Chili (notes)
(notes lapidaires)
décembre 2010
Ce voyage est le fruit d’une conversation au mois d’Août, autour d’une table arrosée, où Francis, devant mon enthousiasme à parler des pascuans, sans que je connaisse leur culture, me propose un séjour au Chili. Mais nous n’irons pas à l’île de Pâques et nous ne le savions pas encore…
15 décembre
C’est fini avec Nat avant d’avoir commencé réellement. Les journées de bonheur volées à la tristesse et à son état psychique fragile sont derrière nous. Subitement, sans appel. L’âme slave est chaotique…
Roissy. Nous prenons le vol de nuit, Boeing 777 à l’arrière du « cargo ».
Mato Grosso, Gran Chaco défilent sur l’écran à défaut de trouver le sommeil…
Au matin du 16, en descente sur Santiago, l’immense massif de la Cordillère à portée de main ; nous tutoyons l’Aconcagua. 30°.
Taxi pour les 130 km qui nous séparent de Valparaiso la fascinante.
Déjeuner au « Filou de Montpellier »
Nous logeons chez l’habitant, au Cerro Alegre, colline de couleurs et de quiétude.
Nous adoptons un bar, près des quais du port, « la Piedra Feliz », vin rouge carmenere.
Le même soir, comme il devient évident que nous sommes français, nous sommes sollicités pour faire partie d’une dégustation de vin. D’une Dégustation à l’autre….
Rencontre de Corrina, magnifique brune, et Franco qui anime la soirée. La dégustation tourne à l’ivresse collective…
Rentrons par les ruelles désertées de la nuit.
J’ai eu Hélène au téléphone. Elle a vingt-trois ans.
17 décembre
seconde journée, le port, son grouillement intense. Déjeuner dans un restaurant de marescos dans une rue parallèle à la mer. Un joueur de trompette.
Tout au long de notre traversée de la ville, des fresques murales, des sculptures, Valparaiso est un musée de rue…
Nous prenons deux fois le funiculaire, grimpons sur une colline au sud de la ville, au-delà de la maison bleue accrochée à sa colline.
Tentative de vol à l’arraché. Un gamin qui s’est fait certainement très peur…
« La Sebastiana », maison de Neruda, qui domine panoramiquement toute la baie.
Un bar en milieu d’après-midi, rue de la douane (Rue Cochran)
Valparaiso est la ville des chiens clochards.
18 décembre
Déambulation, beau temps. Quartier Ungay, sur les hauteurs qui jouxtent la maison de Neruda. Une demi-heure de bus.
Retour au port. Boissons. Toujours rue Cochran, bistrot mythique, « La Playa ». Nataly nous sert jusqu’à la nuit tombante.
Soirée au second étage d’un petit resto avec Valparaiso déployée dans un costume de nuit, nue, comme une guirlande, une vision de la ville à 180°…
Points communs de San Francisco et Valparaiso :
Deux villes sur le Pacifique
Deux ports mythiques
Deux villes où la créativité s’inscrit dans les rues, sur les murs, sur les portes ; couleurs de partout…
43 collines à San Francisco, 42 à Valparaiso
L’une se surnomme Frisco, l’autre Valpo
L’une a Big Sur et Kerouac à proximité, l’autre a l’Isla Negra de Neruda
SF a des cable car , V à des ascenseurs vertigineux…
Ce que l’une est au Nord du continent, l’autre l’est au Sud.
19 décembre
Départ de Valparaiso en pullman pour l’Isla Negra où Neruda écrivit ses poèmes face à l’Océan. Notamment El Canto General. Déjeuner en bordure de route où le bus nous avait laissés.
La mer, de l’encre. Noire. Des algues, un souffle, une marée d’odeurs, le sable blanc. Je rencontre une belle chilienne qui me prend par le bras, qui dit me connaître, qui pense que je suis argentin. On se parle je ne sais trop de quoi ; elle ne reste qu’un jour ici, elle travaille à Valparaiso; Francis me dit que cette rencontre est né sous le signe des embruns de Neruda ; c’est dimanche. A nouveau le car en milieu d’après-midi ; toute une nuit de trajet jusqu’à San Antonio. Il fait déjà frais.
Nous avons mangé du congre ; deux fois aujourd’hui.
20 décembre
500 Km plus au sud, passant par Santiago, une jeune femme un peu perdue nous indique au Terminal les départs pour Temuco. Je parle à une dame des 20 poèmes d’amour et une chanson désespérée… Longues plaines très larges, un peu monotones, puis la végétation s’intensifie. Beaucoup de platanes géants, des saules pleureurs gigantesques, des vignes et vers la fin, près de Temuco, des conifères en forêts profondes. Deux sommets en forme de cônes nous accompagnent à l’Est. L’un d’eux est le Villarica.
La lumière rasante donne à Temuco un relief plus enchanteur que San Antonio.
La ville est plus riante, les préparatifs des fêtes font penser à la Colombie. Le confort chez une logeuse est toujours minimal.
Soirée au snack ; le vin rouge est très bon, la serveuse, ronde et souriante, est ravie d’avoir deux Français.
21 décembre
Ciel très sombre. Il fait froid jusque dans la chambre. Les rues sont désertées, il est très tôt, la galerie marchande n’est pas encore ouverte. Un clochard nous indique du regard où trouver la chaleur d’un café.
Location d’un pickup Chevrolet ; un gros moteur. Le ciel se lève vers 10 heures, plus aucun nuage. Nous abandonnons le projet de Chiloë, l’île humide, pour les volcans à l’Est. La chaleur est de retour. Le sentier du lac nous mène vers des paysages de bout du monde. De grosses ornières, des gués, de rares habitations. Le volcan Villarica est face à nous, où que nous soyons, majestueux, d’un cône parfait, lissé d’une robe de neige éternelle. Nous nous hissons jusqu’à mi sommet. Les arbres sont pétrifiés, la végétation se confondrait à des paysages africains.
Pucon… station balnéaire au pied du volcan. Je le touche presque depuis ma fenêtre d’hôtel.
Village féerique dans la douceur de la soirée. Pleine lune. Le Villarica rougeoie faiblement autour de ses lèvres. Je m’endors probablement en le regardant. Sa masse conique tranquille. Comme une présence de fantôme.
22 décembre
Route de Currarehue. Puis « ascension » du volcan Lanin, 3717 m. Nous le contournons, toujours sur des pistes de terres et de caillasses crevassées. Prenons deux américains en vélo qui se rendent à Ushuaïa. On leur tient compagnie quelques kilomètres dans cette poussière des pistes, ils tiennent à vivre leur aventure à vélo.
Le Lanin est encadré d’araucarias géants. Le matin, merveilleuses routes de printemps, fleurs jaunes, peupliers immenses, un lac au pied du Lanin, reflets émeraude. A midi nous déjeunons au charmant village de Currarehue, chez les Indiens Mapuche, d’un excellent cazuelo. On écrit sur leur livre d’or.
23 décembre
destination l’île de Chiloë. Nuit au bord de mer ; cette île sera le point le plus au Sud de notre séjour ; nous sommes déjà au Nord de la Patagonie.
Hôtel jaune et bleu – à Ancud – le midi, perdu dans un village, déjeuner dans un resto absurde où nous attendons deux heure pour un morceau de porc infect. Ici toutes les femmes sont des Suissesses.
Chiloë nous est présenté par un vieil homme qui parle couramment français. Il nous éclaire sur les 16 fameuses églises en bois, classées au Patrimoine Mondial.
24 décembre
presqu’île à partir de Castro. Visitons les maisons sur pilotis à l’entrée de la ville, puis celle de Gamboa où les marées hautes viennent jusqu’au ras des pilotis. Très belle église au centre de la ville.
Alternance de ciel et de nuages lourds. Un temps de Bretagne, les paysages sont magnifiques, on y trouve de la Bretagne, de l’Ecosse, un peu des îles Anglo-Normandes…
Soirée de Noël dans un petit village de pêcheur, Quemchi. La chambre donne sur une petite place avec des maisons bleues ciel et une église jaune et bleue, qui semble une église en bois comme les stavkirks de Norvège. Passons une partie de la nuit à boire du Carmenere sur le balcon, face à la petite place. Nuit étoilée.
25 décembre
Réveil difficile. Route vers les deux églises de la péninsule. Ciel gris. Tenaun et Colo. Chemin de terre et piste grise qui font ressortir le vert végétal. Retour sur le continent, le ciel s’est levé ; la traversée dure un petit quart d’heure. Puerto Montt fantomatique, c’est Noël. Mais vers 16h les magasins ouvrent. Le quartier du port aurait mérité une soirée arrosée… remontons vers le Nord-Est. Soirée à Futurno, très beau village traversé par la route qui coupe le village en deux. Coucher de soleil sur le lac et en fond de village, les montagnes. Rues bordées d’arbres. Nous passons la soirée au fin fond du village, dans un bar billard d’un autre temps. Ron Coca, tenu par quasiment tous les jeunes du village. Nous nous accrochons au zinc.
L’Hôtel est orange, au numéro 90 qui traverse le village. Nuit de quiétude. Le jardin était très fleuri.
26 décembre
Grisaille. Vers Temuco, boisson avec Francis, il est en verve. Rendons le pickup, puis nuit dans un pullman. 9 heures de route jusqu’à Santiago au petit matin du
27 décembre
Location d’une Hyundai puissante. Santiago est une ville tentaculaire ; nous avons souvent confondu le nord et le sud , l’est et l’ouest… Nous sommes à la recherche d’un volcan sur une piste défoncée durant des dizaines de km. On a cru avoir une descente d’estomac…mais les montagnes de couleurs pastels sont éblouissantes. Nous avons un orage en fin d’après-midi, dans un petit refuge, ce qui nous donne droit à un magnifique arc-en-ciel. Tard le soir nous louons un bungalow, ce qui est le meilleur logement, même si parfois nous sommes à l’extérieur des villes.
(une jeune fille, le midi, en bordure de route, dans un improbable resto. Elle tapait le cul de la bouteille de Carmenere, ne sachant qu’il fallait pratiquer avec un tire-bouchon…)
28 décembre
Le Nord Est de Santiago, à la recherche de l’Aconcagua qui ne se verra que de loin, trop loin. Il ne se laisse pas approcher à mesure que nous montons vers Portillo, station mythique des années 60. Par mégarde, le village, minuscule (en fait il ne s’agit que d’un hôtel couleur canaris, et d’un lac face à lui, encadré des montagnes), en contrebas, nous nous retrouvons, sans l’avoir voulu, et n’ayant pas senti la frontière, en Argentine… sans dommage pour le retour vers la frontière où on ne nous tient pas rigueur de ce passage clandestin. Moyennant l’équivalent de quelque trente euros. Il restera de ce passage imprévu deux clichés d’araucarias argentins…
Nous traversons, vers la région de Quintolla, de magnifiques cultures d’arbres fruitiers.
Soirée à Quintolla, un des plus beaux villages (à l’hôtel de Spagna, irréprochable, tenu par des italiens). Le centre est très animé le soir, et très chaleureux.
29 décembre
Grisaille. Renonçons au Parque de la Campana. Direction Horcon, village de pêcheurs, hors du temps, sinon qu’on y trouve des traces évidentes d’un temps, il y a quelque quarante années où le village fut le premier foyer contestataire du Chili.
Des goélands au bec rouge et bleu, des mouettes qui mangent les restes à même les assiettes des clients (on pourrait les toucher), des maisons de bois en couleurs, des balcons fleuris, des barques sont tirées par des chevaux, tôt le matin…
Restons à Quintolla, soirée boisson.
30 décembre
Valle del Encanto et ses pétroglyphes. Un resto à hacienda, où nous mangeons du cabri. Les cactus et le désert. Barraza est comme une oasis.
Longeons la route qui mène plus au Sud.
Los Vilos, ville moyenne, portuaire encore, pleine de commerce comme il s’en trouvait il y a cent ans ; le soir, la lumière éclairant faiblement les rues, ces magasins donnent l’impression de regorger de trésors de pacotilles ou d’Ali Baba. Logeons dans une cabana face au Pacifique ; la terrasse en bois est immense. Francis et moi avons une chambre chacun, un mini bar. Buvons du Pisco jusque vers minuit ; le silence, le seul bruit des vagues à portée de main.
Nous avons mangé une superbe chupa de marisco chez Violetta. En parlant de codalie, et autre queue de paon…
31 décembre
Tout est férié dans les villages de pêcheurs, tout le monde se réunit dans les grandes villes et se regroupe en famille, donc repli vers Santiago. Nous avons longtemps hésité à finir le séjour à Valparaiso, ce qui aurait été logique et heureux pour nous, mais sans avoir réservé d’hôtel, il aurait été impossible d’y passer le 31. Santiago tentaculaire, verte, mais dont même les rues piétonnes n’ont pas de bistros.
Nous basculons dans l’année nouvelle dans un improbable resto au centre , où la seule excitations des chiliens de la capitale est de voir le feu d’artifice. Des milliers de personnes confluent vers le centre que nous quittons, à contre-courant, pour notre hôtel au bord de la rivière.
1 janvier
Nous rendons la voiture à Hertz, qui est fermé également ; c’est un gardien qui nous permet de rendre le véhicule. Une dernière curiosité, le Cerro du Santuario où nous dominons, sous la vapeur de midi, l’ensemble de la capitale. C’est l’heure des joggers, et pour nous, des dernières cartes postales, des derniers souvenirs.
Taxi pour l’aéroport.
Nuit, comme toujours, difficile dans l’avion, mais notre standby marche bien à Santiago comme à Paris. Où nous embarquons pour Nice.
Arrivée vers 15h. Céci est là.
Les Alpes étaient somptueuses.