CAHIER D’UN SOLEIL A MI BALCON (2021)
↪ CLEMENS NON PAPA
↪ ET TANT QUE VOUVRAY
PARC IMPERIAL
2 janvier 2021
c’est un poète voué aux fleurs pour y laisser une plaie
dans les bastingages de sa nuit
habité de foudre l’âme à la verticale
comme on grimpe aux mâtures
les enfants aux cocagnes des pommiers
et vivant à fendre la mer
***
5 janvier 2021
ce beau vers cherché toutes les nuits
depuis ces bals masqués où reste l’ombre
de la parole réduite en archipel
irisée du corps endormi de l’enfance
***
l’inaliénable au stérilet de castes barbares
***
6 janvier 2021
métamorphose de la rocaille syllabique
…
les navires partis les quais aux chaînes
sur l’horizon limpide
derrière les carreaux de la maison
…
à crisser les vestiges
un arbre que la terre a déserté
à l’azur décousu
le temps arrêté à Tanger la bleue
le cœur serré à démâter les illusions
tout homme venu de la mer est nu debout
***
7 janvier 2021
je l’entends dans ses chemins de fer de la nuit
son béton d’amour fardée
ses couleurs balafrant les murs
son capuchon de tuiles et d’étoiles
dans les fondrières qui clignent
ses gorges d’oiseaux
les nids désertés
les soupes froides
le temps les pieds nus
***
l’avenir de l’homme est-il crissé sous les ongles du temps ?
***
verrons-nous les atomes avec des yeux ronds ?
***
j’harangue les battements de ton cœur à faire revenir le jour
***
L’hiver m’exile
***
resteront les enfants blottis à la face blême du soleil ?
***
l’orfèvrerie de ses bras ciselé
le souffle du givre
le tricot troué d’exil
***
ce jaune de Jura crépusculaire
d’ivrognerie de vieil oiseau où je te reste dévolu
sous la coupe de tes lèvres
***
Malone meurt d’une foudre caduque de bondieuserie
***
c’est le souffle sur ma bouche
la mort qui vient sur les mains
comme un nœud coulant
***
La nuit pervertit
***
l’albatros dans les cordages de l’azur
l’Amarcord le balcon nocturne de toi nue
***
c’est moi seul le ciel embusqué dans le frelon de mes baisers
et le jauni de Guadalquivir dans l’acier de ta ville répandue
mes murailles mes nœuds de pendaison
mes mains sur les cendres d’un vent courbé
Villon dans la rafale et l’économie du vent
criblé de son squelette
équarris à la bouche du temps
***
9 janvier 2021
… un baiser de la nuit à la clôture du sommeil
***
maintenant que la nuit rogne les doublures de la mort
les dentelles du jour délaissent mes chemins insomnieux
***
L’Acatama à chercher tes yeux de pluie en plein midi
à gravir le ciel je n’ai eu que la colline
la poitrine qui respire dans les espaces de l’exil
… et les foudres eurent la brièveté de la nuit contumace
***
(clavecin) ma poésie ne vessie pas encore
j’aime toujours les rubans et les masques de Couperin
les hautbois mélancoliques
de dentelles masquées et de traversos
les baisers de la ferraille de l’ancien monde
sous les doigts feutrés des vieilles lueurs de bal
***
en étant Taurines de naissance de Tarn
et de taurillon de petits sabots
mes vallées ont creusé mon nom
***
10 janvier 2021
dans une mer inversée au cœur des villes je reste le cachalot
solitaire qui respire au couchant
sans digue et sans filet
qui me rendrait les algues de ces femmes rousses
rencontrées au seuil de désespoirs ordinaires
***
tout compte fait la mort m’inquiète
comme un ennui au bout du quai
***
pourquoi les crépuscules brûlent-ils le spectre de toutes les robes
de mes femmes fantasmées ?
***
j’entends la timbale du temps qui se pose
lépreuse sur des murs antiques
la page blanche livide à soupçonner ce qui vient …
c’est le premier pas après la mort qui coûte …
la lumière aride …
***
L’errance à chaque pas
***
le monde irise des oranges bleues de ces Eluard
qui nous parlaient d’Août quand nous quittions
les quais pour le tâton des chercheurs d’or
***
le noir nous attend à double tour
***
tous les pays se perdent toutes les maisons
les albatros aussi
***
« le paradis perdu » répétaient
les princesses bleues du désert
***
Les voix de la mer près desquelles je faisais le guet
***
le mal acoustique avec Meresi
ses mâts et ses voiles de Délos
caravagesque la pulpe légère des bras
la neige de petite saxe
la nature morte
et la nuit déjà
***
la vérité prise la main dans le sac dans ses méditations de marbre
contre le ventre des filles
***
cœur à blanc des pas dans la neige
ciel indicible récitant sa poignée d’ombre
sur des précipices dentelés de solitude
***
14 janvier 2021
de sa lassitude de rosier le cœur jeune de son ombre
venait pas à pas jaunir de bien des rotations le soleil
***
15 janvier 2021
pourquoi mourir finir maroquin de cuir ?
***
pourquoi le bleu le ventre des femmes
l’apothéose des soudards … ?
***
les soleils sont de paille c’est le temps qui irise
les parterres de fleurs le vent qui marbre
les pierres sur les collines du temps
à cisaille
dans nos brûlures de neige
***
je reste ce vieil oiseau sur le balcon
qui t’initiait à la nudité des étoiles
***
tu restes une forêt mystique un vent de chevelure
une étreinte d’écorce à la brisée de nos gerçures
tu es ce qui reste de foudre dans le flanc de mes doutes
***
l’agonie d’un miroir qui s’effrite
je reste fidèle
à ce temps déclos de mes racines
parfois la nuit je reste debout
j’enclume les grands chants andalous
le vent des aveugles
sur les murs blanchis de nos corrosions
***
le monde est en vue l’Everest les mains dans le ciel
la pelletée de neige d’un azur sans âge
je t’aimais dans le triptyque de nos ruines
je t’ai perdue comme un lait répandu
une Venise agonique un membre de moi
***
le temps
fiel fébrile et nu
je me fais jour
les suppliques et les suppliantes
près des passerelles de la mort
le sommeil aux écailles
la boue et les margelles
le plein des désastres
***
16 janvier 2021
mes amours je les ai déployées infiniment au vent
des collines
au sucre candi du rythme lent de la nudité
***
mon cœur s’amenuise
***
17 janvier 2021
la polyphonie sculpte le cerveau
***
mes amours arides à la mesure de la pierre
Proust avait des allergies aux papiers peints
aux fleurs odorantes du sommeil
aux vieux paysages de falaise usée
***
je te cherchais au bout du monde sur les collines
incrédules de Valparaiso
***
ces sourires de zibelines après les draps froissés
à la fin de la nuit
les violons de Cremone les oiseaux qui crient
à manger au-dessus du marché aux poissons
…
jusqu’en haut de la chambre
aux plafonds d’amour
les doigts jusque dans le ciel
***
en Taurides et en Aulide avec les voix graves
de tous les orages des tragédiennes
***
21 janvier 2021
avant de pénétrer dans ces nuits de chat noir
désespérant qu’au vide on succombe …
***
nous avons franchi le mur de l’innocence
l’affiche s’écaille
avec tous nos visages qui disparaissent
nous venons d’un grand silence blanc
ganté des saphirs sifflant d’une lyrique des vents
***
23 janvier 2021
c’est une pensée qui travaille au biseau
une fugue infinie
dans la main éperdue du violoncelle
l’escarpin de notre solitude au tranché de l’hiver
***
nous avons l’élégance de mourir sans vérité
***
24 janvier 2021
… chevauchée aux étreintes de la mer…
…
ce ventre des femmes pénétrés
…
d’un coup de foudre à la criée des sables
de ces failles bleues du fond des âges
de mon cœur qui bat
ces temps qui dictent l’absence
de ceux qui m’ont quitté
…
tout l’amalgame de mes nerfs de mes hier deviennent poussière
***
ce cœur plus fort dans les fonderies de ma main de neige
que ce demain qui n’est plus même la nuit
***
ce que l’Athènes antique a conçu Rome l’a enclumé
…
la nuit est pleine de voleurs
…
d’un vendredi l’autre mes nuits mes jours
mes souliers pèsent mes pas d’éternité
***
le temps meurt définitivement défini
***
25 janvier 2021
« il faudrait être un saint pour ne pas boire »
dit le sage taoïste Liu Ling
arrêter de boire serait une défaite de l’esprit
boire à perdre la raison au vent
et à la parole de porcherie
à la nuit aux lèvres sans mémoire
de tous nos membres d’angoisse
de tous les brisants qui descendent
l’enfer orphique en chaque homme ivre
sans merci et sans étoiles pour enfin dormir
comme ces lunes à la fenêtre qui titube
sur tous ces mondes qui tremblent
***
27 janvier 2021
la lune est tombée comme une ombre sur mon sommeil
de ses bras de pieuvre
et son bleu de lagon
avant les grandes orgues de l’oubli
***
28 janvier 2021
tournant le dos à Ouessant
d’une mer d’incandescent
j’irai vers la mémoire
comme la vague va au vent
démâter les brisants
***
plus noirs que Noë
les nuages dans leur manteau d’ivresse
ma route de peupliers
mes lèvres trempées de pauvreté
à tous les bâbords de ce Jura
de l’or vert des vins jaunes
***
29 janvier 2021
j’entre ironiquement dans ma soixante neuvième année
***
de quel péché originel se rendit mortel l’atome ?
…
dépeuplé de mes toupies de certitude
***
des cris du monde dans la chambre de mes cinq ans
les volières lorsque se dépeuplent
ces brodequins du songe les pourpoints du sourire
nous polyphonions les cliquetis des épées de Tolède
à partir au vent à s’en aller sans mature
sur cet âge revenu de Josquin des Prez
***
dans ma misère de cul par terre dans un Damas de la chute
le soleil n’était plus dans ce méchant ciel
que rayons de pluie d’une roue de bicyclette
***
t’oublierais-je Benoît de Cluny voisin de Lamartine
depuis ma toiture sous les étoiles nues
et sous les paquets de blé d’un été
où je mettais mes joues près de tes pierres ?
…
sillage comme un champagne moussu des navires vers Naxos
…
l’acoustique sur la pierre s’en va vers la clé de voute
des harmoniques mathématiques du bleu de tes yeux
à la pelure du monde au désastre du temps
***
pourquoi cette mort noire en collerette
la prunelle en amande le corps dévissé
place Zocodover
des grands mystiques espagnols
***
Venise a sur un flanc Vivaldi
face à lui la Giudecca
et les mouettes de Luigi Nono
…
Fautrier une pensée d’écaille
de bouse à visage d’otage
***
dans le hautbois de « la Belle Hélène »
que dis-je ! le chalumeau de berger
il y a l’herbe qui courbe à perdre haleine
…
quand la falaise de Théra déshabille
son hellénité bleue
ses aéroports de nuit bien haut à Santorin
sa pierre sur le mer pour toujours
***
pourquoi cette mort noire en collerette
la prunelle en amande le corps dévissé
des grands mystiques espagnols ?
***
La nuit m’emporterait-elle que je n’aurais au bout des doigts le zéro dont on parle tant
***
je vais à la nuit au requiem de Victoria d’Avila
le plus beau vers de Racine
l’humilité de
« je ne t’ai point encore embrassé d’aujourd’hui »
ensuite il y a tout Bérénice
ensuite il y a tout Tomas Luis de Victoria
ensuite il y a Séville les rues tordues
ensuite il y a le balcon de Cordoue sur la Mezquita
ensuite il y a la cité tout là-haut l’Alhambra
ensuite il y a le tolédan à l’acier
ensuite il y a le « transparent » puis Zocodover
puis Bahamontès
puis il y a les moulins qui ne tournent plus
la colline des mules la colline de Campo de Criptonia
…
Manolete la corne de l’Espagne la douleur d’un dimanche
de poussière « Y su sangre ya viene cantando »
d’une douleur pour Ignacio Sanchez Mejias la même
a la cinque de la tarde
la mort la faena la poussière
(Epigraphes antiques)
***
2 février 2021
celui qui connaissait les possibles les actes de raison « je sais les zéros et l’infini »
s’est dissout dans les phaétons de la nuit
***
à sentir le goût de la terre
mon olfaction n’a pas de paupière
***
des touches noires sont posées
à la clé de mon visage d’ombre
***
6 février 2021
l’embarcadère à la pointe des albatros
avec les quais qui chavirent
la mer dégrafant ses perles vers Tanger
la blanche
vers d’anciens jours que je ne verrais pas
des parterres bleus
de mosaïque de pavement
et des nuits de trèfle aux quatre étoiles
***
la nuit nous met au pied du mur
***
le cœur mangé n’attend que les arcanes de ses ombres
***
9 février 2021
la lune désespère les désirs au bas noir
de ce cœur qui veut vivre au grand soleil
***
tous les grands labours de l’homme et de la femme
comme d’autres chantent d’autres brament
…
comme un aveu médical
ces pathétiques testostérones guerrières
***
10 février 2021
MICHAUX LE BELGE
Michaux le belge -ou peut-être moi- avions dit
tous les silences mènent à l’hallucination
peut-être était-ce le contraire
je suis allé au Chili lui à l’Equateur
où les bastingages étaient hauts
sur les balcons de Valparaiso
tous les silences avaient des pavés de rue
déhanchés
la ville de nuit le long de la mer cerclée
faisait guirlande du haut de ma chambre
sur ses quarante-deux collines
d’un phare naufrageur à vocation de sirène
d’un vent de large d’une poésie à prendre pouvoir
mescaliens
à la brisure
la fièvre nous abandonnait ses secrets mexicains
ses exils ses fléaux dans de grands gouffres fongiques
***
les paroles de Guevara ont fait guillotine sur l’horizon de ma jeunesse
***
navire au sillage de tous les champagnes
au cristal de robe de nuit bleue
dans les mains de Délos à la poitrine bombée
de ses pierres et de ses guépards
navire fantôme du visage d’Ariane
sur les terrasses blanches
à l’aveugle de ses rostres la peau trouée de l’exil
***
l’amour par la chair sous le haut des mansardes
les pavés mouillés
l’attente qui crisse au carreau
la harpe à peser les nerfs
à ourdir la fragilité du cristal
***
nous croulons comme simple amas d’atomes
sans gîtes ni lucidité
d’un seul battement de paupière
***
11 février 2021 (4 heures)
l’amour cassant comme un bois de buis
les épaules lourdes
de quintessence et de vent d’ortie
***
16 février 2021
château d’Espagne château de bohême je m’éveille
à une vie de violon discordant et de talons qui claquent
de larges plaines aux moulins sur les collines
toujours vers des sud chanter comme dit Nerval
l’antique refrain du maure où
ne reste plus que les cailloux du rivage
d’un fantôme de mort petit poète qui ronsardise
***
18 février 2021
de babils et de dentelles
de joues roses
comme pommes mordues
de pleine haleine
comme fleurs au vent éperdu
je sentais la caresse
en marge des courtils du ciel
***
19 février 2021
dans les dessins de Klee la porte restait ouverte
sur des chemins
à se perdre vers quelque sud
de serpents inachevés funambules
et de cordes à vide à la mémoire d’un ange
***
21 février 2021
ma vie s’enlace
il est des villes où la pesanteur s’engrange
de chants grimpant sur la peau pour frisson
comme couteau sur la glace vers des Finlandes opiniâtres
de neige de valse triste
de violons d’engelures aux tuiles de ma maison
dans le ventre d’océans quaternaires jurassiques
et d’érection tourefféliennes
de morsures boréales
***
… dans le croc de boucher de l’amant mort…
***
24 février 2021
du fond des verres j’ai le pouvoir de la glace
plus tranchant que diamant
vieilles romances obscures des zincs usés
de vins à la brûlure de braise
le cœur à l’estomac
le cœur enfin bon marché qui bat
d’une ombre de soif ancienne
j’embrasse la bouche la cécité de mon cadavre
***
25 février 2021
de quel mal souffre Amfortas, de quelle blessure ?
***
26 février 2021
sur les promenoirs d’Apollinaire les amants ont vécu :
« -mais quand avaient-ils touché les Cythère bleues
les Naxos blanches de l’île heureuse ?
-c ’était -si je m’en souviens- d’un baiser posé de l’index
un certain jeudi d’été peu avant la nuit »
***
2/3 mars 2021
c’est la porte qui chavire la lumière noire qui entre
l’étoile est devenue gerçure le reflet bleu d’un requiem
…
il ruisselle des ciels de Guinée des oiseaux de balafons
comme je creuse le jour pour te faire un dôme
…
je reste nocturne d’un satin de laque et mon visage
a défait ses perruques de roses
vieux ossements nous revenions pour comprendre la mort
pour petite renarde rusée
une oreille dressée dans des pulsars d’oubli
***
5/6 mars 2021
HAMLET
lorsqu’il a été dit « va au couvent » peut-être était-ce
pour la punition de la pierre
vipérine scorpionne au sable
de l’Antilope Canyon
…
le vent mithridatise les tragédiennes
« comme on ne vaincra jamais Rome que dans Rome »
…
comme il a été dit « To be or not. To be. »
et non to be or not to be
un point qui est un abîme
…
Gainsbourg ça sussure ça sussure on a bien compris
ça chuchotte et ça chopinise
il est parti à temps
Melody Nelson nue flambeau l’aurait rendu ringard
…
Lisbonne la nuit le cœur en pente des pavés
d’Alfama
ruisselle de la pluie des derniers trams
te souviens-tu du vertige de ces anges purs
anges radieux
et de la blancheur des roses du japon
de ces vins lourds sur les quais de Porto
n’ayant plus de monde où nous poser
nous nous aimions dans les noces d’une mer embusquée
le baryton a donné son meilleur Schumann
et nos brelans à flanc de Portugal le parvis de Notre-Dame
**************************************************
mon petit-fils vient de se saisir du mot volcanique
c’est la cour de récréation volcanique
le bord de mer la rivière bleue volcaniques aussi
peut-être m’a-t-il entendu boire ce vin d’Auvergne
du flanc de Puy Mary
ce vin noir que l’on mâche avec cette pointe de fer
tapissant au fond du palais
volcanique à revivre de volcans quaternaires
les blés descendus le vin d’un sang léger
les corridors de cachoteries d’une lave de miel
comme les paroles d’un enfant
***
11 mars 2021
à rire comme des poignées de riz sur le soleil de tes insolences
***
ni rien ni le trou dans le cœur ni les paupières
qui se ferment
la mer qui bat sous les filets d’étoiles
à la fenêtre close
ni lune ni respir que le tronc des jours
ni racine dans le torse des danseuses
et la mer qui enfle les rides de la foudre
ni que pendre au réverbère de fol amour
les lucioles qui vibrionnent avant
la lumière qui se ferment
ni Villon de neige d’antan vieil érotomane
vieux pendu
ni rien donc ni azur
aux paupières de nos horizons
***
fais moi des vers avec des pieds
***
14 mars 2021
NO TANGO
c’était les cent ans de Piazzola et je n’aime pas le tango
comme disait Trenet ne reviens jamais horrible tango
qui sent le mégot et la pompe funèbre
je n’aime pas le jazz et le tango
Don Giovanni avait son catalogue et moi le mien :
les vieux amants de Brel et des Coins de Rue
de bières et de larmes
du matin du monde à la viole de Sainte Colombe
et d’après-midis de faune
de Junko Ueda des épopées médiévales
de Kinshi Tsuruta et le plectre du biwa
des Gagaku de mont Fuji
de No et de kabuki
des grands gongs Kebyar
des salon de musique d’Ustad Villayat Khan
et des grands flamenquistes de Cordoue
de la Colombie des vallenato et des cumbias
les soleils qui se lèvent sur les paroles de cailloux
de Carlos Gardel
-quand Gardel chante on entend la rocaille des Andes-
mais ne me parlez jamais de tangos
de pompes funèbres et de mégots
pas de tangos sauf à Valparaiso
dans de grands verres de pisco
**************************************************************
je n’ai pas le clavier et leurs appoggiatures
ni ce que font les cuivres et les navires
les amphithéâtres la solitude arpégée
et les coulisses des chambres de barbe-bleue
ce que sont les albâtres et les marbres
les Carrare et les nocturnes dans les nus
la beauté recoiffée des vieilles cendres
***
Dieu est la semeuse au matin du monde au diamant noir
à la cambrure de la matière
et à ta bouche
à tes lèvres de Sèvres à la source de nos ombres
agrandies
aux murailles
à cette porte maigre de nos adossements
***
19 mars 2021
est-ce la lune qui descend son linceul sur le sommeil ?
enclose dans les herbes et les champs
la rosée d’une aube en aube blanche
de la pâleur des morts ?
***
20 mars 2021
sous les dalles où je vis les cendres de ma mère nous sourient
il n’y a plus ni mur ni Lascaux
que je ne revive d’accroche-ciel
derrière les barrières bleues de l’enfance
***
… nous, de simples simulacres
***
L’éternité n’existe que dans cette question que pose la chair
***
dans les pleins jeux d’orgue
ce sont des noces
des polyphonies de verre
et de renaissances
dans des mains de miel
il y a une lumière sous les lunettes d’Atacama
***
mes pas perdus en bout de course
d’azur et d’haleine
les galets nus enfouissent les verroteries polies
par le temps sur les plages
les nuits tueuses le cœur au fond des poitrines
à revenir aux carènes de Cythère
***
les cyprès sont à Florence à Miniato là-haut
où mène l’autobus
était-ce le 13 vers la porta romana
la peau jaune capuchée de San Spirito ?
la nuit nous était sans sommeil
les murs des cryptes nous survivaient
***
telle qu’en lui-même l’éternité le change disait-il
n’était-ce dans le pain qui se perd
des chapelures du temps une douleur mallarméenne ?
***
… la nuit nous oblige
Ces morts qui m’aimaient quand j’étais enfant –Pessoa-
l’absence des présents
***
NEW YORK SE DEPEIGNE
cocaïne culture le blé sans herbe l’herbe sans le blé
le whisky de comptoir
les émules du binaire en bourrasque
le creux du rythme dans les espaces morts
la syncope
le jazz des escaliers de secours l’angoisse urbaine
les murs en briques noires l’harmonie déconstruite
les larmes l’héroïne la blanche
les blondes
les crépues
les souffrants
Led Zeppelin et puis plus rien
L’universel boîte à saxophone ténor
Je m’éveillais anachronique avec un Conrad Graf
*******************************************
***
Gainsbourg 91- chanson-
Etait-ce le cha cha cha de Chatila
de dévergondée hanche à la hache
au rebond de ce qu’elle eut pu dire là
-cynique do majeur-
*********************************
elle avait dans les yeux la haute mathématique
le théâtre de Titus et Bérénice les vieux chênes
et la sève des bâtonniers de Justice
***
Rabat la grande avenue la mosquée dans son ciel
les remparts rouges en pains d’épices
les cigognes sur l’hôpital Marie Feuillet
l’Atlantique que j’ai quitté
ceux des morts qui résonnent à leur nom
le beau poème de Guy Goffette, celui que j’emporterais sur mon lit de mort, « la perle »…
***
Le chevalier à la rose aurait dit du fond de sa peau de Rubens
« mon corps m’a envahi »
***
25 mars 2021
la rivière sous les saules suivait le cours de ta chevelure
dans ce val des nymphes qui serpente nos douleurs
à la pierraille griffue
à la ruine dépeuplées de nos certitudes
***
26 mars 2021
chez nous le désert est indéracinable
***
dans les vieilles morts dans les Jardins d’Essais
voir pleuvoir des ridelles d’eau
la malemort d’une chanson de Francis Poulenc
chercher des répons de fièvre et d’eau à Monte Carlo
***
27 mars 2021
critique de raison pure critique de raison pure pratique
dans les tranches de nos anciennes assises
critique de la faculté de juger
de beautés et de sublimes
la peau à fibrer le cœur d’étoiles
l’asphyxie de nos équinoxes
avec le plein clavier du bout des doigts
la cambrure sur la portée de la nuit
***
28 mars 2021
CONCERTO EN NOIR
les colombes sont revenues sur le bassin à la fin du jour
pour l’eau des pluies
l’Alcazar dans le cœur des larmes
***
je meurs d’hypocondrie chaque jour sans gémir
mais quand la mort viendra réelle
ma promesse de ciel sera rendormie
comme Icare après la chute
***
je suis en regard d’exil à la misère des corsages
à la déchirure de l’ombre
à la verdeur du cri et de l’or chuchoté
dans les replis de la ville
***
je me penche sur notre vertige amour
avec les griffes des vieux aigles
les remparts de nos os perclus
les ors du couchant vers la mer déshabitée
…
d’avoir quitté les jours et les vents océaniques
l’intranquille ténèbre du bleu de tes paupière
sous le rugissant de nos mutismes
la palabre austère et les ciels à merci
le temps à porter la nuit équitable
…
J’ai misé sur la mort le billet maigre sans aller-retour
…
d’autres ont vécu les silences des blés les vents cognés
du revolver les poitrines ouvertes au soleil
les paupières qui se baissent
les corbeaux
…
d’écrire nos rêves à la plume à l’encre noire
…
écrits en fréquence de nuit noire d’étoiles
de pluies fanées
la peau mûrie des tragédiennes
à bacchanale de néant
en baiser de pierre
en piano désaccordé
***
les vents égrenaient le nom de notre naufrage
l’écho du temps qui ébrèche les lettrines même
de notre nom
*********************************************************
31 mars 2021
j’appartiens à cette terre de mes aïeux
aux torrents de Garonne
et au lointain serpent de l’espèce
mais la grâce
qui me touche est byzantine
***
c’est au cœur d’un Ricercar à l’orgue de Saint Maximin
que se leva une éternité mouvante
comme une ombre de lune sur ma clarté
(in memoriam Igor Stravinsky)
1 avril 2021
comme la griffure du vitrail tu t’insères dans la lumière
que je n’en distingue plus ton visage de foudre
***
Spinoza est passé d’un dieu qui punit
à celui qui donne et ne demande rien
Levinas n’a pas pardonné
***
la lumière tutélaire de paroles grêles
de vieilles prières
qui rendent le monde au vent des sables
le vitrail de nos Pâques d’incertitude
***
3 avril 2021
debout la mère des douleurs la terre la mer
l’orage venu d’une larme sur la joue
comme la pluie qui va finir
***
Gerbert d’Aurillac devenu pape Sylvestre II
je l’avais oublié sur les sables
des grands chantiers
dans les capuchons de ciel de l’an mil
***
4 avril 2021
nuit d’airain
de lune
de beauté noire
d’ivoire
nuit à quatre mains
…
je ne cicatrice que peu je me décharne
…
l’odyssée de l’espace cette manière de ne pas mourir
de ne faire que renaître
***
javelot des dents du désir à rester à mes flancs
…
***
quand viendras-tu dans le parc la nuit lisse
des vieux silences
de ces seins d’amour
à dépoitrailler ?
…
tes jambes comme des équerres
ces chemins qui cherchent
l’épure de notre rencontre
***
de vanille de goyave de pitaya et de mangue
d’une embrasure qui fait chair le goût de tes lèvres
…
je japonise l’éclat des vagues qui s’écrasent
de l’incertitude qui vient sur nos récifs
…
à Tolède la nuit n’est pas obscure
***
8 avril 2021
Caravage se battait à l’épée
contre la malveillance de Baglione
le bien le mal le Tibre
l’obscur ange qui porte la cécité
les Santa Lucia palermitaines
Syracuse la blanche
si romaines
à la fleur de l’épée et au lys
les couleurs de Saint Louis des Français
…
à la face de l’Ouest où les destins s’abîment
les pays de palmes aux cœurs qui brûlent
à la douleur de rendre le ciel sous ses arcades
de mer pleine
d’anciens chants qui montent in mémoriam
***
futur fractal qui s’avance dans un bleu sans mélange
…
resurgir semblable à la soif
à la pierre poreuse
à la terre et à la neige sourde
la nuit qui désaltère
…
la nuit sans point d’orgue sans vestige
***
10 avril 2021
les pins de Rome sous la pluie dans la fierté
capuchonnée de mon persil
***
le ciel se serait amoindri sous le nœud coulant
…
dans la mansarde sous la poutre
***
l’amour à couper les saisons en quatre
à revivre les andante de l’enfance
au vieux moulin des jours qui grincent
***
le temps me traverse volatile sous les pyramides
***
elle m’embrassait sous les treize pieds de vers
de mes préférences
les éclipses qui venaient de ces chapeaux de paille
à la lumière d’avenir où revenir à l’aveugle
comme ombres de Dante qui s’allongent
***
c’est elle qui pose les chemises à carreaux de laine
sur mes épaules
***
la nuit transfigure aux carreaux des jours
ce que j’écris d’asphalte
l’encre aveugle qui me porte
***
j’entrai en mathématique dans un carrefour des astres
…
pour voir Adam nu quand la terre s’est fractionnée
…
les amours se cassent toujours en deux
sans compter les inventaires torrentiels
***
cerneaux de noix fossiles sosies de cerveaux d’asiles
***
la poésie est une fissure dans l’atome du verbe
***
du jasmin disait-elle du lilas d’ombre
…
les cantates de nuit de Gérard Pesson
le cri bleu des nuits de cresson
***
à la moindre rocaille de la parole la nuit intelligible
creuse les sillons des petits chercheurs d’or
***
la vie ne serait-elle qu’une réponse mille-feuille à la mort
posée sur le porte-manteau des jours et des départs ?
***
CONCERTO EN BLEU
c’était cette clarté de vieux chilien de vieux port
d’Aconcagua aussi
ce vieux temps ressurgi d’idéologie de bandeaux au front
les chevaux tractant les bateaux des pêcheurs
sur les sables d’Horcon
les cris voraces des goélands sur les tables bleues
d’une colline de Valparaiso
c’était l’espace pour la soif les guirlandes au ciel
et les pavés disjoints sous les pas posés les nuits obliques
où l’ivresse restait désespérée
***
les pas de la nuit rentrent dans le fer circonflexe
…
ce sont ces femmes ou peut-être le soleil
qui rentrent des persiennes
…
la terre se désaccorde le jour approche
***
11 avril 2021
la nuit a dressé sa nappe
on y parlera des vérités de l’homme
***
dans le No il est évident que les fantômes sont plus forts
que les vivants
***
c’est un ciel d’Août et comme une valse de saphir
un bleu de femme sur un chemin de fête
***
lorsque le mer était encore de cette profondeur maternelle
***
comme d’autres les fleurs les lilas et les hanches
j’abordais la courbure nocturne du mal
***
pourquoi la nuit m’obsède-t-elle sur l’écran blanc
de mes poupées de bois javanaises
à battre tambours et cymbales
la percussionniste au regard d’Orion ?
***
Billots de banque
***
L’ut mineur s’est fendu dans la claustration
la prison ouverte la plus pure
***
14 avril 2021
la parole entre ciel et soi
***
17 avril 2021
c’était une quinte désaccordée qui sentait la fin
une corde fragile
voire une chanterelle à la scordatura
à percevoir la porte ouverte du ciel
les goélands qui déchirent l’oisillon en plein vol
les concertos de violoncelle arrimés aux cordages
qui sentaient les pinces à linges oubliées
dans la buanderie de l’enfance
…
c’était une cantate au goût de brûlé
le cantabile de ces jambes de femmes
comme couperets d’amour
à l’agonie du jour
et des hautes herbes qui disaient
« nous fûmes antérieures à toi
quand tu vins dans ces champs d’orties »
***
21 avril 2021
des tonalités du temps dans ses anfractuosités
des mers blêmes
à hauteur des chants bleus de la tristesse
au travers de tes cils
se comptent en arpèges des harpes de soleil
***
les aveugles se suivent se tenant au bord du gouffre
comme un chapelet qui sombre
dans un froid à pierreries fendre
***
à reproduire le ciel et l’or des trésors
aux plus hautes fougères
des chemins corsaires
avons-nous jamais rendu le varech de nos plus obscures profondeurs ?
***
de ce qui reste de la douleur
à la soif ancienne
à la neige sourde du wanderer
l’obscur se dénoue
dans la force du limon
***
l’amour a ses fossiles sur le pavé de Valparaiso
qui se hisse de ses colliers de maisons bleues
de vieux vaisseaux fantômes et de nuits fractales
*********************************************
24 avril 2021
de ces larmes
dans le granulé des rivières
les racines plantées à la verdeur de nos pas anciens
des soleils vieillis à chaque éclipse de notre temps qui martèle
comme lapidé
l’équinoxe de silence de tes galbes
je suis à l’aube
gravier
aux premières sources
aux tessons de fêlures
***
poésie de Luc Ferrari
carapacée
à la fin de l’oxygène
les étoiles tombées
d’un sommeil de Pythagore
du revenir au Liban resté à Jeïta
dans la voix en myriades
murmurant aux murs de ses verreries fragiles
***
25 avril 2021
je japonise mes éclairs à l’encre flétrie de mon âme douloureuse
***
loin de tout cosmique loin pour plus loin
va-t-on à vingt-huit mille kilomètres heure
et autant de balbutiements sans une pensée
pour un amour passé ?
***
j’entends la lyre de Perceval
cette dolente ironie
de poinçon de fer
d’amour et d’ortie
***
les villas florentines de Klee sur les hauts de San Miniato
où on entre sans sépulture
le bonheur dans la main
la pierre et les cyprès à la plainte crépusculaire
***
et quel espace entre Greco et la faille de la pierre d’alcazar ?
***
Michel Portal le basque et le Mozambique
la clarinette clarinette basse
Stockhausen Mozartus et le jazzhus
De Copenhague
Il n’a rien manqué
Mars
peut-être la Lune
les deux sœurs Labèque
***
Requiem d’Ockeghem du plus beau de nos taches d’encre
sur l’indulgence des grandes vagues je l’aime et je me meurs
***
j’avais sauvé une rose sur sa fin
coupée et trempée dans un verre d’eau
depuis deux jours
elle m’a montré son agonie
les dernières pétales sont tombées sagement sur la râpe à fromage
comme pour me dire « merci maintenant tu peux marier mes ailes
entre les asperges et le curry rouge »
***
27 avril 2021
Pour les femmes au commencement était
la joie des corps
et non le Verbe
ciel à perdre aussi
l’Eve pétrifiée de la pierre d’Autun
qui se déploie sur elle-même
plus loin
il est dit aussi et le Verbe se fit chair
l’ombre de mon double — l’insoupçonnable
insoupçonnée –
***
30 avril 2021
descendant les vieux fleuves de ma vie absente
à la naissance du cœur je dessine leurs blancheurs
les décollations rythmiques de Stravinsky
CLEMENS NON PAPA
(spem in allium – pour chœur à 40 voix réelles)
2 mai 2021
je me vêtirais de la blancheur de ta peau
en te rendant les oripeaux
de l’univers d’où tu viens
sois madécasse sois sans retour
à porter ta dépouille
…
c’est sous un voile fleuri qu’elle était femme d’amour
et parque d’une vieille ténèbre
qu’elle déchiffrait son goût de glaïeul
et les galbes bartokiens dans leur rudesse hercynienne
…
j’ai inventé l’oubli et j’y pense dans les veinules du marbre
j’ai hérité de la mort de tous par voie postale
par baisers portés par les vents
comme un legs de la fièvre
lorsque les fleurs fanent au fil des fleuves
j’ai dénombré au précipice des étoiles
l’incendie de la parole pourpre
des Dordogne aux rebeautés cassantes
qui font falaises à flanc de hantise
comme suppliante et ronsardienne
une litanie de « dits » orfèvres pour tout sanglot
elle avait furtivement
cette nubilité de bas noir qui esquive
***
le dithyrambe de la lumière au brûlé de crépuscule
la lance d’incendie jusqu’à l’arc en ciel
tout à cette pleine robe
au dévêtu qui se hisse dans son rire
***
l’oubli dans les marbrures de la pierre
comme un cri
***
la pierre chiffonnée de tout son silence
***
l’image s’immole dans le réel
***
la horde du temps me traverse
***
7 mai 2021
ce sud je le connais où est le sel plus lourd que les lèvres
des tragédiennes
dans l’armada de la parole
l’océanique épousailles des vagues et des plus drolatiques
pierres d’enfer de Dante
c’est la stupeur des étoiles ce sud qui est un nord pour la chair
qui s’apaise
la muraille de l’enfance d’une autre chair à la tenaille
à la gravelle dans les exodes graves de la nuit
ce sud de galets dépoitraillant le havre et la vigueur
de la vigne rouge
les margelles concassant d’anciennes amours croulant
sur la poitrine de nos battements
les paris de Pascal
de larges poumons toutes voiles dehors
***
nous avions peu de temps pour naître
dans des indifférences d’éternité
…
je mesure les caveaux de ceux qui furent
dans les rigueur de l’hiver
et celles de Malherbe
vieillissant des souffles des buffets d’orgue
la main sur le temps
***
J’ai vécu en Urssie d’une balle en plein cœur
aurons-nous des cloches qui sonnent à creux ?
***
8 mai 2021
aux porches et aux porcheries disaient-ils
nous ne pouvions resarcler les limons de la vanité
***
à Florence, c’est une madone aux cheveux de lin
qui traverse les inspirés
***
tu chevauchais en ouest sans marge et sans récif
***
ce sont des schismes qui arrivent
la barbarie cyclique
l’humain par le fer
les dents qui claquent
***
Vasco de Gama entendait-il les mouvements lents
de Braga Santos ?
Braga Santos a senti la mer l’Atlantique lui fouetter les joues
à la vague
il a connu les mâtures les cordages et le sel qui brûle
Brahms et les allemands n’en ont connu que les embruns
…
je reviens à la nudité de l’ouest frappant Valparaiso
…
j’ai la mémoire photographique de ma vie
et quelques pelures qui m’échappent
***
flairant la rancœur et le testament vide
***
Canaletto la Venise aux eaux mortes et le cœur arrimé
***
9 mai 2021
c’est la nuit qui s’invite sous tes doigts de quinte
la fêlure des petits dies irae
vers quelque continent à déchiffrer
***
14 mai 2021
toutes les âmes sombres/sombrent
…
pourquoi brûler sa vie
y enfouir sa mort ?
***
le nudité le fer en face
l’enfer
***
le crible des vanités comme chez Dante la vacuité
et le chemin qui se perd
cette forêt féroce qui ranime la peur dans la pensée
le vieux monde la parole dénudée
se sont épuisés
les nouveaux dogmes s’ouvrent
d’une nutrition d’enfer
Nel mezzo del quatrocento
Giotto peignait lui aussi sur des murs
***
18-19 mai 2021
j’ai revu ton visage cet orage où je vis seul
la chaleur abusée et le fer
sur le ciel qui s’arrache
aux meules de pailles aux rires de lys
qui frappent au heurtoir des étés
d’une survivance en robe blanche
***
de pierres en clé de voûte à l’ascension de plus grand souci
…
la langue française c’est Mozart en clé de sol et de celles en majeur
qui brillent aux étoiles
de paroles de griottes dans la bouche des anges
***
20 mai 2021
l’étrave des navires pour les hautes houles
à la charge des vents
à l’entaille de chaque jour
la solitude dans un hérissement de ciel désœuvré
dans les bugles et le choral des vivants
vers l’Ouest vers l’étoiles sur nos fronts
loin des quais à l’emblavement de la nuit
le soleil en sang du Livre d’Heures d’Edith
Canat de Chizy
***
nous avons des rêves nous avons des réveils
mais ce sont de petits rêves et petits réveils
quand nous dormirons
d’un grand sommeil noir
verlainien et saturnien une fois venu le soir
***
22 mai 2021
j’avais comme les initiés cette sorte de désertion
de moi-même
ce reflux de ma propre chair où tu restes
un empire occulte à l’acier tolédan
à murmurer ces chants de cuirasses
de nos âmes ossifiées
***
Je n’avais plus l’âge de ces vagues qui pleuvent sur les rivages
***
que le vent nous emporte disait-il ? le sable
les châteaux
le billot du temps à défiler de nuit
d’une gifle de tuffeau sur l’azur
***
les arbres de ma maison respirent
bruissant d’une verveine
de bouche à bouche
***
la France de Guilbert de Bruant et de Fréhel
avant celle de Trenet et de Brel
est-elle encore en ce Mai celle
de Saint Denis où sont les tombeaux de nos rois ?
***
étais-tu d’une rue sans nom et sans visage
d’où venait le chant aveugle des vitriers ?
…
j’avais la lune revisitant le lunaire de tes seins
le tuilage de mes solitudes mansardées
***
24/26 mai 2021
nuit mûrie depuis les débarcadères du vent
d’une longue nudité dégrafée de temps
comme à avoir eu sur la paille Antigone
le cheval hennissant dans la poussière
dressée de barricades une polyphonie
renaissante
comme à fendre la nuit tragédienne irrésolue
je me pris à de vieilles hallucinations
à dé-pendre la loi morale
la geste antique vers quelque faille fleurie
comme à Ségeste dans la pierre
***
c’était dans la Rome des fontaines la turquoise de ses eaux
avec les cyprès noirs de Corot au Palatin
le colisée qui se dressait haut
à la force des collines et les cliquetis tacitéens dans l’azur
que sur la voie antique on portait la naissance du monde
***
28 mai 2021
nous n’aurons donc jamais d’aujourd’hui
dompté le temps durable
c’est dans le visage multiplié du ciel
dans sa galaxie de Taureau au boyau de la terre
aux pointes des cornes qui indiquent les étoiles
l’Orion dans la nuit éclairée et l’herbe mouillée
l’homme seul qui s’érige dans le ventre de Lascaux
***
ce que j’en dis aux effluves de l’art aux enfleures de l’orgueil
aux baisers du bois dormant
cette résurrection des pourpres entre les cuisses labourées
des vieilles narrations
ce qu’en disent les bois flottés qui préludent
au miroir du sommeil
c’est de sculpter mon corps d’orage mon corps de banquise
dans les dissidences d’une vieille neige
***
cette vieille méfiance des morts qu’on a abandonné
sans maison
à l’avenir des cendres
***
mes feuillets d’amour feuilles mortes
mes semblables d’automne rêche
***
29 mai 2021
buvant de mauvais rouges pour des aurores limpides le nez aux étoiles
la mort sera noire
j’y aurai trinqué tous les tragiques raciniens
les dessous de dentelles et les festons de la palabre
les caressées et les rebeautés d’anciennes chairs
le toast aux mimosas qui enivre comme un vieux Vaucluse
je m’en allai vivre plus loin sur la terre grasse
d’une vieille mort ouvrant la barrière
à l’incipit sur l’embuée d’une vitre brisée d’un « bonjour Monsieur Gauguin »
avec plaque neuve à mon nom
***
30 mai 2021
de nos croyances venues mourir au rivage
dans cette science devenue religieuse
rendrons-nous le monde
dans son visage désagrégé ?
j’avais soufflé comme au marbre les baisers rouges
des souvenances
les soupçons apophtegmes au vin de la nuit
***
Sébastien, Sébastien… disait au martyr
la flèche unique sur la poitrine
le Bellini dénudé le regard d’orfèvrerie
sifflant l’azur qui se révulse
***
du chansonnier cordiforme je serai de toute verdeur
tristement fortuné par cruauté restée de haut désir
le seul déploiement de moi encore jeune et fertile
***
31 mai 2021
elle possédait ce grain d’éternité cette lumière de prunelle qui
de sa chair griffée en rehausse l’éclat
sur quelque paysage griffon de Zao Wou ki
***
(c’est grand silence de tous mes morts je le sens à cette nuit que je sais d’étoiles bien que de lourds chagrins de ciel en cachent l’éclat c’est une lourde absence de cendres de tous les visages aimés qui perdent déjà un peu dans ma mémoire de cette carnation qui les a fait ce qu’ils furent et j’attendrai que mes yeux se ferment avec la main de chacun qui m’invitera à avancer quand il sera temps)
2/3 juin 2021
c’est à la face de l’Ouest que les vents s’érodent
à la parole de récifs et d’ossuaires
les spectres de tragédiennes à épeler d’un pourpre
de buffet d’orgue
ce grand sommeil grave
où nous sommes vivants
dans un galop qui bat aux tempes
***
Klein c’est bleu pour la plupart- Soulages c’est noir
comme un col officier prêt au billot
de même je peins le feu l’invisible matière ignée
la densité silencieuse de la pierre
et des gravats du monde
les pontons de mes amarres
les peaux-rouges persifleurs
comme Rimbaud mes voyelles de couleurs
***
6 juin 2021
Lascaux est un projectile lancé à la source
de la première nuit d’étoiles
qui portait le ventre du monde
Lascaux dans la poitrine des grands taureaux
à la raucité diverticulaire d’un cor mugissant
***
dis moi ton nom que je me souvienne
dans mon puits
au fond de moi
de tes mains d’angoisse
ce vœu que nous n’avons pas tenu
au fond de toi
et de moi
que j’accorde mon nom
que le vent susurre
au tien
amour petit
que je finisse
sur l’herbe haute
le temps innommable
***
les paramètres océaniques de l’angoisse
érodent la fin de la nuit où nous sommes
d’un crépuscule orange
d’une Amazonie de nocturne au curare
froid de serpent
à la morsure d’un ciel Atride
***
j’accorde mon flanc aux neumes aux accords non réversibles
des orgues qui prennent le monde de bleus et de jaunes
vers des falaises d’orgueil
et de leurs pleins jeux nocturnes et inhabitables
***
en juin ces noyaux d’abricots nous servaient de monnaie
pour gagner l’image d’une angélique
d’un petit cycliste
d’un soldat de plomb flétri
ou peut-être même la bouche dorée
baiser de papier d’une autre qui montait vers le ciel
***
à la fin de l’hiver à l’étang à la gnose à Ville d’Avray !
aux confins d’Aristote aux pelures du temps
à la racine du marbre à Cabassud
à Corot à Ville d’Avray !
(à Bernard et à Bruant)
***
Je pesais les marges des Evangiles
la noirceurs des temps embrunis
qui parlaient aux étoiles
d’une bouche recluse
…
c’était des vérités de bronze antique
de matité absolue
d’angélisme militant
d’île nue déshabitée
***
sur les mains du clavier à reproduire les dorures du temps
le bien tempéré d’un azur qui en aurait recousu
la pointe de la dernière fugue
sur les falaises inachevées du jour la clarine de mon absence
…
je baise la lumière de tes lèvres l’océan à venir
d’ultimes trous de clarté
…
C’est à Conque une lyrique théologique
à prendre la pierre à plein bras
***
9 juin 2021
dans ses prunelles en désordre s’étaient enfouies
quelque sept merveilles du monde
de celles qui s’engloutissent dans des amours
en méandres sur des ciels en archipels
et de ses cils bientôt clos c’est l’archet du virtuose
qui passe sur la nuit
le cri de l’Ophélie dans son avenir de fauve
***
pour baisser les armes il faut laisser des arrhes
courber les bras des arbres le long des acres
l’orfraie d’angoisse
là où nous faisons monter la ferraille
sur nos visages d’argile à la piraterie
des tours d’ivoire à la glose des pièces d’or
et à la lumière fauve
là où nous eûmes recours à la nuit livide
et aux bris de verre
comme à l’heure du bourreau sans arme
paupière closes dans un matin de glaise
***
La Mer respire dans les Dialogues du vent et de la mer
elle respire sacrément de ce mouvement scintillant
de cette gifle d’écume et de ces girofles du matin
jusqu’à se rendre à ces rythmes simples que sont
ceux de ces espaces noirs et distants du monde
hors de notre monde
dans l’abyssal rugissement au visage de la vague
ce que Celibidache mène aux bordures de l’apesanteur
et des pelures de diamant sur un temps englouti
***
… et de tous ces anciens baisers aux joues fanées…
***
POURQUOI, ARTHUR ?
j’appris donc que tu mourus de cette sorte de paralysie de tes os
de tous ces osselets qui ne retenaient plus même ton squelette
ce grand mépris qu’on peut avoir de la chair et des ossatures
nous hissant au plus brisant et aux plus pures plages de l’orgueil
plus féroce que la vanité de ces sables de désert vierge j’appris
ces grandes solitudes de glaïeul et de fauve en exil comme il est
des vols d’oiseaux et des vols acérés de milans de ceux qui frappent
de très haut la poésie qui pénètre en contrariant le cœur
des hautes banques et des artères d’asphalte
tu as sorti les fusils les dos de chameaux et les mirages
les muezzins qui ont remplacé les beffrois au ciel des Ardennes
…
nous enquillons la justice et les blasphèmes le monde
en bombinement où j’encolère les errances au cuir troué
et leur lit de fougères
la rivière de l’enfance est notre conscience
pas à pas dans la chair qui fait nombre qui fait mort
sur nos paupières qui se ferment
…
je ne t’ai plus jamais rencontré que sur des papiers peints
de mes nuits de ton âge à l’agate des horizons
sur le vélin bleu de tes yeux la destinée qui perce
l’acier brulant de notre enfer qui n’est plus même une saison
je la perdais corps et bien dans des tombereaux de soleil
ses affects ses dents d’ivoire
avec ses palmiers comme des bouchons de cristal
et son visage pali d’albâtre
***
… alors nous torturions le verbe les chevelures d’anthracite
mille fois respirées
le désarmement d’acier de ces crucifiantes
voix de bois de rose qui nous fleurissent
…
…comme ces osselets lancés dans les ciels
ces voyages lointains où mourut Desnos…
…
Mallarmé disait « ces nymphes je les veux perpétuer »
mais son premier cri était « j’avais des nymphes !»
allant donc aux sombres marécages aux nymphes dévêtues
***
13 juin 2021
à mon âge on cible le temps des visages qui nous ont accompagnés
***
les tornades dans le rosissement des amours
***
je croyais André Breton dans le verbe être le comble du désespoir
s’étant fait palimpseste
avec « si tu savais » Desnos est encore plus loin
dans le classement des désespérances poétiques
il y a presque cent ans il disait
C Q F D
harles uint AUX éfunt
***
Cordoba que j’aime
***
je suis sorti du ventre de la baleine quand Jonas dans ses couloirs de chair vomissait la nue venue de la nuit plus que nue
***
l’amour est un tissu dont on ne sait pas de quoi l’étoffe est faite
***
je t’apporte l’enfant d’un méridien de notre chair
les vivants sur la colline les pendus au désespoir d’ébène
les vivants dans la récitation qui énonce le fer
de nous tombés dans les houles amères
les cœurs croisés d’or sur les promontoires
quand s’en viennent à pas d’ombre
des balbutiements de ténèbres
***
MESSE DU TREMBLEMENT DE TERRE D’ANTOINE BRUMEL
KYRIE
je n’ai pas parlé de mes rêves
j’ai rêvé de mon sommeil
qui parlait de ces rêves
sous les voûtes à voix basses
de la voie claire à Conques
à Rodez
de carreaux de Soulages
à la lumière noire comme
la tétanie des ciels à claire voie
je n’ai jamais rêvé
de ces rêves à voix basses
je n’ai jamais qu’à genoux
voûté mes rêves à Conques
les ciels à la rue Charlemagne
je n’ai jamais rêvé
qu’à la rature de mes rêves
qu’au déboutonné des songes
vers les claires voies de la pierre
à l’architecture de la nuit
ces pelisses d’éternité
ces carreaux de verre
ces nuits obscures
ces volutes de volonté de pierre
ces archivoltes ces Jean de la Croix
ces Greco de nuit
je n’ai jamais rêvé de mes seuls rêves
que de toi sur les murs
et sur leur écorce où j’écrirai mon nom
***********************************
« la cathédrale dans l’ dos la Tour Eiffel dans l’ cul »
cette langue de barricade a tant vieilli
que les enfants sans tablier et sans grisaille
portent la ferraille future sous des encrier d’étoiles
qui côtoient les usines célestes
ces hauts vestiges de ma bouche contre l’écorce des arbres
***
16 juin 2021
d’avoir labouré l’arrière-saison alangui le vieux chaume
d’arrière-pays
au surplomb des années anciennes de l’enfance
du temps que la vie avait le teint rose
…
les vents s’accommodaient sans destins et sans entraves
la vie étaient un phare qui sculptait des chansons
sans chair et sans chagrin traçant la route de demain
chargée de bouteilles et de vins toujours neufs
les navires nous menèrent loin des rivages
qu’on en oubliât les sillages d’anthracite
et le parfum de rose de ces fêtes
qu’on crût même à quelque fabuleux vieux mirage enfoui
***
volières incandescentes dans la cocagne des printemps éclos
dans les vieux linges et l’herbe folle
il ne reste que les pelures de notre monde bleu
dans la découpe astrale au crayon dur des femmes incréées
***
abandonne toi à ma fidélité sans huis
…
au heurtoir sur la pierre
***
ce n’était pas l’Eden mais l’ennui Rimbaud
pas même les Ardennes où tu avais été beau
de tous ces Je
à jouer les voyelles A noir E candeurs
plus à l’est Verlaine plus au sud en Yémen
ton premier tombeau sous les ciels d’Aden
***
18 juin 2021
à Bali on façonne tous les masques de la peur
mais qui pour les porter ?
***
Clemens non Papa le polyphoniste rival du pape du même nom
d’un temps où les papes pouvaient se confondre
avec les polyphonistes
…
et le pire des enfers reste le néant
…
la nuque décapitée d’arthrose
le temps rentré dans les tempes
dans la neige des vieux jours
avec l’avenir eunuqué du passé
celui dont j’étais petitement rebelle
***
20 juin 2021
les goélands ne nous quittent pour les navires
ni les métamorphoses de la mer
ils nous ignorent entre ciel et terre
de leurs ailes féroces loin des bateaux ivres
***
23 juin 2021
Ambroisine Bré
sous le ciel d’Orange
mezzo large
ample et ambré
***
nous irons aux mors à l’érection des marbres
de l’avenir
parce que nous avons l’avenir à mourir
de ceux qui sont plus que mort
***
le cœur de l’émeraude
dans un fragment de rose
à bouche que veux-tu
***
24 juin 2021
mes peurs mes transferts analogiques mes hérédités noires
avec les viles occurrences de palais
de château dans la distance
et de pluies au pourfané de tes bras nus en bouquet
l’aurore inachevée qui sussure la déraison et le jour qui s’ouvre
comme une écorce libère l’entaille de mes solitudes
ma terroraison nocturne en osselets a pénètré dans la pierre
la limpidité de la lumière vient comme un demain futur
déshabiller le fleurissements de mes os
vertèbres après vertèbres sous des mains archéologiques
***
mes conduits testiculaires
comme à douleur
sans plus d’anges
dans leur tour de potier
***
d’une âme aimée et d’un corps disait-il
la glaise de Chartres à la mandorle
au « bœuf couronné » pierre à pierre
au seuil du madrigal
***
Patti Smith a acheté la maison de Rimbaud là-haut
Mick Jagger vit de champagne
qu’il trouve trop frappé
qu’il boit depuis un château de Touraine
quand la terre crie et les astres vacillent
…
ferraille de la nuit
sans éclat et sans bruit
***
27 juin 2021
c’était l’enfance sur la peau blonde
le soleil avait la force des foins
***
29 juin 2021
DE BOIRE EN NOIR
je me bats contre l’ivresse des bouteilles
le cristal fragile désastre
dormir dans la fureur de l’aile ivre des sommeils
30 juin 2021
ils jouaient le soleil aux dés
comme leurs nuits au bord des zincs
les infinis discrets aux bords des lèvres
dans de vieux bistros
les amours comme serpent
de verre pilé dans le poing
comme griffures d’ongles
dans la ténèbre des escaliers
dans des vins vénéneux
la nuit haute et rouge sur ses talons
des débris d’infini dorment au fond des bouteilles
c’est tout l’or du grand ouest des vagues carmenere
de Chili au pressoir des soifs
toutes les illuminations qui coulent dans l’incendie
de la nuit
où l’infini s’éraille et mon amour n’est qu’un nom
1 juillet 2021
j’allais dans le voyage comme j’allais à l’arôme
comme l’enfant allait et venait à la mer
***
c’est aujourd’hui jour de colère dans les poitrines
à la clarté du verre devenu fragile
l’herbe est haute la rose aux lèvres
les buveurs de zinc toujours à fleur de canon
***
2 juillet 2021
mille ans avant -des galaxies bleues de temps avant
j’étais comme toi à la crête des volcans
dans des vérités d’orage
de fureur de lavande dans des armoires de lingère
mille ans avant -des galaxies avant et de soleil
j’entendais déjà le mugissement
le museau de taureau de Cnossos de Mithra
de Lascaux
dans des douleurs d’étoiles
et puis le sang et le parfum de la terre droite
comme une épée d’Alcibiade
***
Juliana et André Breton s’accordent à dire que la poésie la plus puissante
est celle qui ne reste pas dans le fond de l’encre
***
la solitude de l’eau indolente
***
3 juillet 2021
c’était des douleurs de l’affect des opus 111
les beethovéniens sur les cris de l’été
leur chapeau était des pots de fleur de violettes
un arrosoir de buveurs sur la terre grasse
le cœur des guérisons
de celle qui n’est pas tout à fait à moi
***
4 juillet 2021
nous avons aujourd’hui une plaque tectonique
temporelle
un continent secret
qui nous sépare de cette adolescence aux rameaux drus
dérobant à nous-même nos amours
pour
comme au marbre
les garder en mémoire
***
avions-nous le cœur dans la lune
la chair qui tremble comme une ruine
dans des sables semblables à nous ?
***
5 juillet 2021
la mort a pris la place dans un couteau
dans ce moment éphémère de douleur
où la chevelure et le temps qui ride
viennent du jour à la nuit qui dit
que le jour s’est épris de la nuit roide
et froide de cette froide
tranche rougie de la nuit
***
les fées méditerranéennes n’ont pas le parler de Laon
le serti des vieux soleils
la mer grandie des bœufs à la pointe cardinale
de la pierre tout là-haut
que ne s’aiguisent à la cloche de cathédrale
les verticales dressées sur l’océan des blés
***
7 juillet 2021
nous nous refusons de traverser les nuages
nous nous sommes interdit de nommer
la poésie
et de nous habituer à la beauté
autant la prendre à la gorge
et rempailler un clair de lune
***
12 juillet 2021
un vous vrai incroyablement tu
***
19 juillet 2021
c’est à Savenières Montlouis Cheverny
***
je t’ai perdue au bord d’un ruisseau d’une source bleue
d’un mur scellé
de terre jaune et de nuages à l’ éphémère
à l’aune de bronzes d’un métal de lumière acrobate
je ne t’interroge pas je tutoie du regard
l’épaule qui nous lie
à feindre la dignité des braguettes
à se perdre dans de justes cieux ?
cœur jauni au clocher lombard
à l’a fresco du temps
***
21 juillet 2021
nous qui avons encore quelques temps d’éternité …
***
26 juillet 2021
certains eurent même la nostalgie de l’éphémère
l’ossature fragile de ce qui nous fit
vivre jeune
absorbé les vieilles pierres d’église
d’un bleu de matin qui fait sonner le cuivre
tempéré le goût de l’ivresse les clairs obscurs
de l’éclat des rubis et des serpents qui saphirent
les ricochants anciens
qui donnaient le goût de la Loire
les archipels à la bouche du ciel à la corne de bateau ivre
Dieu passé dans la chevelure de soleil
en perte de dentelures d’or
***
28 juillet 2021
y-a-t-il en chaque mort un homme vivant à venir ?
C’ERA UNA VOLTA UN BICCHIERE DI VOUVRAY FRESCO
y-a-t-il en chaque homme vivant
un homme mort revenu ?
…
regarder l’indigo, la pluie qui pleure sa lucarne
de douleur,
le rimmel, le ciel désespérément vivant de nous
…
miroir contre miroir qu’aucun peintre n’a pu conjuguer
« dieu a voulu laisser l’homme à sa liberté »
«à son conseil », est-il dit
… « que l’homme ne s’égare pas … qu’il grandisse »
C’ ERA UNA «CAVE» DICENDO «QUI SI BEVE IL «MONTLOUIS»
1 août 2021
misère de mes yeux fermés qui es-tu
mon ombre ?
ma misère j’ai comme des dents qui mordent l’azur
misère du vol des prédateurs
…
misère de mes tristesses mon arrière-pays de rocaille
où s’ouvrent des voies cyclables de ciel
…
je meurs de mes misères de mon ombre de ma faim
de ma petitesse de celle de mes chances de mes lumières
des éclaircies et des auvents que tu me donnes avant de partir
***
vers quels vents quelle verrière quelle ornière quel aigu
nocturne de la Piedra Feliz
vers quelle brune à la table vouais-je cette trinquette
de dégustation aux lampions et aux pavés de Valparaiso ?
***
de ce temps où tu m’as suivi
où je t’ai suivi
où l’éternité a mis les pas sur nous
***
je ne sais de quel amour parler de ces caresses qui sont passés
…
de qui suis-je Ulysse et qui aimais-je ?
***
chanter les marches d’Angers celles qui montent comme au verrou
au pain d’épice du jour
à l’archi nuit à la nuit qui dégringole
au promontoire et au de guingois de la fin du monde
à l’hôtel à la moquette souillée
***
le chemin de tes hautes cuisses …
***
4 août 2021
il y a le Sacre certes et le Marteau sans Maître
l’espace tendu de cloches et des satinés de marimbas
des dépouillés de gongs
des dangeresses au silence de mer qui monte
***
6 août 2021
aujourd’hui je suis dans les embouteillages
la lumière
du matin est intense
c’est l’anniversaire d’Hiroshima
soixante-seize ans déjà
soixante-seize ans toujours
la radio s’amuse avec le jeu des mille pétales
***
comme la neige cet appel de la chair
ces sables d’anciennes désolations
***
la rose de fer de ce sang charrié
de ces mers qu’on voit danser
et ces vieilles trémières qui viennent
des profonds du bitume
***
corps de ruine château de la nuit
j’allais vers le rivage
la mer est monté jusqu’à ma gorge
dans le plus beau marbre des douleurs
tu savais voir monter les ténèbres
à la lisière de ce temps où nous sommes perdus de vue
***
8/9 août 2021
dans l’abattoir du temps les dogmes ont les pieds nus
la rocaille sur le paysage a sa robe de cristal
la nue originelle qu’on voit dans la fondrière de ses roses
porte les perclusions du ciel
à la béance de la terre qui s’ouvre
***
11 août 2021
l’ellipse au poinçon du lys
***
16 août 2021
je me rends au soleil à ces récits de pays de turbulence
à la vie errante
à ces quelques mots passants sur les lèvres
de celui qui parlait à l’oreille des gisants
…
j’écrivais maintenant les nuits en terme de torpide
ces étés de miel où la matière fond
…
le Sahara sur la bouche de mes nuits dromadaires
***
Millau navire aux sept voiles
aux quilles qui s’enracinent
dans la mer des Causses
…
les millavois de 1980 étaient déjà
sous de belles neiges
de celles où l’on aurait pu mourir
les plus belles de Rodez à Millau
avec écrit sur le mur qui descend vers la ville
les millavois sont de petits lapins bleus
***
18 août 2021
l’étoile où vont les désastres avec les nuages de la soif
c’est la loutre des crépuscules sur la Loire
la nuit nattée dans l’herbe rosie des jasseries
comme si l’éternité s’était posé sur le tour du potier
***
21 août 2021
je passe mes nuits dans des sommeils d’acier
***
22 août 2021
nous nous décillons avec le temps finissant
dans le sans savoir
et dans la pierre démunie les dentelures du silence
…
la mort avait des branchies
dans la voix profonde des noyés
***
26 août 2021
je n’ai pas comme dit Ben l’Oncle Soul l’humour de Desnos
les caresses de Gala ni le souci d’Aragon
je n’ai pas la frivolité de Bruant ni les dents pétrifiées d’Artaud
je n’ai pas le velours d’Eluard et les morsures de René Char
l’aigle congédié ni l’albatros ni les pélicans
ni les mohicans de Daniel Biga
je n’ai aujourd’hui que l’acier et le baiser froid
sans plus aucune facilité
pour d’antiques danses sacrées
que l’humilité de mes lits d’arthrose
***
je me perds dans tes yeux de beffroi
dans tes infinis poignets de carillon
et dans ces clavier d’orages
qui abritent
du rouge transfiguré de tes lèvres
la bouche de ma ténèbre
***
29 août 2021
en vin je suis resté là cheminant mon désespoir
à bonbonner d’un ancien rituel
les vieux glouglous héréditaires
***
le baiser fluide de l’acier sur ma nuque
une arthrose à mettre en malle
***
30 août 2021
j’ai le monde à contrejour
***
les tentations d’Antoine disait-on
l’hallucination après tout ce temps
les mains rupestres qui…
la toscane hérissée
le roseau qui sait rompre
le petit choléra masqué
***
la rosée comme un grand Tavel à la hache
les torsades qui se tissent
les marbres dans les grandes amours
dans des ancrages
dans des puits
des dents qui se cassent
à la facilité des tombeaux
la terre aimée dans les fonds de la chair
la neige est ici corps et biens
***
dans bien longtemps
le long endormi de sommeil
de celle qui s’endécouronne
***
ces matins du plus abandonné de nous-mêmes
qu’elle avait de me donner le peigne
pour lui redonner une chevelure
***
j’ai deux princesses bleues de Marco Polo
comme une traînée de cobalt
aux doigts d’encre de Monique Ariello
qui me regardent depuis le lointain
de leur voyage fugitif
ET TANT QUE VOUVRAY
3 septembre 2021
MARIE-CLAUDE IN MEMORIAM
FILLE DE PAULINE DEYDIER/PECHEREAU
Louis d’étoiles
de marteau sur la pierre sculptée
d’empire de ciels
qui se brisent dans la carie des tristesses
…
ceux qui nous quittent disent un jour « au revoir »
sans qu’aucun ciel ni nuage nous a fait revoir
la chair de nos souvenirs
sur l’échiquier du temps c’est à nous maintenant d’approcher l’ombre
************************************************************
4 septembre 2021
et voilà dix ans que maman est morte
…
un jour on ferme les paupières
…
que s’est-il passé avant ?
***
la lune des îles est souvent rouge dans ses archipels
j’engrange le temps avec le sommeil de mes douleurs
***
6 septembre 2021
nos vies ondulent comme une gnossienne d’Egypte
à dos de douleur de dromadaire
au surgi de tragédiennes
et à ces vergers bleus d’Autriche aux lucarnes
de blé d’orage
et aux baisers sur un vent d’étoiles
le tuilé de ma peau recuite
à l’avenir de désert brûlant
***
mon cœur est sans dimension il est le cercle d’un avenant à combler
***
nos amours avaient dans cette pierre qui demeure
des odeurs de cuir
de jaillissement de fontaine
de réclusion de jour parmi les dérobées
de roses trémières
leurs lèvres à la cocagne de l’azur
***
11 septembre 2021
de la petite Auvergne les sources de la pierre
restaient dans les jointures du jour
les fatigues de la nuit
le pays insomniaque
***
je lisais ma vie dans les lignes de ta main
de celles qui s’évanouissent
dans le poing qui se ferme sur le monde
***
13 septembre 2021
ce sont à pleines poignées les soleils de diamant
de cette lyrique où tu respires
***
14 septembre 2021
le temps est une spirale de Sisyphe à quatre saisons
***
ce chant retenu qui tient aux plis des lèvres
à la lèpre de l’hiver
***
qu’étais-tu devenue après l’ombre tombée
dans la geste de la mer médiévale
d’une chevelure d’orage ?
***
les veines coulent comme à l’accompli des fjords
le temps des fièvres bucheronnes
***
16 septembre 2021
dans la fécondité du vent à peine si j’ose…
…
l’homme dans sa droiture au seuil de la clarté
…
l’échelle du silence comme celui de l’ange contre Jacob
***
ces visages de ciel renversent les vagues du couchant
l’heure déshabitée des loutres de Loire
des châteaux qui hantent comme un beau crime
***
19 septembre 2021
ce qui frappe c’est que tout sera comme une anesthésie sans réveil …
…
dans la clarté fertile d’un crescendo de vertige
***
je verse mes larmes vers toi vers ces dieux qui nous ont quitté
cette mort lente qui disait
te souviens-tu que j’avais perdu le visage de nos tombes
qui portent le sommeil
***
comment rire de ces vérités de soleil qui ferment les paupières ?
***
j’usurperai la clairvoyance des timbales et des clavicordes du matin
***
le paradoxe de n’être rien
***
23 septembre 2021
était-ce bien mes paupières dans la lumière des ressacs ?
…
d’Angers à Benoît-sur-Loire par les méandres
***
c’est dans l’odeur de la cruauté
que la faim au ventre
je prends la main du vent
dans les trainées de ciel de ton visage
***
« naître ou ne pas être » que j’en ferai dans l’or brûlant du temps
le chant de mes ancêtres
celui qui nommera le nom de nos visages
***
ciels et cieux innombrables ceux
mouchetés de nuages pieux
***
elle avait la beauté longue presque alezane
au garrot d’une fidélité de marbre
***
27 septembre 2021
il est une volonté qui tient à la passion de ses respirs
et c’est tout le ciel qui est sur son visage
…
nous nous sommes peuplés d’incertitude
d’histoires de mort et de fugitifs
de ciel surabondant et de puits de soif
à vivre comme un noyau solaire
à nous chercher une vie plus haute
***
c’est une enténébrante brûlure de la soif
cette théologie qui nous sert de bout du monde
***
plus encore dans la nudité
le franchissement du seuil
…
un soleil réapparu jusqu’à la saisie
d’un transitoire sang des profondeurs
***
28 septembre 2021
je resterai toujours autre
d’une vie que je n’ai pas vécue
***
nous avions des inductions de cœur
de pays et de bitumes de silence
à ne pas sombrer
à ne pas quitter les bandeaux de l’enfance
…
j’ai travaillé dans des écoles
j’ai pris les brumes du matin
les illusions des manoirs au pain beurré
au décousu de Madame de Galay
dans ces étangs de grand Meaulnes …
***
pourquoi suis-je métaphysique
près des pleurs et des ensevelis ?
pourquoi caréner les vaisseaux
les ports de Valparaiso ?
***
29 septembre 2021
D’une banane de lune croissant jaune qui luit sous les dunes
***
2/3 octobre 2021
c’est un long fleuve où s’esquissaient les forteresses de la mémoire
le cœur enrichi des nageurs de fond
à vivre jour après jour la férocité des ruines
se voyant mêlés les saisons et les châteaux
***
4 octobre 2021
nous nous retrouverons dans des glaïeuls de ciel
à la complexité que susurrent les vents retentis
des rires anciens
des gouaches inachevés
et de l’encre bleue sur nos misères d’enfants
***
5 octobre 2021
on s’était dit qu’à Ouessant ou quelque part
tant que vivant
tant que gisant
à souffler aux plèvres de la mer
et ses radeaux d’émeraude …
***
7 octobre 2021
l’ancre est levée nous laissant à quai
de ces vents favorables
aux artifices de la terreur
nous laissant aussi comprimés
dans le grand chutant du rêve
que les voiliers
qui n’accostent pas aux quais
***
11 octobre 2021
ce temps énucléé que tu tiens dans des mains de brumes
ce temps de surdité qui élève ses stèles
en métamorphoses de silence
le retour barbare
sous la muraille des jurisprudences
***
j’ai déshabité les ombres du souci
dès la naissance
vers les voilures
***
13 octobre 2021
ma tête est entre les mains de la Constellation des Gémeaux
au rythme de mes rimes
de celles qui prolongent le visage de ton nom
c’est un souffle qui passe sur mes fioretti
à détruire le bleu de l’impasse des violettes
ma tête est dans la moitié du ciel à me peupler
de la transparence des anges
l’autre à me sculpter des Lascaux de pierre féroce
sarcler les géométries d’Orion …
que disent donc les jardins japonais
qui posent leur lune sur l’empire des nénuphars ?
***
16 octobre 2021
enfin j’ai pris la conjuration pour mémoire
avec la barricade des étés
les ruines de la pierre
et quelques fresques d’amours ensevelies
le monde avait rendu l’âme
avec les vendanges tardives
des chairs de novembre
qu’un voile orphique
dissolvait à l’acuité des regards
***
ce mallarméen miroir qui glisse en biseau avec nos ombres de vieux hasards
***
17 octobre 2021
mezzo soprano pourpre comme une glaise palpable
dans la grande araigne du ciel
j’ai aimé mon enfance
les images automnales
de mes livres sous l’abri des arbres
et sous les pages ventées qui parlaient de l’avenir
***
les veilleurs aux carreaux les solitaires au bleu
des levers du matin
à l’encrier des chagrins
***
vivre est d’arriver à la nuit
…
je me suis levé comme Lazare
…
j’ai longtemps été traversé d’indéchiffrable
***
c’est un vent de baltique d’étoiles vertes
dans des nuits tenues en laisse
***
18 octobre 2021
nous étions enciellés de magiciennes
à la Place Bellini
avions repeint tes yeux
d’ocre
aux petites sanguines siciliennes
***
19 octobre 2021
c’est à l’ouest que se dressent les tresses de fureur
du crépuscule
les carlingues
les ocres aux murs
le métal de la mer
les Valpos sur la ligne de crête de la Piedra Feliz
***
comment engendrer l’espace venu de lois infinies ?
– d’un Marteau sans maître
de ruisseau lyrique-
aux couteaux d’archivoltes qui dévastent
…
… Percussives …
…
ceux qui cherchent le noir étoilé
le pulsar habitable
***
je veux connaître les limites de l’infini
poser mes doigts sur ses contours
ses pelures et ses boursoufflures
aux balafres des vieilles écumes
***
LASCAUX
le diverticule des taureaux de Lascaux
comme une matrice, un passage …
vers l’homme à la flèche
…
Du Livre des questions :
quelle main s’est posée entre Lascaux
et la légende d’Ursule vénitienne de Carpaccio ?
quelle étoile posée sur les cornes des taureaux
avait désiré infléchir la géométrie d’Orion ?
quelle brisure du temps portait ces creux de Mercure
et de chrome sur les genoux des enfants ?
****************
21 octobre 2021
couteau dans la poche qui brille tel un dieu acéré
puis la lame venue dans l’arène de lumière
comme une noyade de chevelure
à chaque gorgée de soleil
***
l’ amour est entrée dans la lumière
à l’acier des certitudes
l’homme de demain porte la chemise
et le cri crépusculaire
de ceux qui ne vivront pas ensembles
nue et venue crispée d’orage
et d’une source jaillie
dans la pierre des litanies
la racine probatoire de l’homme qui s’exile
***
22 octobre 2021
d’une mémoire rompue mes paupières s’ouvrent
à un pays de semailles
un pays neuf
une lande sans visage
…
Rome est une ville qui a construit un monde à la couleur des pierres
à la lucidité d’un jour qui se lève
…
je nous envisage médusés
d’un désert encore en nous
l’aurore au silence
***
mon cœur a renversé la table des lois et des désirs
la femme glisse de son matin incendiaire
ses hauts talons
l’or capital de son désir
***
24 octobre 2021
les paroles tombent du fond de nous
d’entre nos dents
jusqu’à la gerçure fossile de la mer
***
l’oubli résonne d’un cœur sans feuillages
***
1874, Impressions, soleil levant
…
1894, Prélude à l’Après-midi d’un Faune, le nouveau monde est en marche
1895, première séance de cinéma public à Paris. Les frères Lumière. L’obus est déjà sur la lune.
…
1899, ma Nonina est née en septembre. Tout est mis en place. Le XX° siècle peut ouvrir les portes
***
J’ai décanté l’azur sous le auvent de tes paupières
***
27 octobre 2021
LE POIDS DU MONDE
j’ai cherché seul le seuil d’un paradis
…
J’ai suivi une étoile dans les laines et les ronces du chemin
…
vers des bûchers dans la chair taillée et l’eau des origines
…
l’humanité a la densité magnétique d’une violence infinie
qu’un seul de ses dé à coudre pèse des milliards de soleils
qui nous viennent au visage
…
l’humanité a-t-elle préjugé de nous ?
…
nous irons vers la densité du noir
nous perdrons les clés de la ville
************************************************
ma naissance me manque
nocturne
***
31 octobre 2021
plus loin qu’une ville qui nous retient
le rouge dans les bouteilles
il est aujourd’hui un lieu pour demeurer
de carreaux
de mosaïques de mémoires
de portiques ouvert sur le ciel
de coulées d’or frais
sur les tabliers d’écoliers
des tuilages de neumes à perdre haleine
dans la raison des ruses
dans la pétrification du cœur
1 novembre 2021
je domestique aujourd’hui l’effervescence riveraine
***
j’aime à croire l’incendie sur la joue des croqueuses de pomme
***
l’espièglerie des cornes de brumes sur les théâtres de la mer
***
le baiser d’arbalète de celle qui perle à l’inlassable d’une chanson
…
voilà que je porte une ombre qui me précède
le cœur irrigué par des chemins d’opulence
***
5 novembre 2021
… le temps perclus de mes vertèbres …
***
j’écris la partition déchiquetée de mes amours
le balcon azuré d’un ciel qui m’a quitté
***
l’isolée du monde à la pierre ponce aveugle de droiture
mes yeux clos mes mains sur les dieux de Rapa Nui
***
dévalisant l’évidence
l’homme a inventé Dieu pour se prolonger
***
7 novembre 2021
c’était l’heure des harpes et des araignes de châteaux
dans de froides nuits qui nous tombaient sur les bras
des vallées aux cœurs arbitraires de mondes clos
et de roses encloses dans le bijou qui respire
sur la ligne de rossignol trop haut juché
reine et roi s’il en fallut
***
la beauté a-t-elle un poids, une irraison ?
…
et Dostoïevski ? Dieu ou le suicide ?
était-il lové aux racines du ciel ?
…
le coutelas du veilleur dans la nuit d’islam
acquiesce à la décapitation justiciable
***
j’avais mon amour à l’encre vive d’un regard
qui se lève
les vins de Montlouis qui s’enfouissent
et coulent comme des veines de Loire
à l’heure des loutres
les cloches sous les pluies au secret
sous les cryptes de ténèbres
***
9 novembre 2021
personne n’aime les mouches, et il est plus que rare de faire avouer quelqu’un qui ai dialogué en silence avec l’une d’elle une nuit de fête de la musique
***
13 novembre 2021
ma marraine de ciel aujourd’hui partie m’a laissé
un trésor d’images de tous les vivants
que je pensais disparus dans les claquemures
du temps
les caillasses de l’oubli
revivant aujourd’hui d’une boîte de carton
avec tous les visages les ombres les flous
et le vivace de l’oublié
***
comme sur cette voussure de Chartres où Dieu
pétrit Adam dans sa pensée
mains posées sur des hautes plaines
de pierre usée par l’azur
la mosaïque de ton visage dessine un plein
oubli moussu de nous-même
***
14 novembre 2021
notre bonne étoile s’est-elle perdue dans tes « mille regretz » Josquin
aux profondeurs d’une polyphonie quantique ?
… quand mon impure âme cisaillée devint nue …
***
18 novembre 2021
dans l’abîme se dépouillaient de grandes cages d’oiseaux
…
la mort valsait sur la poitrine de la misère qui s’affranchit
***
dans le jardin rêvé de mes songes la mort minérale
prononçait mon nom de pierre
dans son règne
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19 novembre 2021
on a donné tous les noms de la terre aux tisons
aux bûchers et aux fièvres
tous ces poèmes de l’errance que je garde
de celle qui redorait la vieille sonate de Proust
les douces chevelures du temps
aux portes de la mer
la nageuse au martèlement de pluie
l’oubliée narrative à l’arpégé de ses paupières
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c’est un marbre bleu une fesse lunaire d’aiguisée
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21 novembre 2021
les cymbales sérialisaient le temps
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le marbré du cristal l’instant dicible de l’exil
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ni escale ni monde recomposé qu’un vide infini
sur les coulées d’architecture au bord du chemin
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j’avais reconduit la locomotive qui sifflait l’haleine
dans son martel cuivré
la chronique d’un beau mourir
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ma naissance avec le temps
au cliquetis de mes os
churent depuis une poignée
d’atomes de petit soleil
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23 novembre 2021
l’être irréparable vers un cœur transmissible
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25 novembre 2021
L’AMOUR DE LOIN / Jaufré Rudel/ Kaija Saarihao
…
j’étais dans ton treizième siècle à balbutier il y a long
l’amour de toi
je lisais des livres sur tes lèvres de jeune belette
qu’à la fin je parcheminais mes vérités à la source
d’une eau bue de fougères vierges
de celles antiques et comme venue de ce geste
d’une Vénus de pierre qui se peignerait
dans l’eau solitaire du jour et de la nuit
27 novembre 2021
ma transparence aux oiseaux auguraux
aux ailes qui battent
les cartes des crépuscules
au loin sur les linges des terrasses des plaines de Toscane
ma transparence enténébrant des eaux où baigne Suzanne
à dormir
terre terrestre
transparente
les bras ouverts aux cargos derrière la mer
la clarté broyée de bar en bar ma transparente
de collines en collines mon ondine
jusque dans la rue Pierre Loti à Valparaiso
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28 novembre 2021
Marin Marais est une plainte de gambiste
au boyau d’une douceur de basse de viole
contre la peau des cuisses d’une femme
qui parle de la ruine du temps
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29 novembre 2021
ma chronique est souveraine et les goélands infâmes
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il pleut sur Cadix des poésies de grand large
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… sur les dunes sur les sables quand l’herbe crie
peut-être à Ostende …
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30 novembre 2021
les sourcils de celle qui dort ont la courbe volontaire
l’architecture voyante
du pont du Gard
peut-être aussi de Millau
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entre le festin de Balthasar et la Suzanne au bain
Rembrandt aura mesuré
La douloureuse exactitude de nos visages de bordel
1 décembre 2021
Promenade de la mort est un cheminement lent
d’oracles et d’oiseaux de ciels bas
qui chante la muraille et la fissure d’Antigone
l’achèvement du jour où va vers sa nuit
la romance terrestre de Jean Giono
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2 décembre 2021
la lumière gît et le cœur s’éclaire sur le vin des buveurs
les souliers butent sur le chemin des étoiles
et quelques uns attendent dans l’or de leur verre
que s’ouvrent de lumineuses braderies de ciel
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j’ai mis plusieurs armures à mon chromatisme
à mes pierrots de lune
que les lits des ruisseaux rendirent l’éclat
de nuits neuves à mes harmonies d’anamorphoses
et à mon ombre qui parcoure à tâtons
les lierres en basses eaux de nos fidélités
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demain revoir encore mon enfance invisible
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3 décembre 2021
le jeu par faconde avec l’amer vent des tresses
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le temps nous apprend à devenir impur
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4 décembre 2021
une lune en son quart entre aiguisée et déguisée
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serais-je Cassandre Callisto dans le bruit des eaux
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sur la terre en ses gisants
entre les ciseaux du vent
les pas sur le pavé
le miel à la lune
la rugissante au désert
à la glaise
à l’étoile froide et dure
là où mes os se désunissent
je vais vers mes sables de Sud
…
m’endormir de nos vieilles chairs
mourir chargé de chaînes
de nuit venant en cataractes lasses
d’un cœur de chêne en val de Loire en Val de Grâce
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de ce « bel morir » d’une grâce de semence et de fleur
ce long col qui se résigne à un sommeil de sépulcre
de coquelicots à ouïr la nuit
nous n’avions jamais parcouru qu’un parfum d’abattoir
dans la fange originelle
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Les défunts n’assistent jamais à leur bilan
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5 décembre 2021
le goéland au large de Tanger en exil de moi-même
…
en bord fangeux de détroit
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Morcelées les étoiles luisent sous les paupières
je ne suis pas de plein bitume
mais d’encre bleue
de bras moulinant au ciel qui constellent
de droiture aphoristique
j’écoute cher Pierre Boulez
ce qui sort de la nuit comme paradigme
de bruissements en quatuor
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12 décembre 2021
de Dieu ou de Jupiter quelle ombre d’aigle
a été la plus violente sur nos âmes
…
fossiles comme poignard il faut la nuit
…
elle avait la morbidezza de la chute de ses reins
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13 décembre 2021
selon les plis du hasard la paille et la grange à l’incendie
comme nuit d’étoile à la Turner
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nous irons à sables rouges comme nous avons vécu
aux sables d’or
dans ces temps où le soleil dictait les rivages de l’enfance
je partirais bientôt et toi aussi
vers quelque planète de densité à noyau sombre
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14 décembre 2021
mon alocasia verse des larmes à la pointe de ses efflorescences
des larmes de quatuor nocturne
en pizzicatti en arches vers le ciel
jet d’eau d’amour figé elle respire à la quinte et à l’octave
du poumon fractal à chaque fois neuf le tropical
de ma nuit entrouverte
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dans la disparition de Pérec le mot temps ne peut être écrit
de cent pages de mille pages
comme au vent d’un nom déshérité
…
perdu retrouvé il est le non nommé
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15 décembre 2021
ce n’est pas le big bang mais l’origine du monde
moussue et fertile qui s’érige sous la caresse
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19 décembre 2021
passé le pont qu’en sera-t-il de cet Arcole
transcendant des soupirs
et des nausées d’étoiles
de ces tranchées d’ouvreuses de cinéma
à dévêtir le récit d’un temps de cristal
…
peut-on s’imaginer à cent soleils d’ici
que vous fûtes aimée en secret
du plus beau mouvement de vos bras ?
…
archipels des brisures
devenus sables de la verroterie amoureuse
…
resterai-je sous la lucarne pour creuser
cette voie pavée de ciel
de longues rues de cristal fragile
et de pluies sur les gamelans du temps ?
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en bouquets de tulipes polies comme des pins de Rome de cristal
avec mes carafes de rhum bouchonnées de grands larges
au soleil dans des épées de crépuscule je viendrais
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pourquoi peindre l’impatience dans une rose
envisager la nuit dans les brumes ?
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dans des nuits de Pacifique
de vieilles flanelles sur la peau
dans la rumeur des vagues
l’érosion des pavés
il disait « je ne suis pas artiste Valparaiso, j’aime tes bars »
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divin dieu du vin
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21 décembre 2021
se mouvoir en la lointaine fugue des morts
ce goût d’oiseaux et de foudre où je tremble
…
est-il une misère lasse à peindre
autour des buccins
des romances à dents d’acier ?
…
le bleu de mes yeux va de la Sicile à l’Alsace
dans toutes les villes où l’on tient comptoir
et bar d’affamé
…
la nuit nous tient la main à nous dissoudre
dans les grandes litanies
échevelées de la mer qui s’inonde
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25 décembre 2021
Rabat où je vais revenir hanter dans l’ocre et la blancheur
les fantômes de mes racines
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27 décembre 2021
nos destinées demeurent arbitraires
dans le silence des grands paluds
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envoyant des cerfs-volants comme d’autres habillent
le ciel de satellites je criblais le vent
dans ses labyrinthes
d’une ivresse d’étoiles titubantes
depuis ma main de fer
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