Hors les murs (2024)
Janvier 2024
déchirons de manière lunaire ce toujours ennui de la page blanche
***
… Daphnis et Chloë de gestes et de justaucorps auriculaires
pétillants de pleine lumière
***
Caruso a la voix du bleu arbitraire de Naples
***
elle était partie vers de blancs bleus horizons
comme vers des Venise de cristal
et des allegretto de Vivaldi sur la poitrine
comme à la piazza San Giovanni in Bragora
lumineuse
c’est de même un parfum de nid d’oiseau
et de lait de son sein
tels des palais odorants de meringue rose
où de larges buccins entonneront aux lagunes
le scarabée d’or de la nuit qui descend
***
dans ma rue buissonnière un merle rend possible le temps immobile
************************************************
EPIPHANIE (ce 6 janvier)
les commencements commencent quand ?
***
c’est dans l’apologétique du noir que nous avions perdu
quelque parenté avec les cathédrales
***
je ne resterai pas la main tendue aux falaises de notre monde
…
mendiant entre les êtres et les ombres
***
qui échangerait le noir de tes yeux dans un simulacre de miroir ?
***
j’ai pesé le poids de mon existence assis sur un banc de ciel
***
c’est la grande braderie des étoiles
l’étiolage des chimères
en univers clos
***
la femme en noir qui disait l’amour qui se cloître
***
la morsure de la mer comme une mort imaginaire …
***
c’est aujourd’hui l’épiphanie d’un art poétique gouvernable
***
l’amour lové sur le silence des parois
l’usure des nuages a la mesure de nos songes
…
chaque nuit fantôme de la lune
***
je réponds à la perpétuité de notre énigme
***
de « l’horizon chimérique » à l’ornière
droite
profonde et foncière
plus encore vaste et plus monde
qu’un crayon de l’aube
une plaie qui sèchera
dans ce temps qui cède aux coutures
***
c’était un chant mort-né aux abysses de nuit qui polyphonisent
***
mon chien qui n’était pas le mien avait l’air de demander si la nuit était carrée ronde ou en spirales depuis ses moustaches sur le radar de sa dépendance
***
les Lili et les lys de bientôt
***
mon cœur pour revenir à ses sources a-t-il la vie unanime ?
***
Ronsard chantait les roses
les femmes élargies
les ronces châtelaines
où la mer est loin
et le grand tuffeau
trinque au vin blanc
la dimension du monde
châteaux et saisons
dans les douves du dépérir
***
soleils à kyrielles à débusquer les ombres de Leibniz
***
j’ai la haine des alexandrins
dont Verlaine connaissait la fadeur
j’aime le treize le dix ou le onze
où quelque fois la brisure du monde
engloutit les épaves du nombre
***
les yeux dans le cœur courbé
le poignard et le deuil
elle était le galbe
le navire
elle était le glaive
***
les rêves comme les chênes s’enracinent
***
je vois que j’existe à l’embrasement de tes vagues
à la sculpture d’oiseleur de la saison
***
où commence cette première conscience
en bas bleu ou rose
de la finitude ?
***
plus près de l’aveu lorsque le sourcier s’émancipe
de l’opacité de la source…
***
c’était à Valparaiso c’était au cœur
des hémisphères rouges et noirs
de funiculaires portuaires
dans l’âge d’or des débarcadères
***
tu étais le fleurissement
la bouche de printemps
et ses acolytes de fenêtre sur cour
…
je me réconciliais avec les fossettes du plus extrême défi
…
nos amours étaient comme des bouches de pistolet
***
comme à Crozon un phare de foudre et des marées
sur un cœur extrême
***
j’arrive à l’inéluctable temps qui se cabosse
***
j’ai fait fleurir la nuit native
le ressac prospectif
de l’incertitude
d’une caravagesque gorgone au point du jour
…
ma poésie est une passion qui se dresse
(fin de l’Epiphanie)
si je respire l’haleine des dieux c’est qu’ils habitent la chevelure de mes provinces
***
Rue des potiers de toutes les margots que j’ai aimées
jusqu’à l’Impasse des violettes
contre le mur d’un soleil meurtrier
***
vestiges de ces bancs et de ces chants crépusculaires de Spinoza
Verlaine des promenoirs
des trombones bouchés qu’on entendait du fond du parc nu
le ciel était vide et les amants avaient la certitude de mourir
et de mêler pour toujours leurs vieilles cendres
bouche contre bouche
***
ces revenants de porcelaine triste je les ai vus
de cendre et de rigidité
les bras tordus dans la mort près des cyprès
comme des lances
au pied du vieux volcan d’Hérodote
***
BAB EL HAD
je suis né dans une ville blanche à la démence des bleus nourriciers
d’un jour de Juin
j’ai revu ma ville après une longue absence de plus d’un demi-siècle
dans son parfum d’oranger
à l’ocre de ses remparts et la multiplicité de ses cigognes
ses ruelles fauves et ses trottoirs éventrés
de les avoirs oubliés
né d’un Juin comme tous les Juins d’un soleil
qui hisse la lumière de la croissance
aux carreaux des maisons
né comme un destin sous le signe de Villon et Charles d’Orléans
disant « je n’en suis jangleresse en cette foi je veux vivre et mourir »
jusqu’à « quiconque meurt meurt dans la douleur »
mais né d’une vraie nudité et de la violence des vagues
du boucanement et de l’écho de la mer
épousant l’incendie des étoiles
né et revenu cinquante-sept ans après
après la disparition de ceux qui m’avaient précédé
aux terrasses
aux balcons désertés
aux blancheurs violentes à l’heure des mélopées de berceau
les plus silencieuses
viendra-t-il un temps comme celui où
ma main dans la main de ma mère
j’appris que j’étais mortel
avant même que j’ai ouï une plainte de Josquin
mais que demain d’une autre main il me sera dit
« ta fin est ton commencement »
***
le vent siffle au pinacle du clocher qui accueille
aujourd’hui des chants de condamnés
***
la mer recommencée disions-nous
sous les latitudes qui dépoitraillent
le cœur du silence
aux tragédiennes d’un cœur fendu
le sable revisitant la mer
lorsque tu fermes les paupières
***
les dents de solitudes des pierrailles
de ces crevasses de Montmirail
***
l’histoire de France a saisi cette projection de Gauguin
qui dit « d’où venons-nous »
***
à mourir fleuve en main sans berge et sans estuaire
comme Ariane et Didon et la raucité de leur plainte
au portique mangé du sel de Naxos
et du désespoir de Carthage
je reconnais ici les rochers et les vagues
par leur prénom valparaisien
***
fenêtre sur cour le cœur en plâtre avec un parfum
de robe déchirée
une panoramique voyeuse
et ses « épaules de champagne »
dont parlait « l’union libre » de Breton
confondu avec quelque « verbe être »
et sa maladie de désespoir
ou quelque valse de la Kelly
au collier de ténèbres vertes nuit contre nuit
aux lèvres qui trempent dans le Montrachet
…
que reste-t-il du portuaire d’Edimbourg
et de ses gifles de mer orpheline
quand les fleurs viennent mourir sur le carreau
et les vitres de désespoir
dans le naufrage du transport en commun ?
***
ma nuit criminalisée d’insomnie
sur le bord de ta bouche
…
avec une fièvre de femme
dans une tubulure jaunie du temps
***
Hilary Hahn a la chaconne de Bach depuis ses quatorze ans
dans nos bleus imaginaires sans règne et sans partage
***
je l’avais aimé comme on peut le faire dans le déferlement des naufrages
et de nuits mutiques
le soleil qui dans cinq milliards d’années sera sans ressources
sans hydrogène à brûler
et sans nos lèvres bleuis
dans l’insolence de cette finitude à trèfle de feuilles fragiles
***
j’arrive au port à la fin de la nuit
…
j’avais déconstruit le cœur de mes hantises
la rive qui fait mal
***
comment avions-nous sans rire penser bluffer la poésie d’un si beau rivage ?
dans « l’intranquilité » le cœur s’inonde
***
la nuit chaloupée
la nuit accorte
c’était à Mégara c’était à Pompéi
***
c’est dans un dialogue avec un goéland
que je repris non pas le goût de la mer
mais celui des profondeurs de Délos
prenant nos idéaux qui touchent à l’orage
la mer aussi a ses ailes de foudre blanche
***
l’éternité s’exile aux cloches légataires
***
c’est le visage qui porte la noce de nuit brûlée
sur d’autres landes
la pleine forêt fossile du cambrien
d’un aujourd’hui sur une joue
à la caresse aux doigts sculptant
une exultation suppliciable
***
l’horizon tremble de ses robes qui brûlent
j’abats les foudres sur les meules des incendies d’étoiles
comme l’enfance qui s’endort au cœur des livres d’images
***
c’est Zénon qui retient la flèche
la mainmise sur la passacaille du silence
***
son visage avait les pluies de l’aurore des passions sur les joues
***
… parce que j’existe d’un souffle qui demeure
***
comme au découvert de cette lumière épiphanique
au lointain de ces îles Borromées depuis Streza
les cœurs dans la paille
la nudité de nuit
des rues qui attendaient la pluie
***
soleil enfer sans paupière
***
c’était sur les éclats du vitrail
une vièle à roue décousue
une lumière blafarde de la passion
***
la mer perverse vers les midis accablants
les sables pétris
la peau récalcitrante
le paysage tournait au vitrail
qui s’écaille
***
la mort dit-on sait bien dire cet éblouissement solaire
de l’effacement
j’avais les paupières closes de l’hiver
préludant au tambour apocalyptique
***
les athées sont des orphelins de Dieu
***
l’injuriée dans les hachures crépusculaires
le vent qui rabote comme un désespoir dévoyé
c’est la neige à vocation de suaire
l’ébène éclos d’une mort moirée
***
Braque a fait l’oiseau comme Balzac s’est dressé
depuis un Rodin dans l’improbable de lui-même
la monumentalité sise
à l’aurore des crans qui en imposent
***
mes dents ont mordu
la vie solaire
comme elles resteront
mâchoires ouvertes
ma dernière fidélité
***
mes ivresses étaient anciennes d’un acier héréditaire
***
mon cœur sans bornage
ma royauté à taille nue
de mes paupières obscures
étoiles grimant
ma présence d’un temps de gouffre
…
la faim lépreuse de Naples reste enceinte d’un volcan éruptif
***
ROBERT SCHUMANn FANTAISIE OP 17
je ne traverserai donc que des ruines
…
de fureur griffée du temps et de ses pierres
j’arpenterais eu arpenteur la mesure de ma douleur
ressaqué par les galets vague contre vague
comme autant d’ultime voies percussives
…
je reviendrai d’un temps qui frappe
comme le mouvement 2 de la Fantaisie opus 17
dans ses accords meurtris
cette volonté de croire à une désagrégation
de toute créance sentimentale
lorsque les lèvres elles-mêmes ne suffisent plus…
…
chez Schumann tout se casse
comme de petites assiettes
des myriades de soleils à grosses poitrine
et des nuits retenues au point d’y mettre des gants de cuir noir
…
et puis aussi ce long fleuve qui s’en va bourgeoisement
dans une Allemagne de vin blanc
de rougeoiements crépusculaires
d’arpèges à mourir
sur désaccords de pas sur la neige crispée de silence
………………………………………………………….
PORTRAITS
I
dans son Te Deum Anton Bruckner invente depuis les polyphonistes du XVI° siècle ce retour à la stéréophonie triomphante cette âme à chair humaine à session nocturne et résurrectionnelle en pleine lumière
…
de ces chœurs qui montent vers où ?
plèvres pleines d’étoiles
de plein cœur et sans basse continue
grave avec un cri poinçonnant…
II
soixantième parallèle avec le givre
et le battements des goélands
à fleur de glacier
à venir d’un songe
d’un aigu qui simule la glaciation
l’opéra de Philippe Manoury
soixantième parallèle pour qui veut vivre
au dessus du bleui d’étoiles écaillés
des tombeaux d’un froid qui donne un peu d’infini
…
III
la troisième sonate de Boulez dilate en elle
des constellations de faux hasards
d’irruptivité captive d’une toujours hauteur
d’intelligence belliqueuse
qu’elle en fait le tour inattendu
de sa propre incertitude
en agrégats d’archipels et en épée qui tarde
à plonger dans le cœur
mais
en étoilent et augmentent les galaxies
***
IV
nocturne hagard et noir au pas de valse
qui s’enquiert d’un cœur noble et sentimental
……………………………………………………
Est-ce ceux dont le soleil décline
qui séparent le rossignol
de son épée sur la ville
qui jachèrent
ce peu de gorge d’airain
sur le chemin des tumultes ?
(lamentation d’Œdipe)
Février 2024
d’un pays sans règne à la montée des sèves
d’une nuit de noctuelle comme par éclats
benoitement l’écriture prit la lumière
…
la peau du printemps s’est dévêtue
d’une chrysalide de silence
…
le bonheur obsolescent à couleur d’interrègne
…
j’ai devancé en cohérence le silence qui respire
– je grave –
***
du long du quai appareillant à chaque battement de paupière
c’était – cœur tant traversé – au portique de Naxos
des fourches caudines de contre-chants
sous le sel de vieux soleils
***
je monte à la quinte la douleur de la plaie moribonde
à l’enserre des aigles de l’aurore
***
je n’emporterai pas les présages ni la mémoire
et les archipels chamarrés des vieux souvenirs
pas même les dernières angoisses noueuses
devant cet étrange océan silencieux
qui me ramènera au puits croquemitain
du jardin de l’enfance
***
mon destin avait longtemps dormi tout d’un trait
la tête posée sur le billot d’un nuage
***
comme au promenoir sur les quais la vague monotone
les cernes du linceul
le visage du temps a la rigidité du diamant
la faim aux yeux fertiles
…
ma saison donne-t-elle une brèche indocile
un tuilage bleu sur les échappées de la nuit ?
***
quand on pense à l’Italie c’est le linge
l’anarchie pendue au balcon
le cœur qui s’enrobe
le crucifix mangé d’ocre aux murs des chambres
la madone des miracles de Naples
qui éclaire le mural de Maradone
***
le cœur est la mécanique des dépendances
***
nous avions dessiné les glaciers
les grands verbes du nord
les entropies des grands cargos
***
ce grand dérangement des miroirs ce vis-à-vis du réfléchi
l’un contre l’autre du toi contre moi
donnant cette immobilité d’une peau morte du vide
***
ma misère ma péninsule
mon impalpable infranchi
à couleur d’île de Chiloé
***
avions nous vidé le ciel de par nos cris
sur ces surfaces d’abstraction
à réinventer des sillons qui nous espèrent ?
…
je raille contre moi-même ce visage du temps qui s’amenuise
…
la rousserole effarvatte gantée de noir
à mi cœur
à la rythmique crépusculaire
…
comment te saurai-je avec moi voyageuse dans ces espaces bleus
dans ces dynasties de glaciers
à l’engouffre de l’ubiquité des pôles ?
***
des monceaux de soleil tombent sur ma peau
… tout un Platon qui parle d’un souverain bien
…
le paradigme des constellations s’est déplacé
votif
et d’un mal armé gueux et désertique
***
je baisais noire et nocturne cet ébrèchement d’étoiles
de tétons blancs comme assiettes qui se brisent
menus sur la blancheur de ta poitrine
***
désertique
en reptation
les hypnoses rythmiques
main dans la main
les asymptotiques
nudité de Steve Reich
***
me désaffiliant des amours qui s’oublient
de ces contrebassons à gravité du plus grave
Sacre
des champs auriculaires
à la carcasse des magnitudes de Saint Maximin
***
c’était à Rabat sous les arcades sous la lèpre antique des ocres à la fin du jour
***
de l’immanence à la transcendance sous le joug de l’incertitude
je pose mes lèvres sur le vin blanc de Mergellina
***
la douleur tranche
…
Schumann en ut majeur vers le ciel
le Rhin quinte par quinte
les doigts qui se perdent…
***
comme Pasolini j’aurai pu dire « je suis né dans une ville pleine d’arcades en 1952… »
***
je m’ensevelis dans les bras de mes nuits blanches
***
beauté asphyxiante pourpre de mes jours
asphalte criard de son or bleu
***
mon aimée aux visages des lendemains
ma dérobée chant contre chant
ma pareille vague après vague
à visage de celle qui m’accompagne
***
j’abats les cartes les reines de carreaux
la nuit dissipée des vieilles Cythère
***
la vague le ressac à la naissance du chant
***
Luigi Nono tu serais centenaire aujourd’hui – tes traces sur la neige ton empire sur le silence et ta poésie à dimension océanique me resteront comme une ancre dans le cœur de la Giudecca dans l’échevèlement criard de ses ruelles et de ses goélands
***
la terre ne veut pas mourir la nuit dans ses cordages
les jours taillés sur la ligne d’incendie
avec des wagons de Wagner aux lisières
et des vieux Proust avec des voiles de Colomb
et leurs appels de cloches dans les tréfonds du bronze
***
c’est d’un sommeil vorace que m’était venu ce réveil d’un monde illusoire
***
dans la métaphysique de la mort c’est l’enfant à naître qui trace la survivance de la lumière
***
nous restons riverains des rares éclosions de la lyre dans ses arpèges de hasard
***
comme un romantisme aboli aux commissures des lèvres
à l’ocre balafré des joues du soleil couchant
***
nous avions un chant nocturne
– nous lunaires orphelins –
dans la dérision
d’un trop détestable lit de ténèbres
***
la roseraie la source introuvable la grive musicienne
comme une gorge qui s’épanche
***
je m’étais senti venir dans une mort illusoire
un scénario roitelet où j’avais ce rôle
de Sébastien criblé
contre le miroir fané d’un temps percussif
***
incarner la source
…
rendre le monde à sa rotondité
…
c’est le temps de l’abîme celui de la fascination
celui des crevasses bleues obscurcies
sans glacier et sans retour amont
***
la pluie c’est aussi le gris de tes yeux
le décombre
l’âge d’une rose
***
mes dents à la méditation de saint Jérôme
comme à Montmirail le sourire du massif
les dentelles qui s’aiguisaient contre le ciel
***
comment pénétrer la sublime
l’oublieuse nudité qui nous attend ?
***
le milan sur le silence abrupt de ses ailes
sur une forêt de Corot
romaine et impérieuse
***
la nuit n’est extensible qu’avec le cri de la hache
sur laquelle- peupliers après peupliers –
venait le ventre de la terre qui porte notre nom
…
vent contre vent je sais des sables mutiques
à la cartographie des étoiles
***
combien de misères lorsque Dieu est mort
de ces architectures qui ont grimpé vers le ciel ?
***
… d’un amour à équidistance du chemin qui nous avait pris sous son aile et un soleil mis sous scellés
… le ciel est mis aux couleurs du bleu qui avance dans des fécondités sans armure …
***
je prends encore la brise à sa gerçure
comme après les dunes les bars qui cognent aux étoiles
et les rues droites
les débarcadères du vieux Valparaiso
***
des greniers du temps et des gramophones de la mémoire
resurgissent en robes blanches des résonnances errantes
***
ma main sur la mort inutile faite de tous les chiffres
et de toutes les clameurs
les fantômes d’oiseaux sur les ruines
le cœur en sa demie rose émiettée
***
la nuit avance gantée d’une foudre de diamant
***
de la gorge à la naissance des reins
de ses yeux à talons hauts
aux pleins jeux de grandes orgues
je ne garde que le fleurissement
***
l’espérance à épaisseur de passion
***
menottes et quenottes
menottées aux poignets
maintenant
d’un haut château aux corbeaux
***
la vie masquée n’égare que son solstice crépusculaire
***
la nuit n’est flexible qu’au feu mûri de l’éreintement
***
sa voix avait la couleur avancée des roseaux en fièvre
avoisinant les rituels d’un théâtre lunaire
…
d’un kabuki à poissons d’or
***
la femme a le don de la nuit victimaire
la supplication du ventre à la meilleure rosée
***
gorgé de foudre et d’orage
visage éphémère
à l’avenir volubilis
azuré de pierres…
ce Daphnis et Chloé de nuit qui s’avance au buvard de lumière
***
Nuit noire
ce « d’où parles-tu camarade » m’interpelle-t-il ?
volcanique
la terre tremble de rejaillissantes violettes
le soleil est polyphonique
« malheur me bat » dans la grange à Josquin …
Alexandrin
les travailleurs du rail mon dieu les miséreux
***
l’ivresse orgueilleuse cherche le cristal du ciel
dans des clameurs mutiques
…
notre sable de dormition de celui qui se lit dans les naufrages
sera-t-il au ressac d’un engouffre loin des sources ?
***
dans la nudité de chacun des doigts qui dansent
venait une polyphonie de mime de l’horizon
au raz d’une lumière languissante
***
la mort accumule
***
nuit de veines à nu vénitiennes
qui respire et constelle
de son pouvoir de croissance
***
la barbarie crissant aux aurores mécaniques
toutes celles qui soufflent sur les vieux enracinements
au plomb de notre silence
il est dit « vous n’aurez que la force de la chair »
***
la mer aura toujours un silence supérieur
***
je m’inclus dans la ténèbre de maisons grises des Utrillo
qui nous aiment
sur les murs blancs aux maisons aux volets fermés
et les pudeurs émerveillant
des angles toujours plein d’hiver
de roses et de lapin à Gilles
aux métamorphoses battantes du virage Lepic
***
je m’émerveille sur des riens de tombeau
***
bouche contre bouche l’haleine des non-dits
s’était écaillée sur des graffitis de ciel
***
je mesurais ces baisers de l’ombre que nous n’avons jamais eus
…
j’ai aussi les lierres et les bras de la nuit qui s’ajustent
à ces turbulences d’où viennent les clartés
***
je grimpais vers les escarpements
les craies de l’azur
l’usure des étoiles
les noces à piano et percussion
à cet endroit strict
où le tissage du temps
se rendrait digne de la figure de Dieu
***
c’était le premier baiser celui des imperfections
des tyrannies d’écolier
de volières derrière les fenêtres
ce temps qui s’ennuie des écailles sans amour
des premières chevelures entre les mains
***
la féérie de la Fantaisie en ut de Schumann est-elle bleue
d’une nudité du fond du fleurir
de ce long des labours
aux quintes et aux rires des rives du Rhin ?
***
de la longue jambe du Chili depuis Acatama
aux morcellements des glaces
je me souviens des bars valparaisiens
et de ce quasi silence des sillons que faisaient
mes vers maladroits
d’une maison bleue pleine du bleu
des cabanes d’abécédaires
***
mon papier de nuit blanche
à l’encre définie
morsure par endeuillement
de volières sémantiques
***
la rose et le cœur décrépis
la couleur le monde
l’orange bleue de ces lèvres du refleurir …
***
la mélopée des mémoires c’est aujourd’hui
Février
avec des bouquets plein le cœur
***
c’était dans les grands vestiges des sables et des marées
à l’heure primitive
d’un temps où la mer m’avait promis
un monde durable
***
j’aurais dessiné ma bouche en fleur de givre
de celles qui montrent le marbre resplendissant
***
les lianes et les bras qui ensorcellent rendent moins caducs
l’univers de fauve
et les bas noirs de perversités
au couchant qui se donne un visage de tombeau
***
était-ce d’une nuit mathématique
un modèle d’Orion dans la poitrine
une venue ergotant de l’enfance
qui sentait l’encre mauve ?
***
j’avais sur le bord des lèvres
l’alphabet d’une intimité de cristal
***
« la main heureuse » mais aussi « Erwartung » disait Schönberg dans ce couvent de lumière
où vivre seul …
***
la mer ne pouvait jaillir de source puisqu’elle est le trop plein
qui rivalise déjà avec la main qui se tend
et les cris de famine des goélands
***
personne ne m’a donné l’inutilité du respir
qui viendra barbeler ma dernière ombre
***
CARNAC
nuit transfigurée disions nous
d’un périmètre sous les étoiles
corps et âme dressés depuis de longs sommeils
la fécondité glacée des mégalithes sous barbelés
****************
parlait-elle- d’un sommeil d’exil, Andrée Chedid,
d’un poème drapé de linceul ?
***
je garde la soie du paysage
ces nostalgie d’hirondelles
qui crient aux fenêtres
sur les crépuscules de Rabat
***
parfois j’ai plus aimé l’Utrillo des ruelles nues
et des murs
comme des robes maculées
l’Utrillo dans sa soif
ses blancs et ses crépis de neige
ses églises de pauvres
que les découpes sèches
en vaguelettes
des fièvres de van Gogh
***
nos ossements n’auront plus même
les yeux dans les yeux
ce qui nous a toujours tenu de vraisemblance
***
le cri de ces murs silencieux
***
coquelicots d’extrême crépuscule
***
c’est en juin ma naissance l’arbre épelé qui gravite
***
le soleil comme orange rouge
enlacé d’un Pavarotti dans le San Carlo
***
nous connaissons la fille aux bras nus de roseaux
d’un double assiégé au sang de rose
***
Cap Horn plus au sud encore
les visages à la serpe
le Chili renaissant
tout près de mes collines
aux maisons bleues
***
en Italie les ruines ont la couleur de l’ocre
et les balcons se jettent sur la mer
des Pouilles et de Campanie
de Naples et de ses écorchures
les avrils et les octobre s’abîment
dans les vitraux en rosaces
le jour contre la nuit
***
mortels d’Atacama et féconds pays des glaces
***
l’amour est à la mer comme la mort crisse
sur les asphaltes bleues
des couloirs ruisselant de métro
***
apollinienne la courbe et la cuirasse du devenir du bois de rose
***
l’amour jugulé tendre et rose
à la forge
à l’opprimant
au sud dans la pelure des songes
règne après règne
dans les cœurs sans raison
***
gardien des dernières ivresses opulentes jusqu’au dernier sou
jusqu’au naufrage rue après rue et pollinisation de la soif
l’amour est à boire
…
j’enfreinte les cœurs
la bure des interdits
la douteuse perle
comme crime rouge et noir
***
… il y a une rythmique de la nuit
d’ombres et de fantômes
une rythmique et même une draperie d’harmonie lourde
plus profonde que les plus grands noirs
ce n’est pas tant le noir d’ailleurs que la rythmique du sang
qui sourd aux heures d’opacité
que même les bêtes y font trêve et silence
c’est cette rythmique à forme de chevelure d’horreur
que Xenakis
fait entendre dans ses « Nuits » de chœur et double chœur
…
c’est l’oiseau de préscience
et d’une certitude de soliste
qui prélude à la fin
des silences nocturnes
***
comme une offrande
d’une verdeur solitaire
un rechant d’oiseau lyre
***
l’enfant du tour de la lune avec la belle imploration
d’Apollinaire
« …ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant… »
***
nous vivions l’amnésie de tant de cruautés domestiques
***
du diaphane comme du jade
emperlé
du plus beau regard d’au revoir
sur un quai de gare
***
la nuit ne sera pas inextinguible
…
le terrible mouvement central du concerto en sol de Ravel
***
crâne à ciel ouvert concassant azur
qui crible le temps
désir noir des fosses qui tombent
avec les milans aux crêtes
de ce temps qui tombe
la morsure
l’aigle
et les géants
la pierre lugubre
la cent milliardième larme de tout mon cœur
***
le rouge de la fin du jour
de celle qui collapse
ce temps de blanc et de noir
ce tribunal de mort avec la faim
cet ajour de la nuit perlée du sommeil
de l’iris et du jonc
de tous ceux disparus
éperdus de lèvres pour nous rendre quitte
***
je venais de la paille et de la meule
de la nuit sans étoile
de l’incendie
du cristal noir et du sommeil
***
la mer propose vague après vague
***
entre deux plinthes sous les toits murmurant
chanter la langue de l’hirondelle
…
mais où sont donc les herbes au vent d’été
de mes chemins d’enfant ?
***
dans la nuit noire on n’est guère plus possédant
que dépossédé
***
De Jean Cras les océans auriculaires ont laissé
la fossilisation des plus beaux coquillages de mer
dans le creux d’un chant de femme
dans le creux des sources de toujours
cette haleine de harpe et d’éolienne du dieu Pan
***
PIRE
c’était un homme de science qui ne se souvenait
des prières d’enfance
d’avant de s’endormir
ni les moutons moutonnant
maintenant c’était toujours
3,141592653589793238462643383…
cela allait parfois jusqu’à
3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582 …
selon…
et qu’il les récitât avec la lenteur d’un gourmand pope orthodoxe
ou d’un confesseur catholique désinvolte
débitant à toute vitesse le chapelet d’ave maria de ses chiffres
il savait jusqu’au vertige que Dieu lui laissait
des marges tellement larges
que comme d’autres s’endorment paupières closes
mesurant les espaces de leur fortune
son matelas d’espérance était encore plus généreux
***
pour la rocailles de tes mots jaillissaient des eaux dormantes
aux bouches des fontaines
MOMPOU
Mars 2024
Je me suis rêvé au gravier des profondeurs
Je me suis rêvé les songes qu’on imagine
aux ailes des hirondelles
Je m’étais rêvé dans le cycle des métamorphoses
des quais de gare
du fond des tréfonds je m’étais pris
de cette illusion du naufrage
mon cœur devenu fossile
***
je regarde les anges assombris
je marche les pieds qui perdent le chemin
***
Gloria de ce Monteverdi des coupoles
Venise des dorures et des magnificences
de Mantova à la Chambre des Epoux
***
mille neuf cent soixante quatre
mille neuf cent mondes
de ces mondes qui m’ont quitté
Rabat des plus beaux jours du monde
contre les murailles du soleil couchant
***
les étoiles veillent sur notre sommeil
posés sur les manteaux de cheminée
où je m’endormais
dans leur marbre ancien
***
j’avais des navires et je broyais à m’aveugler
le portuaire de Valparaiso
la faiblesse de mes bras et le soleil aux collines
l’encordage et les hauts bordels
de la rue Cochran étage par étage
dans ces nuits de vins blancs
sur les cerros Allegre et Concepción
***
nuit après bichon du haut des mâts
la mer avait ses infinis ses grâces
dans les « dies irae dies illa »
des malemorts de l’amour
***
comme autant de clairière ces sillons qui creusent
l’asphalte des étoiles
de ce rien dont on affuble le néant misère après misère
***
je savais le cœur en souffrance la pierre convulsive
***
la nuit m’inonde de ce temps qui frappe aux carreaux
la nuit sculptée de toutes les appropriations du cœur
***
… vers la lumière vers la chrysalide d’un chaînon manquant
***
le temps qui frappe aux carreaux
***
… c’était de plaintes
de larmes
et de gazouillis
d’un Magnificat
que Dominique Visse
chantait de bleu
comme douleur
***
la mer vacante d’un gouvernail aveugle
***
la nuit portait l’inclémence de mon effroi
les flétrissures dans leurs degrés de deuil
***
c’est depuis le château de Saint Elmo que se mesurent
les hachures de la mer
ses tracés meurtriers
le capuchon de Naples et nos visages sur fond de volcan
***
l’ombre grégorienne a pesé de sa primitive fraîcheur
la voix élevée en harmoniques
cloitrée et enclose
entre les murs sublimant de Thoronet
***
à flanc d’orage ensevelie de nuit
l’errance
sous le baiser de la première neige
***
revenir à la proue du vent sans cette espérance d’un continent neuf
***
il est devenu difficile d’aimer ce monde
***
le cœur sans abri étincelant à tisser le romarin des garrigues
comme ce coin de rue à l’ombre et à la sensualité innocente
d’une discrète marchande de savon
***
8 mars
bien sûr elle est notre égale
notre supérieure notre aimée
nous mettant au monde
et souvent au tombeau
***
de temps et d’espaces ensembles
qui leur donnent
un nom qui s’enchaîne
– là !
– quand ?
***
il y a des femmes d’une saison
d’autres pour la vie
***
à huit ans le mot toujours est le plus solide du dictionnaire
le paradis le temps où la mort est toujours pour plus tard
et même derrière le jardin des voisins
***
mon enfant à sororité baudelairienne
ma sœur dans son lointain voyage
de dentelles et de robes crépusculaires
de ports oubliés et de cordages
de voiles hissées haut
au travers du givre
qui rendrait au chœur son immunité
***
… leurs amours allaient au fluvial
d’une fluidité sans devenir
***
l’infaillibilité de la science n’a pas d’yeux
***
bleu de la couleur aimée
souvent celle de l’encre
sur le papier
et les doigts des écoliers
***
la nature du cœur
vengeresse
et toujours veuve
d’elle-même
d’un enjeu de nuit
d’un mélisme de ressacs
trouve-t-elle sa résolution
rouge et noire en mi bémol ?
***
j’avais pris sa main de glaïeul aux nuages nus
de celles disparues
entre les torpeurs et les albatros
…
les wagons de Wagner sur la colline que l’on sait
les ors crépusculaires où l’on applaudit la fin du monde
***
MOMPOU
l’architecture et les collines qui fascinent
les doigts hissés de Barcelone
vers cette lumière noire de Montjuich
je viendrais à mourir entre deux étoiles
aux tempes d’une ville sereine
…
la nudité du doute l’écervellement crispé
disant
« les commissures
les lèvres
le bleu du monde… »
**********************************
je vais dans la volière des mots
vers le verbe
vers l’anfractuosité
***
le bocage de mes mains nues sur les lèvres
…
l’avenir m’avait appartenu
…
la nuit en filigrane
…
comme une polyphonie d’Antoine Brumel
vierge et noire
tellurique
…
tout s’éteint tout se plisse Prométhée
l’éternité ne nous tiendra pas rigueur
l’éternité prendra congé
l’éternité en est venu à blâmer le temps
…
serions-nous les emmurés
le feu du refus
celui de l’étoile à venir
…
j’ai pris la vie avec le cœur du couteau
***
le hasard dans l’inéluctable nécessité donnait l’illusion
d’être plus libre
…
elle était venue au ralenti de la vague
au drame du sable démêlé
à la pointe du couteau solaire
d’un monde redevenu vide
le temps avait porté mes larmes
…
… d’une engouffre
assis
du fond des moleskines
sur le hasard des solitudes …
***
comment tenir tête à la force des eaux
et des sommeils
au désespoir des saules pleureurs
à ces vents de proximité qui s’engouffrent
dans les masures de Balagne
***
[ des veilleurs timoniers de nuit trouvèrent cette nuit-là de l’OUPIPO
dans L’OULIPI
mon PI s’avérait manquer de deux chiffres dans les Calligrammes
des ténèbres
celui de ma naissance …
s’ensuivit la longue musica callada de MOMPOU
dans le trou du tissu cosmique
et l’angoisse de s’égréner
3,1415926535 8979323846 2643383279 5028841971 6939937510 5820974944 5923078164 0628620899 8628034825 3421170679 8214808651 3282306647 0938446095 5058223172 5359408128 4811174502 8410270193 8521105559 6446229489 5493038196 4428810975 6659334461 2847564823 3786783165 2712019091 4564856692 3460348610 4543266482 1339360726 0249141273 7245870066 0631558817 4881520920 9628292540 9171536436 7892590360 0113305305 4882046652 1384146951 9415116094 3305727036 5759591953 0921861173 8193261179 3105118548 0744623799 6274956735 1885752724 8912279381 8301194912 9833673362 4406566430 8602139494 6395224737 1907021798 6094370277 0539217176 2931767 3 8467481846 7669405132 0005681271 4526356082 7785771342 7577896091 7363717872 1468440901 2249534301 4654958537 1050792279 6892589235 4201995611 2129021960 8640344181 5981362977 4771309960 5187072113 4999999837 2978049951 0597317328 1609631859 5024459455 3469083026 4252230825 3344685035 2619311881 7101000313 7838752886 5875332083 8142061717 7669147303 5982534904 2875546873 1159562863 8823537875 9375195778 1857780532 1712268066 1300192787 6611195909 2164201989..
mon pouls se remit à battre lorsque fut retrouvé ce 52 dans la poche d’un déconstructeur de ténèbres ]
***
c’était des pertes d’équilibre
c’était le monde qui vacillait
…
d’une rocaille sans indulgence
pierre tombale émiettée
sans revivre
poussière sans verbe et sans haleine
***
je m’étais mis en scène aux portes de la lune
à Fontaine
à Gordes
sur la Sorgue brune
à l’ocre des Vaucluse
***
je m’endors aux papiers peints fleuris sur la mer
***
tu as le visage des florilèges de ces fleurs qui croisent
l’acier des bourreaux
aux herbes hautes
aux cols de cygne
et aux vieux battements de mer
sur les sables conquistadors
***
je l’avais aimée dès le premier faux col de bière
sur la nuit qui tombait
dis moi d’amour le nom de tes fleurs
***
au chemin de lèvres
la gerçure d’un temps de rosée
la nuit putride à l’angle mort
colline après colline
la lumière sur la pierre chilienne
d’un vieux premier de l’an à Santiago
***
la tristesse
mal larmée d’un poisson lunaire sur la joue
***
les talons de la nuit hissant sur les robes
la fin de la lumière
le décolleté de barricade
la craie crissée aux bords des abîmes
…
que resterait-il de ces soulèvements de Vésuve
et du cœur déporté
dans la misère de cœur
des murs saillants
la voix sanglée d’accordeur de piano
en lisière de ce vieux Naples espagnol ?
***
la vie n’aura-t-elle été qu’un nocturne de papier peint
de ressacs et de songes infondés ?
***
j’aurai dessiné les jardin à ciels perdus
côtoyé l’estuaire à hauteur d’homme
vendangeant un poids de sommeil
vers quelques gnossiennes
des larmes de cloches battantes
diaphane elle était
bras nus du livre ouvert
d’une Jade inconnue
***
le vent franchit les digues et le verbe à briser où s’en vont
ces quais fumant de nos ports oubliés
1 avril 2024
555 c’est parfois les sonates de Domenico Scarlatti
c’est parfois plus dangereusement l’heure du diable
sur toute la ligne moins un
***
6 avril 2024
les étoiles perlent d’anarchie
d’un temps qui s’adresse à nos fureurs
la verdeur du temps économise la bêtise de l’Histoire
quand bien même elle serait de pierre
***
11 avril 2024
qui aurait imaginé en Parsifal un vieil air luthérien ?
***
12 avril 2024
je parle du temps de notre mort de cet irréductible moment
qu’en d’autres termes je dirais
« la mort nous a vu vivre »
comme d’un temps qui fait
qu’à la fin nous allons
à perdre pied
vers les vagues
***
la nuit tenace
entre les draps
la nuit qui creuse
la nuit qui menotte
de celle qui verse
la nuit en arme
la dénudée au tison
la servitude en crevasse
en cliquetis
hors du ventre
la mort multipliée
***
celle qui nous livre au silence
la logique lointaine
la chevelure et la rivière
l’Ophélie
la nocturne
le diverticule de Lascaux
la matrice du monde
***
c’est de cette Catalogne comme très pure harmonie
claviériste comme un soir sur les lèvres
la nudité silencieuse
d’un toucher de velours
qu’est l’angelico de Fréderic Mompou
***
ne m’oubliez pas
n’oubliez pas mes os
ni les astres
que j’avais dans la fosse
ni la Rue Taillandier
ni la Rue des Potiers
ne m’oubliez pas
mortels plombs de soldats
cruels sommes-nous
comme la mort
le silence
le désert
les chameaux
le bleu des villes
Rabat les vagues et les remparts
***
l’éternité à pas de velours
***
16 avril 2024
tes lèvres garderont ce frisson léger
qui lève avec l’avril
la sixte napolitaine
sur des feuillages neufs à reverdir
…
j’ai l’inspiration nocturne comme les arbres
***
… la mer dans son silence de sépulcre
***
« qui va mourir ? » demandait Mélisande
je m’éveillerai de l’éveil
d’un grand sommeil de blancheur
des yeux clos à venir les îles et les landes
***
23 avril 2024
avec Bach il a été dit que Dieu était mesurable
en hauteur
intensité
intervalle
durée
***
on est à deux pas de l’éternité
toujours
***
soleil sonore
soleil noir
astre mort
naine féroce
et buvard d’âmes
***
j’ai plus souvent vécu sous le soleil
que d’autres aux vents
séchant et froids
à ausculter le ciel
au carillon des beffrois
d’une joie démunie
***
l’éternité s’épingle en deux doigts de koto
deux pincées de biwa
***
j’ai vu les clignements d’albatros et les lézardes du soleil
dans les enfantements qui portent les faiseurs de rêves
et les colonies migratoires
le sommeil de Mai a l’oiseau de craie
sous les paupières
dormant comme une fille
aux chevelures aux épis de liberté
***
je navigue à ciel perdu les jeux de la chair
vers de futures cloisons de ténèbres
***
le sang s’adoucit aux épaules de l’été
de son contre-chant de pourpre
***
Dieu a effacé les esquisses de la Création
il a aussi laissé la nôtre inachevée
***
territoires des méandres de nos oripeaux de sable
houppelande qui crisse de crépuscule
mon désuni archéologique de tant
d’abyssales syllabes de l’ailleurs
verroterie de ma mémoire
col de cygne de mes amours mesurables
d’arlequin solitaire sur les tissus de la mer
qui ne navigue plus en petites chimères
je m’en vais hiérarque de mes nuits
mes nuages mon azur en bandoulière
***
27 avril 2024
« c’est pour moi l’heure de mourir » disait l’étoile
trahissant la nappe aux éclats parsemés
qu’avait lancé le laboureur merveilleux
depuis le fond des ténèbres
***
le crêpe de mes semelles sur la via Appia
aux cuivres anciens aux tambours
de vieille romanité
à pointe acérée des cyprès
***
c’est un monde qui s’achève
de trains fantômes
d’embouchures de cuivre
d’un Jéricho d’étoiles mortes
***
la tristesse des visages dans le bleu reverdi
d’un tombereau de bronze et de cloches
le temps d’un ciel
de ciel sans verrou
***
pourra-t-on aussi transitionner le cœur ?
***
j’ai bu la soif
l’inclination d’incendie
de la mer
je fus la proie du zinc
l’annexion du temps meurtri
ce sentiment de la terre
à ouvrir les archives de la chair
***
la cuisine française a la clarté de l’étang de Ville d’Avray
de Corot et du marbre de Cabassud
***
trompettes et cors d’harmonie pour dire la douleur
le cœur irradiant le seuil de la cathédrale de Salzbourg
…
J’ai ouï aussi une solitaire pauvresse
a scordatura
violoniste avec la Méditation de Thaïs
par surprise venue de loin
***
Mompou fait valse de Chopin
cette mer qui tangue à Barcelone
***
ma main pétrifiée cœur arraisonné
dans la ville se levant sur l’aurore
je te vis là loin dans la caducité
***
qui croire de notre fidélité de la nuit reconduite ?
les morsures de la mort nous griment
poitrail gisant
***
le fa mineur la nuit la mort polyphonique
l’extase langoureuse la fatigue amoureuse au sable d’angoisse
qui gît ici dans la lucarne
les meurtrissures les bleus et les blancheurs
des harmoniques sous les voûtes de Thoronet
où meurt Mélisande ?
***
28 avril 2024
me souvenant navigateur de Cap Sounion
***
j’écris mon nom comme Eluard au mur des libertés
je crie l’orage l’innocence de la fleur capitale
l’architecture de mes ailes d’oiseau
***
le cœur a soif
…
d’une grêle qui chancelle
…
d’une fissure
d’un delta
d’une valvule dans mes jardins d’apparat
***
nuits des soifs
nuits des granits
qui taillent
au miroir des ancêtres
poutre après poutre
au puits sans écho
***
la vie se meurt et s’émeut d’une vie qui se meurt
d’un visage disparu
d’une fragmentation d’égorgeur
de la plus ruisselante faille
d’un abîme bleu de naufrage
***
MAI 2024
mon cœur dans sa boîte à rythme mon cœur hachuré
qui draine des millions de fleuves
dont je n’ai souvenir des sources
mon cœur aux battements et lacis de sang
dans une forge silencieuse
***
… comme là
tombent les larmes de Sisyphe heureux
***
la beauté
comme le regard de l’autre dans la dissuasion nucléaire
n’est-elle pas le secret des plus secrets ?
***
La malaguena d’el niño de Almeida est d’un pourpre qui se couche
sur la mer
***
d’une noce à Montjuich dans les harmonies brèves et cursives
de Mompou
qui coupent comme des galops
de cloches graves et de larmes lentes
des ciselures en escaliers
…
à boire ces blancs nuages au sommet de la lyre
avec des arbres de matin
les cent et cent moments où la taille venant à l’architecture
je rendais à la pierre ce que le ciel distillait de résidu
de nos toujours éternels désordres
***
hommes de fin de siècle
hommes d’avenirs
de sacre de printemps
et de musica callada
***
d’un enfant naissant dans le berceau de fondeurs de cloches
…
le piano lourd d’accords
de ciels improbables
de désordre et d’orage
sur des chemins d’ocre de Pérou
de safran et parfois de bitume proche de la mer
***
le temps se donne-t-il la mort à l’arme blanche ?
… où j’engagerais des poursuites à perdre haleine
***
dans les chiffres de mon amnésie il y a l’enclume et la cloche
du temps qui s’écoule
***
le vent tisse ma voix d’un écho
chiffonnant le visage des arbres
à l’enclume qui porte ma parole
qui porte les accords du monde
à l’aval de ma future croissance
***
nous saurons partir pour un pays sans musique
où l’architecture serait remise au vent
où rien ne reviendra des cloches et des bleus
que prenait la mer de janvier
nous saurons rendre au vent la vieille mémoire
et les espaces empruntés
parties aux métamorphoses
les géographies d’un sommeil neuf
sauront-elles nous faire renaître ?
vieux gladiateurs d’argile pris au filet nocturne
meurtrissure après meurtrissure
saurons nous partir vers ces grands champs de soleils
à rendre haleine
à rejoindre
tel Colomb
un rivage nouveau ?
***
du ciel griffé je demeure avec toi
sur un seuil d’aphorisme
le temps dénudé
…
le crépuscule déjà versant
au silence de l’ombre
***
la voilure du ciel s’étant décousue
ces champs aux corbeaux
que refusent de vieux soleils
à la tendreté de la terre
***
je laisse l’aurore à sa chair
***
deux seules m’ont porté en leur sein
ma mère et ma mort
***
nous chavirons dans le visage du printemps
d’un avenir qui s’égrène
d’un fruit coupé qui s’épépine
de rire d’acier à générer la blancheur
de violences recluses
***
la brûlure crépusculaire de la violence
et du droit à la violence
***
le cri du ventre
l’acier de l’homme
de glaise
le cœur crevassé
de la chair
à perdre haleine
***
donne moi depuis ta nuit le nom de ton sommeil
donne moi de ton haleine les fleurs qui nomment
le respir de nos buccins
***
j’ai mis des couleurs Renoir sur les rivages
bleus de tes paupières
des pourpres Renoir sur l’empire de vitrail
criblé et solaire de tes nombres chiffrés
des bonbons et des étoiles fertiles
sur la langue de nos baisers
des sanglots Renoir sur le noir
toujours nocturne de tes ombres
de navire fantôme chargées de perles
***
dans le mouvant du miroir
au front des désastres
sur l’aigu diamantin
au plus bleu de l’ombre
***
mon étoile magnétique dans son Chili de Sud
dans la course hors saison de ses yeux de louve
***
rivages berbères assoiffés
villes bleues aux contreforts
de nuages blêmes
à lame d’arme blanche
à prendre la douleur de la soif
aux confins de Mai ou de Juin
tissés de notre sommeil
***
ma blancheur faiseuse de lys
mon oubliée
de l’Ulysse des retours d’ifs
des Pénélope
viendra-t-elle orphique les yeux dans les yeux
dans ma demeure hors les murs ?
***
la lumière les atomes ont fait l’effet d’une bombe
***
le temps cingle aujourd’hui
comme une rage
d’un vent capricieux
un été qui s’égrène
***
ce qui s’appelle perdre Dieu d’un soleil sans voilure
de toute nudité
toute pisane au coin d’un bar
galiléenne et sans espérance
***
rêve-t-on de mourir de la cité céleste
de Takemitsu
de ce secret de Mompou
ou peut-être d’un tombeau pour masque à venir ?
***
sans s’alarmer à mourir il n’y a plus de temps
***
S’AFFALA FOLIE
j’ai souvenir d’un Cap Corse dans sa lumière qui tombe
d’un couperet
et d’une ombre d’Ulysse
de ses mausolées hautains
et de ses génoises qui défient la mer
de leurs yeux morts
je viens d’un maquis que le temps a émondé
et gardé au flanc d’une maison meurtrie
les traces de couteaux de nos entrelacs sur la pierre
***
nous ignorerons les glossolalies vaines et les ténèbres
de ceux qui les prononcent
comme les éclipses de sens
d’un calice sur la fin venue de leur crépuscule
***
nous savions de la meilleure tendresse
ouvrir l’ombrelle
devant les infinis de la mer qui nous regarde
***
« lancé dans des circonstances éternelles… »
venu d’une hasardeuse origine
d’un unique nombre
d’un pi peut-être
à faire de nous cet indivisible
peuplement de nous-même
***
ce temps flétri atomisé
platonicien
dans la chair
loin de la ville du ciel
au plus proche de mon balcon
l’aurais-je ouï ?
***
c’est a fresco la réinvention de la terre
la nuit en âme de notre mort
venue à l’occis prurit de mes espérances
***
la nuit pose
insinuatrice
la mort
sur la lumière des glas
***
loin dans la nuit
sous l’archéologie
de nos hautes paupières
pierre après pierre
***
j’avais saigné de tant de roses
et de tant de Ronsard
au bord de mes pierres
j’avais crié mon nom
comme le tien
la main dans la main
aux champs fertiles
aux débords de nos sourires
je sais les volières les goélands qui crient
la faim de nos bouches
l’une dans la vague de l’autre
***
mes peupliers portaient tes paupières de fièvre
à notre passage des sources
***
nuit peuplée de jonquilles d’incendie
au plus profond discrédit battant paupières
aux nuits de mon enfance
j’ai fui la nuit l’imprescriptible rosée
venue comme sommeil avec les pas répétés
sur l’agonie de nos rivages fertiles
Juin 2024
j’avais déjà dit oui à la flambée incendiaire de notre été
puis j’avais déchiffré les noms de nos tombes sur le ciel
la statuaire
les fontaines
la ville à vivre dans ses cercles du vivant
avec la tombée du jour le glaive qui délivre
l’apparition du carré d’enfance d’un jardin de foudres
***
PEGUY
les champs du plus beau blé de la terre
demain complices et au cœur de la foudre
aux cimes des flèches de la cathédrale sans pareille
***
je porte mon cœur aux clignements fiévreux de paupières
dans l’inflammable trajectoire de nos yeux
syllabes après bégaiements
***
nous avons jardiné le champs caverneux des intercession du soleil
les dorures blêmes et les contre chants des amours déchiffrables
***
Sébastien martyre
dans sa chair de soleil
dans son apparat
qui respire
de sa flèche
d’une mort tétanisée
maniériste
de ce visage de Dieu
pour lequel rien n’est fini
***
nous laissons les vents hurler la peau du ciel
dans ses coutures dans ses gantures
les galions aux étoiles
se perdre dans la carte de nos hasards
Gémeaux en Orion
à la violence du temps et des a fresco génois
plus loin que l’Amérique
dans leur marche nocturne
***
je m’offrais l’insolence des garrigues
des roseaux et des vieux canassons
de Camargue
je gardais le rire du monde entre les jambes
et la violence qui me crie son azur de part en part
***
tout ce qui est soleil brille dans le creux de mes poings
comme tout azur toute faim
à chaque étoile proche
sis ma ruelle
éclose et close des fontaines
mon gouffre alarmé de lendemain
***
dernier fruit de l’hiver
la nuit a ses arpents
***
la ville où je suis né est évidemment la plus belle du monde
***
« … l’enfance comme un paradis perdu… »
la grange et le feu dans la nuit
la carriole et les arbres au loin qu’on abat
le vent de l’arbre qui tombe
et moi l’âge de ne pas savoir
la mort est monté souvent dès ce temps béni
où les nids d’aigles se confondaient
avec ceux des moineaux
les serpents avec les frayeurs crépusculaires
écrasés sous le talon de l’oncle qui riait
la vie la mort en ce temps de vieil enfantement
de vieux triomphes
d’avant le jour disparu au buvard
de cette mémoire de ma croissance
***
COMME
comme disait Max « …mathématiquement passer la mort
sans plus conscience composée de soi… »
***
Benjamin Vautier s’en est allé trompeur trompé
gailleur en piperie
comme il est dit dans la langue de Villon
***
comme à arrêter le sens de la terre
les soleils de juin à poser leurs dards
plus vifs que l’eau
nos baisers ne s’arrêtaient à aucune fontaine
***
comme Icare dans sa chute en tempo largo
**************
devrai-je aller vers la blancheur des pôles
dans celles des bras nus de femmes
dans un monde meurtrier
sans miroir où s’engloutir ?
***
… le ressac menant au sable
l’écho de nos noms murmurés …
***
je m’éveillais dans un souffle neuf de garrigues
***
l’entaille sur l’arbre de toi et moi
le cœur dans la flèche
et la flèche dans le cœur
le brelan noir et rouge renard
l’altération du souffle
aux marches des tombeaux
***
j’aurais été riche de mes larmes
au coin du mûrier
cité des voûtes
et de rivière
d’un possible jour de novembre peut-être
***
la vie rieuse de quelques paupières obliques
la poésie soufflant à la gorge
des gibecières d’amour tranchées
***
la romance est à portée de marée
de longs sables de patience
à portée de limousine
de tes prunelles noires
***
j’ai le pouvoir de mesurer la vanité de mes angoisses
***
je reste dans l’existence de ta fontaine ténébreuse
ce carré d’enfance qui nous embellit
***
j’avais enclos la mer dans les profondeurs
de tes bleus
un dimanche de craie au lieu-dit
de Béatrice au pont de pierre
le cerf-volant qui servit de foudre
et de vie promise
m’avait suivi comme Icare a cru
que la mer vacillait
c’était un temps blême d’aurores froides
dépenaillant syllabes après syllabes
la sauvagerie des vers du Dante Alighière
***
l’enfant de l’exil frappe doucement des talons
le flanc du canasson autant qu’un Christ
pénétrant l’urbis de Jérusalem
il a l’or des couchants dans les yeux
et les galops du vent pour crinière
***
Chateaubriand a rapporté d’Orient
les cèdres du Liban
***
ma poésie soleil debout
c’est un frisson de la chair à l’encre violette
***
la lagune avait mangé le bleu de ce qui restait de nos rivages
l’ombre de tes paupières aussi bleue en cette closerie
d’airain dans le Vaucluse où le chemin de Pétrarque
murmurait des tristesses de pluie sur nos sentiers d’émeraude
***
je m’étais donné la mer à boire
l’engouffre des détresses
et les valises fragiles à traverser le temps
cabossant quelques ornières
d’une chance oiselant de lucarne
donnant sur des nuits irréparables
***
nous étions en armes comme Césaire disait
miraculeuses en armes avec les nuits
en quenottes
et squelettes
à la trompe
et au sifflement du vent
***
était-elle dénudée sous la lune
d’un cœur saltimbanque
au collier des fidélités
restées à quai ?
***
dans le lit une fois plus conjugal
ne restait au sommeil durci
que l’intelligence des fleurs
***
l’oiseau s’enlise dans le nocturne noctambule
***
René Char je te relativise aujourd’hui
sentencieusement
entre proverbial et prophétique
Philippe Jaccottet : « Porteront rameaux … » le Nu Perdu
***
désirée des lys de nos délices en lices
***
architecture de lumière
cruauté d’autant de nuits
***
j’ai le rire libre comme la fureur du cristal
***
après la mort on ne saurait se percevoir dans l’état de néantisation. Il n’y aura aucun regard possible sur celle-ci.
l’Etre et la Mort étant inconcevables
***
marcherions nous en un champs de métamorphoses
d’un juin lunaire aux baisers de pétales rouges ?
***
les aigles déployaient leur chrome
aux épaules des vallées
dans le secret des silences
dans le sifflement des couteaux
du vent dans des noces de sang
pareilles aux vignes amères
de l’oiseau apatride
***
l’usure des châteaux et la ruine des promesses
décachetées
celles de lèpres belliqueuses
d’une humanité qui s’écroule
le ciel de ces temps-là avait le belliqueux d’une humanité qui s’écroule
***
les petits amants de l’Olympe s’animaient
frénétiques de Vésuve crépusculaires
***
c’était une lune dévissée
une abandonnée des étoiles
petite Corse de nuit
pareille
toujours conquise
jamais soumise
***
visage premier d’un monde qui naissait
à la blancheur odorante des linges
des marées lentes
des sables et des terrasses
des murailles poreuses
et des cigognes porteuses
de nos errances futures
***
l’aurore sera-t-elle blanche au seuil de nos paupières lasses ?
***
cercle d’enfer cercles de ciel
cerceaux du monde
toupies des astres
comme ainsi tu vins à moi
***
comment lisser les traces de notre mal ?
Juillet 2024
c’est la mer entière qui se jette au cou
des plis de la nuit
bateau sans retour
dans les abîmes de la métamorphose
la quille labourant des routes stellaires
jusqu’à l’inrêvé de persiennes
sur le cœur de migration
d’un long choral tu
de falaises qui se dressent
***
galets contre galets s’entrechoquant
la mer chantait un répons tectonique
en écho aux tortures auriculaires
de l’Ulysse enchaîné
***
c’est sous l’avalanche de vignes des vigueurs de l’été
et de routes tendres
le coquillage qui disait à l’oreille cette chanson
montée des puits de l’enfance
ces premiers bonjours de la terre
longtemps restés aux accoudoirs et aux balcons
du chemin maintenant qui s’éloigne
c’est aujourd’hui le crépuscule sur l’épaule des collines
et son pourpre qui se fige
ce précipité d’un cuir de carrosse de l’automne avancé
***
les usines sont vides les mosquées sont là
***
elle était la Cassandre invitant à gravir les degrés
les décombres
à l’accolade du soleil
les cadastres d’Orion qui avaient sculpté
ces îles du Chili
ces ponts de soupirs
de nocturnes de peaux orangées
mes deux moitiés frileuses de dérision
***
les anges de mes églises n’étaient que l’image
dédorée
qui faisait descendre des morceaux de ciel
d’un beau champagne sur mon enfance
***
après bien des ronces et des genoux écorchés
je m’en irai solitaire dans la ville ébréchée
mon Ronsard parmi les roses
***
à fendre le ciel la pierre durcie
le feuillage crissant sous nos pas
qu’a le pourpre aux lierres des tombeaux
la nuit dans ses éperons d’or
***
merveille ces vins de Vaucluse à l’âpre pierre à fusil
d’un fond de gorge à flanc de Ventoux !
***
Orion s’éprend-il de mon gémeau constellaire ?
***
j’avais perdu le quai de l’albatros
le balcon sur la baie des anges de Raoul Dufy
qui était peut-être celui de son frère Jean Dufy
…
l’élégance du soleil irradiait de polémiques sur nos boutons d’or
***
avions–nous été heureux et solaires aux racines de chêne
aux baisers de l’amoureuse
aux yeux de phare bleu
à l’estuaire où se suffire
en son beffroi de sables kyriant aux carillons
les chorals des morituri d’amour
heureux et solaires aux racines de chêne
***
cheminant sur de tectoniques anacrouses amoureuses
le baiser de Naples incendiaire
***
à quai
sentir s’accroître le grand fado des départs
d’un diamant qui aiguise la ligne de chant
la chevelure de la mer défaite
le baiser oppressif des vieilles morsures du vent
***
petite âme perpétuellement nue
à vivre à découvert
aux boutons d’or de ce qui revivait
aux prairies
aux chapeaux par terre
allongées étiez vous
aux robes printanières
reviendrez vous toujours comme poussins
qui faisaient taches
dans la verdeur et la vigueur des herbes
de ces années-là
quand ma mère disait
nous reviendrons après la mort
et ce sera dans ce jardin
en costume d’adolescente
***
la nuit porte ses lumières dans un livre d’airain
***
cinq heures douze aujourd’hui
au premier pépillement d’oiseau
porteur de clarté
avec les anges endormis
à déganguer de la nuit l’infâme
***
Wagner ce nom lui-même comme une pleine mer
***
De Colmar
Bach en automne
rue des potiers
le Jonas de Dadelsen
d’un Goethe en Alsace
à l’observatoire des nuages
nuit venue mon nid de cigognes
d’encaquettement percussif avant l’orage
***
L’église à ventre de femme
de voile lazzuli
de misère les bras au ciel
à la Caravage
à donner ses dentelles
aux boutures de l’ombre
***
femme dans la fleur d’anxiété
femme de l’ennui
au ventre de baleine
au petit coquelicot
au fil de l’épée
de ma main d’homme
dans une nuit de Jonas
dans la vigne à mûrir
des confitures d’aurore
***
resteras-tu silencieuse à l’estuaire
de cet océan qui s’en va diluer
nos paroles décisives
***
j’ai une amertume de vigne
sur les lèvres de mes hérédités
***
je suis chilien dans ses neiges
vigneron héréditaire en Alsace
long opérant sur les rivages
d’atlantique
de sable et de sable
vers lesquels
de la bouche de baleine
revient au sommeil
la verdeur nouvelle de Jonas
***
Louis te souviens-tu de rivages d’Ithaque
de ces ponts de Prague
à Saint Guy
de la voix de Malastrana
sur ces rhapsodies de Smetana
sorties de prisons de briques rouges
ces rêves bleus de Martinu
à la nuit garance la bouche du cuir et du noir ?
Louis comment périr sans les lettres de Pascal
et les volcaniques givres de très volatiles
humanismes
sans la foi sans les anges les ex voto
le cri des loups et le tympan où pleure
à Sigolsheim
un Petrus les clés contre la bure
et la main qui s’abandonne ?
*
je te suis dans les chemins de perles qui ne sont ni de pluie ni de pierre
… au clocher à vrille de l’été
à deux voix
à la tierce
************************************************************
nos visages se mariaient à livre ouvert
comme à l’octave de notre miroir
d’une nudité aux mors des métamorphoses
soleil
d’un temps consumé
***
je parle d’un continent déchiffrable
hors d’une citadelle raisonnable
***
pour quand les cantiques et les rosaires du crépuscule
ma passion timide s’en allait définitive
au meilleur de nous-mêmes
dans l’irradiant séjour d’une crypte habitable
***
je n’engage personne à baliser mes songes de montgolfière
au vineux du Ventoux
je n’en désacclimate personne
***
c’est le ciel qui dessine des lèvres une forteresse
de baisers
un mur de cavaliers d’Apocalypse
dans l’église romane
un mur sans raison native
une éternité chauve de passions refroidies
*
je fus muraillé
atlante au portique d’Aristote
dans les cadenas du temps
***
c’est dans ma rue que naissaient les oranges
d’un côté
les nèfles de l’autre
le côté disparu de tous les livres
les seins naissant
les lèvres quittés au lilas
ce fleuri des îles
à l’enfouissement de ce qui parlait d’éternité
nos anciens baisers tout chlorés
***
des fruits aux lèvres
dans la fleur d’or d’arc en ciel
la chair demeurait roulis de soleil de Juillet
pour vivre ici ou gésir sur la terre
***
c’est un cœur à respiration de corail
à éclat de vitrail
Août 2024
dans l’armoire à souvenir ce sont les habitants des petites lunes
d’argent
le réveil des belles au bois
des théâtres en carton et des épopées
des rois et reines de mousse et de chiffon
qui ressurgissent
les soldats qui défendaient le sommeil de plomb
de mes nuits bleues
de ce temps que l’existence n’avait accosté
la rive du continent des ombres
***
je reste dans l’invisibilité des règnes du haut
***
dans les archipels du cœur les vaisseaux labourent
d’une patience circulaire
***
c’était mettre à nu la tentation de Saint Antoine
qui disait « je suis la planète habitée »
les pleurs qui défont les orages
à la chevelure de Grünewald
la pamoison des remords
des vents à rire du temps obscurci
des maîtresses tragédiennes à la morsure
des lèvres
chignon haut
tympan d’Autun et de Vézelay
je traversais les églises à profil de vignes
au baiser réveillé
à l’aiguisement de l’adieu
cor d’harmonie du fond des espaces
qui timbrait l’oblitération du pays natal
***
les montagnes de Richard Strauss grises et roses
informelles et cassantes
comme au murmure d’un matin sur les lèvres
***
Petrus de pierre il inaugurait l’homme du remord
homme aux clés du ciel
sous les poternes de l’azur
sous sa pierre de pain d’épices
au tympan de Sigolsheim
il sourit sous les plis de la bure
comme violon de cœur du frontispice
***
de verbe et de mors
des mots à faire tomber la neige
tuilée de bonjours tristesse
de baisers d’hiver à l’emblavement de ces sillons
de Monet de Giverny de Debussy
de Moret sur le Loing
à l’eau sur la bouche
des foudres à la flèche de Chartres
aux clochers vrillés d’Alsace
aux vierges ouvrantes au cœur du monde
aux linges de la Passion
au Chanturgue et ses volcans
au chœur de l’architecture
à la rue qui monte à Vézelay à ses dentelles de pierre
à ses vignes naines
aux imprécations de Saint Bernard sur la colline
à l’ébène forcené des chevelures
aux sillons balsamiques des Schumann nocturnes
à faire tomber la neige
Michelangeli et Samson François compagnonnant
la Vienne des valses
aux chopines de Chopin à la Place Bellini
mon cœur tout à eux à engranger
les aspérités caravagesques
le doigt de Dieu toujours sur l’obscur
de telle sonate opus 11 loin de la mer
loin des astres à l’ivresse de nos vignes
à faire tomber la pluie
et les Delacroix des désastres
mon souci d’embarcadère et d’albatros
j’arrimerai aux cordages les voilures du toujours
Claude de France au Ravel chevillé
de ces Baden-Baden de pierre tombale au numéro 7
à clore ces autres avenirs
ces futurs comme un poinçon
ou un cachet de cire sur le cœur
***
elle était dans le chapitre de la Création ce serpent
qui définira les semailles
les yeux absents à toute métamorphose
par ces masques de mort et ce carnaval conjoint
des semences triomphantes de l’été
aux robes luxuriantes et aux baisers d’Eve
mortuaire et tombale comme pomme tombée
sur la bouche gémellaire
de lèvres qui lièrent Adam aux racines
d’un temps d’horloge
au baiser rouge de notre finitude
***
je suis revenu des désespoirs par des parfums d’orangers
***
le braquage du ciel est essentiellement le braquage du siècle
***
Gloria de tout ce qui touche à l’étoile
et aux nuits froide de Castille
les dés du hasard ont fait venir les cavaliers
pour un règne de désert
d’anciennes vies se souviennent des lierres
comme des pluies sur la pierre
les paroles pareillement anciennes
au trébuchet
à assaillir un printemps d’une flambée de Dieu
récoltant la mer comme une nudité illusoire
***
ce ne sont que des aigles
ils se hissent comme des pages
d’abécédaire
vers le savoir
un dimanche dont les douleurs en tiroir double
s’insinuent dans les fados de la ville
des vents d’ignorance
franchissant les ciels comptables qui
comme la bise et les buzzards
dessinent les griffes obscures
au centre de la cible
***
qu’engendraient les pas furtifs de l’homme maigre
de Giacometti
les paysages noirs perchés au ciel
aux granges brûlées
de Giacomelli ?
***
nous grimpions aux branches des arbres
de ces nuits mutiques
avec quelque fois les dômes de la lune
que je pensais aux étés de Naxos
à ces embruns lourds qui rongent la pierre
la pensée d’Aristote et les cordages
de la vie promise
ces javelines dans ses sources de midi
***
Bergheim dans son « jardins des sorcières » avait ce nid à livres où je dénichais, dans le plus grand arc-en-ciel, le Jonas de Jean-Paul de Dadelsen. C’était toute l’Alsace qui nous prenait dans ses bras.
Septembre 2024
dans la poussière des psaumes
à remuer la plaie
nous donnerons blanc seing
aux ruines à venir
…
aux butoirs des crépuscules
apparaît la lumière dissoute
et la nuit la plus haute
la lune qui inflige les marées
***
d’un Chili sans faille
toujours devant
***
nulle réconciliation avec l’ombre
…
on s’y prépare
***
et tant qu’à faire naufrage
vivre le cristal
des ongles qui creusent
abolir le tutoiement des morts
la quadrature des désirs
dans sa fanfare de lumière
***
c’était de hautes voilures d’orage et de jours
à flanc de neige
le cœur dégrafé
de nos roses devenues cendres
la violence qui vendange
a fait croître l’existence
comme la blessure a accru le pourpre
de révoltes métaphysiques
à gorges d’oiseau
à polyphonies d’avril
c’était une naissance qui randonnait
aux éboulis du souffle
aux contre-chants de lavande
au labour nocturne
à une mutilation d’infini
***
dans les gares qui gémissent
les salles des pas perdus
dans les résistibles solitude du jour
désarmés des chemins de halage
d’impardonnable chants perdus
de rossignol
j’étais au passage d’Aveyron
au petit Saint Antonin Noble Val
dans sa chambre d’amour
le miroir glacé de ses eaux
le désordre inversé qui lui faisait front
***
la nuit porte ses lumières dans un livre d’airain
***
l’aigle de craie innove de caprices de ciel
son chemin de crépuscule
***
restons philophobe
sceptique démiurgique
phobophile
d’une vraie fausse raison
***
passionnément nous investissions
les plus hautes rationalité de la mer
nous n’avions commis que crime d’amour
nous n’avions que courbé nos ailes d’ange
surplombé l’anfractuosité de nos failles
***
des fenêtres se sont ouvertes
sur de houleux torrents d’avenir
***
soleil antique qui s’allie au sel de Naxos
***
de Bacchus et d’Ariane de ces terrasses blanches
à Naxos
de cette séduction au portique de pierre
je sentais des ciels de halage à l’effilage de l’embrun
les larmes qui tombent
***
cimetière Saint Nicolas
d’une ville proche des côtes normandes
dont j’ai perdu le nom
…
il en venait une mort lucide
d’odeur de lierre
d’acanthe
de lit froid d’étoile éprise
au billot de sa source
…
enclose patience d’un vieux sang nomade
dans sa lumière cassante
***
mosaïques en franchise qui s’ouvre à la lumière blanche
un théâtre de Poussin dans Rome en décombres
mesurant les jeux asservis auxquels nous fûmes enchaînés
les mains dociles à travers les brumes et les palais
aux lyres furtives
nous avions franchi les opacités orphiques
***
de blessures en blessures
de sagesse en lyre lyrique
de Davis en Abraham
l’âge roman a tissé dans la pierre perdue
un nimbe de sapience
au forage du trépan
***
tournesols brûlés de la fin de l’été
tête basse
***
si vous m’aviez cherché à l’engouffre des vents
l’austère beauté du plus haut rupestre
y aurait chuchoté le dentelé
d’un temps qui m’avait précédé
***
Max Pappart est-il encore vivant ?
***
je garde mes yeux dans le ciel
de sillons gravés
les boucles d’or de Nazca
***
Octobre 2024
mes vers noirs et blancs
en quatuors tressés dans la pierre
***
dans les cimetières ce sont les oiseaux
qui parlent le mieux des morts
parachevant les paroles mutiques
***
la lune me défend de mes propres ombres
***
en ces années-là les étreintes de la soif
s’étanchaient à leur source
d’une pauvreté de pierre
comme de leur trône de sable
dans des éboulis d’aurore
je lui voyais un visage de métaphysique
lissé comme un Raphaël
qui aurait eu l’élégance de la faim
la pâleur qu’ont certaines statues nocturnes
et leur incendie dévorant d’avoir su naître étoile
***
quel goût ont les nuages
quel rose ont les flamands roses
ce sont les questions que je posais sur ses lèvres
***
en vain tournesols fussiez-vous
proches de la lumière avant votre naissance
la perpétuité du monde
bordée de phares
nous aurait-elle rendus aveugles
de votre orgueil de voir
tourner morsure après morsure
l’azur jubilant sur vos océans en rangs serrés
***
je m’inscrivais sur une partition du temps
noires après blanches
de nuit sur ivoire
d’étoile d’acier déconfite
noctambulant la vie somnambule
***
… aux pagodines à la peau de neige
la morsures des pluies de Juin …
***
Je repense aux premières chansons de la vie
au bleu au rouge et au vent
aux arbres aux coloriage du matin
à la première nuit
aux éclats des vagues
à la chaleur du sable
et aux visages aimés aujourd’hui disparus
aux murs blancs qui n’ont jamais manqué
dans le pays de soleil où je suis né
– et tu as continué de vivre ces bleus, ces rouges ! …
– non, je parle là de mes tous premiers bleus du monde.
***
paysages lunes et non advenues
résurgences de vieilles dorures
aux boucles d’or et roses de Cahors
au languissant dynamité des vanités
***
pourquoi ce deuil cet albatros ?
***
femmes vous souveniez vous de l’ombre des résurgences ?
***
James Coignard se souvient-il encore du temps
que son père l’avait prénommé
du nom d’un crack qui aurait pu remporter
Vincennes ou l’Arc de Triomphe ?
James Coignard règne-t-il encore dans les galeries
de New-York
se souvient-il vertige à bride abattue
bouteilles flétries
de Louis Marchand
de Fondettes
de la Loire
de Tours
et de la tour Charlemagne ?
***
Helmut Lachenmann serait-il si grand
se dépouillant de toutes ses scories … ?
***
et de mon dieu de l’enfance toucherai-je les étoiles ?
***
resterions-nous dans l’équité native
souffle après souffle
à nous éterniser ?
***
dans l’ablation du temps le nom de néant a son avenir
dans ces aurores de Chili aux canines de chiens errants
***
le temps s’inscrivait dans une lucidité d’enserre
et d’ensorcellement
griffure contre griffure
***
comment serions-nous roi et reine d’argile au cœur des retables
des ruelles
des Sébastien au cri de la flèche
à cœur du monde
dans le pli des lèvres faciles et dédicacées ?
***
je suis aveugle aux yeux du soleil
***
ma nuit est blanche et noire comme sa chair mesurable
***
le soleil avait certaines lunes au lieu-dit de ses masques
***
je m’en allais libre avec des lèvres de nuage
***
mon temps m’épuise
***
poussière
mausolée je sais le roi qui rentre dans la fosse