

                                         ***

mes amours avaient ouvert le temps comme on ouvre

la cisaille des cicatrices

le baume des roses de Bulgarie

dans les vents vénitiens et la brume des albatros

masque après masque

d’une saison qui pose sa bouche sur les entrelacs

où roulent nos désirs de la mer

                                         ***

comme celles qui pressent le pis des vaches dans leur tendresse

et le beurre chaud du matin

l’hiver passe sur les chercheurs d’or les yeux dans les étoiles

                                         ***

3 février 2020

de tous les baisers tus

de cailloux de Délos

les meurtrières sur l’azur

de la mer fandangant

les rostres et les portiques

de leurs seins de matrone

théologisent

les ruines épousées de nuit

des écumes et des poignes

d’épousailles avec les syllabes

de l’Icare

celles qui viennent d’outre Naxos

avec les sybilles à la voilure

de visages qui

pierres après pierres de ce temps

qui gît

comme après ces déjà vus

donnaient ce goût de lèvres

nues à la ferraille du jour

                                         ***

8 février 2020

osons taire le monde l’ossature du temps

les lèvres d’ortie dans les limailles du soleil

pour les genoux d’enfants

osons le monde dans les parages de la raison

qui hennit

les marées qui montent avec des limons d’estuaire

comme j’osais ces toujours soleils blêmis

qui dictent l’embellissement du marbre

de nos baisers renaissant

                                         ***

elle avait le silence sur les lèvres/ l’amertume sur le fond des gorges

je posais des ciels les épaves à museler leurs fissures

à vendre les paradis

de ceux de nos rues de lèpres

ce que je donnais à la porosité de la terre/

elle avait des silences dans la poitrine

les architectures du cœur et de ses goélands dans les sommeils

les murs comme les vagues des grands larges

les vieux mondes à refondre virgiliens de sillons et reverdis

ce que l’écume de nos morts futures draine

depuis le môle de nos respirs

elle avait ces valves d’embellies félines et votives

à reposer dans les marées refluant de la nuit

                                         ***

9 février 2020

à me faire cygne

                             sous les bleus de Lohengrin

                                         ***

11 février 2020

les amours tombés dans la luzerne

pas plus que la pomme de gravité

ne s’abandonnent à l’usage du temps

plus qu’à un seul rêve d’éternité

*******************************************                                    

CHIRICO

je devais retenir le nom de ta rue

comme toi celui où nous nous étions posé

dans une ville sans nom

sans arcade et sans portique donnant sur les larges

*********************************************               

12 février 2020

c’est la machine cardiaque

c’est le son du cor du fond des poitrines

avant que mort me fonde

celui de la Mer de Debussy qui sait la clé du paysage

la cendre des choses et la férocité de la pierre

d’un matin saisi par le col

derrière la fenêtre d’hôpital

c’est la fin du labyrinthe

                                         ***

la poussière n’a plus que l’âge

qui a tambouriné mon absence

celle que des lèvres de printemps

eussent pu prendre à me revouloir reverdir

                                         ***

tout près du Quirinal

dans la nuit du bronze

                                         ***

de tous les halos de cloches sur leurs anciennes blancheurs

j’allais dans ma ville de naissance

au babil de mon aube blanche de communiant

à la taille d’un ciel à crayonner

que la nuit qui vient peut bien tordre le monde

où s’écrase aujourd’hui la fenêtre d’hiver de la solitude

                                         ***

le nocturne assourdissant de la lune ancienne

menait le monde

vers ses marées au fouet de sa gravité

                                         ***

je ne sais d’où je viens mais le monde me circonscrit

                                         ***

14 février 2020

sa bouche avait un goût de cendre

de poison rare

ses silences avaient des déhanchés de fado

perséphonienne elle m’avait ferré

avec les racines de mes attentes

elle avait les yeux d’azurite de ses tabliers tachés

de vieux ciels de confitures

devenue femme tête nue dans ses printemps bleus

elle portait le nom de ses désirs dans l’enserre de l’herbe vive

l’odeur des blessures sous la houppelande de la nuit

de quelque Schubert nocturne dans la bouche des fontaines

de ces sonatines qui perlent traînant dans les vareuses du vent

l’arborescence des écumes

le monde avait grandi sous la toise des voyages d’Ulysse

j’avais oublié le temps quitté des baumes

dans les anciens mercurochromes du cœur

                                         ***

15 février 2020

c’était dans le vieux Zurich dans ses pavés serrés

les ruelles qui grimpent

à l’échelle des nuits lunaires-

dans des saisons un peu prussienne

l’amour prenait l’escalier de guingois

d’un hôtel de brouillard qui jouait ses anciens blues

(l’Oliver Twist faisait-il encore sonner les fanfares

du Sergent poivre

avec ses relents d’étoiles sous le kiosque près du lac ?)-

de l’écho d’un soleil de cendre cognant aux fenêtres

il est resté un long baiser

aux reflets fanés dans le vieil or de la Limmat

                                         ***

17 février 2020

…c’était la mer aussi…dans l’ankylose des horizons

c’était les lèvres mouvantes des vagues

ces chants de matelots au sextant des étoiles

nous avions suivi les balises des cartes du ciel

l’Orion dans ses ors

les funiculaires sur les épaules mamelonnées du Chili

dans la longue cuisse de ses bas noirs

où l’on caresse les géoglyphes

les collines de cuir nocturne dans la cambrure

de ses incendies

les ivresses valparaisiennes

Mapuche et portuaires –

porteuses de carmenere où le zinc a le goût des navigations

dans le sifflement que cinglent les cordages

où se perd le sens du soleil

et l’Outrenoir des profondeurs

                                         ***

le rouge des roses a rejoint la pâleur de celles

maintenant anciennes

qu’une m’avait dit un jour « elles faneront demain

si tu veux que je les garde éternelles

il faut les enlacer la tête par le bas »

                                         ***

19 février 2020

dans la dentelle de l’élégie qui frisotte comme l’écume de la mer

tout au fond du ventre la solitude de Jonas

sculpte des vents incendiaires derrière les vitres

des chagrins crépusculaires

la douleur du temps a fané la patience à la gorge

des femmes

par delà des Indes édentées la braise grelottant du raga

ou le sein percé de Didon

de toton et de toupie

c’est la mer qui rassemble

et les poumons de la mer quittèrent l’azur

dans la gangue des bastingages et des orphéons

que Jonas régurgitait de vieilles poignées de ciel

                                         ***

24 février 2020

de ces grands soleils en souffrance il est parvenu

jusqu’à nous

des cartographies de ciel et des étoiles qu’on sortait

comme d’un sac de billes la nuit venue

des vendanges de vins jaunis

des plaines de terres rougies

les osmoses de vent et de mer à l’engouffre

de toute la lyre d’automne qui clarine

des bouquets de nuit qui transfigurent

                                         ***

29 février 2020

Dieu nous a ciselé de vents et d’océans

parfois depuis ma fenêtre

j’y vois des éboulis de mon visage

                                         ***

me voici rendu à la pierre

                                                    la poitrine nue

à la basse terre qui respire

le loriot avait chanté la pointe de l’épée

la vie  finit toujours par ouvrir les torrents

3 mars 2020

elle allait loin sur la colline tout là-haut

vers la colère des milans

se donner brûlante et laideronne

aux passagers du vent

aux cavaliers d’airain vers quelque reverdie

l’amour menait grand train

d’une Eve nouvelle

sous des profusions d’azur

cachottière logeuse d’ombre

comme dans Bruges la morte

l’herbe courbée s’en est souvenue

sous les veuleries des tiédeurs de la terre

                                         ***

5 mars 2020

du très haut de la colline

embouchant des clarines

masques et ris d’enfants

                                         ***

8 mars 2020

c’est sous des étoiles et le signe du jaguar

que la nuit nous est venue la pantomime

du ciel qui nous quitte

il y avait les forteresses de la glaise

dans le bleu de ta naissance

sous l’épaisseur du jour que

l’herbe de la mémoire embrassait

la lumière du silence sur la bouche

                                  ***

 ERRATIQUES

… elles étaient debout sur le soleil

à la proue de la vague

à déboutonner les siècles

et les dentelles du temps

avec leurs paroles de tragédiennes…

la nuit m’avait fermé les yeux

de ces désirs qui voguent

comme un souffle

dans des vents taciturnes…

…  j’avais emblavé

  l’orfèvrerie des faiseurs d’étoiles…

… le temps qui nous distille…

… comme statue de commandeur

l’airain enserrait de ses glas tout un poids d’ombre…

… celle d’Avila se suffisant                                               

dans la mystique des drapés d’elle même

aux marches de Dieu …

… la peinture japonaise ne connaît pas d’ombre

les nuques sont blanches et les bas sans coutures…

… la nuit du miroir regarde le temps dans ses cendres–

c’est un homme qui tremble …

…  elles apprivoisaient la foudre dans l’équarrissage

d’Icare dans sa chute…

…les tragédiennes au sein blanc sous des murs antiques

percées au flanc …

dans mon pays d’orgueil se dressent des cyprès noirs…

(parenthèse)

nous sommes tous vivants

le bonnet près du cœur

dans les derniers rayons roses

à parler de la foudre froide

et de la mort dans le creux de l’oreille

c’est quasi una fantasia que figuraient les miroir du temps

l’arbre millénaire qui vécut Persépolis et le Palais de Mari

des tombeaux de rois et des déchirures de ciel

et des chevelures d’ombre

les premiers jours du monde qui m’attendaient

dans la droiture d’une force de destin  

(fin de parenthèse)

1 avril 2020

RECHANTS

Brunellette Joliette de ce printemps de mars

le bonheur est en poignée de bleus

rubans nocturnes

que je puise dans les rades du cœur

ce que le vent souffle de paille

sur les courbes des belles de Claude Lejeune

                                         ***

2 avril 2020

c’est la nuit voleuse de cantilène la tête penchée

contre le livre fermé

l’aurifère lever du jour derrière la vitre

la neige tombée

dans des pelures d’aurore bleue

c’est la nuit trébuchant sur le porphyre

de ton sein de statue

à la manière des hanches des villes du Chili

la nuit de cathédrale emblavait le parvis

du mauve des femmes de tragédie

la parole aux bras ouverts

dans l’orfèvrerie des étoiles

ce ne sera demain que le limon

qui porte nos souffles affranchis que le vent amasse

                                         ***

… l’odeur des siècles montée des profondeurs

jusqu’au rostre des vents …

                                         ***

que reste-t-il d’anfractueux à la lisière de la nuit ?

l’usure égarée et l’entrebâillé d’un été mort

l’estuaire vers toi

qu’aiguise

la peau éprise qui vient aux murmures de la bouche

la source caduque

la robe odorante du nuage habitable

                                         ***

11 avril 2020

chair de ma nuit la corolle d’étoiles s’est perdue

d’un seul souffle

d’un poinçon dans l’architecture des astres

et c’est peu dire que le temps pourra tendre

ses ors et ses arcs

et ses détritus de galaxie

l’octandre au cœur comme un dizain hors d’usage

parmi les foudres et les cendres

la gravitation orfèvre des mappemondes

navigatrices

c’est de l’airain et du fusain

des tâches de prunes et de lie de vin

dans de frêles amours à la sanguine

                                         ***

12 avril 2020

demain la neige sera douce et la ville ouverte –

les arbres bleus

des lèvres de ceux qui en avaient baisé l’écorce

et ceux qui naviguent vers leur nuit

de leur visage de bois et de tout ce temps

qui marche sur les yeux fermés du jour

depuis leur neige de paupières tombales

la mort est devenue diluvienne

                                         ***

15 avril 2020

Luigi Nono crevassait un grand soleil tombé d’amour

de pierres qui lapident de cet aujourd’hui de bras

aux paniers pleins chargés d’étoiles

de vergers nouveaux et de vins de rocaille

avec des bonheurs d’étoiles qui s’aiguisent

dans la distance

et des soifs à hauteur de l’éclat du jour

d’une colère minérale de diamant

crispé comme un poing

je baisais sa chevelure

dans ses racines souveraines

de grands volcans endormis

                                         ***

17 avril 2020

dès le premier émoi dans le feuillage de la chair

 c’est la tarentelle

de sortilèges nocturnes et de dentelles

la mort cassée sur les sables

d’une arabesque de monde                                         

d’étoiles

de tombes et de mer

                                         ***

22 avril 2020

nuits anciennes des kabukis 

dans le sourire bleu des poupées

c’est sous le ciel des nos brumes

que se revêtaient les linges nuptiaux

avec des larmes antiques et sur la pierre d’Arcadie

ces mots de mort qu’on ne savait lire

les vagues s’évanouissant plus vite que les paupières

de leurs pas de neige à fendre la mer

                                         ***

serai-je mon propre hasard

la main heureuse 

le dé qui a évanoui les étoiles

du fond des tombes

la queue de paon galactique qui a élu

vers des vents affranchis cette carte de la mort ?

                                         ***

26 avril 2020

Venise est aujourd’hui sans masques

et sans fards

dans l’eau de ses silences

dans le retour de ses pestes

et des Tintoret assombris

dans les vernis brisés de sa lagune

                                         ***

27/28 avril 2020

ce n’était qu’un songe d’aller là-bas vivre

ce goût de grenades andalouses

de terres aux parfums d’oranges

aux larges hanches d’orage

ce n’était que dans la lourdeur des blés

la hache qui tranche des soleils éperdus

et qu’un vieux ciel qui tendait sa gorge

dans un pays de roses

dans ce temps qui brûle

sommeillant de murs blanchis à la chaux

                                         ***

30 avril 2020

je bois le vin de ton sourire pour que la nuit

reste ouverte

pour que les étoiles soient propices

et le carillon des heures ferme la porte du temps

–   fin des Rechants 

C’EST UN TEMPS AU DELA DUQUEL…

DERIVES

4 mai 2020

c’était les dernières notes du concerto avec leurs vagues océanes

qui me nommaient de ces chiffres d’incendie

dans une mort à vouloir l’homme qui marche en avant

celle qui me connaissait joue contre joue comme modelée

de moi

et que je faisais naître

d’un concerto à quatre mains

de ce visage dans l’autre part du silence

d’une érosion  

jusqu’à la pierre rendue aux sables

de s’épuiser dans la métaphysique du désir

en ce  miroir en bémol où le visage se dissout

chercheurs d’or à l’aurifère fossile

comme une pluie d’aurore mal remerciée

l’amour est tombé sur des notes égrenées

                                        ***

5-7 mai 2020

ce matin le ciel exhalait les nudités de la femme

dans son torse de meringue

de millefeuilles de chantefleurs et chantefables

d’un désir des fonds de la poitrine

comme un air de Tosca

et de ce qui reste de fureurs panthéistes

de ces arbres qui sortent de la poitrine

… l’Occident décati porte les vareuses de sa superbe

dans le sang désuni-

dans le rasoir pour la sciure …

en robe de mendiance

l’humanité est une inertie en révolte

l’humanité est une viande à rancir

mais où s’incarnent ceux qui louèrent le soleil ?

                                  ***

8 mai 2020

que nous dérivions dans des barques de ténèbres

d’éclats et de torsions de diamants

c’est dans l’orphique de la fusion

de sang circulant

mon amour à la bouche de pourpres

de coquelicots de carmin

que perlent ces nuits de Mai

sous la gorge des renaissances

nos bras chargés de dieux d’argile

la nuit disparaissant comme nous

dormir dans des rosées lourdes

sous un soleil sans paupière

                                        ***

nourrir l’espace de nos cloches

paver les brasiers

gouverner les enclumes

et les enclaves des mondes

à la raison de la pierre

l’humanité est sur le pôle des grands brûlants

l’humanité est la clameur des grands gisants

l’héritage fantôme des vivants

                                        ***

10 mai 2020

il serait doux de taire

un nocturne pour jeux

qui ne dit de parole

qui n’a de rivage

qui n’a de visage

qui ne dit sa plainte

colline évanouie

murmurée de silence

une Brantôme enserrée de sa rivière

                                        ***

12-13 mai 2020

évanouis et morts maintenant

cuirassés de nuit

houppelandés qu’ils allaient

vers des figurines de haut clocher

les yeux aux étoiles

pour un portail au delà duquel le seuil…

parvenus à l’obscur sur un miroir de deuil

                                        ***

L’AUTRE MOITIE DE MES REVES EST A MOI

                                        ***

15 mai 2020

nuit très antique à battre d’un cœur détrôné

ton massif d’étoiles

de femme qui chavire

qui bat de chaconne la face ombrée du temps

avec le visage glabre des bronzes

la matité et les métamorphoses de la pierre

ma sœur à songer à ces ciels sans dieu

ces labours sans flambeau

sertissant la douleur quand la nuit crispe

aux cataractes

à la chute de la mer

je porte racine

à la clarté neuve de tes ombres

                                        ***

18 mai 2020

ce qui essaime de poésie dans les crinières

les chevelures

et les sillages de vent et d’oiseaux

c’est la vie promise

la courbe de hanche et le cœur qui brûle

les estuaires et les rechants

                         vers les hauts de la mer

je n’ai de goût pour l’humanité

– de ces mains de pègre

de veines antérieures

de vieux faucon

j’ai de l’humain jusqu’aux fonds

des âges de sang

jusqu’aux dents en héritage

de morsures

à chanter des géorgiques abolies –

                                        ***

19 mai 2020

—– Les Calligrammes d’Apollinaire séduisent parce que les dessins de son écriture sont comme descendus de la main d’un enfant de ciel —–

L’atelier des poètes :

dans la chute de la mer avec le visage de la mort

trope 1

(l’endormissement)( dans son seuil)

(d’une nuit très antique)( à battre d’un cœur détrôné)

trope 2

(paupières closes)( il avait cessé d’aimer)

constellation 1

dans la chute de la mer

l’endormissement d’une nuit très antique

il avait cessé d’aimer avec le visage de la mort

dans son seuil

paupières closes à battre d’un cœur détrôné

constellation 2

paupières closes dans la chute de la    mer

avec le visage de la mort

à battre d’un cœur détrôné

l’endormissement d’une nuit très antique

dans son seuil

– il avait cessé d’aimer

Manquent les miroirs infléchis

(hommage simple à l’écriture des variations de la Troisième Sonate de Pierre Boulez-)

                                        ***

21-22 mai 2020

mille cris d’oiseaux et tant de marches vers le ciel

dans la forêt des grands ormes il est un espace cubiste

qui organise les désordres

de ton visage de cristal

Louis le Débonnaire ajustait la réalité à la pointe du couteau

Louis même le Pieux du haut des moulins

sur toutes nos géorgiques

ajustait au texte veuf la lyre à venir

et le vent des déserts pour souffler des palmeraies

                                        ***

23 mai 2020

ma vie est jalonnée d’une infinie tranchée de stèles

de totems aux racines d’un silence immémorial

de paroles qui ont porté

de stèles qui ont aidé à méditer les naufrages

c’est le lit échylien des chœurs à la page affranchie

et sourde

aux palimpsestes graves dans ma bouche de rocaille

aux répons irradiants d’un verbe proliféré

stèles de maçonneries antiques et d’oracles

aux bouches descellées

de stèles de couleurs percluses des écumes de Délos

de raison barbare revenue au survivre

et aux abois

ma vie est jalonnée du plus haut de ma colline

comme de cressons d’une source bleue

de nombres d’or crépusculaires

 

des tragédiennes de vérités arythmiques

j’ai bu la source et l’ambre

jalonnée de stèles ma vie de rechants et de ciels jaunis

dans des palmeraies d’enfance

de harangues de soleil où la mort ne trépasse pas

l’ombre devenue

comme un futur antérieur

de lèvres de baiser au sépulcre

                                        ***

24-25 mai 2020

de toutes les couleurs de la pluie

rentrées en semailles

les polyphonies du vitrail

la mise en tresse de la lumière

venaient au vent et à la cendre

à l’ajour de la nuit qui s’étoile

                                        ***

mais quels sont ces fantômes

qui se lisent au fond des verres ?

les arpèges de la chair étoilaient

un temps venu se dissoudre

que font donc ces fantômes

qui se hissent du haut des zincs ?

                                        ***

31 mai 2020

ce monde clos est sans raison ce monde finissant

abat ses cartes à la face nord

des djebels et des nuits barbares

avec des hallebardes d’orage

riverain de la mer

de cendres et de tumultes

de lames de fonds sous scellés

je griffonnais sur la porte des tempêtes

à pleines pages de vieux désastres

à pleins bras de livres mes gerçures d’inquiétude

                                        ***

des labours et des sillons passent

le temps s’égrène dans la montée des étoiles

… c’est le sang des astres qui chante le velours de la terre …

MORIMUR

« nascentes morimur finisque ad origine pendet »

(la mort dépend de l’instant qui nous a vu naître)

          -Jean  Dorat-

                                                                              

3 juin 2020

lorsque nos aurores furent devenues ladres

je me suis nourri de mes ombres

                                        ***                            

5 juin 2020

POESIE MANŒUVRE

elle respirait le brasier de mes silences

              … à défricher la pierre

         à sculpter le cristal

                   et les puits sans fonds 

…à cerner l’étoile

    depuis la nuit respirable

… à traverser la forêt atonale

                          de mes poumons

les tuiles roses  

de ma mémoire

de source d’herbe foulée

comme aux lèvres aux outrances de l’été

d’un même équateur aux horizons aigus

c’était joue contre joue

le port de cygne que dressait un infini

                                        ***

6 juin 2020

le vent a mis à nu les plaies et les roses

et les épopées temporelles

que du jardin aujourd’hui vieilli

on ne vit

derrière les tombes et les peupliers

passer l’ombre de Ronsard

                                        ***

9 juin 2020

il n’y a pas de pensée pure non corrompue

                                        ***

10 juin 2020

NAGORI – la question était « verrais-je encore un autre

printemps ? » un tumulte de cerisiers

encore attaché à moi ?

ce « reste de mes vagues »

dont se défait la peau neuve de l’éternité

***********************************                                    

les couteaux comme les ailes de la nuit

foulaient les blés

et les champs aux corbeaux

aiguisaient de silence

leur marche de mort

émondait leur vieux monde  

à l’arme blanche

de cavalier d’apocalypse

                                        ***

14 juin 2020

les confins étoilés meurent-ils lumineux

traînant des drapés de nuit d’outrenoir

en une mathématique de l’errance ?

est-ce que nous serons chez nous sidéraux

aux silences assourdissants

aux sources de l’errance ?

éprise et enclose je tisse la parole cachée

d’une bouche fantôme

d’une lucidité ombrée

la métaphore de lumière

je creuse au stylet la voix

les tragédiennes

à l’errance tachées de rouge

                                        ***

15 juin 2020

comme les jivaros avec la tête de l’homme

je m’en allais réduire l’urne de ma mère

de ses cendres aux derniers sables

à la fin de l’estuaire

du bout de mes doigts venait

une grande densité de nuit

                                        ***

mes nuits passaient aux étoiles sur des cargos de brume

à drainer des voyages d’hiver maintenant leur cap

et leurs cartographies lyriques

Echouée

ma douleur jetait l’ancre sur des abysses abolis

cornait de sa brume de sable blême

une lassitude de vaisseau fantôme

                                        ***

mon manteau de poussière

portait le poids de nos adieux

                                        ***

16 juin 2020

les yeux tournés vers les murailles de l’errance

j’imaginais des géométries d’inexistence

                                        ***

17 juin 2020

demain est en flammes

                                        ***

18 juin 2020

où sont ces filles  que j’ai tant pillées de mes désirs ?

                                        ***

21 juin 2020

le futur nous as consumés

                                        ***

la création du monde est dans l’inachèvement

d’une beauté

longue à dénuder

d’une bouche amère

d’un vieux concerto

qui parle d’Atacama

c’est le grand gong qui inaugure le temps

c’est l’enfance tout au bout qui vient à la fin

                                        ***

23 juin 2020

MAISON USHER  (chanson)

bleu de ma nuit

d’où vient encore

celle qui endort

un temps qui fuit

nuit qui lui nuit

lézardée d’or

de toute une pluie

d’ange et de mort

23 juin 2020

rien ne me sépare de la mer

j’entends la conque sur les sables

qui me parle encore à l’oreille

de nos abysses béants de cathédrales

                                        ***

26 juin 2020 (nuit)

… du chant de la terre nous venons du chant de la terre

… je suis né dans une symphonie de monde de cris du monde

un chant de la terre d’où venaient ceux d’un chant de chant

de ceux creusés au chant de la terre

du chant de la terre d’avant ceux venant d’un chant d’un cri

dont j’abrite cellulaire une prison de milliards de fantômes

                                        ***

L’idée de la mort a passé ce matin à la lumière vive puis s’est diluée avec mes pas sur l’asphalte. C’était un corridor qui battait entre les tempes à la beauté de sanguine d’une eau de torrent qui finirait à l’estuaire au débouché de l’oiseau-lyre et d’autres goélands porteurs de lilas d’hiver. Il n’était plus question d’angoisse en ce matin neuf de beauté haletante. Je me savais en débandade et je m’étais séparé de la mer. Sur les grands bitumes bleuis les vagues sont devenues lourdes aux semelles. Portant incandescent les plus purs cadavres exquis, il sera bien temps de suivre les albatros.

                                        ***

28 juin 2020

connaissance par les gouffres oriflammes de failles

et de couteaux sur les plaies

à sanctifier la foudre

ma conscience est élargie aux clous des vanités

de grandes orgues

le mal ravivé houppelandé de brumes

de maux circonstanciés et du bleu d’un ciel

du fond des yeux

de ses diamants de soleil

je vis l’aurore poindre d’une robe blanche

qui montait désunie à la pointe des vagues

« RESONANCES ERRANTES »

2 juillet 2020

c’est la neige qui vient peindre les coteaux les vignes

les flancs et les galbes qui s’affament

dans la cécité des jours finis

dans les porches de la mémoire

c’est la métaphysique de la pierre

comme autant d’épaules rivées

à l’acier

à l’enclume de leur voyage d’hiver

de mansarde à angles aiguës

de ce ciel qui penche

de nous démunis

dans le tuilé de nos désir

                                        ***

6 juillet 2020

J’avais les peupliers au bord des lèvres d’une joie qui dissout ces longs chemins longeant de mes sommeils un matin venait sur la faille de San Andreas et les temps ont été révolus je cherchais l’érection des brisants la chapelle Sixtine le doigt de dieu vers Adam comme autant de vanités baroques d’un cœur du bout des lèvres j’ai cédé à l’ombre et ce sont les pierres équarries qui nous ont gardés au caveau dessinant les lois avec les ongles sur les marbres le sculpté de l’immobile sans qu’il n’y ait plus la peur les vaisseaux étaient des arches de véritables caravelles la douleur donnera la sagesse d’accepter la mort l’endorphine les ciseaux passeront avec les vivants les césures de bleu les griffures de banquise la riflette des jours de mort caressante

                                        ***

 DEJA  2020

Paul, Grindel,

nous avons la liberté de ne plus croire à rien

nous avons la liberté de n’aimer que la mort

nous avons la liberté de ne plus mourir

nous avons la liberté de démolir les idoles

nous avons la liberté de désapprendre

nous avons la liberté de désobéir

nous avons la liberté de changer le sens des mots

nous avons la liberté de déstatufier

nous avons la liberté d’éradiquer Christophe Colomb

nous avons la liberté de renier John Ford

nous avons la liberté de nous repentir

nous avons la liberté de nous taire

nous avons la liberté d’accepter le bâillon

nous avons la liberté de faire taire l’Histoire

nous avons la liberté de connaître les années trente

nous avons la liberté de faire parler l’Histoire

nous avons la liberté de couper l’Histoire aux ciseaux

nous avons la liberté de l’Histoire noir et blanc

nous avons la liberté de l’Histoire de couleurs

nous avons la liberté de n’avoir pas d’avenir

nous avons la liberté de mettre des masques

nous avons la liberté de toutes les censures

nous avons aujourd’hui la liberté

de ne plus écrire ton nom

nous avons la liberté de nous rendre

nous avons la liberté de nous dépouiller

nous avons la liberté de déposer les armes

la liberté libre de devoir apprendre aujourd’hui

férocement

à vivre côte à côte

à vivre demain face à face

                                        ***

21 juillet 2020

frappant à l’enclume … au feu brûlant :

la vérité c’est le mensonge

                                        ***

22 juillet 2020

Morimur la douleur étroite

la lézarde qui achève

sur la seule nuit qui ne dit plus ses ombres

                                        ***

23 juillet 2020

déjà naître théâtre d’étoiles

                                        ***

ce qui ferme le ciel derrières les amarres

… le scalpel à l’ouvrage des douleurs

                                        ***

ma tristesse n’est pas un piano au bord des possibles

                                        ***

derrière une poitrine de femme prennent voiles

les sangs froids à la corniche rebondie des chœurs

                                        ***

restons la sentinelle de longue vue

l’abat-jour levé qui cligne aux mors

des vents de soleil

                                        ***

comme le silence au plus beau hennissement de la nuit

                                        ***

le temps a compté l’orgueil de mes vertèbres

                                        ***

24 juillet 2020

l’enterrement se faisait aux roses

la chair allait renaître

                                        ***

Les colonnes de Sélinonte léchées de nuit et de jour

                                        ***

la pierre ne salive que par humilité

dans les brouillards

les tendretés de sa nudité

                                        ***

la création des bangs portent quelques barbes avancées

                                        ***

l’idée de l’amour est par réciprocité palindrome des illusions

                                        ***

la mer bambocheuse de mes naufrages

                                        ***

les arbres comme nos ivresses de vignes indiquent ce qui oriente de terre

de brûlure

de ciel

de toi

                                      

26 juillet 2020

*************************************************

NUIT D’EL GRECO     (Prélude)

nuits de Tolède aux torches oblongues

de Renaissance languissant

rhizome de lumière

de foudre sur la nuit

Greco j’entendais l’ourdi fabuleux aux mains de prophètes

l’exil chavirant les murs de Saint Tomé 

à l’abdication de la mort les apôtres et les anges

dans le délivrant cimetière de terre brûlée

les mains aux langues de feu de Pentecôte

j’entendais la foudre dans les cavités solaires

de la nuit tolédane

le mauvais bronze de Cervantès

l’ensevelissement du seigneur d’Orgaz

le pont sur le Tage

le safran de la terre qui sent le parfum des houles

aux arêtes brûlantes des murs de Saint Thomas

les torréfactions de vieilles angoisses

les meurtrières nidifiées d’oiseaux à faire surgir

des oraisons angulaires et désespérées

des minarets de pierre et d’eau rare

dans les crénelures

les dagues et les collerettes de l’esprit

je buvais depuis le jour l’azur dans ses dents d’escaliers

à la fierté qui menait la foudre et les sources naissantes

**********************************************                             

28 juillet 2020

c’est toujours moi dans le corps du texte où la nuit respire le monde

je n’ai pas de réponse à la peur

si ce n’est une valse livide une plaine d’Espagne

qui déchire le vent guttural les moulins de l’errance

avec sous la langue le goût du naufrage

                                        ***

comment phaëtonner le soleil empirique

sous le mors d’une langue de fer

l’expérience des gouffres avec le ciel

qui boit nos ombres du bout des lèvres ?

                                        ***

c’est le vent de la sépulture l’oracle

                                        ***

à rester ainsi la béance dans le creux de l’espérance

                                        ***

comment aujourd’hui aller à Patmos restaurer l’écume

sur des fugues à plusieurs voix ?

                                        ***

ton ventre n’a pas tremblé dans les éboulis de la terre

                                        ***

30 juillet 2020

de leur voix de forge

des entropies du blé coupé

de l’été  qui martèle

ce sont les faenas de la mort qui dictent la morsure du désir

                                      

NUITS D’ EL GRECO

5 août 2020

et il y avait de la fureur tolédane…

-la nuit dans sa houppelande de muraille

d’ombre et d’épées-

que grandissaient des Greco de mysticité

avec des  mains de Pentecôte

des mains de lyres

irisant de blancheur la ville dans l’ocre et la pierraille

                                        ***

… c’était des mers de blé

                                avec nos âmes en archipel …

c’était les terres de juillet

c’était de vieilles forteresses de Castille

de vieux chants de lapis lazzuli

rossinant

qui faisaient tourner les moulins de l’errance

                                        ***

faut-il mériter l’aveuglement

le néant qui envahit ?

les vagues ont croulé

les murs aussi

dans l’âge des raisons

jusqu’à l’oubli des cendres

avec les assauts de la nuit

fallait-il les yeux d’Œdipe ?

                                        ***

10/12 août 2020

c’est avec un fond d’agonie que le poète s’en va

d’une âme chargée de brumes

derrière les lézardes

l’herbe haute

et le cœur converti

                                        ***

cet aujourd’hui des ombres sur le miroir

                                        ***

13 août 2020

(d’une nuit adagio)

les rêves décalquaient les lendemains de nos certitudes

sous l’asphyxie du dernier lit d’hôpital

je t’aimais au bout de la corde

ma harpiste avait les lèvres d’un matin métis

tout ce que j’écris de la Scuola San Rocco

… de ma vie qui fane

depuis ces chambres qui franchissent le fil du rasoir

ces déhanchés de nos ruines

                                               avec l’or des goélands

le temps qui ausculte ce crevé des rivières qui nous oublient

désincarnée la mort avait de toutes ses dents le cœur au marteau

                                      

14-18 août 2020

REQUIEM DE POCHE POUR DISPARITIONS EPHEMERES

femme météorique dans des mains condottiere

de nuit gutturale comme une pluie rauque

roquant de talons hauts

sur les damiers d’une ville nue

vierge éplorée

                                       

l’angoisse originelle montait les marches du temps

à l’ombre de mes tombeaux

                            

lentement dans les alvéoles des palais d’abeilles

au jauni des murs de pains d’épices

des crénelures

des oiseaux

des vanités

au pied des murailles

de vifs couteaux

mauresques d’haleine

au souffle patient des poutre pourries

des coulées et des griffes de Greco sur le haut du Tage

                                                                                                              

de tous mes voyages sans valises les mains dans leurs poings

jusque dans les fonds du crâne

sur la mappemonde d’entre les murs pour horizons

la vision du temps avait les couleurs pointues

des crayons sur la page blanche

des trompettes de requiem sur la fin des ténèbres

je m’endormais sur ces sommeils d’étoiles

dans les nuits lourdes du silence bleu

d’un cœur arythmique

de nos prisons de raisons les foudres d’avenir descendaient sur la ville

                                        ***

20 août 2020

les raucités jaunies de la sculpture et de la glaise

laissaient voir les naufragés implorant

qui tombèrent d’une lame froide

comme les vagues d’Atlantique

dans le décati des sables noirs

et des phares

dans l’irrévérence du temps

                                        ***

de tout le cœur de nos tremblements

à gésir

de mort qui ne meure pas

ces appels haletants de sirènes

comme des parfum de voiles sur mes blessures

d’un verbe que j’ai porté à bout de parole

                                        ***

27 août 2020

le néant est un miroir face à son jumeau

                                        ***

mon cœur d’aveugle a la douceur de tous mes morts

                                        ***

28 août 2020

la ville à pleine voile

     les résurgences de ses ruines

où la pierre brûle longtemps sous la caresse

et les ombres mauves de ses soldats d’acier

la ville à pleine voile caillassant

comme un cœur qui bat

                                        ***

30 août 2020

dans les dessins d’enfant il y a toujours des arcs en ciel

des ratures sur le jour

des cheveux de gorgone

aux fenêtres plus muette

au croisillon de l’âme des persiennes

                                        ***

turquoises de Verdon

  mémoire débrisée

le temps serait venu de vaincre à cru

mes vertiges boréales

metaphysique de la pierre

NUITS D’ EL GRECO II

1 septembre 2020

dans l’ombre qui descend je foule le fantôme de trésors

qui me désespèrent

de cendre et de monde aveugle

de leçons d’amour et de violence

                                         ***

il pourrait neiger des voyages d’hiver

de ces cœurs malades et chastes

dans des vallons qui dorment

                                         ***

c’est le vent qui crisse sur les pontons de l’azur

la mer qui broie le jour qui s’en va

les nus et les morts

leurs chemises blanches au vent

la lumière nue

à la circulaire agonie de la gravitation

                                         ***

2 septembre 2020

ébouli de masse de nuit quand se ferment

les portes sur la peur

les mondes finissent leur course

les ciels zébrent de foudre leur fatigue

de ce torturant soleil qui s’éteint

                                         ***

3 septembre 2020

le bleu se heurte à l’asphalte à l’azur bien sûr

le bleu n’est donc que ce que je vois dans tes yeux

bleu océan bleu des espaces profonds

des abîmes

des Greco de milles manières du bitume

de ses manteaux de vierges

bleu de ces bleus que je laisse toujours

de mes doigts sur les pages blanches

des notes bleues

qu’on dit de Chopin

ce bleu de silence

sur les petits poings fermés de tes sommeils

                                         ***

je sens dans ma main le froid des étoiles

                                         ***

ce n’est plus qu’un plissement  de bleu aux cimaises

des oubliettes

                                         ***

J’ai crié au plus fragile des cerneaux de la nuit

l’intelligence du vent sur les solitudes

des trottoirs

                                         ***

j’élargis le temps des jours qui s’en vont

pour y survivre

                                         ***

dans ces boutures de soleils viennent les pierres

les asphyxies qui équarrissent

et les vents qui tremblent jusqu’aux coutures des mappemondes

                                         ***

je reste loin de mon ombre

Dieu n’est plus à l’abri

                                         ***

à crisser sur les murs les mûres flanquées

de murmures 

la violence de la terre immobile

l’arrogance des temps à la castagne

de closeries debout dans le vent

                                         ***

le souffle pour le souffle comme un offertoire du temps

                                         ***

je ferme le périmètre des myriades de mes étoiles,

des millimètres qui m’environnent

                                         ***

l’austérité du verbe

la bouche dénudée

le vêtement pourpre

                                         ***

4 septembre 2020

le monde venait comme un corps après moi

                                         ***

ma chambre est ouverte sur la mer qui m’est fidèle

                                         ***

la pesanteur me quittait comme sur les pierres

et le hasard disjoint

le vent souffle

                                         ***

j’ai broyé des paroles sur le vent vif

des murailles sur la poitrine

des gangues

des failles de ce temps respiré

ce bleu de tout au fond des mers

cette férocité des éclats de la nuit

                                        ***

je m’implique dans ces meules d’été

le visage oint de lumière

                                         ***

J’avais bu sur des lèvres fécondes

                                         ***

derrière les trous du ciel chez les vivants

                                         ***

la théorie du chou-fleur la page blanche fractale

l’angoisse

                                         ***

J’avais pris le temps viscéral

l’excavation de mes montagnes

… de percevoir le natal

l’écorché du temps et l’eau immobile

                                         ***

je peins depuis toujours les ciels de tes cils

                                         ***

les lèvres sur moi libres comme l’air

                                         ***

nos cœurs rapprochés à fendre les vagues…

les hanches taillés dans les découpes de la glace

aux pourpoints des désirs

                                         ***

l’enclos grandi par ces espaces de notre neige

l’haleine en sursis

                                         ***

dans les déchirures de la dérive

mors sûr aux morts dans la fracture

les schismes

la rocaille des ténèbres

« que voulais-tu de moi dans ces chemins de soif »

être la voilure  la pierre qui reste

                                         ***

dans l’Andalus je passais obscur dans la langue morte des aigles

                                         ***

je prends la blancheur à la lame blanche à devenir aveugle

l’haleine aride sur la pierre…

la limpidité de la mort à Délos

                                         ***

des ruines à franchir pierre à pierre

                                         ***

John Cage disait « sans la beauté il y a quoi ? »

l’artifice- la main du hasard- le baiser de Dieu

                                         ***

Portugal de Braga Santos de Freitas Branco

la soif de leurs horizons

                                         ***

je meurs à la source

tari, nu, à la caillasse…

au plus fort du désert le temps s’aveugle

tu me vois comme une lune un paradigme

un Picasso

un morceau de jour

                                         ***

je viens d’où j’ai disparu …

                                         ***

7 septembre 2020

tes yeux avec les miens …

je frappais au marteau

l’inhumaine éternité du ciel

                                         ***

la ville avait ses capuchons de tuiles

le chapeauté de ses beautés

de ses eaux de ses saints

j’y venais me poser à l’ombre des pierres

et de l’immortalité rejointe

                                         ***

… de cette mort que le jour a creusé…

                                         ***

la neige lourde l’ivoire

                                     des fragments de temps immobiles

                                         ***

la blancheur s’inscrit dans tous les ciels

sur la douleur

et la cassure des étoiles

l’eau vivante qui tient debout

                                         ***

le temps nous expatrie d’angoisse en angoisse

                                         ***

l’échelle vers le ciel jusqu’à désaltérer

                                        

les pampres du ciel

vers tes lèvres qui remuent

comme un jour qui se lève

                                         ***

mon espace respire de tous les vents sur les marteaux

de la douleur

les fleurs

les pierres roides et fractales

d’une jouissance de pavot

                                         ***

l’enjeu est le ciel -la basse fosse -l’oubli- les étoiles …

                                         ***

longeant les parois barbelées de l’azur

                                         ***

10 septembre 2020

de ces marteaux qui frappent  de neige les murs

à fendre de froid

ta bouche me parlait de traces anciennes

                                         ***

j’ai écrit sur les murs combien…

le soleil seul

en rendra les écailles

                                         ***

… l’eau pénétrait la soif jusqu’au désert du désir…

                                         ***

le seuil de la montagne au heurtoir de mes échos

                                         ***

l’inhabitable se dissipe

m’adossant au seuil

des sources

                                        ***

ce matin m’éveillant la bibliothèque présentait le Victor Hugo

des Contemplations la tête dans sa barbe à l’envers

était-ce :

1. le début d’une enquête policière

2. un vœu posthume de l’auteur

3. une nuit de somnambule

4. une jalousie d’Aragon ?

                 ***

11 septembre 2020

c’est la parole naissante

le serpent féroce de la langue

l’acier et l’arabesque des séductions

la guillotine qui divise

le cri du glacier avec les palabres froides de nos lèvres

                                         ***

c’était hier « le baiser de Rodin »

sur l’esplanade des feuilles mortes

de ce vent qui meure susurrant

au pied du mur adossé  la lumière de Paris

                                         ***

13 septembre 2020

limpidité des pierres dans leur manteau de solitude

elles ne savent mentir l’haleine de leur hiver

                                         ***

Etre la voilure, le chœur du large

mes amours avaient épuisé le bleu des failles

mes ciels torrentiels le cœur timonier

                                         ***

cette nuit la montagne hisse les lèvres de la neige

à ma hauteur

                                         ***

le cor dans la forêt de la nuit oblongue

je chevauchais ces chasses qui courent

aux babines des soifs

à l’indifférence qui respire

la nuit s’était rouverte confondue au sceau du temps

à la neige meurtrie de nos pas qui finissent

                                         ***

je lisse les voix du velours

du temps bleui de toi et moi

je te viens aux pieds

à la jouvence morte

au versant revenu au vent

à la déchirure du grain qui meurt

                             ***

la forêt les félidés et les albatros

comme sur les horizons qui meurent

je bois tes lèvres fraîchies

dans le tremblement de toi

des demains nuits après nuits

dans le bruit des eaux au cœur continument désespéré

je tanguerai sur le pont des navires

tous les bleuissements de l’île de Naxos

                                         ***

ce que je deviens demain de chemin que tu traces

à drainer les sables… les nuits… les origines

ce qui

           dans le gouffre

                                    reprend souffle…

de l’eau sourde… la matrice

                                         ***

les cyprès dans les parages du ciel 

respiraient d’un air neuf

sur la nappe nocturne

à me dissoudre dans la peinture des étoiles

                                         ***

23 septembre 2020

… ma vie mortelle du bleu de son ciel qui s’aveugle

                                         ***

la plasticité de mes paroles

-disait-elle-

leur monstruosité

« est là où tu n’es plus architecte »

… la prochaine fois je viserai le cœur

                                         ***

dans l’insolvable des eaux qui nous dissolvent

nous avions le visage de la ravine

mes mains restent pour la fragilité de ta soif

                                         ***

Château de Tournoël à la rudesse qui maçonne le vent

comme un empire

                                         ***

ce qui serait plutôt de ce vent d’hier

qui serait de mon Auvergne d’hiver

ma douleur bleue de tuiles

mes couleurs de temps et de pierre

c’est juste du basalte

un vallonnement de cantique

où vivre les brisures de terres étoilées

                                         ***

24 septembre 2020

…les traces des origines se sont perdues

                                la pierre en témoigne

la naissance entre dans ses traits de fracture

du monde et moi

le ciel témoigne du bleu de ses désastres

l’humilité a la blancheur droite

                                         ***

26 septembre 2020

nos tentations du sublime font parfois oublier les prisons de la chair

                                         ***

je traverse la neige les étoiles peintes

du bleu de ces bonheurs

dans les haltes du temps

je nous vois depuis les foudres des nuits dénudées

avec la chair du ciel qui décolore –

-l’errance à recoudre le monde-

                                         ***

emmurés de murs murmurant

      de pierre de vieille métaphysique

à l’archivolte et à la flèche qui montre la solitude

sur les jours bourrus

et les girouettes écrêtées

                                       ***

nos blessures se sont fossilisées

                                         ***

je ne crois pas en Dieu mais il me fascine

                                         ***

j’ai vécu dans la fragilité qui m’a été impartie

la vie des empires

                                         ***

c’est de ces orthodoxies des blessures que nous avions pris les navires

les douleurs oubliées

Naxos la bleue et blanche

les stabat estoniens pour l’exil de nos cœurs

et les chœurs sous d’autres voûtes d’espérances

                                         ***

pour L, pour ses yeux noirs d’avenir

à l’aimer

 

à toujours dans son cœur

un fermoir souriant de souvenir

                                         ***

ET QUE NULLE ETOILE SUR NOUS

1 octobre 2020

les racines à force de persévérance

de framboises dans les mains de mon petit fils

de cercles dans le ciel infini

de mois et de saisons

viendront telle une épée dans un champ de soleil

fermer mes paupières

                                         ***

je reste la nuit une dentelle de poète un chemin

inaccessible

un océan immobile

à la profondeur du mouvement de tes bras

là où le ciel se perd dans le silence de ses étoiles

                                         ***

l’homme et la femme se seraient rencontrés dans la foudre

                                         ***

j’ai perdu le ciel

le nom même de ses espaces

       qui nous renvoient

                            au lit blême de la mère

                                         ***

conspuant le temps l’espace à tricoter

                                         ***

du haut de la ville d’Ys

du fer du couteau

la lumière sonnait le glas

                                         ***

des arbres sans moines et sans misères

sans fantômes et sans assises

ces soleils obscurs du plus loin

des jardins qui nous hantent

                                         ***

la nuit légale

le croc du boucher

l’heure nue de la solitude

la nuit suspecte la balafre obscure

                                         ***    

2 octobre 2020

donnez nous un vin à quatorze degrés

                                              un domaine sous les ormes

l’abbaye de Fontfroide aux portiques des Pyrénées

les sables et le vent où gésir sur les dunes d’une femme

qui demeure

nous avions toujours cru à l’au-delà du naufrage

                                         ***

les perles de tes larmes L

te viennent d’un monde où tu t’éveilles

                                         ***

3 octobre 2020

l’azur a plié ses multiples infinis ses nymphéas

sur l’air que nous respirons

tout crayons de couleurs déployés

le mauve de son couchant dans les livrées du ciel

                                         ***

ceux qui disparaissent perdent toujours progressivement

le goût de l’herbe ancienne

                                         ***

je bois le corpus de la terre

l’enivrante vigne de toutes les soifs

des labours et des sillons

qu’interdisent les ferrures du ciel

                                         ***

4 octobre 2020

Complainte 1

Léa Désambré au vent fol

de foudre et de bras nus                                        

de luths et de théorbes       

mezzo de paille fraîche

litière de peau brune

qu’étoilait hier

une nuit de Maguelone

Complainte 2

dans les Troyens de Berlioz

de drames et de javelines

sur les sables de Carthage

Didon regarde encore

aux rivages

faner les pétales de ses roses

                                         ***

Giotto jetait ses polychromies sur les murs d’ombre

de Toscane sur la colline avec les angelots

sans orage

la tonsure de moinillons aux bures polyphoniques

                                         ***

l’ontologique oublie les amours anciennes

                                         ***

portant le deuil des êtres et des choses, Masaccio

et Monteverdi, sur les marches des lyres

l’aggiortamento des êtres et des choses

le charruage du fond des poitrines

 

à n’en pas finir

de fendre l’amande

de nos jours immobiles

comme les filigranes de nos amarres

                                         ***

d’un trait de vin la nuit s’augmente sur nos fronts d’étoiles

battant la campagne

                                         ***

7 octobre 2020

les ciels avaient été comme labourés

les paupières décloses

le souffle d’une nuit zébrée

dans la ville de Gréco

comme cavalier qui ordonne la foudre

décachetée du dernier sceau

la peur ne nous empêchait plus de contempler

l’incendie du jour

                                         ***

8 octobre 2020

le lent progrès dans l’épaisseur du ciel

ce trou sommital à la vareuse

de l’harmonie des sphères

… peut-être le visage qui est le notre

                                       ***

9 octobre 2020

derrière les volets l’été s’en est allé

nous n’avions qu’écarté le retour

de bouffées d’or des feuilles mortes

aux approches de l’orage je m’en étais allé

vers le vent des femmes les fenêtres affranchies

qui soufflent ce silence de surdité

d’un temps qui guérirait

                                         ***

… cette raucité tranchée de soleil

                                         ***

de ce troisième acte de l’Orfeo,  parle –t-on bien

de « cette horreur de mort » ?

                                         ***

10 octobre 2020

je déchiffre la nuit toute la lune

                                         ***

mon sommeil est une mort de tous les jours

j’étreins l’ombre que fait la pierre

dans la clarté aveuglante                                            

de nos pas inachevés

                                         ***

le soleil nous quittera par vagues par éboulis

de clarté

… comme tronçonnées…

d’une nudité de monde quand vient le soir

que Verlaine disait de ce grand sommeil noir

                                         ***

la nuit je dissimule ces espaces noirs de temps qui font clarté de lune sur mon front, mes paupières…

                                         ***

13 octobre 2020

j’ai le tutoiement facile à moudre le pavot

des paroles en graines

jusqu’à sa fragilité de coquelicots

                                         ***

Le violoniste à qui on avait prêté l’instrument sur lequel Mozart avait joué ses propres concertos disait : « je l’apprivoise lentement, il sort des sons depuis ce printemps qu’il n’aurait pas osé il y a peu encore »

                                         ***

c’est dans la bouche du jeune arbre

que le vent étreint à se griffer

la reverdie du feuillage neuf

                                         ***

comment aurai-je perdu la mémoire de ce matin où elle brodait à l’aiguille sur la poche du cœur nos deux initiales ?

                                         ***

le vent s’était fait complice de l’incendie surgi

du fond d’une prométhéenne rancœur

                                         ***

j’entendais du plus loin des failles de la colline

crisser le vent en faux-bourdon répéter

les paroles giboyeuses d’une lumière  ancienne

                                         ***

14 octobre 2020

mes livres sont des arbres partis dans la nuit

dans leur néant

leurs feuilles prirent le temps de la réflexion

maintenant rangées et numérotées

comme elles étaient prises dans la braises de leur automne

elles accouchèrent de l’Enfer de Dante

et avec des pensées effeuillées les pages nouvelles

croissaient déjà invisibles

du fond de la terre comme des voix enracinées

                                         ***

le temps traversait des amours éphémères de coquelicot qui tremble

                                         ***

16 octobre 2020

des tessons de vents viennent sur nos fronts

comme autant de plis sur nos angoisses

de dentelles de nuit

comme une aridité dans l’heure bleuie

                                         ***

nous resterons infinis malgré les vieux linceuls de la nuit massive

                                         ***

18 octobre 2020

ne transmettre que l’ombre des pas de ceux qui m’ont précédé…

                                         ***

elle est toujours l’aurore qui respire en moi

…  de nos jours parallèles …

depuis les balcons qui regardent le ciel

l’acte III de l’Orféo

    les commencements de l’opéra-

-les enfers qui regardent vers la glaise-

nos épicentres de désir

                                         ***

19 octobre 2020

comment imaginer si tu n’étais une vérité élargie

un chemin d’orgue sur un sillon incendiaire ?

                                         ***

les béatitudes de l’Angelico reviennent

telles des cloches lointaines

les ors et les brûlures

les douleurs de la croix les paradis appris

la mort jaunie comme des dents de crépuscules

                                         ***

je suis dans la mosaïque de mon visage multiple

fragmenté de dessein de mort

                                         ***

l’hérédité du temps les mains dans les étoiles

qui coule dans des transparences qui s’insurgent

                                         ***

20 octobre 2020

c’était un grand pays d’atonalité

un sillon aigu dans les grandes orgues

du chemin qui avance

la pesanteur d’orage enfouie de l’andante

de Mozart

c’était une grande nudité de cloches blêmes

qui passait l’accru du jour

                                         ***

22 octobre 2020

l’angoisse est chez les vivant ce sentiment

que ceux restés hors du ventre de la fécondation

ne connaîtront pas

ce piège douloureux d’une éternité d’éclair

entre deux néants

                                         ***

ce qui venait avant le piano de Brahms

d’andante anfractueux de jours finis et fanés

                                         ***

la vie nous perdait dans des failles consenties

                                         ***

du bleu de ces jours de clarté

du fond des génuflexions du monde

des entrelacs des supplications

des nudités à fresque de nos cœurs

le temps insensiblement battait

                                         ***

le credo est toujours l’explication la plus longue dans les tricottis  polyphoniques

                                         ***

c’est dans l’acte III… que je rejoins les nuits de Hopper

andiam pastori

c’est dans l’acte III que tout est mélismé

que les plaies cicatrisent les pierres

que la nuit nous ferme les paupières

                                         ***

28 octobre 2020

La lumière du jour sur le front

où vivre

à trois cent soixante mille

kilomètres à la seconde

                                         ***

Ecrire ce qui s’accorde à la nuit

où naissent les arbres

sur le vent

             le retour de l’errant

de la pierre qui porte ce que nous fûmes

ce chemin qui se grave

ce qui fait le lit de la lumière

écrire sur l’écorce de l’errance

les brumes venues à quai

par-dessus les mondes

encore la mer

le cœur aux fleurs coupées

                                         ***

30 octobre 2020

que je parte avec déraison vers l’imprononçable

ou avec raison au seuil d’un temps

qui a fait toupie

l’eau qui coule a toujours une carte secrète

une cache au plus profond

                                         des ombres et de la terre

un visage neuf

                                         ***

il y a un arbre qui respire à plein poumon

dans chaque poitrine

une architecture qui fend la pierre

une bête qui s’apaise à l’irrévérence orphique

                                         ***

celle prononcée à voix basse

dans l’haleine verte de l’hiver

dans l’haleine morte des vieux bals

dans les restanques de la mémoire

de paroles oubliées sur les jours décousus

celle aux volets clos dans le disparu du jour

                                         ***

dans la pleine pluie s’aiguise des fusées de haïkus

que la nuit distille

comme la barque du livre égyptien

navigue dans le sortir du mourir

la pleine pluie comme des mains blanches

comme la solitude tiède

dans le couteau lumineux d’une poésie brève

                                         ***

dans le déshabillé de cendre pierre après pierre

l’usure d’un vieux soleil trop aiguisé

décapitait le feu sur le billot des astres

                                         ***

sur les murs de chaux le ciel s’écaillait

dans ses cambrures d’incendie

et son crépu de crépuscule

dans la ville close à double tour

                                         ***

la nuit établie pas à pas

sur la pierre instinctive

                                         ***

DI RIVEDERLA           (Orfeo)

1 novembre 2020

c’est le crépuscule qui brûle à arrondir le ciel

à caresser l’hirondelle à flutiau

c’est la pluie qui fait rigole

 

le chant de la terre qui abonde

                                         ***

2 novembre 2020

vers les vingt ans l’herbe est vive

         les pianos noirs

ont le parfum des dessous

des belles qui ferment les yeux

le cœur un poing qui brise les vitres

sur les meurtrières de la ville

dans ces année-là c’est la couleur initiale

d’un ciel de serments

                                           cousus sur le téton

les bras vers la mer qui portent les mâtures

les solitudes au goût de sel

l’entaille et les réminiscences

de l’écume sur le front

                                         ***

5 novembre 2020

Firenze

O douleurs des pavés

O bigarrures

O peintures

………………………

kyrie kyrie qui rit est dans la solitude

la pluie sur le monde qui ruisselle

à t’aimer les yeux fermés

d’écume et de ressacs sur les mâchoires du temps

                                  ***

7 novembre 2020

ce vieux cantique d’orient

à l’approche du mourir

                                          en plein ciel

                             l’Icare cousu de miel

d’or et de songe

aigle nu d’homme augmenté

devenant pelures de la mer

                                         ***

9 novembre 2020

nous avons respiré dans des chants de braise

des forêts qui nous tendaient les mains

et des aridités de requiem

ton visage était rendu aux embruns

et à ses sources bleues

j’y lisais nos voix anciennes

nos signes rupestres de harpe orphique

les murs se sont refermés sur la clarté

la pierre nous traversait sur la ville ouverte

                                         ***

13 novembre 2020

je porte des fantômes revenus aux yeux clos

ma poésie est de nuit et mes livres ont sombré

j’ai ouvert le cercle de tes bras

à des matins doucement gouachés

aux gueules de glaïeul vierge en terre fauve

                                         ***

17 novembre 2020

bleus des murs tout bleu et des rues bleu de ciel

dans le fond des bonbonnières et des voix de femmes

où même la brume est bleue jusqu’au blanc de la chaux

je marche dans l’encrier fleuri de Chefchaouen

tortueuse comme un nocturne jauni

dans le bleu de Klein du nid de ses étoiles

                                         ***

21 novembre 2020

l’apocalypse de Jean à Patmos

                    comme on a vu  certaines roses

et les lèvres du vent sur ce demain des roses

pâlir d’un visage de terre cuite

d’un mur qui tombe aux roses du couchant

c’est quatre cavaliers de pierre à la perce de cuivre

sur la bouche de Naxos

                                         ***

22 novembre 2020

une pluie mozartienne pourrait tomber

comme cristal

sur nos presque cadavres

et nos sornettes de surdité

une pluie tiédie d’un requiem ci-gît

inachevé dit-on

que les tambours de l’orage brandissent

à pleine brassée un sourire qui se dresse

reste-t-il des empreintes de ces foins dissipés

sur les vents d’haleine de nos vieux miroirs ?

                                         ***

23 novembre 2020

elle passait sur des Styx dans la barque lumineuse

chaude et chaste retrouver Ovide et Rimbaud

vers une horreur néantique

franchir le tombeau le marchepied au cœur de diamant

plus désolé que la pierre de Sélinonte

la musique de Dieu comme abîme sur ses lèvres

l’enfer enfin a-t-il des allées voûtées d’ormes

des rivages pour nos os blanchis

des rosaces pourpres et dévotes ?

moi j’avais bu pendant si longtemps

                                                      Paul l’Oiseau gisant

dans ce chergui qui ferme les paupières de lassitude

la nuit rentrée dans ses Georges de la Tour

ses martyres de Sébastien

d’avant un grand sommeil équinoxial

à réciter le nom des jours sous la pluie

et les préaux d’avril dévastés de cris nouveaux

                                         ***

25 novembre 2020

ma folie est folle et bleue d’un temps

qui fait perdre l’innocence

de scherzi et de pluies

qui nous viennent au visage

d’un absolu langage de cercueil

sous des dômes insoumis

                                         ***

28 novembre 2020

est-ce qu’il pleut parfois sur Rabat

entre ses soleils rouges aux vieilles murailles

et ses buanderies à l’odeur de sanguine

né ici au chignon du fleuve qui se dénoue

sur l’ivoire de la ville

avec le lierre qui grandit encore

sur le pain d’épices des maisons

c’est un chagrin d’enfant qui ouvre ses portes

POUR UN TOMBEAU DE MASACCIO

2 décembre 2020

ces murs de Florence prenaient la main de l’esprit

en l’an quatorze cent

de dames

               de Vénus

                              et de Vierges

                                                    de celles couronnées

de lézardes dormant sur de vieux sourires

d’antans peuplés de morts et de roses

de purs sang de guerre

avec les heaumes la lance au ciel

ces chapelles blêmes et bleues

parce que mourir serait aboli

de nymphes et de sainteté

                                    ma rosées d’anges

et de Priape de pierre d’homo erectus

sylvains d’écume de roseaux bien taillés

la mort a fresco tracée à la craie des falaises

avec une musique de Dieu

résident de la terre résilient

                                                     à l’aubépine

et au cristal les doigts de celles qui tiennent

le jouir la rose détachée 

et le califourchon battant campagne

misère de la pierre à la misère de l’oubli

et sonnent les cuivre et les pleins jeux… 

le soleil n’a pas de bras dans le cachot des ténèbres

pécheresses des caveaux aux bras blancs levés

vers quelque dormition

Chapelle Brancacci

de tout le ciel sculptural de Masaccio

                                         ***

5 décembre 2020

l’éternité existe entre deux portes closes

                                         ***

L’homme est un mur qui migre dans sa propre maison

                                         ***

la forêt s’embusque à me perler de ses nuits

                                         ***

elle avait sa blouse d’arrière-boutique -une folie dressée

excavée dans ses yeux-

quelque chose comme les poupées du diable

                                       ***

tes mains venaient de hauts lilas me couronner

baiser de tes lèvres ces coins d’ombre

où ma nudité d’âme te tenait de brûlure de vanité

                                         ***

du temps l’horloge dit Dutilleux

miserere

aux mains frêles de coquelicots

fagotant l’espace à bout de bras

lorsque les aiguilles veules

dimensionnent le temps des plaies

des amours à pleines brassées

un plein paniers d’astres

                                         ***

couper en quatre les amours par les cheveux

de toute innocence d’oiseau

lorsque enfant je croyais au baiser du vent

j’ai perdu le bleu du ciel ce jour que ma mère

épelait les lettres du mot MOR

lentement

c’était déjà du côté du crépuscule

                                         ***

femme qui cherchait l’or au cerf-volant

comme une main le corsage

de ces dessous à la naissance des reins

et les deux sous de pulpes de ma bouche

une loi d’airain sur toi contre le mur

au plus éreinté du péché capital

                                         ***

j’aimerais être chez Gallimard qui taille

ses liserés rouges et crème

à la couture de mon regard dans le miroir

************************************                                             

D’OFFENBACH POUR POUVOIR

ce Mozart des Champs-Elysées au cri des cornes

et des cors d’harmonie sur les pointes pointues

des éventails futiles

d’un œil noir ce clignement que faisaient

sous les fenêtres les collégiens insolents

aux frère de La salle

embouchant les buccines universelles

somos somos prostitutas

somos las mas putas

 

(sur l’air inévitable d’Orphée aux Enfers

 – ad libitum-)

***********************************

je meurs sur la spirale d’un escalier Art Déco

sur le tranchant d’un vœu d’anachorète

                                         ***

dans la gorge qui chante comme une mer hors de soi

les serments qui s’ébrèchent à l’aube

nos bras incendiaires

la pauvreté des paupières glissent dans la pluie des villes

la lèpre de leurs murs

les étoiles dans leur plis entonnaient les lames de fond

d’un bleu de velours l’immensité de la mer

d’Homère à Derrida aux calanques

à la morsure rouge des écumes

les brisants

à la verticale des mots d’amour

à la houle sur Naxos

les hautes volées d’oiseaux qui respirent sur la poitrine

toujours la même marée la même rocaille sur le temps qui frappe

                                         ***

un temps commençait dans les jappements de lumière

de quand j’étais petit

                                         ***

le soleil affame le monde

qu’est devenu l’enfer ?

                                        ***

j’ai démonté les déluges les goélands sur la jetée de nos adieux

                                         ***

j’ai peur de nos rêves sur les vitrines de la foudre

la balafre qui renverse la nuit

le vent emporte les fêlures jusqu’ –

                                         ***

la nuit trace la longue agonie d’un givre de gerçure

d’un temps emmitouflé à sa plèvre

de celle qui respire

au front de certaines tristesses du couchant

j’aimais cette bouche sur des trottoirs d’ombre

au baiser bon marché

                                         ***

7 décembre 2020

hier je quittais la main de ma mère

les bibelots qui restaient avec la poussière

les lunettes et le Filippo Lippi

restés au bord du lit

depuis j’ai crevé le sein d’une étoile

des verres et des verres de vin

des nuages qui traversent mon destin d’insomnie

                                         ***

9 décembre 2020

pour nous aimer pour nous parler ne pas rester …

l’hôtel a la lumière du matin

le bistro de la gare a vécu le temps des premiers

chercheurs d’or

et l’horloge s’est ouverte

à une page qui n’a plus dit son nom

                                         ***

mes poignets et mes désirs sont devenus de laine

et la sève a serré ses écrous

les années marchent et descendent aux caves

ou à la mer qui est si loin

                                         ***

la mort est toujours morte on dit qu’elle ferme les yeux

des yeux de mort sur les églises et les hôpitaux

j’avais cru longtemps échapper par les ruelles

et les bacs à sable

ce qu’elle avançait drapée

                                        ***

11 décembre 2020

le gorge-bleue n’est pas un rouge-gorge

mais le contrepoint d’un oiseau tutélaire

qu’on entend au coin des rues

décliner le chant des vitriers

                                         ***

12 décembre 2020

le vent comme un rasoir sur la raison c’est l’hiver

qui dénude

j’y dormirais sans paupière dans une chambre gothique

avec vitrail de fin de crépuscule

et le temps naitrait pas à pas

dans l’adieu d’un soleil qui se dédore au portique

d’une vieille Arcadie

                                         ***

15 décembre 2020

celui qui veille voit la montagne se déchirer

et poindre l’aube

dans son tutoiement à l’arme blanche

                                         ***

16 décembre 2020

l’éloquence du monde décèle chez moi

sa future beauté comme une griffure

de naissance                                         

                                         ***

le destin prend des poses derrière des carreaux de givre

à battre les cartes le cœur

aux lendemains diffus

à la volée de mots d’amour

comme aux sillons de champs de lavande

le bourdonnement d’abeilles qui essaime

c’est une nuit apprise à l’aveugle

l’oiseau noir posé sur la neige

au chant d’un monde crochu

coassant la cécité du temps

                                         *** 

18 décembre 2020

dans ces villes qui ne font descendre des harpes de lumière

la tristesse franchit les murs des petits matins

et un chant de neige murmurant

comme aux banlieues

les oiseaux mal habillés

                                         ***

le mort s’installait comme un pain perdu un jour fané d’Août

au rassis qui prend aux lèvres

ce sont ces oiseaux qui tombent d’un bout du ciel jusqu’à nous

au dernier vin qui sonne l’incendie du monde

au ventre

ce poids du ciel que je porte à bout de bras

au dernier sillon délesté

d’un poing qui se serre sur le mors fatigué d’une vieille solitude

                                         ***

c’est Maria Grinberg, c’est Schumann qui va si bien aux femmes

                                         **                                                                             

19 décembre 2020

mes armes ne sont plus que de vieux cuivres lassés

d’une sauge fleurie

où sont les donjons de Carcassonne

aux  trombones heureux

et aux palais d’Orphée              

                                         ***

l’herbe renaissait après tant de solitude

ma ville antérieure mes terrains vagues

mes murailles à la couleur accrue

c’était les famines de ma maison                                           

qui tenait droit

                                         ***

comment dire adieu à l’enfance

porter le nom d’une étoile

                                         ***

Masaccio

               la rencontre hier

                                            de Saturne et de Jupiter

                                         ***

23 décembre 2020

dans chaque respiration je vis de fleurs et de voiles

de ces souffles qui épuisent la mer

qu’on prend par le bleu des hanches

par la chair des étoiles

et cargos de cendres qui rentrent dans leur nuit

                                         ***

24 décembre 2020

de certains on dit qu’ils ont beaucoup voyagé

… Pérou les Andes l’Asie …

de pays et de fureurs

et même de terres fétides

de certains qu’ils ont posé les pas

vers quelque Atlantide

et de Vinci roulant les images des cieux

revenu lui de la vie antérieure

                                         ***

27 décembre 2020

ce ne sont pas les murs de Masaccio

c’est le matin qui se lève

le verbe sculpté

                                         ***

buvons la malvoisie la lune ronde

nos cœurs à la détrempe

les vieux requiem que le ciel a quittée

je retiens encore cette mer lovée aux carreaux

de mes tempes

ce tempo noir

ces marées déjectant la lumière ébréchée

d’un dernier jour qui reste à distance

                                         ***

j’entendais les deux premiers mouvements du requiem de Brahms

puis un autre puis la femme qui incarne ce que la chair

disait de ce monde quitté

puis la rondeur de l’ombre sur la chair du moindre baiser

du moindre souffle sculpté

                                         ***

j’ai deux princesses bleues au mur de ma maison

deux anges deux angeresses

                                         ***

rendre au baiser le marbre de la violence

                                         ***

la nuit descend vers Yquem vers le front de la mer

ma main sur ton front reste douce

près des sables

près des dunes

du cœur qui serre

à vivre nos fatigues le sillon qui creuse

à désapprendre ce nom des vents

qui taille ma solitude d’iceberg

                                                    ***

30 décembre 2020

CHAPELLE BRANCACCI

de fièvres venus le divin Orlando les deux Claude et Claudio

la nuit mantouane à Mons à Germain en Laye dessus les autres

d’amour flétri qu’avions-nous peine d’espoir peint venir

de tricoter le cœur et la mystique en collerettes de Gesualdo

les larmes de fond les polyphonies de Masaccio

                                         ***

dans le noir Moyen Age je mangeais de ma bouche le beau verbe