Poesies, 2023

Monde comme volonté et don des étoiles   (2023)







KHYALS

Janvier 2023




desservir le temps comme l’humble table de la servante

                                       ***

je peins le bleu comme on lève les voiles

                                                on abandonne les châteaux

                                       ***

ce qui nous est interdit scintille toujours en chiffre d’or

                                       ***

d’un côté des étoiles des toitures des Sisley

des murmures sur la Seine

et crissant de tuffeau sous les ongles

la lumière qui demande

« où sont les Louveciennes et Bougival » ?

                                       ***

elle n’avait jamais si cruellement aimé

Cybèle

qui rendit Atys au rameau originel

d’une aile dépressive lunaire et si belle

                                       ***

je demeure au cœur d’amours allitératives

                                       ***

m’étant penché sur ma Genèse je n’y embrassais qu’opacité noire


qu’un bateau ivre en archivolte de l’arche de Noë

larmée de déluge

                                       ***

les oiselets de mon pays pour ce baiser-là

gazouillaient leur Janequin

pour celle disant« l’amour m’agréée »

                                       ***

chez Sisley je cherche où il n’y a aucun visage

de la neige

des paysages

la poésie de notre dernier monde

                                       ***

dormir dans les herbes que nous avions couchées

comme dans un pays de songes et de grands larges

                                       ***

par monts et Vaucluse

par émeraude émergente

de fontaine recluse

*************************************************************

en poésie il y a autant de force dans la proposition allitérative que dans le retour sonore du Même

le plomb des larmes

                                  au profond du front des chagrins

c’est l’Islande

                     les îles Lofoten

                                              le Nord …


la nuit presque toujours à l’appartenance de la lumière boréale

l’enluminure qui traverse les pôles d’une luminescence cardiaque

précipité d’un monde comme volonté et don des étoiles –


les ténèbres menant à l’ébène

                                            à l’espace durci de nos défunts


le glissement progressif de la nuit donne un sens à la clarté

des sept paroles ultimes en héritage

configurant des amours éparses

reverdissant

les tristesses tenues en laisse


ma poésie

          tachée d’encre

                                d’un livre de clauses extrêmes

                                                                    à offrir ses fables ….

crépusculaire comme des aveux de ciel


la vie est descendue sur nous avec la grâce


ma poésie a la science qui cagne comme une mathématique hagarde


de ces cagneuses poignées de BWV luisant d’étoiles

ma poésie souffle les mots de la mort

au déniché bleu d’un monde en marge

« c’est pourtant là que nous vivons »

dans la clarté de grammaire qui s’immacule

léonienne

d’un plain-chant des certitudes

************************************************************

j’allais à Mendoza en ce lieu qui partage le Chili d’avec l’Argentine

clandestine

aux sapins aux cèdres aux lacs aux serpentins des chemins

juste après Portillo la jaune

                                       ***

il neige sur les nymphes

                   et ce n’est pas qu’elles fussent dans les dehors de l’amour

ni aux haïkus indéchiffrables de la pluie

                                       ***

imaginer la pierre qui s’ouvre verte et noire

après milliards et milliards d’étoiles

                                       ***

« mon chemin a longtemps langui »

ce qui peut être trop colombe

ce qui peut de mal être tombe


quand la vie s’enfuirait d’un rail sourd à franchir le seuil


               demain je vivrais là dans un temps qui s’absente

                                       ***

moque toi de la nuit

                                mutile l’espérance

tire toujours à toi

                            d’enchanteresses reines de pique

                                       ***

c’est un A ou un B qui brûlent

peut-être une voyelle mouillée

au fil de l’eau

un alphabet

décacheté de notre vie

de sable

restée lettre morte

                                       ***

l’abbaye de la Pierre qui Vire comme Orphée

construit des chapelles sonores

des constellations zodiacales

d’architecture romanes

on y couche dans des champs de blé

couronnés de graines de rosaires

qui font de pierre à pierre le jeu du ciel





KHAYALS

Février 2023


perpendiculaire au soleil

                              sans cligner même


dans ce cimetière où poussait des champs d’oiseaux

c’est sans préface et résolument

quelque chose de bleu en vrac

une clarté d’éphéméride

à creuser le tuffeau des songes


c’était Paul l’Oiseau l’oiseleur oiselé

la mort en moi qui progressait

je suis à ta ressemblance et sans infini

comme d’un crépuscule testamentaire

on ne peut dire de la mortelle est là


d’un fruit tranché

d’un temps à faire ombre au cœur qui bat

tes bouquets de soucis

                                    de soleils révolus


ce n’est que demain que nous partirons accomplis

ta chevelure s’est perdue dans des pages de romans


de chapitres qui parlent de la ville dénouée

aux torchis qui s’érodent

monde forclos je suis venu avec toi pas à pas

je voudrais mourir libre en toute immodestie

je portais aux nues l’ingrisme de nos premiers regards


et j’avais aimé ses sourcils en archivoltes

c’est sur le pont des arts que m’était venu une faim de fleurs

Diderot disait quele bonheur d’un moment n’était que du plaisir


il n’avait donc jamais saisi

un vers de huit pieds tout rosi


d’un recueil de roses à cueillir

…   vers les gouffres à la clé de voûte sourcilleuse …

l’Histoire tourne ses pages aveugle d’elle-même

sarclant le roman de ses peuples

de ses labours de ses crayons de ses couleurs

hallebarde

de ses ors et ses ornières

toujours debout vivante amnésique

et l’Histoire a tourné ses pages aussi

pour des matins blancs et lisses

déperruqués au rasoir de la vertu


2284

c’est sur la pierre parmi les herbes chiffonnées qu’apparut gravé en une langue vacillante inconnue de nous ce que les paléographes rendus sur place purent lire en ânonnant «… encore eu-t-il fallu que nous eussions détruit nos cœurs… »

j’avais dans les poches desparis de Pascal

des armes à fondre

comme autant de soleils nègres

dans Valparaiso près de lacalle Pierre Loti

à peindre le retour des navires

avais-je abusé du gris de la rue Cochran

des vermillons de ses gouffres nocturnes ?

des paroles oublieuses

          comme les naines

se perdent

au versant de soleils agoniques

avant ces grands souffles de fanfare de Dieu

la blessure rouge d’un cœur désenfoui

tu nous avais fait le coup de mourir décharné jusqu’à l’os

(sauvageries de morts mutines et carnassières

syndrome de « vieil homme et la mer »)

dans des bouquets de flanelle j’avance

sur les pelures de soleil

des parages cadastrés de vieilles lavandes

de ces cailloux d’émeraudes enfouies

j’ai gravi vers un bleu d’étoiles

j’ai fleuri l’arbre mort

……………………………………………………………………………….

Elle avait des résonnances de Parthénon,

Irma Kolassi,

voire de cariatide de sainte Sophie…

c’est comme ça que j’imagine, dans un monde qui m’aurait préexisté,

que ma mère chantait

……………………………………………………………………………….

portant sa noblesse comme une basilique

sa porte cochère s’ouvrait sur des Sisley

……………………………………………………………………………….

REVOLUTION

« depuis la solitude je crie vers toi» sous le plomb de vieilles toundras

– Maïakovski y concevait les clameurs et les oracles –

«… il lit Locke disait-il

Octobre n’a pas brûlé jusqu’au bout… de tout le lyrisme amassé

par les siècles ne restera que …

… il ordonna aux défunt Phidias

que tu tires du marbre des dindons dodus … »

les printemps revêtaient des robes d’incendie

qu’ils prirent les passions à pleines mains

j’ai senti la verdeur des jours finissant et dit« allez sans moi »

l’ombre est passée sur les sans dieu de crépuscules

le labour fauve

les non lieux d’une théologie de promesses

rougies en eaux troubles

…………………………………………………………………………………..

ce n’était qu’un Vermeer et peut-être même qu’un éclair

d’Y., de Robert Schumann, de jeux d’enfants

douleurs de vivre qui  ne sont que maux passant

avoir besoin reste une expression équivoque

oxymorante

les ruines s’entremettent parfois dans la rugosité des vivants

désarmés dans leur jardin de cendres

RECITATIF SOTTO VOCE

Bella Della Casa Lisa pour ceux qui l’admirent

Della Chiesa pour les intégristes

Del Castillo pour Fritz Busch

Arabella pour toujours

……………………………………………………………………………………

le concerto pour la main gauche a pris dans la corne

taureaumachique

l’âme désertée

l’empreinte

et la révélation psychique de la main de Ravel

j’avais parcouru le champ d’une liberté indocile

jusqu’au débusqué du guépard

l’aube oisillante de la faim des goélands

ma nuque à rempailler

                              mon squelette dans ses scalpels d’arthrose

pour un tombeau qui s’ouvre au jour

le je et le tu s’étant éternisés

l’aboiement des chiens rendormi

les copeaux de l’oubli tenaient lieu de rosace

nous souviendrions nous du temps de nos murs

des enfermements de naissance

du jour qui crie hors du ventre

sans qu’on ait donné les germes de la parole ?

je suis le souvenu

le poète pour la soif

nos corps ont cerné le chant du vulnérable

les battements de la craie crissée

sur le chemin du monde

fallait-il aller à l’aiguisé d’une éternité persistante ?

dans la porcherie du romantisme

d’une telle asphalte du cœur

le monde m’est annulé

la certitude venait des crypte

la part plagiée de la dormition aux verrous du temps

des paroles comme la paille à vivre

des dissipations d’existence

de moi à mes nulle part

à mes moi qui demandent à faillir

depuis la faille et ce qui reste de souffle

à perclure le temps

les lèvre restées d’un bleu de saturne

porter la soif vers le silence

millions et millions d’années la parole a germé

dans ce fond des glottes

d’une allégeance à une polyphonie de brasier

Robusti le petit teinturier qui ceinturait Venise

celui de la Grande Ecole de Saint Roch

du sceau de ses ombres

de ses jaunes

de ses pestiférés

tissés sur des panoramiques de Paradis

de ce bleu de Saturne posé en paupière

sur les terrasses de Vaucluse

nous avons cru au vieil orgueil de la terre

au labour à pas d’homme fertile

saurai-je être là ce qui m’habite ?

d’un ultime jour le cœur battant

d’un soleil trébuchant d’espérance

l’enfant aux paumes ouvertes attend les sortilèges

du chant du monde

                                même dévasté

                                même au corps à corps

celui qui porte le feu de l’homme dans sa droiture

dans le germinal

la brisure du givre

le gisement mûri

                           drapant le monde

                           qui était le nôtre

s’ouvrait le choral

d’une nuit vive

dans les filets d’araignes de la nuit

les nornes tissent

                  une passacaille à l’or fin

riveraine de nos infinis en arme

l’exquise illusion des arpents de sable

sur des sommeils iliens

sans saisons

sans âge

d’un monde glabre

de soleils encore verts

d’alizés et de corail

dans sa robe des Marquises

faudra-t-il mourir d’une chaleur rétrécie ?

d’un kyrie des failles

                                  des psaumes àprier pour paix

                                  à sonner buccins

d’un Josquin d’une messe de « mille regretz »

morimur d’un sommeil bleu d’après-midi de jaguar




RAGA FUNEBRE
                              – KAIKHOSRU SORABJI –

Mars 2023



celle qui riait de toutes ses dents

d’éternité voluptueuse

qu’elle faisait prendre corps

au raga de la nuit et au serpent de l’aube

                                       ***

corps d’orfèvrerie à portée de charogne

                                       ***

nous avions replanté des printemps de Mars

dans quelque bleu de ciel

et des voilures pour les départs

j’achevais de recopierle verbe être

sur les marges d’une page blanche


ma femme de granit et de contre-chant

… ma femme à l’épaisseur du monde

                                       ***

de chaconne en passacaille les heures sonnent


l’image de la mort se dissout

dans des espaces éconduits

de miroirs en constellations


le soleil se couche et le ciel de Mars est rouge

                                       ***

… le lent pourrissement de l’Histoire

aux portes battantes de la mémoire …

                                       ***

la mer illisible aux cœurs défaits

                                       ***

c’est toujours novembre pour les prônes-misère

la préfiguration du lit froid et du désert plus nu


c’est d’un lieu qui n’a plus de chiffre

d’un largo à la maigreur d’oiselet

d’un temps inaudible dans les dérives

à cadence d’enclume


d’une haleine rouge

au tuilage des algorithmes de noirs pulsars

                                       ***

quelles sont les valses qui font valser les astres ?

                                       ***

l’envie de vivre comme la pierre la racine l’oiseau

                                       ***

février 68 c’était Peggy Fleming

j’attendais mon seizième printemps

                                       ***

aux carreaux des tristesses

                              à photographier ces pelletées de silence

                              entre les lèvres

ces peupliers aux griffures nocturnes

l’oubli revêtait son jaune automnal

                                       ***

Ryokan et Bashô aux syllabaires de cendres et de gisant

                                       ***

vague au secret lovée d’écume sifflante…

                                       ***

caravelles O oiseaux mortels de craie


d’un pied puis l’autre

                                    à la marelle comme on s’approprie le monde

                                       ***

à perdre un bonheur de poche

                                                un long fleuve de prostitution minorée

                                       ***

je tenais l’hiver entre deux doigts de givre

et la lassitude des goélands


bientôt l’or et les bras au ciel des semailles


mourir devenait aussi aléatoire

que vivre d’un temps de dents de lait

aux adieux et aux déconfitures

des contres ut de l’azur


je tenais insoumission aux cambrures d’opéra

des grands octobres aux pas d’acier

par un vent broussailleux de soudard

un matin de brume étreignant de corbeaux

                                       ***

Dialoguant de ce Blaise Pascal

dema nuit chez Maud


allant à Triana

je vis l’ivresse déboutonnée

la Maja dénudée lacérée

démone

                                       ***

comme pourMéséglise recopiant une phrase

finissant par« … les étoiles »)

une main hasardeuse avait écrit

« … mes étoiles »)

                                       ***

le vent portait de lourds asphaltes d’un temps usé

                                       ***

gravissant l’escalier des étoiles une à une

à repeindre le ciel de ses bouquets

et de ses coups de dés

aux couleurs scellés du monde

je ne doute d’y être à t’attendre

                                       ***

nous avions revêtu la chair du verbe

d’une tumultueuse blessure blanche

                                       ***

c’est un vent de porcelaine qui traverse la poitrine

qui fait naître des étés de bleuets

cœurs océaniques plus nus et plus vastes

qui s’en vont vivre

tout contre les haubans de blessures du vivant

                                       ***

ma nuit

             ma poésie est d’un bleu bouleversé

                                       ***

je tissais mes larmes à l’embrasure battante d’un silence

                                       ***

l’épaisseur de la mer à rire entre ses dents

à repeindre les ombres enlacées

                                       ***

battement de cœur comme une hache sur la certitude surannée

                                       ***

Je repeins mon ciel d’un cœur malhabile

                                       ***

ce 22 mars à la fenaison des clameurs

d’un printemps précocement fauve

d’un jeu à battre les cartes

une persistance de lilas dans les chevelures

                                       ***

une mort succincte à boire la lumière

d’une plus que lente extase

                                       ***

j’achevais sur la voix fluide du jet d’eau

la croissance endeuillée d’une rose

                                       ***

Mars s’éveillait à la pierre sèche des roseraies

au vin neuf au nez de pierre à fusil

à ce rétracté des ruines

romarins

               aux éboulis de lyres

                                       ***

d’un soleil salubre un visage à figure humaine

                                       ***

ce soleil à la gorge des oiseaux

                      à boire un sommeil de bleus lilas

une brûlure qui se mêle au balancier de l’azur

                                       ***

la transparence nue jusqu’à la clé de voûte

                                       ***

la nuit boit d’éperdues ténèbres aux mains stériles

                                       ***

ces remontés de fer du cœur

dépossédées du feulement de la nuit

                                       ***

nous savons bien que le présent n’existe pas

échafaudages des insouciants

plénitude des imaginatifs

roses des faussaires

il ne saurait avoir

la singularité du coup de foudre


le présent existe si peu qu’il tombe à chaque instant

dans un puits d’amnésie

                                       ***

dans l’éclosion de mars à juin

le Vaucluse est pris de rougeole

                                       ***

Ménerbes j’ai bu tes paupières closes

comme un vin d’argile une foudre lente

                                       ***

c’est du merisier de vieille mélodie un écho labouré

une nuit qui ouvre son corsage

                                      au violon de Christian Ferras

                                       ***

les terres arides et rouges se font de mauvais sang

                                       ***

elle n’est ni mon passé ni mon futur

le veuvage de mes défis

                                       ***

la lune se froisse d’une lyrique blanche de draps défaits

                                       ***

fleurs des larmes

fleurs naines

peintures des égarés

                                       ***

je rassemble les embruns de mon pays de naissance


je m’étais enfanté d’une rue buissonnière

                                       ***

j’avais gravi les étés et les clameurs qui fleurissent

les murissements de l’errance

                                       ***

ce qu’elle disait du plus profond de la nuit

cœur noir de son diamant de fièvre

d’un monde dépoli

                                       ***

c’est avec une indolence candide

qu’au sortir du bouton d’or

          de l’enfance

le vortex de la lumière prenait au filet

          les sabliers abolis

                                       ***

à la naissance du bleu de l’Angelico

à l’église sise au numéro quinze

était l’ange aux voussures

*******************************

POEME SOMBRE


de l’eau de ses lèvres sa voix couronnait

nos baisers sans séjour


mon soleil est sans paupière

comme ma nuit est sans famine


c’est un velours c’est ma chair

qui perd sa rose tremblée

de douleur trémière


aux murs déconstruits nous nous habillons de pluie

de rosée à coiffer la nuit

à prendre en otage la surface de nos passions

dans l’épaisseur

d’une rose qui brûle


comme j’ai pris l’herbe sauvage de ses chevelures

le pli feutré de l’angoisse

vers des chemins d’arrachnée


j’ai exhumé la voix rauque dans sa lumière

du plus chaviré des griffes du verbe

pour donner jour à cette étreinte et ce roucoulis

de bleu frisson d’un été mort


frissons des blés jaunes à leur naissance

comme une peau de bronze

d’insolents soleils à flétrir

une bouche aux murmures de cendres

et de marées lunaires

je la savais reptile à sonder les tombes

la pétrification du baiser et le goût de la terre

***************************

c’est sous les paupières orphiques de la mer

des notes bleues chavirées

d’un dialogue de vent crépu de mensonges


des cris de buccins pénétrant aux poumons

de la passion

comme autant de fanfares d’étoiles après le jour

de la Création


chaque étoile amarrée d’une ancre dans le ciel

                                       ***

Josquin soufflait les cromornes desFaisant Regretz

de bergerette savoysienne

au pendu du gibet

au Villon

à la mort enjôleuse de l’Homme Armé

                                       ***

pourquoi pâlir au cœur d’un chêne ?


la mer s’est retirée de la paume de notre main

la mer mélismatique

                                       ***

je comble la mer des ricochets du désir


pourquoi cette oraison cachetée de ciel

dans une bouteille de naufrage à la mer ?

                                       ***

entrerez-vous en tout désespoir

au cœur  du corps pis que pendre ?

                                       ***

temps insoluble dans ses pierres

ses éboulis de nuit

comme on meuble le monde




HEURES NACREES DE WATTEAU

2 Avril

mille étoiles contre un siècle de fer

dieu sans visage

le ciel tombe

d’un Turner qui brûle dans la nuit

                                       ***

3 Avril

nuit de citronneraie où saigne la lumière

                                       ***

renverser les astres dans le chromos qui s’offre

une exigence d’infini


les eaux étroites quand le cœur s’effeuille au vent

                                       ***

nous portions aux lèvres les roses guerrières

dans le mauve de vins solaires

aux croix de bois croix de fer des promesses

                                       ***

comme l’emmuré la dénudée aux caresses de mains invisibles

                                       ***

7 Avril

Racine carrée à la chair de la blessure

sous les murailles

à répondre à l’Antigone

« dois-je vivre seul l’effroid’une sépulture ? »


ma solitude est en porche d’église de campagne

en piliers de porphyre

ma solitude sous les sources dormantes et les voussures

en silenciaires à métamorphoses

                                       ***

10 Avril

par la ligne de crête l’éclair présumé

à visage de lumière


tissage d’atomes

                            et gravats de la lyre


les ferrures de l’absence se seront posées

comme des larmes salées sur deux joues rouges

                                       ***

12 Avril

entre le désir et la mer il y a encore l’amer

et la matrice

le cliquetis des armes des vainqueurs

le jour qui fane

                                       ***

13 Avril

dans le soubassement de l’exil

il y a le cœur à nu

à manger la neige qui brûle

comme une faim au ventre

                                        ***

c’est un soleil analogue qui achève sa course

          une douleur de l’enfance laissée derrière la porte

l’ourson démembré

d’une musique de chambre dans l’oreille du crépuscule

                                       ***

le monde a cessé d’être le monde

l’empreinte fossile de vieilles paroles

                                         murmurées

la fugue éperdue à l’épicentre de la ténèbre

                                       ***

16 Avril

ombres errantes qui clavecinent

couperinienne

le feu dévorant d’une rose sans épine

                                       ***

17 Avril

le cœur facile j’irai jusqu’à ré hanter

les estuaires de la chair

                        dans leur premier port

                                       ***

21 Avril

j’adopterai la mort comme un granit à maturité

                                       **

la navigation des étoiles peignées

comme un jardin à l’anglaise

                                       ***

c’était un silence franciscain

un bruissement de linceul

d’un aujourd’hui aboli

le rapatriement du cœur

à l’enclos sidéral

                                       ***

Nicolas Lancret au plus proche de Mozart

                                       ***

sans pourquoi généalogique

à la tessiture d’étoile


revoici sous des colliers de pluies

ciselée du plus ombré du cœur

la plus tutélaire rose de vertu

                                       ***

26 Avril

la mémoire gravée fugues après fugues

paradis recousu

d’un vestige de vieux gramophone


cœur lissé à fendre cœur

hanté de haut cris

à perdre la source balbutiante

                                       ***

entre leVoyage d’Hiver et lePierrot Lunaire

le visage de l’élégie sans le goût de la terre

                                       ***

j’ai reconstruit mon pays natal mot pour mot

ces mots qui restent l’architecture de la mémoire

la géographie mouvante oubliée dans la rotation

de toupie du temps

j’ai reconstruit un Lascaux à la bougie tremblante

à l’ocre pourpre de la naissance du premier jour

revu les arcades ombrées qui portaient

de poids de soleil indolents et la blancheur recluse

sur les murs de la haute idéalité j’ai achevé

une conversation avec les âmes porteuses

sur des chemins qui ne dirent jamais leur nom

réinventé pour la fixer dans la pierre mentale

la clémence des départs vers l’horizon neuf

cinglant des derniers embruns d’une mer

à l’enclos désarçonnant de jours égrenés

j’ai recomposé mon pays natal dans la mosaïque

de visages qui partirent à même l’éclipse

où s’architecturent aujourd’hui

le derniers fragments du paysage

j’entends le cuivres mezza voce annonciateurs

de franchissements

et ainsi la voix apaisante de celle qui disait

« ils ne se sont pas perdus, ils sont maintenant

de nouveau vivant dans un beau jardin »

mes bouquets et mes éclosions d’anciens printemps

égarés et décimés

aux voiles frêles loin des tropismes de l’enfance

c’est en oiseau de migration que j’ai revu le rivage

qui resculpte le poids des pas sur le sable

les marées qui dénombrent la régularité du sablier

des lunes

j’ai noué la relecture fiévreuse d’une ancienne fable

d’un temps de vendanges achevées

conclu aux muraille ce pacte des retours de cigognes

je reconstruis le visage premier d’un horizon

océanique

aux crénelures d’âge d’une ville nidifiée

j’arpente le soleil par les rues

qui se séparent de mon ombre

je reviens à la source et à sa soif

… en amont

                                       ***

28 Avril

de soixante-huit, soixante-neuf, elles furent saisies

du grand frisson malthusien

                                       ***

la reptile morsure d’une allusion vipérine

                                       ***

Dieu dans le octaves et les quintes

les dissonances et les failles

où toute vie mène en amont

sans corsetage

à la chanson de Guillaume Dufay

                                       ***

je prenais son ciel comme une bouche qui s’enfièvre

                                       ***

dans le clavecin de Watteau

le bal allait à son crépuscule

et c’est sans retour de Cythère

que la nuit sans narration le sein gorgé

aux rechants de la naissance du monde

les froissement de satin et les fougères

perdirent le luth arlequin sous le ciel grêlé

                                       ***

30 Avril

nous avons perdu les chants anciens

les laines qu nous tenaient chaud

à trembler juste


l’empreinte d’un ciel à une même haleine



D’UN INDEFINI POETIQUE

MAI 2023



le chaos souhaité demeure encore un murmure de ciel

la tentation poétique dans sa part d’imaginaire révoque le réel

et ses doubles illicites


les dépossédés se dressent aux confins du verbe et ses florilèges

de lumière calleuse


la poésie ne s’affranchit pas du réel, mais comme elle le ferait d’un double, elle en déploie les ramifications dans l’arc-en-ciel de ses possibles


la poésie est la réalité parvenue à un pulvérisé d’imaginaire et, en même temps, une macération dans les arcanes minotauriennes du désir


la poésie se surprend à l’archivage débridé d’un grenier de vieilles blessures


poésie de fièvre à voix basse


coup de foudre sur le réel organique

                                                           devenu pantin démembré

d’une causalité en marge de ses sillons


réel délaissant la voie mutique et infidèle qui se griffe à la broussaille ténébreuse

d’un verbe redevenu virginal

poésie alliée des tragédiennes qui n’ont pas encore passé

leur quartier de ténèbres

les chevelures à l’ordre du jour


il était dit qu’il y avait toujours un cœur crissant au tableau noir

comme seule prison

le couteau du temps

sous la pierre face aux vagues le dard du premier scorpion

de mon enfance

la main sur la page d’angoisse blanche

la noirceur et les oripeaux

de quelques dérives

celles pareilles à l’ancrage de Naxos

disantj’enfante l’irisation le portuaire et la sépulture

la poésie comme vague comme sable à marée montante

Naxos aux terrasses de midi aux crénelures du vent de lèpre

le siège vacant des cuivres embouquant

la lecture lyrique de mon temps intérieur

la fin du jour approximatif

***********************

LAC DE CÔME


sans soleil statuaires

vivantes et mortes

celles de la rencontre

celles des disparus

statuaires des pierres et des parcs

de cerisaies et de lacs italiens

de ceux qui se sont rencontrés

qui se sont séparés

qui n’ont pas existé

statues qui vivent des vivants

verts de gris arpenteur

pétrifiées sans soleil

************************

elle douce frisonne dans la clairière des chiens de cœur

                                       ***

je vivrais d’une mort matinale

                                       ***

de ces crevasses du visage qui s’invitent à renaître


                                       


voici le jardin lafontaine la gloriette

et la tanière aux heures éprises

                                       ***

nous d’atomes

                    qui s’assemblent comme autant

                                                                     d’arpège d’exil


ma poésie d’éperon au vif d’une nuque de soleil

a la mort à vêtir

                                       ***

nos fragments crépusculaires ont l’étoile

des grands cœur du vide


les comas du ciel

les métaboliques éboulis de mourir

                                       ***

l’avenir bientôt bleu des aveugles


la cécité des élites

                                       ***

atomes insoupçonnés des mangeurs de soleil

hors champs jusqu’à l’évidence de la lumière

                                       ***

restons géomètre du souffle

                                       ***

à Naxos

               d’une rupture de cœur noir

Ariane sous le portique mangé de sel

la mort poreuse                  

de mille rose de sang à la fin du jour

                                       ***

à la trompe d’Eustache

                              aux cuivres battant

                                                       plus près de Dieu

                                       ***

cœur traversé de part en part

                                   de trompe l’œil fractal


       d’efflorescence de fugues trop tôt taries

                                       ***

dans les architectures porteuses de la continuité

il est dit

«l’héritage reçu a plus de poids que mon seul sillon»


celui-ci est redevable

des pierres du port d’attache en habits d’or

                                       ***

la pieuvre mandoline

l’héritière du blason

qu’un temps sans précipice

d’un lopin de château

fait renaître d’une ombre revécue

                                       ***

Pentecôte c’est Vézelay

                                       ***

nous mourrons à l’embrasure d’un discrédit lucide

                                       ***

« Ce sont des villes!» disait-Il

dans leur éclaircie multipliée

le millefeuille archipélisé de la chair


dans la bouche des saisons le baiser à gorge d’oiseau

                                       ***

je ne connaîtrais que l’algue et les salines du verbe

le lacis et la courbure du cygne

des renaissances à charge

la fêlure qui rentre dans ses abois

par une bouche de Gorgone

                                       ***

aux couchers de soleil préférons les levers

                                       ***

c’est dans les cavités du vent que gisent

les bouleversées hauturières

                                       ***

dans le jeu de la marguerite

la femme désaccordée…

                                       ***

la mer méritait un avenir meilleur qu’un monde de buvard


tous les vins rouges circulaient dans des fugues exsangues


– la phalange atrophiée de Robert Schumann


de ces pianissimi de cristal vers la rosée au vent large –


les infinis pêle-mêle de toupie saturnienne de mes bleus

de vertige


l’équarrissement de la nuit comme territoire de l’étoile

l’archipel de la femme qui se fonde

les germes de ce blé des derniers chromes de notre éclosion



PLAN PAYSAGESQUE
                      SUR  MARIO GIACOMELLI

                                                                                     – Photographe absolu –



JUIN  2023


du haut du ciel

                                                    mamelonnant aux collines

Mario Giacomelli peint les sillons et les serpents de vigne

les labours tatoués et les rides au front de la terre

ceux qui ont creusé l’opulence de la nuit qui vient

modeler le visage et la mosaïque à blé des vieux pays

                                       ***

dans le bleu sculptural de Klein je vois sourdre

l’opacité crépusculaire de l’homme redurci

                                       ***

la troisième symphonie de Sibelius comme plus proche transcription

de l’aurore boréale

                                       ***

la nuit à gorge de rossignol

avec l’étoilé de grive musicienne

qu’égare un cœur grêlé


les roses revenues d’avril en juin

trémières comme mirage de chagrin

de leurs lèvres éphémères


murmurent leur nom à l’étoile

pour promesse des navigants

                                       ***

ce sont des fêtes lointaines

                                       une mémoire des ombres

                                       ***

je regarde ma vie emplir tout son miroir


la poésie comme percée tellurique des concepts

                                       ***

j’ai reconnu la mort à ses yeux

au soleil migrant au corps à corps


dénombrant les syllabes et l’épée

de tant de sommeils révolus


que la nuit frappe au heurtoir le tambour des étoiles

                                       ***

je me livrais aux marées

                                       à l’enfance

                                                     de cloches lointaines

                                       ***

comment envisager la raison des sortilèges ?

                                       ***

De Clovis à Robert le Pieux ce n’est pas la tentation de l’Empire mais la politique de la terre comme une chair

l’enracinement de ses futurs greffons

                                       ***

tous les piliers toutes les sagesses

l’inexpérimenté des atomes

adossés à la vie brève

                                       ***

la femme de non-recevoir

                                       ***

elle avait lu l’avenir partagé

        la vitesse de l’ombre a préemption sur notre dernier beffroi

                                       ***

le monde montre ses fissures

                                              du plus profond « clamavi »

de ses failles


hédonisante plèvre

                             de ce qui fut et ne peut plus être

                                       ***

dans la Babel de nos villes

                                        la mer intérieure laisse respirer

                                                                              notre cœur futile

                                       ***

d’une mort entrée dans une ombre élogieuse

quelque chose comme Cordoba …


de haute haleine dans les voilures


d’un bleu de cyan

                            quelque chose comme Naples …

                                       ***

lorsqu’il n’y a plus qu’une seule chose au monde

l’inaudible du cœur est à l’incandescence

                                       ***

la vue n’est plus imprenable sur le balcon de mes jours


la terre de Sicile

redevenue de pleine clarté

grasse et testamentaire


je congédie mon ombre d’incandescence

                                       ***

les grands airs de Mozart annoncent souvent

des victimes raisonnables

                                       ***

la nuit pèse oxymore un avenir d’amphithéâtre

                                       ***

J’étais la flèche à la cible des tumultes

                                       ***

la lumière rayonne totalitaire sans même concevoir sa part d’aveuglement

                                       ***

                                                 dans l’acier du solitaire

le désespoir laboure les nuages

                                       ***

                                                                     La nuit recouvre.

On a longtemps parlé du sourire de la lune.

Mario Giacomelli a réalisé les plus beaux clairs de terre que Breton n’aura jamais pu que rêver.

L’étape ultime serait de saisir dans sa phase finale, à l’épuisement des milliards quotidien de tonnes d’hydrogène du soleil,

                                                           nos contrepoints sublimes en fin d’agonie.

                                       ***

les cris tôt du matin mettaient à sac

les nuits aurifères

                                       ***

elle avait traversé les théâtres de son chant de cygne

passant au-dessus des nuits fertiles

comme je passais parfois par la rue Georges Mandel

au numéro trente six


j’y avais vu jouer la mort sur les volcans patients

de son soleil détissé

                                       ***

Cythère chimère !

                                       ***

mon arc-en-ciel n’est pas de fer

il n’est que de floraison dormante

il se pose sur la voix qui renverse

le cœur de la pluie

il ouvre les bras à la nuit blanche

et aux bleus de l’Angelico

mon arc-en-ciel a la foudre des colombes

et la durée infinie de mon tombeau

                                       ***

ne dressons pas de rempart au sang des coquelicots


nous avions pris à la gorge la page blanche

d’un immaculé désespoir


nous avions émondé d’un baiser d’hermine

les craies de l’étoile


nous avions réécrit les jugements originels

sur la naissance des sables


nous avions paré d’imprescriptibles vertus

notre bouche étoilée


c’était sur les sables les mains du vent

qui enclavaient la mémoire de nous


c’était le sable barbare qui nous oublie

                                       ***

à quatre mains

son rire de lilas

son Lully sur mon visage

                                       ***

prends ma place pour tout un temps de chêne

                                       ***

finir l’œuvre

                     rendre le sable de la page blanche

                                       ***

rejoindre l’étoile à carreaux à la santé de bûcheron

                                       ***

guerroyer

                des jeux de patience

les yeux dans les yeux

                                       ***

si c’était à recommencer j’ôterais l’armature

d’un temps torrentiel


le temps vivant nous a jumelé de sa taille de guêpe


dans les vers de Charles d’Orléans

les forces de l’ordre avaient aiguisé

des successions de printemps


il a plu dans mon cœur et la neige a durci

le fleuve de mes épaules

                                       ***

j’ai longtemps été pris de possession du côté

de tes planètes en archipels


c’était des lèvres fleurissant en cerisiers

pour agrandir la vie


la fin n’est pas la fin c’est le lierre mangeant sur la pierre

                                       ***

elle était aimantée passionnelle sur les rivages

d’un portique de lèpre

mangée de sel

l’Ariane revenu de Naxos

                                       ***

dans la nudité de l’aimée il y a la dague dormeuse

d’une zébrure sur un gâteau d’anniversaire de ciel


la mort s’était fardée commençant à naître

d’un verbe être croisé quelque part


Jésus là es-tu ? disait la cantate

d’un grand clair-obscur de candélabre

                                       ***

j’ai établi les contours de la faille

dans ses battements de cœur noir et blanc


c’était une nuit fauve d’une opacité rauque

et sans estime





PETIT ELOGE De L’EMBRASEMENT  1

JUILLET  2023


faudra-t-il donc abolir l’homme en son centre

en plein cœur ?

                                       ***

BIG TRAIL


sous les séquoias

                              plein des neiges de l’Oregon

juste avant la mer

                              le narrateur, l’éclaireur :


« C’est irréversible. Nos pas nous ont mené loin.

 Nous ne reviendrons plus en arrière.

Nos terres anciennes sont derrière nous.

Notre avenir est maintenant de bâtir ici une nation. »


comme un fleuve avaient coulé les paroles


l’hiver allait laisser place à un nouveau printemps

la femme mordait une fleur entre les lèvres

une main posée sur le ventre

******************************************                                   

nous avions péri d’ensorcellement


de Montaigne à Pascal d’un « que savions-nous »

de la conception de notre néant

                                       ***

j’ai tiré au sort les derniers rayons rouges du Ponant


quand tes yeux regardant

me perdant dedans moi


je traversais l’aqueduc de la soif

                                       ***

Dieu est une folie raisonnée

                                       ***

on sent la mort longtemps avant

                                       ***

Héraclite aurait pu dire  

                         la lance perçait un plein cœur de fluidité 

comme seule âme éperdue d’elle-même


d’aucun ciel ne pouvait soustraire à ses arpents de tempête

d’enjeu et de cause

cette colère écaillée sur les murs

                                       ***

il y a un lac

un sourire

sur les lèvres

                                       ***

j’imagine cette turbulence au plus loin de la chair

ce vœu de subsister

                                       ***

voilà le périssable

                              l’anfractuosité qui contrechante

la terre mutique

                                       ***

j’avais devancé la rose labyrinthique du roman

                                       ***

je regarde le monde proliférant de paroles

                                       ***

les sources quittent les métamorphoses qui les ont précédées

                                       ***

depuis cette préface à la nuit il s’ensuivit un égarement de mes doutes

                                       ***

faudrait-il concilier l’aube à l’arlequinade de ses rosées ?

                                       ***

la littérature comme les spermatozoïdes a ce mal à l’éclosion


la nuit est féroce

                                       ***

dans quel Puy dans quel Puech et sur quel dôme

l’esprit nous mène-t-il ?

                                       ***

le vent mène à la poussière

qui chavire à renaître

                                       ***

dans la forêt  du temps s’amoncelaient les nus

les morts et les déluges


quand on est enfant on ne quitte jamais Rabat

l’éternité c’est tous les jours

                                       ***

ce sont les épervières qui fondent sur l’image griffée

de si solaires nombrils ?

                                       ***

le nuage épousait la grâce du cheval

                                  à bride abattue

passait dans le ciel

l’obus de Jean Nouvel

                                       ***

d’avoir espéré très haut

                                       c’est tout le ciel des planètes

dans le cristal de ma bouche

qui s’est mis à l’harmonie

                                       ***

j’ai abandonné le Dieu des abusés

j’ai consenti à tous ses travestissements

                                       ***

l’horloge n’est pas le temps mais ce vieux meuble

qui grince les heures qui s’égrènent avec les os

qui dit tout le jour que la nuit arrivera

lorsque ses deux couteaux feront entendre

le froid qui les confondra

                                       ***

c’est cette rencontre des Pierre et Paul du Greco

clé en main de l’un avec l’ancien glaive disparu

de l’autre

que je compris le fugitif déraisonnable

qui s’aiguise entre la mysticité lunaire

et le théologique

                                       ***

la poésie de Miro est un bonheur de mouchoir de poche

faisant d’un trait de stylet

naître l’oiseau busqué

et tout un battement d’étoiles de lune

                                       ***

c’est une corne de temps d’orpailleur

de celles qui font les blessures

au tiroir-caisse de tous les décomptes

                                       ***

ses cathédrales avaient la lumière des meules de paille

de la mysticité

l’enfance qui écorche ses genoux

dans les petits jeux d’Icare

quand les yeux clignent vers un ciel désappris

                                       ***

La gare de Perpignan est le plus beau monument du monde

disait-il

peut-être était-ce dans le genre de celle de Limoges ?

                                       ***

ma paume laissait libre les chemins oubliés

à la lueur d’un vieux quartier de lune

                                       ***

certains soir de fièvre sous l’aplomb des Babel

du futur

le vertige monte comme le seuil rouge et violent

du baiser à l’étoile

                                       ***

et puis un jour arrive où les vieux pianos désaccordent


jusqu’à finir de famine le coucou du clavier

la lourde argile des sonates

vieillement guirlandées de lilas

ne laissant plus du nocturne qu’un étendoir de lune

                                       ***

la pauvreté aux paupières de paysage

de retour de neige

aux vins aux épaules trop larges

et à l’avenir qui demande grâce

peignait les yeux de la mort

aux couleurs inachevées

des matins qui s’émondent

                                       ***

le cygne de Tuonela c’est un peu l’après-midi d’un faune

d’un pays de glace

                                       ***

ce fut une poudrière que de sortir de l’ombilic

                                       ***

vivre le paysage tout à la fois des embardés de la mer

et de dieux cléments

cette pluie qui pénètre au plus profond des os


le chiffre de l’espérance était tissé

à la chevelure filante de notre énigme

                                       ***

c’est la nuit du monde  qui a changé celle de Rembrandt

profonde comme une crypte la nuit sous hallebarde

vivifiante et incendiaire c’est le monde qui a changé

de son cri rauque d’albatros

l’Elseneur des brisants et les lèvres rouges

de traquenard et traquemort

c’est ce qui a changé dans la nuit du monde

la mer a laissé des traces de rouille derrière la terre

où la terre s’éboule

vieux Rembrandt

ses notes bleues de vie promise

de festin de Balthazar

du bruit des hommes sur leur destin

de la rocaille et des hasards

la roue du temps prise aux filets de ses glaives d’or

                                       ***

l’arbre a toujours été le mât et l’épaule des grands fleuves

de dessous la terre

le hussard rouge et noir vert et jaune

solitaire à la saison

l’arlequin de l’ombre grandissante

à chacune de ses renaissances

                                       ***

on les croyait frères

on les voyait jumeaux

Picabia détestait Picasso

                                       ***

les écorce de l’enfance qui ramènent Ulysse

conquièrent l’homme neuf dans ses étoiles

boréales

l’or du baiser dans le nocturne de Vienne

c’était enfin le dérèglement de tous les sens

rendu au flambeau comme un été sur la poitrine

les paupières de brumes d’un pays de poètes

à la lune soluble

et à la parole de renaissance


au cri des cœurs de pierre

la mort doublée

au final d’Orphée


pareil au nautonier à Pessoa

ils écrivaient de petits livres minces

des Répons qu’on ne voyaient pas

dans les vitrines des libraires

                                       ***

d’où partent les gabians

                                       vers quelle stridence

abrupte

             rêvent-ils à la face des mâtures ?

                                       ***

… déclamer un sans soleil pour toujours

                                       ***

 chanson


Verlaine vers les versants

la chambre à la semaine

qui buissonne les absinthes

par mille et par cent

de la voix et de la viole

d’un nonchaloir des amants

le verre qui tinte à la quinte

***************************                         

les mains sales et les mains libres

copieusement solitaires

                                       ***

les yeux de la mémoire n’ont pas la lumière de Delft

ni les cathédrales jaunies du cœur

ils ont souvenir de l’ocre et du grand fauve

des glaïeuls incendiaires de la fin du jour

des pluies qui descendaient comme des naufrages

dans la poitrine

des grands sables dépeuplés du chant des ressacs

et de ces éboulis de vent qui récitaient les séismes

de la chair à venir

la poitrine de la mémoire avait embrassé les grandes

plèvres du monde dans ses écrins de trèfles

les amonts de notre pauvreté nouvelle d’exilés

les grands vivants au visage de falaise

au seuil de vertige

de toutes les écorces de soleil  dans l’incandescence

de ses pelures une à une

d’une aurore de mémoire si lointaine

que des lambeaux disaient encore que ce jour

ne reviendrait jamais que le noir de l’étoile

ne se fonde

sur un chemin d’écolier à la blouse

trop ample d’un matin de vieille ascendance

                                       ***

je deviens

                    à mesure

                                       l’autrefois de mon futur

                                       ***

l’été fleurissait à l’abbaye de Fleury

le ciel épervier étreignait l’azur


vivaient là aux rougeoiements du soir

les petites sirènes et à fleur d’espiègle

dans l’eau qui fane sous la vase

l’ondulation de la loutre de Loire

                                       ***

les troballeriz se tenaient au seuil du fin amor

comtesses et pieds nus

dans le même élan de semailles

trobador à la maldonne de belle alliance

cœur cruel de Raimbaud d’Orange

                                       ***

les territoire de la mémoire demeurent dans la décrue

d’un verbe ancien

un souffle de madrigal

de roses frugales et boueuses

                                       ***

je suis dans le bleu de tous les iris du monde


dans le chant singulier de mon visage de demain

                                       ***

l’oiseau des noces

                          la brèche buissonnière


sur des tréteaux qui chantent des soleils encore verts




PETIT ELOGE DE L’EMBRASEMENT  2

AOUT  2023

c’est vers Christine de Pizan et de jonglerie poétique

que penche le dolent de ma nostalgie


que le soir descend

avec ses maillages d’oiseaux sur mes vers


que dans la verdeur des ans se croisent quatrains

et virelais


« …de mort qui corps et visage

me fera tourner en cendre… »


de poétesse comme bouquet et croyance

avec neiges

                  ceux de Charles d’Orléans

                                       ***

ne comprendre rien à l’amour

à ces jamais à ces toujours  

ces rouges de Masaccio

ces jaunes de Bonnard

ces blancs d’Utrillo

                                       ***

l’horloge finit toujours contre un mur

                                       ***

elle avait des Giotto dans les yeux le bronze et la fugue

qui battait des coulures d’infini


elle avait l’amandier d’Avril et le largo des oiseaux

dans la gorge

les crénelures de la ville embastillées de crépuscules

des Angelico dans leurs volières d’azur

au sanglot du pur tympan

                                       ***

elle avait les yeux de miel du loup de Pologne sur la lyre


l’acéré de l’incendie aux ailes de moulin de Giono

                                       ***

quel oiseau de craie dans sa neige

prendrait la route

sous les dessous de jupes

de la marelle des astres ?

                                       ***

ma grand-mère me faisait manger les jaunes d’œufs battus au rhum

au sucre fin et à la cannelle

quand j’avais été un peu souffrant

devenant fort comme le costaud de Sébasto

                                       ***

les dents brisées comme des larmes verticales

de cette blessure lucide

de toute beautés à la ténèbre

                                       ***

comment recomposer les trente-trois jaunes

d’un Bonnard hululant de lumière ?

                                       ***

mes oiseaux reposent dans la neige

comme cette perruche ancienne

dans des tessons de verres polis

qui lui servaient

mortuaires

de vitraux

                                       ***

madones aux joues de griottes botticelliennes

qui prirent d’intercession l’ombre des églises

qui déshabillent silencieusement la mort

comme une ancre à son port

                                             la grâce mêlant

à l’ordure de la rue les hautes blessures

dans le poids des pierres

celles qui n’accorde de lendemains renversés d’amour

Place Bellini la petite écume de ce désespoir portuaire

sans Norma

où s’était gravé depuis le haut perché des collines

ce partage de la ville dans le couteau qui tranche

de lumière extrême

ce destin dans l’écho des cris disant vouloir

étreindre  Naples et mourir

                                       ***

c’est avec un manteau d’Avril

au bientôt soleil venu des villes

la vie inquisitrice d’un ciel jauni

sans cordage

qui monte depuis la terre

                                       ***

parce que je suis au monde

                                       les yeux de l’été

                                                               sont bleus

sous les paupières des pêcheurs de lune


l’orange d’Eluard la mer à boire

au creux de la main le golfe de Naples

                                       ***

… les mots migrants plus prompts que les fantômes de la foudre


                                       ***


… la nuit d’insomnie distillant sa farine de lune

                                       ***

la mort m’est donnée dans large blessure

comme un partage des eaux

je perdis l’enfance

l’ocre de la terre


dans les mains du silex

                                 de ce temps de notre usure

je suis sur le point de croire à l’érosion

de cet ancien portrait de romaine qui s’oblitère

au visage de roses dans les porphyres de la nuit


comment aurai-je eu la raison de mourir

sans les vœux d’une vie transparente ?


mallemort n’était-elle enfouie dans quelque gens de Dublin

ou Lido de Venise?

                                       ***

l’arbre qui refuse la cible le sommeil le masque

c’est la pulcinella baudelairienne

l’oiseau de Naples égal à mon cœur

                                       ***

les valvules de la mort bleue donnait les pétales

et le destin de ces roses de sables

ce silence crissant qui siffle l’ordre établi

à la rencontre de notre présent

                                       ***

l’oreille est mon papillon qui respire

                                       ***

dans le bouleversé de la neige

                      dans l’année lumière de nos désordres

la clarté pour renaissance a ce déshabillé de verdeur

d’un monde neuf

                              à lire dans ses yeux le goût des ruines

                                       ***

dans le bleu sommeil des morts il y a un soleil qui s’étanche




HUIT DEGRES D’UN BLEU ASCENDANT    

SEPTEMBRE   2023

c’était un petit désespoir qui faisait sourdre

un bleuissement de ressuscités


le cœur échevelé de ténèbres

dans un vin qui empire

                                       ***

c’est dans l’enfance déjà

d’un monde en nage

d’apprendre à creuser l’ombre

                                       ***

le vent vient du plus loin d’ailleurs


d’érosphériques crinières léonines

                                       ***

j’avais les cèdres du Liban les fleurs et les néfliers

au boulingrin de ma rue

la voix du vitrier

comme celle du vielleur du voyage d’hiver 

                                       ***

la douleur s’épanche parfois vers un ouest indéfinissable


Jean Guitton disait que pour comprendre le mur de Planck

il pouvait être utile de mesurer, depuis l’épaisseur d’un éclair originel,

les milliards de distances temporelles qui mènent jusqu’à nous (10- 43)

après le mirage du temps 0


il reste ce mur

en deçà duquel…

ce mur des angoisses humaines

mince comme une feuille de papier

                                       ***

la poésie réinvente ce sang de la terre enfoui

celui du bleu au surplomb des chagrins

cet aiguisé du lys au plus loin de l’enfance

ce qui était écrit sur l’ardoise

au balcon du temps des martinets

dans leur rire d’église

comme accolade avant la nuit

                                       ***

nous aiguisions la patience du sablier comme des amours castillanes

                                       ***

c’est Lascaux qui nous éreinte à la pointe du taureau

l’éclat de la nuit dans sa corne

le bleu à l’âme de présages fertiles

                                       ***

vers quel seuil de lumière qui touche au ciel

allons-nous

corruptibles jusqu’au fond des os

et qui sommes seuls à enterrer nos morts ?

                                       ***

ma peinture s’en va loin des perfections des surfaces terrestres

et lunaires

de l’alphabet philosophale du fond des âges

ma peinture a les années d’errance des planètes

le calicot dynastique des vieux rossignols

elle figure les pavois dans la servitude d’un soleil de bronze

elle augure les chœurs eschyléens sous leurs casques

et le marbre des palais

ma poésie dans le paradis des pulsars et des bleus de cobalt

de l’insomnie

tient ses cascades de pinceaux rutilants

dans l’éblouissant soleil jeune d’un Icare qui respire

                                       ***

Pape François devenu souverain poncif

                                       ***

l’Inde a les yeux verts de ses rajhas

                    le brûlé du vent dans les narines des vieux cornacs

et les papillons d’eau sur les joues rouges des déserts de l’Ouest

                                       ***

ce n’est pas le nocturne mais l’effeuillage de l’âme qui donne la nuit

                                       ***


le pantin danse à la transe démêlée

d’un revers de grâce

avec toute la statuaire de la mer Egée

                                       ***

mes yeux ont de la pierre du matin

la lumière réfléchie

                                       ***

depuis les mors et les crocs de l’hiver

il pleut des coquelicots de neige

                                       ***

Moret sur le Loing

au Grez des voix

au loin

de Delius le voisin

peupliers   

et perles de ruines

                                       ***

j’honore toutes mandolines à flanc de barcarolle

d’aigrelettes griffures

venir de nuit nue

ébouriffer un vent de Vésuve

                                       ***

… le nouvel âge de l’humanité galactique

     bientôt demain …

                                       ***

oiseaux de pétrarque oiseaux d’émeraude de la Sorgue

en pays de pulcinella et de moulins qui font les livres

oiseaux des résurgences

des flutiaux et des bisbilles

loin des butors des aigles et des milans

j’enlace votre vol syllabaire sur les lèvres cousues

du cliquetis des petites orgues de nos secrets

                                       ***

ils convolèrent coq au vin à la claquemure des illusions

                                       ***

Ezéchiel pleurait de larmes sur les ruines de Tyr

il avait la lumière du Lorrain comme bijoutier ciseleur

                                       ***

nous avions bu les larmes idéologues

et les bronzes de la certitude

avant l’insomnie de nuits tumultueuses

                                       ***

Mars et la lune ne seront jamais du même ordre mathématique

que celui

même en béquille

de l’ordre de l’Acropole

                                       ***

dans des voisinages de clochers

et d’oiseaux de vieux orages

ma lumière est d’archipel au plus haut

des sommeils de Lully à quatre mains

les yeux tout au bout du ciel

                                        ***

c’était dans l’épaisseur du monde

dans la couleur du ciel

au gouffre des chants de sirènes

que

mes nuits ne manquaient pas d’haleine

venant de Rimbaud et Verlaine

                                       ***

l’ocre de la terre se marie au vent

                                       à la parole de Giono

à celle de Taos Amrouche

d’un a cappella qui tisse la chair

d’une harpe dorée

quand tombent les derniers avatars de soleil

                                       ***

je tiens la main à des aurores trop faciles

                                       ***

l’homme devient vite un flagellant

un cathartique déshérent

                                       ***

la foudre et le foudroyant à volets clos

à l’engouffre de la clarté

                                       ***

nous ne serons pas allés à la grotte d’azur

sans lyre et sans charon

                                       ***

j’aime la monumentalité sacrifiée

                                       ***

dans la grammaire des songes s’accordent

l’homme désarmé

                            dans son bâillon orphique

et l’étoile bleue des pierrots


sans que nos éboulis d’être

                                  ne participent présent

                                       ***

dans une ciselure de ciel bègue

j’octavie aujourd’hui

l’usufruit de mon double altéré

                                       ***



PAR DELA … 1

OCTOBRE   2023




derrière les vitres de l’octobre ce sont de sertissant

bijoux lyriques

comme autant de boucles d’or qui viennent

tissant des arbres de Mercantour

                                       ***

la nuit m’est venue comme un Caravage

de flambeaux et de tombeaux

de pieuses ténèbres

de blancs corsages

l’ombre fraîche et tumultueuse du nocturne

quand Naples la gantée aux joues rouges

baroquisait de pétales de sommeil

les sept œuvres blêmes de la Miséricorde

                                       ***

tu es l’avenir revendiqué disait-il

le flanc percé

les bras et le corps en asphyxie

en longitude et latitude

                                       ***

GISANT SOUS DE VIEUX SABLES EN CARTON DE NAPHTALINE

(pour mes petits enfants)

 

dans les années soixante et jusque vers la fin de ces année-là

les trains orgueilleux partaient à l’heure

dans les années soixante et longtemps après encore

certains ont rêvé à des bonheurs enfouis et définitifs

des bonheur tout théorique du côté

de tous ces curieux pays de l’Est

dans les années soixante on enseignait encore que Louis XIV

et Napoléon avaient été de grands hommes

dans les années soixante et pas bien longtemps après

l’estaminet de ma rue sentait au petit jour

le gras double et le gros vin rouge

avant le départ pour la magnanerie

dans les années soixante il y avait de grandes usines sur une île

et même tout plein d’industries

il y avait de réelles plages et des pavés d’un vieux monde

sur les boulevards

depuis le balcon on jetait les pièces de monnaie

au chanteur des rues sous les fenêtres

il y avait encore des menuisiers et des charrons au coin de ma rue

et même un ferrailleur

dans les années soixante on connaissait le facteur par son nom

et lorsque les lettres d’amour attendues le matin

ne venaient pas

il n’y avait de désespoir qu’après son passage

de dix-sept heures

dans les années soixante le maître d’école disait

que de tous les côté du monde on nous enviait le subjonctif

dans les années soixante et un peu au-delà dans la candeur

on savait que la parole du maître disait la vérité

dans ces année-là il y avait l’école des garçons et l’école des filles

c’était encore écrit dans la pierre comme pour toujours

au fronton des écoles

le rose et le bleu pour les unes et pour les uns

il y avait l’encre violette mais déjà

les pleins et les déliés s’effaçait par négligence et le stylo à bille

dans la cour de récréation il y avait les billes d’agate

les petits cyclistes et les soldats de plomb

et rosa rosae

dans les années soixante la musique faisait quarante-cinq tours

et parlait toujours d’amour

on savait à l’école chanter l’arlésienne de Bizet

en canon à trois voix

dans les années soixante on aimait encore l’Histoire

et le roman de la France

celle des saints et des rois qui n’étaient pas tous en déshérence   

on lisait Flaubert et Chateaubriand

et même tous les tomes des Mémoires d’Outre-Tombe

Pagnol et Giono le mythe de Sysiphe des désespoirs

et tout Albert camus

dans les années soixante on chercherait en vain le téléphone

la porte s’ouvrait avec franchise à l’ami

et même au moins attendu de la famille

dans les années soixante les vingt-cinq décembre

sur le palier de la porte on osait encore dire bon Noël

et laisser les clés au voisin qui arroserait les plantes

on n’avait pas encore inventé la sociologie

mais on allait poser le pied sur la lune de juillet

comme on poursuivrait d’autres rêves éveillés

c’était encore Il était une fois dans l’Ouest

dans le milieu des années soixante on croisait au mois de Mai

les aubes blanches des premiers communiants


et c’est quelque part dans le milieu de ces année-là que j’ai perdu

la ville de mon enfance

et puis ces années soixante virent nos cheveux de garçons

pousser comme ceux des filles

et puis des poings se sont levés le monde a été pris de vertige

à la fin des années soixante

que les portes anciennes s’ouvrirent

au printemps d’une bien étrange révolution


(- nuit courte du 6 octobre -)

                                       ***

rosa rosae c’était une plaie

latinisée

et pleines d’épines

de bouts rimés conjugués

morts trépassés

                                       ***

elle aime les fleurs les gueules de loup

au seuil d’un ciel parlé à voix basse

resté amant de nos amours

                                       ***

je m’en vais aux bras des femmes

au carnet de bal un caillou dans le soulier

aux bras des ombres

au bras des temps venus des carillonneurs de foudre

                                       ***

… ces couleurs tressées au front bleu des chemins

     pavés à la clarté des sept douleurs …


promenant ma nuit comme une chair vive

                                       ***

dans l’acier des jours sont venues la flétrissure

et le joug des orages

la main mise de la nuit à la roue

le charruage de haut-voltage

de la dépossession

les ailes prises du cœur en colombage

                                       ***

la danseuse hors saison

saltimbanque

dans l’usure d’un monde

à l’épaisseur de corde raide


                                       ***

« je n’aime pas les romans à moins que ce soit Salammbô

     ou Mort à crédit. Et encore Mort à Crédit est une Odyssée… »

                                       ***

pour le verbe libre une poésie sans hanche et sans galbe

le nouveau shakespeare

Koltès le chant des cochons


à rebatir la parole aux vignes d’orage

                                       ***

… ce corps de foudre à la pelure de tigre

                                       ***

de tout oubli de toute mémoire le cœur fléché

                                       ***

lorsque l’écriture telle la grotte de Fingal

ou les chemins du dédale

s’enchâsse à la loi des pierres

au cri du cor de chasse

dedans le vif des soupirs

le soleil devient narratif

                                       ***

dans la douleur il y a l’ancrage à la neige

au clair de l’entraille

                                       ***


vivaces et vivants la lyre sourde


                              et le pouvoir des larmes


le faux bourdon

                          de nos douleurs fauves

                                       ***



PAR DELA … 2   (PAOLO VERONESE)

NOVEMBRE   2023




ces paroles bègues enfantées dans un jardin

dédoré d’automne


                              c’était moins le feu dévorant

aux pelures de la nuit


                    que le simulacre de la dormition


le long des laines pauvres du sourire

ce n’était pas même un cri

                                       ***

d’aujourd’hui survivant de mon voyage terrestre

                                       ***

arachnéennes les serres du ciel à vendanger les fièvres

et le sel de mes jours et de mes nuits

                                       ***

j’ai vu un Gauguin à Edimbourg

la peau des femmes tannées

de l’or de leurs corps

sculptées dans le fruit de leur parfum

de ce rouge qui tranche à la serpe

l’immobilité monumentale

                                       ***

Prométhée n’est plus à dérober

il n’a plus rien dans ses poches

                                       ***

Est-il un tableau noir

                              une craie qui effacent les abîmes à venir ?

                                       ***

de la plus japonaise à la plus vénéneuse

vacuité du milieu du ciel


au cantique des inquiétudes


c’était une ombre de plus grand gisant

de contes de chair de lune exsangue

                                       ***

les fleurs n’ont pas les mêmes vanités que les papiers peints

et ne donnent pas autant d’allergie à Proust

au moment du sommeil

elles offrent la virtuosité des belles amours

les grandes houles en gerbes  qui rient

de tout leur sang de soleil

elles portent le ciel auprès des tombes

les douleurs et les couleurs à l’éclosion du jour

et n’ont de crainte qu’oubliées à l’éphémère

des amours dans l’eau morte des vases

                                       ***

c’était un Elseneur à la pointe mouchetée

des ontologies

une pluie où dorment les harpes orphiques

sur les routes pierreuses

qui creusent les tombes et leur or noir

et ferment la paume sur le nocturne

qui a quitté le ciel

c’était la longue chevelure

de la folle dans les vases

au fond d’une nuit blanche sans merci

                                       ***

comme de ces Montmartre de craie aux ruelles

d’Utrillo

ces rouges sculptés de main monumentale

de Masaccio

le vert et l’émeraude des femmes de palais

Véronèse

je vis à Edimbourg un théâtre supérieur

d’ombre et de lumière

de Bérénices et de Phèdres

d’épées et de déplorations

dans le pli et les toges des jaunes Poussin

                                       ***

c’est dans la violence et le noir du silence

la vieille tricherie de la nuit la plus haute

                                       ***

de chair et de chignons à vivre en vénitiennes

j’entends cliquetis et teinter les bracelets

aux bras nus des femmes

de marquises et samaritaines aux cimaises

l’érotique des Mars et Vénus de Véronèse

                                       ***

poème hun et indivisible

                                       ***

… la mer a baillé si fort ses paupières d’écume …

                                       ***

… me serais-je pensé plus fort que l’étoile qui va mourir ? …

                                       ***

derrière ses mains qui se posent sur mes yeux

il y a l’apesanteur l’exil l’eau et le feu

                                       ***

de ce temps… il y eut un temps d’oiseaux de plumages peut-être

le temps d’une dernière apocalypse

un vent rouge de vieilles terres de Sud

un temps qui affame à l’oblique de nos latitudes

à la fin hors saison de faim mortelle

le temps de résurgences et d’alphabet déconstruit

aux lèvres chuchoteuses

il y eut un temps de milan silencieux sur le dessus des plaines

un temps acéré exsangue et sans verbe

de malemort

de poétesse de Pizan sur des fleuves annonciateurs

de voisinages abrupts d’avec l’aurore concassée

de celle qui disait « j’ai une faim dans le cœur

de cette espérance qui est ma cible » 

fut-elle de sangles et de sanglots

de baillons loin des verbes génuflexifs

j’attendrai au décharné du sable la trace de l’errance oblique

                                       ***

de cormorans de goélands lisboètes aux voix obscures

de faïences

de ce diamant falsifié de fado

                                       ***

j’avais la main dans la poche la vie promise

                                                         jusqu’aux ongles dans la chair

                                       ***

demain sera toujours inflexibilité du bleu

                                                           à la clarté de tes yeux d’opéra

à l’infini corpus de cette pluie du premier âge de la misère


de dérision portuaire


rue des soudards


à la béquille d’une ville soufflant à la poitrine de mon désir

                                       ***

j’entrais dans une solitude totalitaire

                                       ***

Valparaiso riait de nos traverses et des funiculaires

au cri rauque de famine

de sources et de ces chiffres d’escaliers bleus

sans cloches et sans campaniles

sur la marelle au ciel de nos étoiles crénelées

                                       ***

qu’en est-il de ce cœur  qui tremble

à l’insomnie lunaire

de notre monde de craie ?


fait-il nuit sous le chaos d’Orion ?


l’âme s’en va-t-elle vers son estuaire ?

                                       ***

ces soleils qui déplacent gentiment les ombres

à la naissance du jour

laissent mes nuits pas à pas

poser leurs rais

aux gisants des ténèbres

                                       ***

Caravage ténébrise

de risibles rires noirs

des sanglots de soleil

chants de chevelure

blés au vent pestiféré


des territoires de novembre

de gerçures et d’Icare


nuit noire de nuits blanches

                                       ***

Cette lune Pélléas ! c’est la lune à double tour

volcanique et sereine

sans chevelure sans plafonnier ni interrupteur

livide et sans écrou

avec ses yeux d’arme blanche

étions nous les cribles

                                       les hautes mâtures ?

mourir et venir mourir dans Carthage

d’une mort à soupirer du soupir de Didon


de son ventre et son sein Véronèse

tout au fond d’un jardin d’Epicure

                                       ***

revenus de la peste nous avions séparé le tournesol du soleil

                                       ***

c’est dans des pays de palmiers et de stèles

dans des territoires aveugles

à l’oiseau de nuit sans la clé de son nid

                                       ***

le peuple des morts qui dort dans le cœur des vivants

et qui s’en va vivre planétaire de son propre écho

                                       ***

elle a toujours fait naître le désir

                                                      elle a toujours su

comment naissent les marées

                                       ***

je ne suis pas venu par hasard dans le jade  du désir

                                       ***

vivrais-je dans l’incandescence de notre poids de sable

de l’ire et de la faim de notre respir d’orage


je suis mon futur sans limite


de ce poids de ma nuit

de ce noir qui n’est plus de lucarne


empavement et cri sur la tempe



POUR FRANCHIR LE SEUIL

dans la nuit de tes mains de fleurs la lune

dans la mort depuis le fond où je coucherai

imaginaire et tombal


d’une tombe à la faim surgissant

vivante d’oubli

                                       ***

ce n’est pas toi qui est dans la brisure du monde

ni dans les bûchers quittant le soleil

                                       ***

les bras s’enlacent dans ce Caravage de Naples

au sein furtif

au flambeau jauni de quelque prison

                                       ***

Patti Smith eut en main le pauvre pistolet de Verlaine

l’a-t-elle tenu en joue ?


sur ses joues contre son cœur


à la pointe bleuie d’un ventricule ?

                                       ***

d’orgue et de vierge venue

Rocamadour de grâce

dans le sculpté de son bois noir

dans le langui d’un temps d’oraison

                                       ***

c’est d’avoir le golfe de Naples dans le fond des yeux

l’Anacapri des collines et les seins d’azur

que de fermer la nuit à ce pouvoir

de femme qui se coiffe à la fenêtre

                                       ***

ma planète préférée sûrement Vénus depuis qu’entrevue

aux seins blancs et aux replis d’ombre

de ce Véronèse sous les perles d’eau d’un musée d’Ecosse

                                       ***

Michelangelo Merisi faussement né à Caravaggio

de père et de mère d’aisances et de tavernes

Merisi des anges et des flambeaux

de toutes ses femmes robustes qui tranchent le cou

des Holophèrne

deux fois trois fois par cœur et par nécessité

Merisi des douleurs nocturnes des Bacchus malades

et des sidérations d’apôtres

du jaune antique

et des charités des œuvres de la Miséricorde

des lèvres de cerises mouillées

de rubans et de mandolines

non vénitien et vrai lombard meurtrier

Merisi des caravagesques et du Lazare

des épées des croix et des tortures dans la nuit

Michelangelo qui n’est pas cet autre Michelangelo

qui n’aurait compris la lumière du bras sublime

de la Salomé attendant la tête du Baptiste


sur ses routes près de Rome près de Naples

près de la Lucia

                                       ***

c’est dans la bouche défleurie les larmes

de charbon de la tristesse

qu’est le trou vert de nos champs d’adieu


l’oiseau icarien aux ailes d’horizon


les grandes épousées du saule en bouchon de carafe

de vin vieux


dans le bleu du sang s’était retranchée

la lumière originelle dans le silenciaire

de ses gaines


à trop de chants de soleil à basse intensité

s’accordait la gorge de la lyre sur son bûcher


la mort torrentueuse comme une salve


ce ne sera que la mer à portée de main

d’un plein nocturne répandu


d’un seuil revenu d’aveugles têtards

                                       ***

le sablier en ronde bosse de celui qui touche le temps du doigt

                                       ***

je ramasse le temps dans ses perles d’océan

ses sables de déserts dont les roses des vents

parlent à l’oreille

à ces roses d’écarlate pendus par les pieds

qui dit-on

ne flétrissent ensuite jamais plus


sur les dunes où le sable nous attend

serpents après vents

morsures après sang

de naufrages et de haubans

ces nuits de menhir à crisser

de longs sillons d’aurore

                                       ***

serions-nous dans la triple agonie des sources

des vents et des reptations ?

                                       ***

perles sur les joues

                                       du dimanche

sur les vagues de la plage

                                       des Contrebandiers

de cet embrun qui frappe nos jours indéfinis

au sablier d’avenir

                                       ***


tigresse enamourée vague après vague

de ces angoisses venues hors les blessures

                                       ***

d’un soixantième parallèle derrière le vitrage d’aéroport

l’homme derrière la femme était-il déjà de glace ?


c’est sur la vague au plus mortel du rivage

qu’est venue la femme à naître


les vols vers l’ailleurs sont annulés de son givre

                                       ***

des plus hautes mâtures encrêpées d’écume

la navigation d’Orion

menait vers les derniers souffles

d’un flambeau lucide


jusqu’au respir d’un alphabet de sable

                                       ***

l’annulaire dans la morsure du cercle disait

je viendrais vers toi jusqu’à toujours

sûr d’un rivage bleu de vin napolitain

d’un vieux cratère mieux qu’à bout de souffle

                                       ***

les espaces agrandis du temps


la mort ensevelie

                                       ***

je vis d’enfièvrement

de frissons ordinaires

                                       ***

l’orgue de Couperin monte aux voûtes

à la croisée d’ogive d’un bon dieu

clé en main

                                       ***

                              Résurrection du Lazare

et Inhumation de Sainte Lucie

                                                 à Syracuse

 

derniers rougeoiements de Merisi

de murs d’ocre et de ténèbres

                                       ***

Debussy sous les signes des eaux et de l’air

le silence à l’approche des fontaines

les coulis de lune sur leurs bassins

                                       ***

le monde depuis longtemps une boucherie

                         d’encrier noir de Caravage

                                       ***

la dormeuse avait le sourire blanc du linceul

la gorge et la chair exigeante

dans ses ténèbres de bijoux

                                       ***

dans l’eau froide et les grottes creusées des faubourgs

le fracas du soir jaune des vieilles saisons

à ruminer sa plaie au verre pilé d’un ciel qui rôde

                                       ***

elle sentait mon odeur comme le chien le chemin du retour


                                       ***

dormirons-nous plus encore que le temps de muraille de la nuit ?

                                       ***

dans le livre de ma vie s’installe cette impression entêtante de sauter de plus en plus vite les pages


                                       ***

reprendre la chanson de geste et l’épopée

la forêt primitive de l’oiseleur

le nidifié à l’âge de l’argile naissante


reprendre les vents équarris au regard de goéland


… à faire rendre gorge de chair à chair

le chant neuf de territoires rouges et noirs

                                       ***

on laissait l’océan sourdre de quelque plénitude

on laissait l’océan remplir le monde

                                       ***

c’était une rotondité de planète

                                                    une folie lourde

                                       ***

je me suis pas à pas

                                       ***

étoiles contre étoiles

entre les canisses galactiques

d’un désordre de lumière

                                      

l’enfer de Dieu de l’incertitude

                                       ***

le meilleur de René Char c’est quand il fait court

                                       ***

                      de vos lèvres et de votre sang

de nature morte caravagesque

je perce d’amour le feuillage de nos landes

comme paupières de notre nuit commune

                                       ***

je pousse une porte ouverte sur l’horloge

qui nous tient

le doigt de l’ange sur le ravin de clarté

dans la chair bleue où je m’en vais vacant

                                       ***

à demeurer dans le labour du temps

cette fracture de sillon

dans l’acier qui tranche

les heures qui se brisent

                                       ***

l’amour avait ses morsures

la meule nocturne de la paille

dans l’incendie de la vacuité

                                       ***

clarifier l’insondable

le fond nocturne

des abysses

                                       ***

venait-il à Naples                                        viendras-tu

parousiaque                                                dans la nuit

sur les pavés                                                corsage ouvert

et le disjoint                                                 crime aux quatre vents

nocturne                                                      la chair contre la chair

caravagesque                                              l’amour neuf

d’encre noire                                               paupières closes

et de blessure                                               au ci-gît

à la miséricorde                                           mordu de ténèbres

du mont de piété                                         là où je vais

de ce sein perlé                                            dans la mort

de femme tétée                                            désertique ?

à bouche de vieillard ?

                                       ***

je vais comme Villon

                                  mort et testamentaire

comme Charles d’Orléans exilé

le cœur fendu

la neige d’oppression au pas qui s’en va

                                       ***

je t’en voudrai toujours de cette désertion du bleu au bord des galets

de ce sept juin mille neuf cent soixante-neuf où je comptais les ombres

platanes après platanes

comme trouées mortuaires et vespérales

sur le boulevard Gambetta de mes dix neuf ans


des anges se sont donc posés sur les sables de ma destinée


ce sont des orgues et d’anciens martyrs


j’en aimais une qui avait fait naufrage

                                       ***

Héraclite de vieilles sources comme demain

d’un déshabillé de salves de soleil


je reste à l’accroc de l’architecture des orages

dans les garrigues des pays de pierres


mouillée de tristesse

                    d’un aveuglement nanti

nuit inhabitée

sur ses flancs de falaises


joue contre joue

                           lune palimpseste


la vie connue comme un sable


sur le plan dés astre nous sommes

dans cet après minuit en vingt-quatre …