Poesies, 2022

Ce bleu qui a couleur d’exil (2022)







MYRTHEN

                              (Hommage à  R. Schumann)

Janvier 2022

nous avions appris des roses trémières

le bitume des ciels de Loire

les bistros d’angle les dentelles aux fenêtres 

la fin du jour à l’heure des loutres

les clavecins et les souffles désaccordés

à dessiner la pluie de chants piquetés

sur mes tuiles aux cliquetis d’argent

                                       ***

4  janvier 2022

c’est sur le pont de Cordoue d’un vieux chemin de peste

s’il m’en souvient

avec le navire de quelque cœur broyé

vers les femmes indolentes les urnes et les ventres

qui abritent de cette cécité de lignage le carmin des détresses

                                       ***

je respire cette féminité animale qui est la tienne

et tous ces poignards dans les yeux

pareils à la chair pareille à la tristesse

d’un corps d’homme qui chavire

                                       ***

les engelures de janvier l’incendie des étoiles

m’ont porté

jusqu’à te dire ce silence de mes lèvres 

l’enclos durci de tant de cailloux de ciel

nous avions les douleurs de l’amour

dans des chutes de morbidezza en bas noir

                                       ***

6  janvier 2022

au cœur du crâne un vieux chêne …

                                       ***

la langue est aux baisers comme à la sagesse

l’artificieux mimosa

le cri crépusculaire d’un vieux safran

j’entends encore les rires sous l’auvent

et les ressouvenirs à l’angle des ossements

                                       ***

mes dieux vieillissant comme voltairiens

dans nos enveloppes de cadavres cagneux

tchékhoviens bartokiens et rongés à l’os

j’ai su vous mener à la rebeauté

ténébreuse et agonique d’un jouissant

soleil de bordel

                                       ***

le hasard n’a aucun costard cérémoniel

mais une nuque sur les billots du ciel

sur les billards truqués

au rythme constellant de leur velours vert

les hêtres et les êtres grêlés aux étoiles

depuis de lointaines trompettes de la mort

                                       ***

j’envoyais la chair renoncer à l’étoilé griffu

de purs cyprès

l’ombreuse haleine d’une église assoupie

dans ses dentelles de pierre

et le cœur battant d’un champ bleu aux corbeaux

                                       ***

9  janvier 2022

granitiques ces lèvres à l’embouchure de la naissance

                                       ***

l’éclair

             le jeu naïf du ciel

                                         la mémoire brûlée de toi et moi

                                       ***

l’Orfeo aux portes rouges de ses linceuls

                                       ***

nous ne sommes que de ce monde

mais pourquoi en excaver ses pavements

                                       ***

bleu

          le ciel est bleu la mer aussi

le lapis lazzuli

                                             jamais le même jamais les mêmes

la création se serait-elle permise la monotonie monochrome ?

pourtant l’orange bleue d’Eluard…

même Klein fait du bleu. Un bleu à lui. IKB dit-il.

Matisse découpe des papiers bleus

de femmes déesses entièrement bleues

Chefchaouen est bleue Samarkand est bleue

les schtroumpfs sont bleus

le beau Danube

même le Grand Nu Bleu est bleu.

                                       ***

12  janvier 2022

Brune es-tu- c’est à peine si j’osais mille soleils mille mâtures …

c’est le plein vent dans la simple lumière – j’avais quitté

les rivages et les chevelures des tragédiennes quitté Didon

les palmes la luxuriance et les marées océaniques

j’étais dans le ravissement de la lecture de Bérénice

                                       ***

14-19  janvier 2022

la mer quand vient debout la vie promise

garde encore la force de ses rêves

la mer des grands févriers creuse 

à la force des reins l’opacité des chemins

elle qui ne rentre à quai qu’à perdre haleine

les routes des grandes tectoniques

la mer fossile et ses vieilles cloches qui battent

aux ouïes des poissons de grand fond

la mer qui lèche le temps de ses lèvres d’encre

mer d’anxiété et de soliloques nocturnes

de naïades et de vols exsangues d’albatros

cathédrale invertébrée quand la vie est au large

mer à l’échancrure de crépuscule

avec des nuits de bas sans couture

d’angoisse bleue de nageuses anciennes

mer à l’odeur de vieilles cendrées à la jonchaie

ensevelissant de vivantes sirènes

mer des traversées de nos propres ombres

et des ventres de Jonas

je descends aux brisants où nos paroles ont pris feu

                                       ***

20/24  janvier 2022

L’IMPERATIF CATEGORIQUE

j’écris comme on s’inscrit dans la pierre

j’ai le visage du vitrier qui s’endort sur le poinçon du miroir

l’émondeur élague jusqu’à la soif absolue

la tristesse s’est affranchie de ses sosies

des lettres d’amour d’hostilités à venir

dans les nuages il y a tous les labours qu’on perçoit dans le plus secret

de ta paume

depuis le fond des forêts s’évertuent de bleus frissons en capuchon

à prendre le boulevard Bonne Nouvelle

il n’y a pas d’arrêt d’omnibus

l’automne s’enfonce dans sa chevelure de chaumière

l’or roussi de l’œuvre au noir

papillons qui cherchent aveugles comme la main devenue fleur

la brise marine pénétrant dans les brisants

c’est la cartographie des orages qui dessine l’éveil d’un monde neuf

sur le sable de rose des vents est un alphabet désuni d’un souci

à rendre gorge une forge de vulcain

 

j’ai perdu des vérités de sable

du temps de Moïse des coquelicots auraient eu

des larmes d’humanité rouge

la faim fertile demeure de fièvre la clé de voûte de nos baisers

ton visage intra utérin dans le langage de la mer

dans la famine de mon sommeil

des sables d’émeraude à l’embarcadère de l’âge de raison

je murmure les noms des vents dans le nid d’oiseaux de tes chevelures

et dessine la couleur des papillons

d’illusions d’ailes bleues

d’un petit Mozart la tête près du cœur

c’était le rythme des marées des battements de cœur de lune

enfant je n’aurais jamais cru devoir rejoindre ce qu’il convient

de nommer mon escorte de squelettes

nous n’avions jamais fertilisé que la rébellion

en terrain vague

les maintes calligraphies du désir décoiffent

un ciel crevé d’orage

en pleur sur des joues d’amoureuse

l’éclat du diamant sur la poitrine à battre des tanières de soleil

la timbale d’une symphonie de psaumes

 

puis de hauts silences signifiant

les grandes orgues de la passion

à la fin des effusions la nuit vineuse se tranchait les veines

 

sur les lèvres s’esquissait un requiem de coquelicots

                                                                        (fin de l’Impératif Catégorique)

                                       ***

de vieilles galaxies hasardeusement

                                                           un grand soleil tombé d’amour

                                       ***

25  janvier 2022

la philosophie de l’être est celle de

                                                           l’avoir

                                                                     dépossédé

                                       ***

c’est un harmattan de sable sur les dunes

les harmoniques drues d’un balafon

qui s’enroue dans le jeu de gorge des femmes

et qui donne ses perles

                                       à la merci

de toutes celles que ce vent décoiffe

de nuques d’ombres indociles à séduire

                                       ***

26  janvier 2022

la mémoire des siècles comme un collier de naufrage

l’eau vive des horizons

le rappel des albatros à gros bouillon

à tutoyer un grand sommeil noir

 

à franchir les épaves d’ombre

 

                              du nuage  

                                            d’un homme sans arme

                                       ***

 



ENCRéES I

Février 2022

le carillon à la veilleuse des beffrois

                                                         abritait les blés jaunis

de son airain

                    à la chute du soir

nos défunts dans le lointain son des cloches

avec le marmonnant mors de la mort

à la parole réconciliée

j’ai laissé un hiver sous des paupières de silence

sous des soleils de mimosas le cœur s’accordait à des crinières d’orgueil

la chair s’entrouvre à l’angle de la rue Dieulefit

la maison où il est mort recevait une lumière brûlée

dans le confit des vieux orangers de novembre

de tous les adjuvants sur les murs du monde

j’en venais à crisser des ongles

d’un jaune terrible sur la plaie du Christ en bois

… 

« belle qui tient ma vie captive dans tes yeux  »

de qui est-ce ? je l’ai chanté dans ces a capella

d’avant que tu me quittes

à évacuer l’arche de Noé toute ivresse bue

c’est d’un manteau de pudeur

un chant de rossignol qui monte sur la nuit

mais quel corsage ne s’est vu ôté dans les fossés

« rue des fourrages militaires » ?

c’était des Parques et des lumières d’Ovide

des triples messes

et des désirs de cheval hongre

aux écuries d’un crépuscule de Toscane

ma bouture de pleine bouche

                                                 maestoso adolescente

m’avait-elle séduit

dans deux doigts de Chablis

                                                le palais qui claque

sous la langue

à s’ouvrir de fleurs blanches et de tétons conjugués

notre rencontre à la barre très haut

signifiée d’un refus d’obstacle

le revolver chevelu de faire son paon

tout contre la tête devenue plein soleil

pourquoi sourdre sous de vieux hivers ?

toute cette âpreté de la chair cet aveu tout contre le poids de la nuit

comme une foudre de mort essaimant ses œufs à l’ordure de l’Etre

il n’y a plus guère de source d’évènement

                                                                     les italiques sont brisées

la mer s’engloutit

passage de mon père au centenaire de sa naissance

j’avais laissé mes cellules dans le déjà reptile de mon vieil appartement

dans l’exil à trois cent quatre-vingt mètres d’altitude

puis à presque huit cent

 …

Pline l’Ancien l’immolâtre encore une fois

dans le feu du Vésuve

l’innocence aride d’Euripide dans des cancers de conscience

porter le monde à bout de bras dans nos empilements d’assiettes

jusqu’au vertige de poète

l’incendie venait au ventre draculéen des cavernes

                                                           aux alvéoles bleues de chauves-souris

le soleil colore la cloche matinale

à force d’être nus les paradis succombèrent à l’ennui

ma poésie demeure

                               de vent allié

                                                   à la pierre aride

                                                                              sans gerçure

Troufaldino est au carnaval de Venise pour l’Amour des trois Oranges

avant la pluie fine

les barcarolles

et les chiens qui lapent les flaques qui donnent sur la lune

la musique est un temps avec des virgules et des hoquets

nous n’avions pas connu Hiroshima et si peu Valbonne mon amour

apprendre à mon petit-fils « meunier tu dors » pour la bonté de notre pain

depuis les lèvres de la diva c’était la « Pavane pour une Infante défunte »

le riz amer en bas noir

corruptible

la nuit à corner les étoiles

saisi à la gorge le grand nuage de la fin du temps

du haut des pierres antiques à décliner la réminiscence

les grandes noces de tes lèvres intimes qui tonitruent

l’amour pirate près d’Aspin

les douze pour cent d’ascension

vers les très hauts de ce qui fait le monde

fais mourir le soleil même de ton cadavre 

mon regard porte sur l’opacité rivale de la naissance du monde

que faisions-nous en l’an mille à saluer Melville

Dick et Giono

dans la blanche hermine d’un chant de Sibylle ?

Tristan Murail sait que la musique pose les jalons du temps

il les ankylose jusqu’à ces nappes en fusion

disant c’est un jardin secret ma sœur, une source scellée

pour volutes d’érosion

les soleils de Bernanos se posent comme orgueil en robe noire

elle m’avait confié ces papiers d’Arménie qui s’avérèrent être

la mémoire polyrythmique du parfum de son corps

comme ces besoins d’alcool à devenir grenouille tout le long de la pluie

me fascine ce sang qui pétrifie

comme les falaises

au couteau de verticales apaches

mes meurtrières nous emplissent de l’ombre de nos silences

comme une casbah

ton visage verrouille le paysage de nos espérances

dans des tours d’écrou

ce cri porté où notre voix défaille

la soif qui portait notre insoumission était dans l’orbe de la foudre

les pieds rivés aux sables

Didon et Enée en croûte de sel

je t’aimais de ta voix pétrifiante

avec la sagesse des plis de nuages au-dessus de moi

le vent mimait l’amour frais sur ma peau

nos poils comme des roseaux à souffler pipeau de poésie

qu’y a-t-il derrière mon angoisse ?

le monde affligé de moi-même et le train vers Delhi

ces pages de l’Idiot de Dostoïevski

de la Drôme mes calades de boucane

les archives l’hérédité qui mènent

vers les baptistères aux mains usées

Lauria mon arrière-grand-mère née à Géla

une photo trouble dans le flou d’une buanderie …

mon père a cent ans aujourd’hui  il en aura deux cent bientôt

je n’y serais pas

il en aura des milliards un jour

je le toucherai du bout des doigts

plutôt que de remonter vers le big bang on n’a jamais eu à franchir

le seuil de la vie intra utérine

les étoiles les ciels du dedans

les crispations qui préludent à mes rides de maintenant

le pourquoi des roses qui éclosent

passage de mon père au centenaire de sa naissance

                                       ***

depuis peu j’habite secrètement le cœur d’une moelle épinière

je suis aussi tambour battant dans le « desolato »

de la Suite Lyrique et ses grandes peines à coups de râteau

je venais au verbe définitif

à la nuit du jour

quand la parole n’est plus en fleurs

dans le gyrophare de midi

mais dans le bleu du gouffre

comment te parler de douleur après connaissance

de tous les espaces nocturnes de tes galbes

cœur joui cœur meurtri dans l’anthrax avant l’envol

pour la Rome des fontaines

des nuages

qui m’ont donné le plus beau des voyages entre tes bras

la mer se déplie dans la rotondité d’une toupie apaisée

lasse

violente

aux bleus Groenland dans l’agate des yeux de loups

…                         

longtemps je me suis endormi paupières de fièvre closes

archivant de mémoire les plus miraculeuses

« Fantaisies en ut » de Schumann

jusqu’à des vignes blanches sur les parages du Rhin

mes rêves étaient grumeleux et arides

pas à pas sur le vide

les linceuls

nous voulions le soleil maintenant

son réservoir de cinq milliards

d’années d’hydrogène

les strates géologiques de nos amours

le soleil dans son contrejour

                                       ***

maman m’a mis Camus entre les mains

la révolte et l’étranger

je me suis arrêté aux Noces

j’ai vomi un peu plus tard un vomi sartrien

tiré des balles d’injustice sur mon père

étais-je déjà devenu un homme ?

                                       ***

c’était Stabat Mater

                                jetée nocturne

                                                           dans l’herbe du cimetière

                                       ***

quelqu’un disait la terreur est humaine

                                       ***

j’ai quitté le pays aux murs blancs

                                       ***

c’est un pays qui a la mémoire de nos traces sur la neige

connaissant les heures les unes après les autres

orangées bleuies jusqu’à celle tranchée

dans l’inhabitable

je déchiffre à leur source les voix écorchées de l’inaudible

c’est le paysage où nous vivrons à chaque matin

dressé –

de ces visages d’étés 

nos cœurs moissonnés d’errance

j’aurais abandonné l’enfance

le chemin juste

me croyais-je famélique et nu plein d’azur posé

sur ces territoires à l’opulence inoccupée

dans mes demeures d’étoiles qui ruissellent

le cœur frappait ses coups à la dépouille d’un signe de verseau

ses balbutiements d’église

et les vieux louis d’Aragon

mes poings sur la nuit incarcérant

bourlinguer ad nauseam le jouet canasson qui tangue

écumant une liberté d’enfance au cheval de bois

à baiser la bouche d’une marraine aux lèvres de Lacrima Cristi

d’une vulve de Vésuve d’un paradis qui se perd

de très longs John Ford aux cheminées de Monument Valley

je mordais leur poussière les dents serrés

sur des strapontins d’orchestre

d’un grelot d’étoiles sur la poitrine

                    une vanité sur l’étreignoir de mon couteau qui achève

Cordoba le visage des niñas

                                                 de toutes celles flamenca …

la nuit enclave

c’était dans les landes d’arrière-pays les fougères qu’aiguisent

les soleils de novembre

les lèvres au parfum d’ardoise

les escaliers édentés jusqu’à l’enfance tuilée du cœur

au grand sommeil des pluies

                                                 l’asphalte infini…

l’ébruitée musique de chambre de Verlaine

buveurs à la naissance du jour

maçons aux callosités de midi

j’entends dans les poitrines se lever la mer

je suis intime avec certains que je n’ai salué qu’une ou deux fois :

nous parlons profondément du néant. Ce ne sont que des voisins – de vagues connaissances

la chair s’entrouvre dans l’Impasse Dieuledit

et on griffe les repaires de Dieu

dans des lieux d’aisance

Piero della Francesca disait donc pour finir que le Christ

faisait un mètre soixante-dix-huit

qu’un cri fissure la lumière

qu’un verrou durci cède à la nuit…

la Méditerranée pour partage

la Méditerranée pour permanence

je parcours la page envahie de bâtons de craie

l’enfance enfouie

de moineaux résolus qui expliquent le ciel

le dernier nuage

plaintive à découdre le carrare de la viole de gambe

les crayons de couleurs crépusculaires

j’ai surpris dans mon cœur le bruit discordant d’une soif à sa source

ma part d’imaginaire pour des fiançailles lâchées en proie à la lumière

je suis déjà dans les prisons crépusculaires

j’en ai retrouvé le sens et la blessure :

belle qui tient ma vie captive dans tes yeux

qui m’a l’âme ravie…

                                       viens tôt me secourir

                                                                      ou me faudra mourir quand on chantait Thoinot Arbeau

 

***************************************************************

donner des cloches dans le cœur avec le ventre d’une famine

j’avais oublié les cigognes sur les dentelures des minarets

les pains d’épices de la fin du jour

la pluie creuse les déroutes des plus grandes géologies

cet ocre qui structure la terre comme ces lendemains

de sables sur lesquels j’écris

Chateaubriand ira aux sables et moi aussi

avec le temps et la terre qui cautérise

ce sont des carillonnements dessous les eaux comme les galets

dans la bouche de Démosthène

la fêlure des poings contre le visible

une soif errante  profonde du fond des âges

je suis Gémeaux né sur le sable au voisinage des marées

pourquoi dire du cœur où il n’y a qu’une fleur de sel de désir ?

                                       ***

depuis les terreurs de l’enfance les ombres se sont allongées

                                       ***

pour mûrir

                    une lente brisure racinienne

que des baisers de mille fées me guérissaient

                                       ***

VERS PREVERT

par les rues et par les chemins la poésie de Prévert

brille derrière de brillants scénarii

elle n’invente aucune espèce de carrure cubiste

ni de futurs en vision métaphysique

elle filme

elle chantonne la rue 

Trenet et Kosma

la casquette vissée et le mégot au coin des lèvres

la gouaille en pantalon golf

Tati le lycée Jules Ferry 69

les bistros qui charruent Paris

les boulevards

les petits piafs et les crépuscules

les platanes et les tables rondes torsadées

pour l’attente d’encore un quart d’heure

le quart d’heure couperet

le pointu rouge si fragile

cœur battant le cœur léger pourtant si gros

de pluie et de ciel nu

la poésie de Prévert traverse la rue





ENCRéES II

Mars 2022

c’était comme l’eau sur les lèvres

l’eau bleuie des mains maternelles

la lassitude avec des canons sur le monde

d’un temps qui se monétise

le temps qui calcine

le territoire de l’historien est en mémoire calcinée

pourquoi les îles lointaines font-elles naître des colliers de nuages ? 

                                       ***

l’aurore est prise au filet de ce temps de frisson

d’un soleil naissant à l’haleine de jeune fille

c’est depuis

                                              qu’irisent ces épis de blé

comme autant de cils qui criblent notre jour natif

                                       ***

des roses sur les dentelles de la poitrine

dans le ciel de Cordes-sur-Ciel je m’étais assoupi

dans les sanglots du vent

depuis toutes ces décennies d’absence

nous n’en trouvions plus les paroles

je déferai la neige de son poids de chaînes

les femmes aux bas noirs contre des murs sans hospitalité

de sang moucheté on est pris dans l’engrenage des jaguars

je désertais l’ombre pour la fidélité que je porte à la rue

qui disait l’ordre universel de notre première rencontre

je garde le cuir de ma mémoire

je caresse la gorge des filles je suis en amont

il me faut déserter une plus que lente peau de chagrin

c’est d’un grand vin solitaire au soleil d’un cadran solaire

que je bois un nocturne plein de violoncelles et d’airs anciens

la longue armée de fleurs de blé dans nos silences cousus d’or

c’était l’an mil cent jusqu’à ce que la nuit s’épuise

d’ordre roman

                        dans la pierre qui taraude la lumière

Calderon voulait dire que la vie était un songe aux traits durcis

était-ce dans l’Acte cinq de David et Jonathas ?

éperdus dans les vents à en perdre le souffle sur les masures du Contadour

nos mains muettes se sont quittées du regard

par jeu à briser la glace pour de vaines tendresses

le clavecin chantait au cœur

chez les oiseaux

du beau soir de Blanche de Polignac

en Irlande la calèche va droit vers la lande

                                                                      vers ses verts serpents de pierre

Stravinsky angulaire et cubiste comme avec des oreilles

emplies de lego

« là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras»

Giono de Colline

qui peut se fondre jours après nuits

à fendre tous les bleuis de la mer

à perdre la poussière oubliée de la femme ses cendres venues de la pierre

la grammaire des ventres jusqu’à cessation du cœur

à la naissance des syllabes le souffle affranchi

de la foudre qui durcit

récitant les vins de Moselle

les suavités et les pépiements

des tendresses de femmes

dans la noirceur des Styx et d’Eurydice

                              il est un trouble emmuré de crinières qui flambent

la foudre pleine de paroles de vieilles cendres métaphysiques

de toutes nos lèvres ces baisers de déshérence

de la couleur de la nudité sous mes paupières un désir qui vient nu tête

parti pour revenir vers la mer

quelle plage ? les Contrebandiers, Sables d’Or ?

et plus loin encore

avec éclat je rentre dans ma mémoire

j’écrivais à même le sable le sang mêlé

d’un par cœur qui sangs suivis

j’en viens à construire des villes à pulsar des villes à mémoire

puis ma ville à rempart crénelée

ville aux joues rouges

24  mars 2022

dans le croc de la ville les canines aux yeux d’or de la nuit durcie

dans la nuit de ma naissance il y eut la certitude d’une soif

d’un balcon sur la blancheur d’une longue avenue où naissait

un festin futur et une plage désertée

un corridor sur la mer

une jetée bleue à la rencontre de nous-mêmes

mortellement sur les routes bleues d’Icare phaëtonant

du Cheverny à goût de pierre

on a serré les poings sur l’étrier de nos ambitions fauves

je dessine la poussière des certitudes

dans les buanderies de l’humilité qui fait baisser les paupières

je foule sur les grèves les perspectives de l’espérance

notre mouvement cinétique n’existe plus dans les déserts

que de vieux silences entrent dans la poitrine

je garde ce rayonnement d’un vieux jauni de la pierre

cette poésie sur tige élégante

comme avec le souffle rare d’un joueur de fond de court

j’affranchis tes babils d’oiseaux

de notre mémoire rupestre

des vieilles neiges qui gardent

la peau nomade des chasseurs d’étoiles

quand les ciels se découvrent de leurs seins pesants

s’agit-il de cuivres rutilants

des bleus de l’Orient

et de cette angoisse sortie de son lit ?





DU BLEU DES OUDAÏAS

Avril 2022

c’est un livre de bleu un ciel sur les lèvres de la mer

je ne saisis plus le temps de nos jours desséchés

dans la volière des médinas ce sont les tapis bleus les fameux Rabat

qui pelissent sur la couleur des jours

de Dante à Baudelaire nos ombres s’édentent

ce sont les sables les vents les passages du ciel

à l’amoncellement corruptible

c’est aussi l’été et sa couleur d’écailles de poissons de grands fonds

le revenir grumeleux de la rocaille et de l’algue de marée basse

avec le visage pétrifié des grands mensonges

c’est souvent derrière les volets clos les chimères

c’était à la rencontre des Andes et de l’Ile Noire

à la recouture du ciel

creusant un espace où m’enraciner à la reconduction du ciel

mon cœur est comme la pierre contre toute chair périssable

Rabat renvoie mon enfance dans des métamorphoses

de châteaux de ruines

lumières de Mars dans la chair des roses

des couchants

des décombres

des renaissances

et de cette viande à la braise vive aux portes du désert

tu es seule avec moi dans les solitudes bleues

qui écaillent sur les étals de nos jour

j’avais le tutoiement des albatros

les cimetières marins

avec les vagues près des médersas

… comme une pointe d’acier dans le cœur de la mémoire …

l’automne rougi d’un cœur en archipel

ces vieux cimetières sur l’océan à buissonner de ténèbres

le jardin des morts

nuit de ténèbres

de Pâques

et de lune qui se crevasse de nos visages

dans la main j’avais l’impalpable de ces cordes de quatuors

les Oudaïas bleues à la rencontre fauve de la mer

à la dolence des barques

de celles emblavées de levers du jour

et de sommeil des sables

et maintenant vers quels vers allons-nous vers ?

à construire des anges vers le ciel 

l’aube en vient à son point de calcination

sous les crénelures de la nécropole

des chevelures fauves

à la rondeur des silences

la banlieue mauve des équinoxes

je fais confiance à la postérité

tu as raison il faudra poster

si Dieu est Dieu pourquoi serait-il réductible à la seule raison ?

où sont les repos éternels du cœur ?

dans l’accord du ciel au-dessus de tes hanches

comme une terre inexplorée

nuit narrative où le verbe s’élève au plus haut

il en sera venu un autre perlé de sueur

comme une lumière qui s’égorge de vertige

partout je l’avais cherchée dans les rues les bars les vestiges

le cri des oiseaux à la fin des mondes

revenir à ces champs aux vinaigrettes de fleurs jaunes

à la sève neuve

                     de mes genoux qui s’écorchent

tu me pousses vers le soleil

dans la crudité des astres

que fait-on de tout ce temps à visage de pierre 

au chausse-pied des jours qui nous occupent ?

                                  ***

l’éolienne au vent nous mène au tourniquet

                                                (écritures sur le rêve de la nuit dernière 27/28)

                                  ***

je jetais dans la nuit un cri bleu effacé

                                         ( ce même rêve de la nuit du 27/28)

                                  ***

la vie écarquillée comme les yeux d’une fille

une dune sur sa poitrine dans des silences en fleur

                                  ***

loin des murs des Oudaïas j’eus ce cauchemar menant à une perte

de toutes mes certitudes

je jetais un cri d’Atlantique sur un impalpable écran de nuit

qui faisait disparaître mes syllabes décomposées

et l’artisanat mutilé de mes paroles

                                  ***

le bleu de Chechaouen envie le bleu de tes nuits

la nuit enclose de cette voix de minaret



LUNEA

POUR MAI / POUR PEGUY

 

la guerre invente des pays de pierre

la faim dévore nos murmures crépusculaires

 

la nation n’est-elle plus le bien des pauvres comme disait Jules Ferry

 

ne venons-nous plus du fond des âges ?

                                       ***

n’avait-elle pas pris corps dans mon âme augmentée ?

 

je n’ai jamais connu que le Moyen-Atlas

des immeubles montent avec leurs étages jusqu’au vertige

dans le bleu du Maroc

et je sais qu’à mesure c’est une pauvreté qui va vers le ciel

elle avait ces yeux noirs

et ces bras blancs un peu Renoir

visages qui voyagent dans le coulis de mes rides

… me tenir plus prêt de l’invisible …

je cherchais dans la discipline de la pierre pour plus de lumière

quel mortel refuserait au passage

dans la meule du temps

le mensonge des dieux ?

donner à vivre vers les Sud

nuits orphelines à épeler le monde

dans un lyrisme froid

sur des morsures boréales

le cœur en fontaine s’épanche comme massif de romarin

la lunule sur l’ongle tel un soleil qui se couche

comment nommer cette région de ténèbres que je prends à plein bras ?

je viendrais fantôme peupler le grand vide de ma chambre

aux litanies du beau sexe

l’après-midi descend

gratifiant la chair

de Juin venu

nourrissante de son ombre

c’est le cœur qui manque l’arbalète

criblant la cible de l’angoisse

 

la voix portant loin d’Ovide et Sénèque  une cicatrice au vent

la chrysalide de la blessure

ce bleu de crayons maigres d’un désir

d’encore fonder des pilotis au ciel

la nuit braconne sous des porches d’anxiété

elles sont dans des jardins de mains blanches ces robes de vanille

de cornet à bouquin et de buccin

les filles

qui prennent la mer

c’était sous les crénelures de la « rue des consuls »

qu’on vendait les esclaves

dans des lumières basses d’épicerie

sur les graviers de la mort viendrai-je vers ces anciennes orties

qui mordaient mes genoux de terrain vague

vous écrivant d’un pays qui vit de vagues

vous enverrai-je mon nom et mon visage dans les entrelacs de ma nudité ?

cette poignée d’ombre qui fait de nous vivre l’écorce de l’olivier

je donnerais tous mes livres

à l’Antigone des sables

pour croire encore un peu à l’éternité

                                       ***

c’est la naissance de Yannis Xenakis ce 29

il est aussi des nuits d’opérette

de Tour d’Argent

et de tour Eiffel

des nuits de comédies andalouses

des nuits de van Parys

de « comment ferais-tu toi pour voler la Joconde »

de quartiers de gitans de Grenade et de médinas

de jours de fête des mères

comme avec ceux de mort sûre

de nuits sans nuages de hasard

sans stochastique et de polyphonies d’oxygène

de Binchois mélancoliques qui nous tuilent

d’opéras brûlés

d’un Dardanus nu

des nuits de Tristancouille et d’Iledevulve

                                       ***

J’enfouirai sous les rivages nos respirations de sabliers

                                       ***

tant que vivant tant que gisant à souffler aux plèvres de la mer

                                       ***

vivre est une aventure un déchirant bonheur

dans la gamme des galops

un piano attendu jusqu’au labour acéré

d’un bleu qui fend la mer

 

c’est un amour perlé qui pose ses oiseaux

dans un chant aurifère de salopette

comme à la déchirure d’un ciel

les rempailleurs de lune à la poésie blême



ULYSSEENNE

Juin 2022


pareil à l’eau pareil à la pierre

nue tête pareil à l’aigle

d’un vieux soleil mis aux fers

la vie ruisselle avec un cœur de chêne

sous l’ombre migratoire d’anciens fantômes

                                       ***

la mer

          dans ses différents mondes  

                                                     murmure en robe de cristal

de vrais sanglots de fer

                                       depuis l’abîme qui nous mesure

                                       ***

c’était quand le temps s’en était allé dans des nocturnes

à quémander Dieu comme à galère

la vie génufléxive de tous les matins de roture

                                       ***

je m’émerveille de cette Irlande inconnue

de la dague multiple de ses falaises

                                       ***

elle dévidait la dague sur le cœur de la poitrine

de haute haleine la racinienne

« et sur quel rivage reposer

où la mer échoue à m’embraser ? »

                                       ***

j’ai saisi l’écorce neuve entrée en résonnance

la voix

          la torche au bord du cri

                                       ***

avec Kierkegaard à n’engendrer que des décapités

des soleils noirs

                                       ***

je pense avec angoisse à ce qui adviendra lorsque les paupières

se désaveugleront

dans les milliards et les milliards de temps

                                       ***

la profondeur des yeux de Louise Brooks

avec ce qui se noie

sans nager et rendant les armes

                                       ***

Ulysséennes mes paroles sur l’arc boutant qui défie le ciel

                                       ***

tu restes la province de mes géographies oubliées

la marge ensevelie des sables à marée montante

                                       ***

je tiens le don de moi avec le charruage du cœur

de fugues et de polyphonies de mort

                                        ***

Ryokân me disait il n’y a pas de boniments

dans les cerisiers en fleurs

les japonais perdent leur alphabet d’enfant

quand la floraison laisse place à un souffle neuf

« oubliez ce qu’on vous a appris

tout commence aujourd’hui »

 

Ryokân me disait tu parleras en te dépouillant

des peaux mortes de la parole

Jean disait notre commencement sera charnellement

en la sève de la parole

                                       ***

fais brûler les oripeaux embouquant

les plèvres de notre fièvre

                                       ***

des « sables d’or » lorsque j’entends ma voix oubliée

sur les lèvres des vagues

                                       ***

j’étais né avec ces rochers et ces marées

qui délivraient du sentiment de la craie

                                       ***

mon amour je dépossède le temps de son respir …

                                       ***

ma nuit à calligraphier des alphabets qui n’existent pas

                                       ***

l’impair de Verlaine comme excision de lumière

de vent dans les peupliers d’un diable boiteux

d’où naissent des pluies de haïkus

                                       ***

le monde dans ses vallées disparues

à l’écornage noir et blanc

d’un souffle perdu

                                       ***

de leurs tablas nocturnes  de leurs volutes vocales de serpent …

Pandit Kusmar Gandharva

                     mange le crépuscule de nos paupières de ciel

Pandit Mallikarjun Mansur

                    talismane des courbes de reptiles

                                                     dans le fond des poitrines

Bade Ghulam Ali Khan

                    … l’éboulis de l’être

                                                 l’inapproprié mystique

Faiyaz Khan Sahib

                    … à dormir dans le lit des royautés

                                          de longs fleuves unidimensionnels

                              ***

la nuit déstructurée

                    la femme d’incendie

                                                           l’aimée Lulu

                              l’Alma

                                          l’Hélène

                                       aux sources d’Alban Berg

                                       ***

ne prépare pas les mots que tu cries disait Eluard

peut-être était-ce André Breton

dans des terrains vagues bouleversés

                                       ***

l’océan à l’Isla Negra tient lieu de cellule monacale

                                       ***

je vois encore Y. à la Vallées des Daims

                                       ***

CHAMPS SIMPLES

la rue s’érige sur l’épaule de ses remparts jusqu’à l’amande

au cœur du monde

                                       ***

je te sais de toutes tes pluies jusqu’à l’humilité

                                       ***

je taille des gravillons d’haïkus aussi rudes  que l’acier de Tolède

                                       ***

longtemps les dagues des récifs ont épousé la morsure des vagues noires

que le temps en dépeçait la solitude

                                       ***

Piero della Francesca aux cyprès d’Arezzo

aux pierres lumineuses

désaveuglées

à la taille et au sommeil

de la nuit qui transfigure

                                       ***

à perdre la mémoire dans les sables

                                                           dans l’asphalte de midi

************************************************************         

j’ai l’anxiété qui creuse

                    à sertir les cris du vent dans les jalousies

                                       ***

revenu d’une Pentecôte à réciter les étoiles

                                       ***

la mer monte à la lumière avec les trompes d’argent

de la basilique Saint Marc

la mer monte au bleu de nos amours

et même jusqu’à la mort chimérique

                                       ***

j’ai déchiffré le septentrion à l’aridité des falaises

ces hautes poitrines terrestres                             

couleur de chair à bout portant

j’ai déchiffré l’Alice en queue de comète

la maquisarde de l’autre rive

qui connaît le chiffre de la chair

qui sait croître et vivre dans le vacillement des miroirs

Haïkaï d’été

le pivert toque à la porte

l’amande de la lune s’est ouverte



NOCTUOR

Juillet 2022


j’ai une rose nocturne dans la poitrine

leurs amours achevées en tessons de bouteille

la mer ce n’est même pas un havre dans le miroir des étoiles

la mer ce n’est plus même le visage de notre raison lisse

… comme en une faim d’orage dans un règne lassé

de solitudes ingouvernables

………………………………………………………………….

Haïkaï d’été


c’est le noir de l’étoile

milieu du monde reptile

…………………………………………………………………..

d’où viennent les sources

                                       la volcanité des passions

ces larmes jusqu’au bout des ongles ?


ces coquelicots de Juin sur ma mappemonde solitaire

le cœur à l’affût

la nuit investit dans les ivresses du déluge


nous avons été chassé du paradis

l’enfer n’en a pas été détruit pour autant

Notre-Dame d’Espérance qui veille sur Charleville

à se perdre dans l’Ardenne et le chœur de l’ardoise

quand la nuit s’est ouverte quand la douleur s’écorche

dans ce désespoir corps et biens des mouroirs

en source de ressurgir

mes dix milliards de nuits oxymorant

les lépreuses à la suffisance d’un glapis

sur le monde

que reste-t-il de la couleur qui dicte la nuit

et l’insuffisance qui porte aux lèvres le cœur léger

le graillé immonde des soleils qui s’éclipsent

je vis dans tes yeux de calanques                                                

dans des Cosquer d’eaux dormantes

le tumulte de ceux qui gravaient

chevaux et taureaux

le cœur de la mort

en marge du monde il y a les veines meurtries

les longs chemins du vivant

il y a encore les lèvres pour mettre au monde

les tumultes du cœur  qui prennent à la nuque

les étés bleus en éboulis de parfum de femme

l’odeur de la terre qui descend aux vertèbres

le chant au miroir sans tain d’un disparu

les vents emportent les rumeurs de la chair

le dessous des matins qui dégrafent

ce sont les îles de Juin à front de falaises

et leurs collines d’écume


ce que j’écris sur mes cathédrales d’ombres

comme sur une épaule de femme

avec la mer qui nous endouleure

je me demande parfois si je suis déjà prêt

je ferme les yeux

je regarde le ciel

j’ai connu cave Ricord

                               vomi en place publique

grandi avec des verres brisés

des serments et des lèvres qui attendaient

le soleil vient encore avant que ne se ferme la porte

sur les champs dévastés de l’obscur oublions que nous allons mourir

les cloches avec leur arc-en-ciel de silence

et leurs brumes de bronze

c’est le cœur à l’effeuillage

le bleu du temps

à laisser le jour creuser son ombre

je suis dans la gravité du poème

                                                    dans son amertume exactement

la neige descend dans la nuit démaillotée

tenir des mains de tristesse ces visages de la gravité

qui poussent aux vitres derrière lesquelles

les veilleurs et les grands oiseaux ont la blancheur

des grands ciseaux de l’orage

je meurs de murir d’une vieille ruine

de bagatelles en mineur

sur quelque socle majeur

pour tout ce que nous aimons

la voix le cri

les sillons qui cloquent en frisson

les vents soufflés de Kathleen Ferrier

la mémoire du vinyle

dans le village de Bolbec sonne à Saint Michel

un Magnificat de Titelouze

…………………………………………………………………………………….

MASQUES


masqué de mes masques je me masque de Dieu

je me masque de soleil et de la rotondité des jours

masqué de masques d’éloquence Nô

je me masque de la tragédie des astres

de sublimations totémiques

de rituels de mort

et de poupées Bunraku


j’avance masqué depuis les parages de la mort

masqué d’exorcisme je compte les nombres

et les jours

          les disparus les revenants

                                                 et les ombres


(taper tambours)


Dogon Dan Baoulé masques Mendé Malinké

balafons des forêts masque Ibo Mondrian

cagoule Toucouleur Mandé Nafana

Mali des harpes aux visages de rivière

à taper tambour Bamiléké des peurs de la nuit


masqués s’avancent les masques de diable à douleur

zoomorphe d’Alaska

d’Inuit et d’aurores boréales 

Nahua Haïda

           Nazca

                    et Wayana

                                 Kuikuro

                                         et Moreno boliviens


masques perlés des transes Huichol China Supaï


(souffler la trompe)

 

masques de Chine

                                  d’operas d’ombres

                                                                 Dixi


masques à faire peur de rictus asymétriques

 ceux des chamaniques

                           et de la nuit noire

masques de tous les deuils et de tous les deuilleurs

du granité immonde des soleils qui s’éclipsent


de masques qui me parlent de mon visage de masque

des vétustés du cœur sur le monde


je masque de matin le vent kanak et le ciel de foudre

de Bali et de Java je pose les doigts sur les claviers

de bronze

je me masque du temps

                                       je me dévêts de Dieu

…………………………………………………………………………………….

c’est après Valparaiso que le temps descend vers le sud

Je touche de ma joue un espace neuf qui irise



NOCTUOR 2

Août 2022

Dieu descendait sur les lumières de la ville

d’un rire de cécité et d’un souffle d’atome

                                       ***

longtemps j’ai erré vers ces magnificat qui se donnent à Bolbec

                                       ***

dans le cœur au couchant, les faucheurs de la nuit ont les yeux

de l’acier qui s’aiguise

                                       ***

… ma poésie au nid d’aigle d’incantations

j’écrirai tous ces archipels de la mort

dans une récitation d’étoiles


–  une manière de baiser de la fée –

                                       ***

dans sa nuit il creusait des beffrois d’ivresse

des palais à galber d’improbables maîtresses

celui à visage d’étoile

                                       ***

les morts sommeillent de toute la mer de leur exil

                                       ***

était-ce à Dublin ou dans quelque capitale de bronze

ce parfum de pêche blanche

                                 comme des houles odorantes

ce vent venu qui porte de vieux néfliers disparus ?

                                       ***

c’est à la fin de la Via Appia et de son éternité bleue

ses brebis sur la pierre pastorale

ce vœu de graver les vieux mondes de pins et de cyprès

sur l’émeraude et le saphir

                                       ***

la terre fauve au passage des rapaces

                                       ***

l’albatros dessine la géographie du temps de ses ailes de cathédrale

                                       ***

la mort à bout portant dans sa lumière

                                       ***

(ce soir le ciel est jaune 

                                        jaune Murillo

d’un serpent biliaire

que les jonquilles ont le visage de la jalousie

 

sans soleil d’un jaune de jaunisse dit de Judas

                                               qui dissimule

des lambris calcinés de dunes et de seins de sable)

j’entends s’épanouir droite et solitaire une cécité d’angoisse bleue

d’une tristesse de gymnopédie je porte des coulées originelles

d’un chant  d’étoile disant « pourquoi fait-il si noir ? »

dans les replis du sang et ses chapeaux de vermillon

à la nuit solide et aux pirateries d’un cœur noir

montait une rumeur au filigrane des origines

sous des architectures de palmes  

          de dagues étincelantes et de bijoux

                nous avons vécu de sables aux torchis d’Orion

la mer reste à quai de sa respiration d’exilée


                    m’inscrivant dans les chroniques de mon silence


                                                                        locuteur démuni

_

je m’égrène au long chapelet du vivant

à peindre le ciel

à apprivoiser la blessure blanche de la nuit qui s’écorche

d’un ciel tombé sans sépulture

Dieu a passé de mode

ma poésie n’a de fenêtres qu’aux carreaux de ciels limpides

                   

d’un bleu d’Iliade qui passe sur les lèvres

terre aimée dans son aridité blessée

dans ses drailles et ses sapinières

les crocs et la babine de la mort

aux yeux sans étoiles hors des havres

Beauvais l’immense l’inachevée la fragile

carène à l’échouage que la mer ensemence

au cœur de la romance, à l’aimer, au pire

……………………………………………………………………………………

POEME POUR LE BURREN WAY


la viole de gambe cognait aux fenêtres

de chevelures et de vent chevauché

 

de terre jaunie qui tresse des nœuds d’azur

rhizome de lumière sous les veuleries des tiédeurs de la terre

pierre après pierre de ce temps qui gît

à la taille d’un ciel à crayonner

le bleu se heurtant à l’asphalte disjoint que le vent souffle

 

tari…

          nu…

                     à la caillasse…

 

c’est le soleil de la chair sur les verrous de la mer

le livre des fragrance avec tout l’éclat pour cassure de fond

des falaises

 

les mains d’œuvres du couchant de porcelaine

après les ciels rosis de pluie

à la Boucher

                    à la Monet

 

à l’arme blanche des ornières et leur poids de ciel

les ruines mauves d’un troué où la route se perd

 

un livre de sable au seuil de l’arbre, l’eau résurgente

les landes porteuses de vitrail de sibyllins crépuscules

des haillons de route sur les rosées du monde

et des lacs étoilés de dentelles

les crépuscules mentaient donc sur l’âge exact de leur destin

 

les châteaux sont sans saisons

……………………………………………………………………………………




CINQUE CHIESE

Septembre 2022

la lumière de notre raison s’est arrêtée aveuglément

au seuil de l’ankylose


les promesses de septembre viennent toujours

comme un goût de couteau

sur le fil des pampres d’angoisse


sur les miroirs du vent Dieu a passé de mode (2)


J’ai longtemps porté dans mes veines des Noces de Cana


c’est Schubert qui coule de Rhin en Moselle

comme un vielleur d’hiver

à l’ombre de tilleuls

et quelque gerçures anciennes

la chaleur d’haleine de ses armatures en mineur


dans le prologue de l’Or du Rhin l’incandescence s’ordonnait

sur les forges d’un chaos naissant de lumière

 

ce qui s’écrit qui vient trop tard

ce siècle qui s’écrit déjà

de son ombre égarée

                              le cœur en nage

 

franchissant le seuil j’ai parcouru de l’épaisseur du verbe

la mesure de l’angoisse de ce siècle

 

rapt et recel aux yeux perséides d’un loup ravissant

 

je constelle de Scorpion et de Gémeaux un bouquet naissant

d’une noce étoilée

 

des bouquets de neige

                    sur le nid de jonquilles

                                                 de lèvres tenues en laisse


la parole est désertée à la bascule du ciel

ce sont les chiens qui aboient

à la lapidation du jour

 

le navigateur après le port

revient-il de la malemort

                                        de l’île nue

 

de ce passage nocturne de la cantate Jésus là es-tu ?


dans la ville de Rome les statues inclinent la gravité de leur urbanité

vers le ciel des hommes

ciel de jurisprudence, de toge et de glaive


van der Weyden de velours rêvait-il de nuages dentelés

et de cruauté toscane ?

Dans l’Enterrement de la Sardine Goya démonait au noir

quelque racine de ciel

c’est en aveugle que se dessinent à la craie les ordonnées de Sirius

fantaisie foreuse d’un hiver à quatre mains


Nagori signifiant ce qui reste des vagues


creuser l’ombre jusqu’au rein de soleil


ils vécurent en ce siècle sous le chapeau de Kafka


l’édentée, la canine, au rostre des Gévaudan


donner treize noms de soleil aux auxiliaires de Dieu


fallait-il s’aimer pour échanger ainsi nos champs de moineaux …


ses lèvres avaient  le goût d’un soleil consumé

…………………………………………………..

RAVENNA

Ravenne est la ville des marronniers de brume

des Baptiste Evangéliste et dei piccolli angeli

des vierges en éclats de pierre de rouge et d’or fin                                      

Ravenna alla zona dantesca au tombeau de poète dérobé

Ravenne aux chapelles qui montent d’outrebleu

vers les dômes

Ravenne a la lagune qui respire la nuit sous les fenêtres

à l’infini des lazzulis

Ravenna que j’aime de la respiration

de ses matins de pierre

Ravenne la guerrière de ses bouquets de pluies

des cernes des brumes et des Apollinaires

MASACCIO

dans les coups d’archet du bleu

les pinceaux d’aurores franciscaines

dans les a fresco à l’avenir recousu

 

cet autre côté de ciel

 

dont mille roses tapissent

les flancs aux fanfares de Dieu

à rosir l’acidulé de bonbon               

cette jetée d’un matin neuf

comme un déluge d’ocre

de Masaccio aux murs de Brancacci



PARLE THESEE !

OCTOBRE  2022


l’éternité rôde derrière les mailles d’un ciel qui s’écorche

l’éternité cisèle ce qui fait nuit

c’est aussi cette épaisseur de ténèbres après que la poésie d’automne

a tiré un drap sur moi

la finitude est solide pour les bâtisseurs de glaise

de ceux qui se vautrent dans la raison

de ces amants qu’aiment

Monteverdi

Mantegna 

à Mantova

du palais ducal à la chambre des époux

ou à l’hôtel des Deux Guerriers

blême chercheur d’Orphée je suis

de ceux que le vent sait conjuguer

comment viendra-t-elle sculpter l’opaline

de ce jardin las de murissement ?

il y a mars il y a septembre et parfois

octobre

les lunes y sont bleues buissonneuses

c’est déjà la fin de la nuit- parle Thésée !

pour ceux de la forge et de l’enclume

d’un temps démantibulé

je façonne

                éclaircie

              l’arche de nos visages

j’érige des villes pour leurs présages

jadis las

d’une vie détissée

je remontais le mouvement de la lyre à la clé d’or

de jets d’eau murmurant

de baisers de bois dormant à la folie

…………………………………………………………………………………….

Haïku d’automne

au frimas d’hiver le lapin s’endort dans ses oreilles

…………………………………………………………………………………….

l’hiver chavire ses moineaux assis sur de hauts pavés

je m’élève infiniment en métamorphose

                                        en septembres aimés

                                                           de vieil équinoxe

c’est au travers d’une forêt d’atomes que je fis halte

aveugle

            dans les vallonnements de sa peau

longtemps j’ai eu peur de trois heures du matin

c’était le moment du vinaigre et de la croix

c’était l’angoisse de la nuit et de la nuit

quittant en claquettes la mort à talons hauts

il faut dissuader l’insolence de poser un soleil

dans l’orbe d’un crépuscule

donner corps à la femme à la lucarne bleue

la fin du jour aux crayons qui lui donnent son visage

serait comme dissoudre une tristesse

dépeindre le corps de l’a fresco et n’en garder que l’immaculé

nous entendîmes par le fer la rugosité d’un sang augmenté

de longs doigts de pluie sur tout un clavier d’orient

de touches noires

Neruda avait parlé d’une rose détachée

ce n’est qu’au bout du chemin

qu’on vit s’asseoir son visage embouqué

ils trinquaient à la hache les flambées de la solitude

et de quels hivers ces maisons se tordent-elles

au bord des chemins de Maurice de Vlaminck ?

le monde tu d’un soliloque murmurant

dormirai-je de mes sommeils

tissés dans ses yeux de couchant

pour une autre moitié du ciel ?

nos enfants nous nommerons de nos visages de sources

n’était-ce pas une nature morte, une vanité ?

c’est dans notre pesanteur tant exilée

qu’il a neigé dans les étoiles

elle avait ce bleu d’une mer de saphir

cette source en livrée de mûrissement

l’Histoire est dans sa chair


dans la sonnaille à cor et à cri le temps enraciné

… 

au regard des cendres

                          le corps s’efface le temps est celé

Pierre Soulages s’en est allé de son plus beau deuil

ce sont les tragédiennes sur le sable du rivage

l’orangé de glaïeul au bord des lèvres

doucement vénéneuses

les « chants de l’aube » à l’appel des forêts

mûris et noirs de Robert Schumann

depuis le territoire de l’enfance

             c’est un bleu bouquet neuf

                                de mémoire océane

                                       revenu sur nos murs



PRIBAOUTKI
en hommage à Stravinsky
qui pense qu’on traduit faussement ce mot par “jolies chansons”
quand le mot veut dire DICTS


NOVEMBRE 2022

me souvenant de dialogues de Platon

d’un plus haut que haricot magique

de l’idée de plus bleu que les bleus du ciel

plus haut que la pierre immobile

et du plus loin dans le temps

que le hasard des rides sur nos visages

restons ainsi au paroxysme de clarté


ciel à promettre qui s’épuise

sur un étendoir d’arc-en-ciel


… bouche d’or de crépuscule

j’ai augmenté la foulée de mes désirs


pulsatile au cœur guerrier


à l’ambitus des astres


l’encolure parcourue à la route droite

les dés les hasards


nourri des oiseaux de ta bouche

le cœur à la renverse

miroitant d’un bleu zanzibar

… à marcher au cœur même d’un soleil

noirci de sources de cendres

l’errance à pas comptés où je me suis perdu


des volets clos aux veilleurs de tristesse

la terre bat de son pouls d’arachné

un sommeil de rancune


d’aujourd’hui dans l’acier dans la matité cordouane

poseuse de racines comme tremblement

du vivant 

l’aridité nous irrigue

comme de vivre et mourir à Pallestrina

cœur traversé dans de vieux temps

-qui contrepointent en murmures-

je me rends à des vents mêlés

…………………………………………………………………………………..

PETITE SUITE OCEANE

de toutes les femmes de toutes les douleurs

plus que fer à mâcher

boire à la source

de longs Montlouis à mâchefer

c’est au carnaval des cinq sens

aux tréteaux de Parsifal

la sonate morte du bal

celle née Vinteuil près de Sens

la page blanche avait l’angoisse pas à pas

des valses de Pierrot lunaire

aux murs de Jéricho

d’une troyenne à vertigo

beau nocturne noctuelles et barcarolles

à la chopinienne brûlure de ses ailes

……………………………………………………………………………………

ce monde que j’ai connu qui finit

                                                       flétri

                                                              bémolisé


je suis entré dans le dernier des estuaires

l’ombre de soi

                       quand l’être ne peut perdurer

elle fut tour à tour les blancheurs de la lune

et les bonheurs qui fusent dans ses dessous


née sous le signe des myrtes mûres

nous avions une liberté d’oiseau bagué

sombres souillures après mille foudres débusquées

nous reviendrions à la mer

je lui léguais ma fidélité à voix basse


je me suis déchiré comme un rossignol ivre

si bémol est la clé de l’abîme jusqu’à ces oiseaux

du fond de la poitrine

d’un vent de saint Eustache d’hallali à la parousie

nuit diamantée diaphane

de grandes orgues


nuit de Confiteor qui se souvient nuptiale

de beaux drames de Lully

j’avais les mains libres sur tes larmes


dans de belles nuits serties du parfum de l’orange

l’oranger du bleu insondable

PETITE SUITE A LA CRAIE


Paul Klee des poupées

                                       des tableaux noirs

aux étoiles à la craie

Paul Klee aux rues parallèles orangées

d’où viennent les chants de l’alto

ce Klee de plein sud

à dromadaire à papier damassé

qui dessine à la mémoire d’un ange

comme Alban Berg  

la démesure intime

l’évanescence du cristal

à l’adagio sinistroso du violon

Froissart Jean Froissart au Dit de la Bataille

de Crécy

Jean Froissart remémoré de par Dieu

durant cent ans de guerre où que l’on aille

au bleu d’Anjou et de Loire

saugefleurie d’un pas d’acier d’éboulis noirs

…………………………………………………………………………………

MASACCIO


Masaccio ne peint pas le pays du sourire mais la nudité simple

Masaccio s’est rendu à l’âme primitive de Giotto

il a peint les gestes bibliques comme on peint les montagnes

au burin monumental

au premier éclair de la douleur d’Adam

de celui d’Eve

des deniers de Pierre et des écus de Judas

au-delà de Masolino le verbe architecturé

plus haut que son siècle de toute peinture et pour longtemps

il a inventé l’autre face brûlante de la lumière

soleil juvénile parti à l’âge de vingt-sept ans

……………………………………………………………………………….

il avançait comme pour vaincre la pauvreté

la chasseresse au bal des oiseaux

                     m’accable d’une forteresse indolente

d’une harangue de haïkus


«Khéops il est évident, ce n’était pas des humains»

pyramides qui crient pour que le ciel s’ouvre



PRIBAOUTKI  2

(CATALOGUE DE FLEURS GLACEES)

Décembre 2022

j’entrais dans cet aveu de ciel  d’une vie immobile

dans des éclats de noces vives

se posait une ombre de hantise ancienne

beauté tragique

sous un bleu de paupière de haute louve

                                       ***

comme à déplier une apocalypse pour un temps de fer

le croc des chiens jaunes andalous

                                       ***

du plus loin d’une obscure beauté renoncée

je n’ai retenu que le visage lyrique de matins ravennates

ces cernes et ces brunes tant essaimées

dans les démâtages et les hurlevents

s’en furent reines sans royaume

de mes livres d’images ruisselants

dans le flot de mes veines mille et mille rivières

qui ne m’oublient pas

nous avions désigné le tison

                                           le prolongement de la foudre

entre le voyage d’hiver et le pierrot lunaire

le visage dépoudré de l’élégie

l’émeraude la plus précieuse est percée d’une cassure en son sein

il faut mourir sans relâche

je revois mon adolescence dans la lumière d’un 7 juin

je frappe les kotos d’une pluie d’éclats

de susurrant hichiriki de verdiers

et de roseaux

à voyager en une lyrique japonaise

au coeur de cerisiers roses

ma riveraine

               entre le sommeil et la mort tuilée

du dernier jour

passionnément

               d’un souffle de mufle

                                              à trouver refuge

… 

17 décembre


la géographie se distingue de l’Histoire à évoluer

merveilleusement dans la croissance du caillou

ce que je retiens de la restauration du poème de l’Iliade

est l’eau

la mer qui nous rend à la gravitation

la France est une minutie de la beauté

le rouge de Masaccio comme le bleu de Klein coulent

dans des veines qui augurèrent des désordres neufs

j’ai buissonné l’irréparable

je cristallise la chair de la parole  comme j’incante

en dedans de la foudre

peut-être en dis-je trop à fibrer tant de finitude ?

je te dénomme ma sœur vivante

mon acanthe végétale

ma dodécaphonie asphyxiante

ma part d’incertitude

d’un bleu comme depuis la source du feu

où la passion est précisée

mes entropies mes géotropismes à fleur de nuit

mes respirs de matin à l’enclave

de quelques cœurs de ténèbres

…………………………………………………….

je demeure dans le fleuri du tumulte

aux grands gisants de ce qui souffle

au buvard du monde

de la neige posée dans l’oraison des pauvres

parler de roses quant aux ténèbres sans pourquoi

mon vieux monde d’épervier

à toujours lire la mort qui siffle

le miel amer d’Icare

Thésée éclipse dans la nuit le dernier clin d’œil

au parfum de la pourpre taurine

Médée riveraine à gorge d’oiseau

j’ai la fracture des coups de dés dans la nuit du monde

je vis sans vatican dans des épiphanies bleues de vivants

des temps de fièvre

des tessons de cœur

de blessures alexandrines

notre passion a forme de poire près des hanches

que le temps s’est débrisé

dans cet envers des cendres

pourquoi ces Everest sur la poitrine à soutenir des fugues

d’ongles crissant de blancheur ?

J’ai de la fêlure le visage du monde qui me démasque

je sens cette fin qui vient comme une après-midi

de soleil qui s’encagoule

j’ai dans le ventre ton instinct de paradis

ce murmure qu’ont les reptiles

à sonder la fêlure de la terre

c’est comme une zébrure d’arpège de Chopin

qui s’ouvre de la bouche de poissons d’or

ma nuit caduque d’un sommeil qui s’affranchit

de récitations de ciel

mais quelle fut cette mort de Masaccio

dans une ruelle de Rome désaveuglant d’avenir ?

c’est l’horizon qui m’étreint de ses crépuscules

lorsque j’ai souvenance de ces marqueteries

de jonquilles

comme poussins sur l’herbe nue de vieux printemps

je pénétrais dans la médina obscure de Rabat

contre la pierre bleue émeraude et grave

d’une vieille absence

comment errer dans les cœurs noirs

la nuit à sa crête

ceux quittant la terre vers des vallées bleues

Masaccio dans une ruelle du mois de juin

à peindre ses rouges qui faisaient naître

de vie volubile

de demain à toujours la naissance du monde

je rentre de ce Japon noir d’un verbe calligraphique

qui dit les étoiles

la main portuaire dans la main à fleurir nos exil

d’un tombeau à l’aigu des montagnes

c’est un chœur chromatique où la désespérance tient lieu d’étoile calcinée

une infinie douleur ripiéniste de femme qui se désaccorde c’est ce jeu de parure d’anfractuosité où ma nuit s’enlise

qu’engranger de vieille nuit ? un Turner sous les paupières

à rosir d’incendie la meule de paille qui reste de mon enfance

bleu comme le bordereau qui figure sur l’infini du ciel

le Klein qui brûle dans les dédales de cyan

philosphère d’un monde qui s’est décousu

boire l’incandescence

l’hypnose lyrique

la mort l’horloge au bout du corps

… 

le tournesol s’incline tel un soleil votif

depuis le cœur de nos pluies depuis le cœur

de nos vieilles amours

je porte ces espaces de peau

ce granit impalpable d’un ancien univers

encore vivant on sent comme d’une main de fer

une éternité irradiante

depuis cette musique qui tintinnabule

à suivre les canaux et le chant des bouteilles

depuis les griffes besognant de la parole

les vapeurs de l’aube derrière les rideaux

des chagrins

les confitures aux doigts et aux tabliers

des écoliers

le temps qui sarcle au sablier bleu des jours

et ces sud écorchés

ces draps de ciel fossile qui nous appauvrissent

le cœur du monde

et toujours dans la bouche le goût de la terre

CATALOGUE

fracture des mots

nocturne rouge

d’épithètes embastillées

tant qu’il y aura des aurores boréales des structures formelles

vivantes dans autant de galaxies que de milliards d’univers

le noyau de l’art abstrait se définira comme autant d’atomes

indivis à l’infini

en une Renaissance perpétuelle

se définir dans l’infini

porter depuis l’abîme les registrations

des chorals de Prométhée